LA RESISTANCE GRANDISSANTE
DES OUVRIERS ET DES ETUDIANTS
-13.000 travailleurs sont en
grève. 110.000 travailleurs ont annoncé d'autres grèves.
- Actions de protestation des
étudiants des universités dans six villes, contre la discipline de
caserne et les pratiques anti-démocratiques.
- Le Front National du Kurdistan
(ERNK) : "La résistance kurde est entrée dans la phase de la guerre
populaire."
- Pétition comune de 13.100
intellectuels au Parlement, sur "les droits fondamentaux et le pain".
- Grève de la faim d'ancien
prisonniers qui, malgré leur libération, sont constamment harcelés par
la police et ne sont pas autorisés à travailler même dans le
secteur privé. Et auto-immolation de deux enseignants qui ne
parvenaient plus à assurer la subsistance de leurs familles par des
salaires dérisoires.
ET CONTINUATION SANS FIN DU TERRORISME D'ETAT
- Des dirigeants de l'Association
Turque pour la Paix ont été une fois de plus condamnés par un tribunal
militaire.
- Des membres de quatre partis
politiques de gauche ont été condamnés, alors que des procureurs
lançaient de nouvelles poursuites contre des gens de gauche.
- La loi martiale a été prolongée
pour quatre mois dans quatre provinces de l'Est.
- Révélations par un journaliste
européen, dans le bulletin du CEDRI, du couvre-feu et des razzias
organisés par les forces de sécurité dans des villages kurdes.
- Özal a déclaré que
136 peines de mort pourraient être éxécutées à n'importe quel
moment.
- Le Ministre de l'intérieur a
annoncé que 1.683.000 citoyens turcs étaient cataloguées comme
"suspectes", et 13.788 d'entre elles privées de la nationalité turque.
- Nouveaux cas
d'arrestations arbitraires, de tortures et de mauvais traitements dans
les prisons.
RESISTANCE DE MASSE DES ETUDIANTS D'UNIVERSITE
Le14 avril 1987, jour où la
Turquie a demandé la pleine adhésion aux Communautés Europénnes,
des milliers d'étudiants à travers le pays ont refusé leurs repas en
protestation contre les pratiques anti-démocratiques dans le pays comme
dans les universités. A Izmir et Istanbul, des groupes d'étudiants ont
lancé une marche de protestation vers la capitale dans l'espoir de
soumettre une lettre au Président de l'Assemblée Nationale, consistant
en plaintes d'étudiants.
L'agitation parmi les étudiants a
atteint une grande ampleur, à cause du projet de loi d'après lequel
toutes les associations étudiantes devront passer sous le contrôle des
doyens universitaires et les étudiants n'auront plus qu'une association
par faculté.
Quatre jours plus tôt, un groupe
d'étudiants de l'Université Technique du Moyen Orient (ODTU) s'est
rassemblé devant le bâtiment de la présidence de l'université et ont
poursuivi leur action en s'asseyant tous ensemble dans le jardin. Quant
un étudiant a commencé à chanter un chant contestataire, il a été pris
par la gendarmerie. Ses camarades qui essayaient d'empêcher cette
action ont été eux aussi matraqués et emmenés aux postes de police.
Les actions de protestations se
sont rapidement étendues à six villes universitaires : Istanbul,
Ankara, Izmir, Bursa, Eskisehir et Adana. Le 14 avril, à Istanbul, la
police a fait usage de matraques pour disperser plus de 1.000
étudiants, et en a incarcéré 73. A Eskisehir, les étudiants
d'université ont boycotté le repas de midi et versé leurs plateaux de
nourriture dans les poubelles. Ils ont également marché pendant 800
mètres en brandissant des bannières disant qu'ils voulaient une
université démocratique plutôt que des raffles et des matraquages
policiers. Eskisehir était le lieu de rassemblement de marches des
étudiants à partir d'Istanbul et Izmir vers Ankara.
Face au développement de ces
actions le gouvernement s'est incliné devant les revendications des
étudiants. Le premier ministre Ozal est personnellement intervenu
en la matière et la Commission d'Education du Parlement a retiré le
projet de loi. Ozal a dit que le gouvernement n'était pas disposé
à contrer des protestations étudiantes à ce stade. Il affirme également
que les étudiants avaient été provoqués par divers groupes qui
trouvaient un avantage à créer des troubles et avaient été mis en garde
contre les "éventuelles visées subversives " de ces gens.
En dépit de la rétraction
du gouvernement , le 16 avril les étudiants ont continué leurs
actes de protestation et environ 250 d'entre eux ont été emprisonnés
dans la capitale, à l'occasion d'une marche.
A Istanbul, la police a usé de
matraques pour briser une manifestation de plus de 1.000 étudiants. Des
millers d'étudiants de diverses villes universitaires de Turquie ont
été mis en état d'arrestation pour participation à des manifestations
non autorisées.
Quant aux marcheurs venant
d'Istanbul, Izmir et Eskisehir, ils ont été stoppés par la police à
l'entrée d'Ankara.
Les Cours de Sûrété de l'Etat ont
décidé l'arrestation de 52 étudiants à Ankara, 31 à Istanbul et 300 à
Izmir. Alors qu'ils étaient interrogés par les Cours, leur camarades
ont recommencé à faire des grèves de la faim pour protester contre la
terreur policière. "Le régime répressif de Turquie essaye
d'empêcher les étudiants de s'exprimer contre ses agissements. Nous
voulons la libération de nos amis. Nous voulons que le gouvernement
montre du respect envers les libertés civiles et la liberté de pensée,"
ont déclaré les grévistes de la faim.
