Un
appel urgent pour la solidarité avec les prisonniers politiques
GREVE DE LA
FAIM DANS LES PRISONS
Alors que des centaines de
milliers de touristes étrangers passaient agréablement leurs vacances
estivales sur les plages ensoleillées de Turquie, plus de 2000
prisonniers politiques entamaient une grève de la faim dans les
principales prisons militaires et civiles, en protestation contre les
conditions de détention inhumaines et les mauvais
traitements.
Les grèves de la faim avaient été lancées le 8 juin
par des détenus politiques de la prison de Sagmalcilar à Istanbul et
s'étaient rapidement étendues à d'autres pri-sons à travers la Turquie.
A la fin d'août 1987, le nombre de prisonniers qui s'étaient joints à
l'action se montait à 2.222, dont 71 à Sagmalcilar (Istanbul), 256 à
Metris (Istanbul), 50 à la Prison Centrale (Ankara), 13 à Mamak
(Ankara), 178 à Gaziantep, 5 à Burdur, 100 à Sinop, 400 à Canakkale,
184 à Erzincan, 362 à Maltya, 124 à Bursa, 87 à Elazig, 100 à Mersin,
30 à Aydin et 262 dans les prisons de Diyarbakir.
Dans un mouvement de solidarité
active avec les grévistes de la faim, les membres de leur familles, des
écrivains, des érudits et des artistes renommés de Turquie ont engagé
différentes formes d'actions de protestations, et exigé un changement
radical dans les règlements des pri-sons, ainsi qu'une "amnistie"
immédiate pour les prisonniers politiques. Durant ces actions, de
nombreux proches des prisonniers ont été harcelés et détenus par la
poli-ce, et certains d'entre eux ont été menés devant des Cours de
Sécurité de l'Etat.
Les prisonniers politiques, par
cette action de masse, entendent protester contre :
- La pratique de la torture
physique et psychologique,
- La pratique de l'isolement de
certains prisonniers,
- L'obligation de porter
l'uniforme de prisonnier,
- Les restrictions des visites
familiales,
- L'interdiction de lire
des livres et des journaux,
- La restriction de la
correspondance avec l'extérieur,
- L'interdiction d'écouter radios
ou enregistreurs.
Par ailleurs, les prisonniers
disent que le don de 370 lires turques (moins de 1 DM) par personne est
insuffisant pour leur subsistance. L'administration de la prison
n'autorise pas les familles des prisonniers à apporter de nourriture
supplémentaire dans la prison.
Le 17 août, le ministre de la
justice annonçait que 1.244 détenus étaient morts en prison depuis le
coup d'etat )
d'état militaire du 12 septembre 1980. Il Affirmait que 1.147
prisoniers étaient morts de mort naturelle, que 74 s'étaient suicidés
et que 23 autres étaient mort au cours d'incidents violents dans les
prisons.
Cependant, le secrétaire général
du parti populiste social démocrate (SHP), Fikri Saglar arguait que 74
suicides pourraient avoir eu lieu au cours de grèves de la faim
antérieures, et 23 autres morts être dues à la torture ou aux mauvais
traitements.
Au cours de la récente action de
protestation, sept grévistes de la faim de la prison Sagmalcilar à
Istanbul étaient dans un état d'épuisement complet, et avaient été
hospitalisés le 14 août 1987.
Etant donné que tous les
grévistes de la faim risquent leur santé et même leur vie, leurs
parents en appellent à toutes les forces démocratiques, en particulier
aux membres du Parlement Européen et au Conseil de l'Europe, pour
réagir immédiatement et envoyer des missions en Turquie.
(Pour plus de détails sur la situation dans les
prison turques, voir le rapport AI dans la page 3. Vous pouvez
également nous commander le pamphlet sur Les prisons militaires en
Turquie.)
UN SUPER-GOUVERNEUR
POUR LE KURDISTAN TURC
La loi martiale a pris fin le 19
juillet 1987 dans toute la Turquie avec la levée de ce régime
exceptionnel dans les quatre provinces du sud-est où elle était
toujours en vigueur. De cette façon, le gouvernment turc a fait un
nouveau geste pout montrer à l'Europe occidentale, et spécialement à la
Communité Européenne à laquelle il a demandé de se joisndre en avril
dernier, que les militaires étaient complètement retiré de la politique.
Mais le même jours, huit provinces du
Kurdistan turc, Diyarbakir, Hakkari, Mardin, Si-irt, Tunceli, Elazig,
Bingöl et Van, ont ins-tantannément été placés sous l'autorité d'un
"super-gouverneur", Hayri Kozakcioglu, qui a repris en mains tous les
pouvoirs arbitraires des commandants de la loi martiale. Quant à la
plus importante ville de Turquie, Istanbul, elle reste aussi sous
l'état d'urgence. De plus, en dépit de la soi-disant
"démilitarisation", les tribunaux militaires continuent de juger et de
condamner des prisonniers politiques détenus avant la levée de la loi
martiale.
Affirmant que ni les unités de
l'armée régulière, ni les forces de police locales ne peuvent briser la
guérilla kurde, qui mène une série d'attaque contre les forces de
sécurité et les villages pro-gouvernementauxn, le gouvernement a mis
sur pied, le 19 août 1987, un corps armé spécial dans le Kurdistan
turc, et nommé un super-commandant à la tête decette unité spéciale de
combat.
En fait, les forces de la
guérilla kurde ont exécuté 30 villageois le 20 juin à Pinarcik, 31 le 8
juillet dans deux villages à Mardin et 30 villageois le 18 août à Eruh
(Siirt).
Le gouvernement accuse la guérilla kurde de tuer des
enfants et des bébés au cours de leurs raids. En réponse, l'AGRK, unité
de guérilla dirigée par le parti ouvrier du kurdistan (