EXTENSION DES GREVES OUVRIERES
Comme l'agitation sociale grandissait parmi les
travailleurs qui se plaignaient de la chûte dramatique de leur pouvoir
d'achat et du refus des patrons d'augmenter les salaires, plusieurs
syndicats sont entrés en grève en Turquie. Avec 9.000 travailleurs
pétroliers en plus, affiliés au Syndicat Petrol-Is, menant l'action
dans 56 entreprises, le nombre de travailleurs qui sont en grève a
atteint 13.000 à la fin d'avril 1987.
Le Syndicat des Travailleurs Routiers (YOL-IS) a
annoncé que bientôt 115.000 travailleurs partiraient en grève.
On s'attend également à des grèves dans les secteurs
du bois, de l'alimentation, du plastic et des travaux du métal.
Selon un rapport publié par le Département Américain
des Statistiques du Travail, le travail turc est effectivement parmi
les moins chers au monde:
Coût d'une
heure
PAYS
de travail (en $)
---------------------------------------------------
Etats-Unis
12.88
Norvège
12.22
Belgique
11.73
RFA
9.60
France
7.80
Italie
7.66
Grande Bretagne
7.35
Japon
6.45
Hong Kong
1.75
Portugal
1.53
Taiwan
1.50
Corée du sud
1.41
TURQUIE
1.04
(Turkish Daily News, 23.1.1987)
Le Syndicat des Travailleurs Pétroliers (Petrol-Is)
a annoncé le 10 avril que les salariés ont perdus 57 % de leur pouvoir
d'achat depuis le coup d'état militaire de 1980.
Bien que les dépenses mensuelles en nourriture d'une
famille de 4 personnes (parents avec deux enfants) se monte à 120.000
TL (125$) et le loyer d'une habitation modeste à 100.000 TL (125$) à la
fin d'avril 1987, un travailleur pétrolier ayant au moins 20 ans de
service reçoit seulement 73.000 TL (91.25$).
Quant au salaire minimum légal, payé au moins à un
demi million de travailleurs, il est tout simplement ridicule : 28.086
TL (35$). Avec ce salaire, un ouvrier doit travailler 1 heure et 28
minutes pour acheter 1 kg de pain, 18 heures et 54 minutes pour 1 kg de
viande et 180 heures et 17 minutes pour une paire de souliers.
(Cumhuriyet, 2.3.1987)
MANIFESTATION OUVRIERE EMPECHEE
Une marche au à l'Assemblée Nationale prévue par la
Confédération des Syndicats de Turquie (TURK-IS) pour le 24 mars 1987 a
été empêchée par la police, qui a dressé des barricades autour du siège
de cette centrale syndicale.
Lorsque les marcheurs, forts d'environ 500
personnes, tentaient de quitter le siège, ils ont été confrontés aux
forces de police, casquées et gardant des clotures métalliques qui
cernaient les rues avoisinantes.
L'incident était le premier de cette sorte en
Turquie depuis le coup d'état militaire. Le Conseil présidentiel de la
TURK-IS avait décidé auparavant de faire usage de leur droits de
citoyen, en marchant jusqu'au parlement pour remettre une lettre
exigeant la démocratie complète et les droits du Travail.
Devant cette brutalité policiaire, les leaders
syndicaux ont brûlé, en signe de protestation, les lettres adressées au
Président du Parlement.
PROTESTATION PAR IMMOLATION
Un enseignant en retraite de 55 ans, Mehmet Bulgac,
en protestation contre non respect par le gouvernement des droits
sociaux, s'est versé de l'essence sur le corps et y a mis le feu,
devant le bâtiment du Premier Ministère.
Il a laissé trois lettres, l'une adressée au général
Evren, les deux autres au premier ministre Ozal et à sa femme. La
police a refusé de révéler le contenu de ces trois lettres.
Avant cela, le 9 mars 1987, un autre enseignant de
33 ans, Emin Orpak, étant dans l'incapacité de payer ses dettes de
688.050 TL accumulées à cause de l'insuffisance de son traitement,
s'est suicidé en absorbant du poison.
Par ailleurs, d'après les données de l'Institut de
Statistique de l'Etat, 234 personnes sont mortes en 1984 à cause de la
faim.
LA TERREUR D'ETAT TURQUE AU KURDISTAN
Un correspondant de plusieurs
prestigiuex journaux quotidiens a accordé au bulletin d'information du
CEDRI du mars 1987 un intreview alarmant dont nous reproduisons
ci-dessous certains extraits:
Question: En Europe, on parle de
la "démocratisation" en Turquie. Vous-même avez beaucoup voyagé dans ce
pays, et spécialement dans le Kurdistan turc. Quelles sont vos
impressions?
"On ne peut parler en aucune
façon de démocratisation. Les mesures du gouvernement sont comparables
à celles qui ont été prises lors de la 2ème Guerre Mondiale. Les gens
n'ont aucun droit, la présence des policiers et des soldats est si
forte qu'on compte environ 3 soldats pour un civil.Dans certains
villages, la population n'a pas le droit d'avoir des vivres en quantité
suffisante. La presse rapporte que chaque paysan a juste droit à la
nourriture dont il a besoin au jour le jour. Autrement, il est supçpnné
de soutenir des terroristes ou des séparatistes.
"Il y a deux semaines, le journal
Cumhuriyet a écrit: '9 millions de personnes doivent être évacuées'.
Probablement ce n'est pas vrai -mais on suppose que plus de 100.000
personnes seront déplacées de force. Le gouvernement essaie de créer
une zone morte le long de la frontière avec l'Irak et l'Iran, ce qu'ils
appelent une zone de sécurité. Il existe un premier plan qui prévoit de
réunir cette population dans des villes nouvelles. Ces villes doivent
être situées dans une plaine, sans forêts ni collines, pour qu'un
contrôle soit possible, même d'avion. Les maisons, généralement sont
faites en tôle, la vie y est impossible. Il y a un autre plan qui
prévoit que ces gens deviennent un sous-prolétariat dans les grandes
villes de l'Ouest de la Turquie. Ces villes sont Izmir, Istanbul,
Ankara et Adana, où les moyens d'existence sont absents. Il n'y a ni
logements, ni travail, ni rien. Ils peuvent seulement végéter.
Question: On parle d'un
couvre-feu qui existe dans beaucoup de régions?
"Plus de 1500 unités spéciales
ont été amenées dans la région il y a trois mois. Ce sont les
'scarabées' ou les 'super-commandos' comme on dit en Turquie.Ils ont
été formés en RFA et aux Etats-Unis et sont équipés d'armes
ultra-modernes. En plus, ils sont connus pour leurs chiens-loups. Après
10 heures du soir ou après minuit, selon le lie, la population civile
ne peut pas quitter les maisons. Les chiens, qui ne sont pas nourris
pendant la journée sont lâchés après 10 heures du soir dans les rues du
village. Dès que quelqu'un sont de sa maison, il est attaqué par les
chiens.'
Question: Comment se passent les
razzias dans les villages?
"Tôt le matin, les gendarmes et
l'armée encerclent le village. La population entière est rassemblée de
force sur les places, une partie est torturée, des femmes sont violées.
Toutes les récoltes des paysans sont réquisitionnées, on leur enlève
tous leurs biens, même les objets du patrimoine familial. Ces objets
sont revendus par les soldats et représentent pour eux un revenu
supplémentaire à leur salaire misérable. Ces razzias ne sont rien
d'autre que des tortures, des viols et du vol. Je n'ai pas pu visiter
ces villages moi-même car il est interdit aux étrangers de visiter ces
régions, et je suis surveillée en permanence par la police. Mais j'ai
rencontré beaucoup d'habitants de ces villages qui se sont réfugiés en
ville.
Question: Quelle est d'après vous
la situation dans les prisons au Kurdistan?
"Il y a la prison de Mardin
de sinistre réputation. Elle est située sur une colline au-dessus de la
plaine de Syrie. Tout en haut se trouve une base de l'OTAN d'où on peut
voir toute la plaine de Syrie, et très loin à l'intérieur de l'Irak.
Cette base avait été attaquée par le PKK en août dernier. La prison est
située juste en-dessous. Tout autour de la prison, pas un seul arbre;
la chaleur en été monte à 50 degrés, les celluiles de la prison
mesurent l mètre sur 2 et l'hiver est très rude. Récemment, on a
construit au Kurdistan une nouvelle prison dont personne n'a parlé.
Elle se trouve à Siirt et devra devenir le nouveau centre de tortures
pour les Kurdes. Jusqu'à maintenant, c'était la fonction de la prison
de Diyarbakir, mais entretemps beaucoup de délégations européennes sont
venues à Diyarbakir. C'est pourquoi, il y a 6 mois environ, on a ouvert
le nouveau centre de tortures à Siirt. Siirt est proche de la frontière
syrienne. Des Kurdes de cette région m'ont rapporté qu'elle compte déjà
plus de 3.000 prisonniers. Dans la prison de Diyarbakir, il y en a
environ 4.000 actuellement malgré qu'elle soit construite pour 360
prisonniers.'
Question: Que pensez-vous des
récens bombardements de l'aviation turque contre les villages kurdes en
Irak?
"Par les derniers bombardements,
400 civils ont été tués. Ils visaient des villages kurdes en Irak.
L'explication d'une vengeance contre le PKK est absurde. Le PKK et les
gens de Barzani représentent des armés de guérilla en dehors des
villages. Déjà, les derniers bombardements en 86 n'ont fait que des
victimes civiles. Beaucoups de villages sont détruits et l'hiver est
très dur en ce moment. Où vont aller les habitants de ces villages?
Ici, en Europe, personne ne s'y intéresse. On semble accepter qu'il
s'agit d'une vengeance.
"Je crois que les bombardements
de l'aviation turque contre les Kurdes en Irak ne sont rien d'autre
qu'un premier pas pour l'invasion de Kirkuk et Mossoul. Ce plan pour le
contrôle de cette région a été connu en Turquie il y a six mois, grâce
à un vieux général qui l'a dénoncé. On en a beaucoup parlé dans la
presse et au Parlement et depuis, il y a régulièrement des articles
expliquant la revendication légitime de la Turquie sur cette région.
Pour mieux faire passer cette revencication dans l'opinion publique, on
dit qu'il y a un million de Turcs dans cette région qui, d'après la
presse, y représentent une minorité opprimée.Il n'est pas exclu que les
Turcs, une fois de plus, joueront le rôle de libérateurs de leurs
minorités, au moins dans l'opinion publique en Turquie cet argument
trouverait un écho.
"Il y a eu dernièrement, sans
aucune publicité, une rencontre importante de différents généraux de
l'OTAN et des USA à Diyarbakir. Un plan détaillé a été mis sur pied: au
cas où l'armée irakienne ne résiste plus, l'armée turque occupera
Mossoul et Kirkuk, l'Union Soviétique s'y opposera, et ce sera le
prétexte pour les forces d'intervention rapide des USA qui viendront
soutenir leur allié turc. Pour répondre à la menace de l'Union
Soviétique, ils établiront publiquement des bases militaires dans cette
région. Ils ont déjà commencé maintenant la construction de certaines
infrastructures."
NOUVELLE PHASE DANS LA GUERILLA KURDE
Le représentant du
Front National de Libération du Kurdistan (ERNK) annonçait au
cours d'une conférence de presse tenue le 6 mai 1987 à
Bruxelles que le comité central du front avait décidé le 30 avril 1987
de passer de la phase d'actions armées localisées à une phase de guerre
de guérilla étendue à tout le Kurdistan, et dans ce but de mettre sur
pied l'Armée Populaire de Libération du Kurdistan (ARGK), issue
de l'Unité de Libération du Kurdistan (HRK).
L'ERNK souligne que cette guerre
populaire est menée sous la direction du Parti Ouvrier du Kurdistan
(PKK).
L'Etat-major turc a annoncé le 18
mars 1987 que, depuis plus de 7 ans, 147 membres des forces de sécurité
ont été tués par des militants kurdes. Parmi ceux-ci, on compte huit
officiers de l'armée, 14 sous-officiers,105 soldats,16
protecteurs de village et 4 policiers. 250 civils ont également perdu
la vie au cours de ces affrontements. Selon le même communiqué, le
nombre de Kurdes tués s'élève à 216.
Après cette date :
19.3, les forces de sécurités ont
tué 5 militants kurdes à Beytusebab (Hakkari) et 4 à Dicle (Diyarbakir).
20.3, au village d'Atli à Mardin,
trois militants tués.
21.3, des militants kurdes ont attaqué une caserne militaire dans le
district de Balveren. L'ERNK a annoncé que10 soldats ont été tués
durant ce raid. Une autre escarmouche à Sirnak s'est soldée par la mort
de deux soldats et d'un militant kurde.
1.4, des militants du TKP-ML ont
tué deux paysans pro-gouvernementaux à Tunceli.
5.4, à Egil (Diyarbakir), trois
militants kurdes ont été tués par les forces de sécurité.
12.4, à Uludere, un militant
kurde a été tué et deux autres blessés.
13.4, des militants de l'ARGK ont
exécuté 7 protecteurs de village dans le village de Kavuncuk (Sirnak)
comme représaille à leur collaboration avec les forces de sécurité.
13.4, un véhicule militaire est
tombé dans une embuscade de l'ARGK à Cukurca. Un soldat a été tué, un
sous-officier et trois soldats blessés.
17.4, un accrochage entre la
guérilla kurde et une unité de l'armée a tué un soldat et deux
militants.
21.4 , les forces de sécurité ont
tué cinq militants kurdes au cours de deux échauffourées: trois
militants de l'ARGK à Bingol et deux militants du TKP-ML à Tunceli.
27.4, un véhicule militaire est
tombé dans une embuscade à Eruh pendant laquelle un sous-officier a été
tué.
28.4, une attaque de l'ARGK sur
un dépot militaire à Kandilli (Erzurum) a tué 7 soldats.
29.4, des militants de
l'ARGK ont tué 2 lieutenants et 10 soldats à Semdinli (Hakari). Le même
jour le chef du village de Gulec (Tunceli) a été tué par des militants
kurdes à cause de son opposition à la guérilla.
D'après un autre rapport de
presse paru le 30 avril 1987 dans le quotidien Cumhuriyet, dans le
cours des 3 dernières années, 449 conflits armés avec la guérilla ont
conduit à la mort de 149 membres de la force de sécurité, de 268
militants kurdes et de 222 civils.
Dans une récente déclaration, le
Président-Général Kenan Evren a admis que les forces de sécurité ne
sont pas encore arrivées à supprimer le "mouvement séparatiste".
PACIFISTES TURCS A NOUVEAU CONDAMNES
Juste après l'introduction de la
demande turque d'adhésion aux Communautés Européennes, le procès de
l'Association turque pour la Paix se soldait une fois de plus par la
condamnation de douze des 71 dirigeants accusés. Le 28 avril 1987, le
tribunal militaire d'Istanbul a condamné :
Le Président Mahmut Dikerdem et
Mme Reha Isvan à 5 ans de prison chacuns,
Erdal Atabek, Metin Ozek, Aykut
Goker, Orhan Taylan, Huseyin Bas, Nedim Tarhan, Erol Saracoglu et
Ataman Tangor à 18 mois et 15 jours chacuns,
Niyazi Dalyanci et Nurettin
Yilmaz à 6 mois chacuns.
Le tribunal a en outre décidé de
fermer l'Association turque pour la Paix.
Tous les inculpés sont accusés
"d'avoir servi les intérêts de l'Union Soviétique déguisés en action
pour la paix".
Le procès avait commencé le 14
avril 1982 et a donné lieu à des condamnations pour la première fois le
14 novembre 1983.
Etant donné que tous avaient déjà
purgé leur peine de prison durant leur arrestation, ils ne seront pas
emprisonnés. Néanmoins, les pacifistes condamnés ont fait appel contre
le verdict.
"CONDAMNATION" DES LOUPS GRIS
L'ex-colonel Alparslan Türkes,
chef des Loups Gris néo-fascistes et reponsable No.1 de la violence
politique qui avait précédé le coup d'état, a été condamné le 8 avril
1987 à une peine de seulement 11 ans de prison par le Tribunal
Militaire d'Ankara.
A la fin du procès du Parti de
l'Action Nationaliste (MHP), 148 Loups Gris, parmi lesquels tous les
membres de l'équipe administrative du parti, ont été acquittés.
Le tribunal a condamné seulement
certains activistes du parti pour leurs actions armées: cinq à la peine
de mort, neuf à la prison à vie et 219 à diverses peines de
prison. Il signifie qu'alors que tous les dirigeants et militants des
partis de gauche, même ceux qui n'avaient jamais été impliqués dans des
actes de violence, avaient été privés de leurs droits politiques pour
"actions politiques ayant comme but le renversement du régime
constitutionnel", Türkes et ses Loups Gris qui ont été condamnés pour
des "délits de droit commun" ne seront jamais privés de leurs droits
civils ni politiques.
Türkes, libéré le 9 avril 1985, a
déjà pris part à la vie politique en soutenant activement le Parti
Nationaliste du Travail (MCP).
Quant Türkes est venu au
premier congrès de ce parti, le 19 avril 1987 à Ankara, neuf moutons
avaient été sacrifiés, symbolisant les "neuf rayons", principes
néo-facistes de son ancien parti. 5000 délégués chantèrent la marche du
"Basbug" (Führer) lorsqu'il pénétra dans la salle. Ils crièrent
également des slogans disant "Nous sommes sur la voie de Dieu, unis
autour de Basbug".
MEETINGS TURCO-ISLAMIQUES
Comme détaillé dans notre
précédent bulletin, l'intégrisme saoudien d'une part, le nationalisme
turc d'autre part, ont développé depuis plus de 10 ans une nouvelle
doctrine : la "synthèse turco-islamique".
Le principal promoteur de cette
synthèse, le Foyer des Intellectuels, qui compte dans ses rangs aussi
bien des islamistes que des Loups Gris, a récemment organisé un
rassemblement de trois jours à Ankara: la 4ème Grande Convention
Scientifique des Nationalistes.
Ont assisté au meeting, ouvert le
24 avril 1987, trois ministres du gouvernement Ozal, de nombreux
députés de tous les partis politiques de droite, ainsi que des
intellectuels de droite renommés. En plus de cela, le premier ministre
Ozal, ses ministres et le commandant des Forces terrestres Necdet
Oztorun ont envoyé leurs meilleurs voeux à la convention.
S'adressant à la convention, le
Ministre d' Etat Kazim Oksay a annoncé que son gouvernement s'emploie à
promouvoir les services religieux par tous les moyens. C'est ainsi que
346.000 jeunes ont suivis 4.067 cours coraniques dans toute la Turquie,
et il y a pour l'instant 144.000 nouveaux étudiants à ces cours.
Le Président du Foyer des
Intellectuels, le professeur Suleyman Yalcin, a décrit dans son
allocution la synthèse turco-islamique dans les termes suivants :
"La Synthèse Turco-Islamique est
l'expression d'un fait datant de plus de1.200 ans. Elle proclame d'une
part la conscience d'être Turc et d'autre part la foi en Dieu et en les
valeurs de l'Islam. Notre foyer considère un Turc comme musulman
parlant turc."
Pendant la convention, de
nombreux orateurs ont attiré l'attention sur le "danger de
l'européanisation et de la perte de toutes les valeurs morales et
nationales" dans le cas d'une adhésion aux Communautés Européennes.
Juste après cette convention, le
27 avril 1987, l'Université d'Ankara, sous l'emprise des
turco-islamistes, a tenu un symposium sur le sujet: "Les Turcs dans le
monde".
Le recteur de l'université Tarik
Somer, dans son discours d'ouverture, rappelant l'existence de 100
millions de Turcs hors de Turquie, déclara que tous seraient soumis au
danger de l'assimilation et de l'annihilation et a mis en avant la
nécessité de "la solidarité de la République turque avec tous ces
Turcs".
Il faut souligner que le
professeur Tarik Somer est également un des membres dirigeants du Foyer
Turc (Türkocagi) ouvert à Ankara le 29 mai 1986, à l'occasion de
l'anniversaire de la conquête de Constantinople (Istanbul) par les
Turcs en1453.
A l'inauguration de ce foyer
assistait aussi le Premier Ministre Ozal et ses ministres.
CAMPAGNE POUR DES MINI-ELECTIONS
Les nouvelles élections
législatives, en vertu de la Constitution, doivent avoir lieu en 1988.
Néanmoins, des rumeurs ont cours selon lesquelles le premier ministre
Turgut Ozal aurait l'intention d'organiser des électionsanticipées en
1987, en vue de bénéficier de l'accroissement de sa popularité, suite à
la position modérée prise par les Communautés Européennes en ce qui
concerne la demande d'adhésion de la Turquie.
Les mini-élections municipales,
qui doivent se tenir le 7 juin 1987 dans 81 municipalités nouvellement
fondées, ont une grande importance quant à cette décision. Si ce vote
donne des résultats favorables au Parti de la Mère Patrie (ANAP), Ozal
n'hésitera pas à prendre la décision d'élections anticipées.
Actuellement, le parti d'Ozal
détient la majorité absolue dans l'Assemblée nationale. Etant donnés
certains changements de positions au sein du parlement de 388 sièges,
le nombre de député de l'ANAP a augmenté jusqu'à 256.
A la fin d'avril 1987, la
répartition des députés entre les quatre partis se présente comme suit :
Parti de la Mère
Patrie(ANAP) 256
Parti Populiste Social-Démocrate
(SHP) 63
Parti de la Juste Voie
(DYP) 37
Parti de la Gauche Démocratique
(DSP) 24
Indépendants
18
TOUJOURS LA LOI MARTIALE DANS 4 PROVINCES
Le Conseil des ministres, suivant
les directives du Conseil de la Sécurité Nationale, a décidé le 12
mars1987 la prolongation de la loi martiale pour quatre mois
supplémentaires dans quatre province de l'Est: Diyarbakir, Mardin,
Hakkari et Siirt, et l'état d' urgence dans cinq autres provinces.
La loi martiale avait été
déclarée le 6 décembre 1978, et étendue à travers toute la Turquie
après le coup d'état militaire du 12 septembre 1980.
DES EXECUTIONS TOUJOURS POSSIBLES
Le 26 février 1987, le
gouvernement, dans une note de réponse signée par le premier ministre
Ozal, déclarait au Commission juridique du Parlement que dans les
circonstances actuelles, la suppression de la peine de mort dans le
Code pénal turc ne doit pas être regardée comme possible. La note
disait que la question aurait dû avoir reçu un examen détaillé dans
tous ses aspects, y compris celui de la structure sociale de la nation
turque ainsi que les raisons derrière la peine de mort, avant de donner
lieu à une décision finale la concernant.
Pendant ses entretiens avec des
journalistes turcs à Houston (USA) le 13 mars 1987, le premier ministre
Ozal a dit : "Il y a de nombreux bandits qui ont été pris par les
forces de sécurité. Il y a aussi beaucoup de militants du PKK qui ont
déjà été condamnés à la peine de mort. Qui sait, l'Assemblée nationale
peut ratifier demain toutes ces condamnations."
A la date du 22 mars 1987, il y
avait136 peines de mort à ratifier sur l'agenda de la Commission
juridique de l'Assemblée Nationale. 76 de ces condamnés sont des
militants de gauche, 11 des militants de droite, et le reste sont
condamnés pour des crimes de droit commun. Le nombre de ceux qui ont
été condamnés pour activités du PKK se montait à 21.
LA "LOI DE REPENTIR" POURRAIT ETRE PROLONGEE
Le Ministre de la Justice Mahmut
Oltan Sungurlu a dit le 8 mars 1987 que 439 personnes jusqu'à
présent ont demandé aux autorités de bénéficier de la loi
communément appelée "loi de repentir". Il a dit que 235 de ceux-ci ont
reçu des réductions de peine ou ont été pardonnés après avoir dénoncé
leurs camarades.
La loi, qui expirera le 11 juin
1987, décrète que l'Etat prendrait toutes les précautions, y compris un
changement officiel d'identité de la personne qui se repentirait et
donnerait des informations au sujet de son organisation.
Le ministre a dit qu'il porterait
la question de l'extension de l'application de la loi devant le Conseil
ministériel.
PROCES DE PARTIS DE GAUCHE
Depuis le coup d'état militaire
de 1980, sept partis politiques, légaux avant le coup d'état, ont fait
l'objet de poursuites judiciaires. Il s'agit du Parti Ouvrier de
Turquie (TIP), du Parti Socialiste Ouvrier de Turquie (TSIP), du Parti
Ouvrier et Paysan de Turquie (TIKP), du Parti de la Patrie (VP), du
Parti Socialiste de la Patrie (SVP), du Parti de Salut National (MSP)
et du Parti d'Action Nationaliste (MHP).
Bien que dissous par la junte
militaire, cinq autres partis politiques légaux n'ont pas été mis en
accusation, en l'occurence le Parti Républicain du Peuple (CHP), le
Parti de la Justice (AP), le Parti Républicain de la Confiance (CGP),
le Parti Démocratique (DP) et le Parti de la Révolution
Socialiste (SDP). Néanmoins certains dirigeants de ces partis ont
été poursuivis devant des tribunaux militaires pour leurs déclarations
ou actes pesonnels.
Le président du MSP Erbakan et 22
autres dirigeants de ce parti ont été acquittés le 19 septembre 1985.
Des procureurs militaires ont
entamé quatre procédures différentes à l'encontre des membres du TIP.
Trois de ces quatre procès se sont terminés par la condamnation de 47
inculpés au total.
Deux procès contre le TSIP sont
toujours en cours.
Le président Dogu Perincek et 24
autres dirigeants du TIKP ont été condamnés à des peines de prisons
allant jusqu'à 8 ans et ces condamnations ont été ratifiées par la Cour
de Cassation. Récemment une nouvelle procédure a été ouverte contre 14
autres membres dirigeants du parti.
En dehors de ces procédures
légales pour des partis, des dizaines de milliers de particuliers ont
été traduits devant des cours militaires depuis le coup d'état, et de
nombreux inculpés ont été condamnés à la peine capitale ou à des
lourdes peines de prison.
Ceci sont les condamnations de
partis pour les deux derniers mois:
7.3, à Ankara, une nouvelle
procédure légale contre des militants de droite devant la cour
militaire se solde par une peine capitale, 2 emprisonnements à vie et
différentes peines de prison pour sept autres inculpés.
18.3, à Istanbul 19 membres du
Parti Ouvrier de Turquie (TIP) sont condamnés chacuns à des peines de 5
ans de prison par le tribunal militaire. 149 autres sont acquittés.
30.3, à Istanbul, 11 membres du
Parti Communiste de Turquie/Union (TKP/B) sont condamnés par un
tribunal militaire à des peines de prison allant jusqu'à 8 ans et 26
autres sont acquittés.
14.4, à Ankara, le procès du
THKP/C Libération Révolutionnaire s'est terminé par la condamnation de
deux membres à la prison à vie et de 16 autres à des peines de
prison allant jusqu'à 15 ans.
24.4, à Adana, trois membres du
Parti Communiste Révolutionnaire de Turquie (TDKP) sont condamnés à la
peine capitale, 7 autres à des peines de prison allant jusqu'à 16
ans.
NOUVELLES POURSUITES POLITIQUES
1.4, à Ankara, 20 personnes sont
traduites devant la Cour de Sûrété de l'Etat sur l'accusation d'avoir
mené des actions de sabotage et d'assassinats. Le procureur réclame la
prison à vie pour 11 inculpés et diverses peines de prison pour les
autres.
11.4, à Istanbul, les procès de
14 personnes accusée d'activités anti-laïques, dont 11 sont étudiants
dans des écoles religieuses, commence à la Cour de Sûrété de l'Etat.
Ils peuvent s'attendre à des emprisonnements allant jusqu'à 15 ans.
29.4, à Ankara, le Secrétaire
Général de l'Organisation de la Vision Nationale en Europe, Hasan
Damar, est poursuivi devant la Cour de Sûrété de l'Etat sur
l'accusation d'activités anti-laïques. Il peut recevoir jusqu'à 15 ans
de prison.
D'autre part, à Ankara, 6
personnes ont été inculpées pour activités politiques sous la direction
d'un parti politique interdit. Le procureur de la Cour de Sûrété de
l'Etat réclame des peines de prisons jusqu'à 12 ans chacun. Leur procès
débutera le 5 mai 1987.
PETITION "SUR LES DROITS ET LE PAIN"
Un groupe d'intellectuels turcs a
soumis le 27 avril 1987 une pétition "sur les droits et le pain",
signée par 13.100 personnes , au "Président de la République", au
premier ministre, au Président de l'Assemblée Nationale et aux
dirigeants de partis politiques représentés au Parlement.
Rappelant que la Turquie traverse
sa crise économique la plus grave depuis l'instauration de la
république, et critiquant les mesures économiques drastiques imposées
le 24 janvier 1980, la pétition demande un changement radical dans la
politique économique et sociale.
Des intellectuels turcs renommés
tels que Aziz Nesin, Président de l'Union des Ecrivains Turcs (TYS), le
professeur Fehmi Yavuz, le professeur Sadun Aren, et les avocats Halit
Celenk et Nevzat Helvaci faisaient partie de la délégation des13.100
signataires.
13.788 PERSONNES PRIVEES DE LEUR NATIONALITE
Selon le quotidien Cumhuriyet de
6 avril 1987, le nombre de citoyens turcs qui ont été privés de leur
nationalité turque par le gouvernement s'est élevée à 13.788. Alors que
4.843 personnes avaient subi cette mesure répressive pendant la période
de 3 ans du gouvernement militaire, le soi-disant gouvernement
"démocratique" d'Ozal a privé 8.945 personnes de plus de leur
nationalité, pendant ces 3 dernières années.
Parmi elles 201 ont subi cette
mesure à cause de leur opposition au régime. La décision concernant 120
de ces derniers a été prise par le gouvernement Ozal.
Pendant les 6 dernières années ,
26.000 citoyens turcs ont été appelés à se soumettre aux
autorités sous la menace de privation de leur nationalité.
1.683.000 PERSONNES DECLAREES "SUSPECTES"
Le ministère de l'intérieur a
anoncé le 13 avril 1987 que 1.683.000 citoyens turcs avaient été
déclarés "suspects" , à l'issue d'une investigation d'ampleur nationale
sur la sécurité. Environ 300.000 de ceux qui sont sur la liste noire ne
reçoivent pas de passeport national pour voyager à l'étranger et ne
sont pas autorisés à travailler dans tout le secteur public et dans
certains secteurs privés.
Parmi eux se trouvent aussi de
nombreux intellectuels de renom tels que Mehmet Ali Aybar (avocat et
leader socialiste), Genco Erkal (directeur de théatre), Murat Belge
(Academicien et éditeur), Selda Bagcan (chanteuse), Timur Selcuk
(chanteur), Zeli Okten (réalisateur de films), Bekir Yildiz (écrivain)
et Attila Ozkirimli (critique).
POURSUITES D'INTELLECTUELS
1.3, à Ankara, M. Emin Deger,
avocat du Président de l'Union des Ecrivains Turcs (TYS) Aziz Nesin,
est inculpé par le procureur de la République. Il est accusé d'insulte
contre le "Président de la République" Kenan Evren dans la requête de
la procédure légale qu'il a lancée en faveur de Nesin, contre Evren.
2.4, à Istanbul, les éditeurs de
la politique Yeni Cozum, Ertugrul Mavioglu, Nihat Asanturk, Nezir
Karakus et Cemal Ates sont poursuivis devant la Cour de Sûrété
Nationale sur l'accusation de réorganisation de la Dev-Sol, une
organisation de gauche d'avant le coup d'état.
3.3, à Istanbul, une cour
criminelle entame un procès contre M. Nejat Bayramoglu, éditeur
responable de Playboy (édition turque) pour "publication nuisible aux
mineurs".
8.3, à Ankara, 46 enseignants
sont condamnés à des peines de 2 mois de prison chacun pour leur
participation à une action de protestation en 1978.
20.3, à Istanbul, les revues
politiques Zemin et Yeni Gündem sont confisquées par une décision de la
Cour de Sûrété de l'Etat. Toutes les deux sont accusées de propagande
communiste ou séparatiste.
24.3, le roman de Pinar Kür, intitulé "Une
femme à pendre" est confisqué par décision de la cour criminelle. Le
roman avait été réimprimé cinq fois depuis 1979.
27.3, à Istanbul, une cour
criminelle a décidé de détruire toutes les copies de la traduction
turque du roman d'Ilya Ehrenburg "Onde venue des profondeurs".
28.3, à Istanbul, un livre sur
l'amour à la chinoise est confisquée par décision de la cour criminelle.
29.3, à Denizli, trois libraires
risquent des peines de prison allant jusqu'à 23 ans pour avoir vendu
des cartes postales considérées comme "nuisible pour les mineurs".
30.3, un nouveau numéro de la
revue politique Yeni Cozum est également confisquée par décision
de la cour.
2.4, à Istanbul, le livre du Dr.
Haydar Dumen sur les problèmes sexologiques est confisqué par décision
de la cour criminelle. Le livre avait été réimprimé 15 fois depuis 1967.
7.4, à Istanbul, l'écrivain
Kursat Istanbullu et son éditeur Isfendiyar Erzik sont en procès devant
la cour criminelle pour le livre intitulé "Ceux qui ont disparu en
détention." Ils risquent des peines de prison jusqu'à 7 ans. Le même
jour, l'éditeur responsable de l'édition turque de l'Encyclopaedia
Britannica, Hilda Hulya Potuoglu est poursuivie devant la Cour de
Sûrété de l'Etat d'Istanbul. Elle risque une peine de prison jusque15
ans pour avoir publié la carte historique de l'Arménie.
10.4, Mme Fatma Yazici, éditeur
responsable de l'hebdomadaire 2000'e Dogru, est poursuivie devant
une cour criminelle d'Istanbul, étant accusée d'insulte au "Président
de la République" dans un article concernant un appartement acheté par
le Général Evren.
15.4, à Diyarbakir, Mehmet Senol,
correspondant de l'hebdomadaire Yeni Gundem, est condamné à un an de
prison pour avoir rédigé des "nouvelles inexactes".
21.4, le romancier Pinar Kür et
son éditeur Erdal Oz sont poursuivis devant une cour criminelle
d'Istanbul pour le roman intitulé "Amour Infini".
ARRESTATION ARBITRAIRES ET TORTURES
En mars 1987, les forces de
sécurité ont lancé une nouvelle chasse à l'homme à Istanbul, déclarant
que les groupes d'"extrême-gauche" d'avant le coup d'état ont commencé
à se réorganiser avec le but de renverser le régime.
La police a arrêté 18 jeunes gens
dans différents raids sous l'accusation de réorganisation de la Gauche
Révolutionnaire (DEV-SOL). Par ailleurs huit jeunes ont été arrêtés
pour activités clandestines organisées par l'Unité de Propagande Armée
Marxiste-Léniniste (MLSPB).
Néanmoins, comme la police n'a
pas pu produire la moindre preuve contre les détenus de la Dev-Sol, la
Cour de Sûrété de l'Etat a dû tous les relâcher le 18 mars.
Une des victimes de ces
arrestations arbitraires, l'éditeur Ahmet Zengin, a tenu une conférence
de presse le 20 mars à Istanbul et déclaré que la police menait cette
opération dans le but de discréditer les gens de gauche et d'intimider
les jeunes gens intéressés par la pensée socialiste.
Les parents d'autres détenus ont
dit que leurs enfants avaient été torturés pendant leur arrestation par
la police.
L'ancien profeseur d'université
le professeur Yalcin Kücük , au cours de cette conférence de presse, a
accusé la presse quotidienne turque de publication sensationaliste des
mensonges de la police au sujet des détenus et a dit qu'il se
plaindrait des responsables des quotidiens Hürriyet et Günes devant les
organisations de presse internationales.
D'autre part, un étudiant des
hautes études d'Adana, Refik Baytar, a déclaré dans une pétition
adressée le 26 avril aux leaders de la SHP qu'il avait été renvoyé de
l'école par la direction, de tendance de droite pour avoir défendu les
théories de Darwin, et été ensuite détenu par la police et torturé
pendant ses 12 jours de détention.
MAUVAIS TRAITEMENTS EN PRISON
Le 8 mars 1987, un groupe
de parentsde prisonniers politiques, dans une pétition adressée au
Ministre de la justice, a dit que les conditions d'emprisonnement
étaient toujours contraires aux règles d'hygiène et incompatibles avec
la dignité humaine.
Les prisonniers sont maintenus
dans des cellules envahies par les serpents et les rats et ils sont
enchaînés quant ils sont amenés à l'hôpital.
Protestant contre les mauvais
traitements, des détenus politiques continuent leurs grèves de la faim
dans différentes prisons.
Le poète Nevzat Celik, inculpé
dans le procès de la Dev-Sol, a entamé une grève de la faim le 6 avril
1987 dans la prison militaire Metris à Istanbul.
Le 25 avril, des prisonniers
politiques de la prison de Gaziantep ont boycotté les repas en
protestation contre les restrictions des visites de leurs familles.
Deux jours plus tard, 11
prisonniers de gauche de la prison de Kastamonu ont entamé une
grève de la faim pour protester contre l'obligation d'assister à des
cérémonies nationalistes organisées par l'administration de la prison.
GREVE DE LA FAIM DE PRISONNIERS LIBERES
Alors que des prisonniers
menaient leurs actions de protestations, 9 anciens prisonniers
politiques ont également entamé le 29 mars 1987 une grève de la faim à
Istanbul.
Les grévistes ont dit qu'ils ne
pouvaient toujours pas jouir de leur liberté bien qu'il avaient été
relâchés après avoir été maintenus pendant des années en prison. Ils
ont déclaré qu'ils ne sont pas autorisé à travailler ni dans le secteur
public ni dans les secteurs privés. De plus, la police les harcèle
chaque fois qu'arrive un incident.
UN ANCIEN PRISONNIER MORT EN RFA
Un groupe de démocrates
allemands, turcs et kurdes a lancé une campagne de solidarité avec les
prisonniers politiques de Turquie. Un communiqué publié par ce groupe
annonce que, en plus des mauvais traitements auxquels ils sont sujets,
les prisonniers politiques ne peuvent obtenir une alimentation
suffisante à cause de la mauvaise qualité de la nourriture donnée en
prison. De nombreux détenus dont les familles sont pauvres ne peuvent
supporter l'achat de nourriture supplémentaire de la cantine de la
prison et leur santé ne fait qu'empirer. Ils sont également privés de
toute lecture (journaux ou livres).
Selon les informations donnés par
ce groupe, un ancien détenu de la prison de Canakkale, M. Muammer
Ozdemir, est venu en RFA après sa libération et a été immédiatement
pris en charge médicalement à cause de la détérioriation de sa
santé en prison. Mais il était trop tard et M. Ozdemir est hélas
mort le 12 mars 1987 à Hannovre.
Le groupe de solidarité dit que
plusieurs prisonniers politiques sont exposés au même danger même après
leur mise en liberté.
DEUXIEMES ASSISES EUROPEENNES SUR LE DROIT D'ASILE
Les Deuxièmes Assises Européennes
sur le Droit d'Asile se sont réunies à Bruxelles les 3, 4 et 5 avruil
1987, avec la participation de plusieurs organisations internationales
des droits de l'homme.
Compte tenu des restrictions
récents sur le droit d'asile, notamment en RFA, aux Pays-Bas, en Suisse
et en Belgique, les participants des Assises ont adopté trois objectifs
immédiats:
1. Favoriser et renforcer les
échanges, les liens et la coopération entre les diverses associtions de
réfugiés, les personnes et les organisations engagées dans la défense
du droit d'asile,
2. Attirer l'attention des
opinions publiques des pays européens sur les atteintes portées au
droit d'asile et sur les menaces de plus en plus graves pesant sur ce
droit,
3. Rassembler toutes les forces
disposées à réclamer aux autorités nationales et internationales le
respect effectif du droit d'asile.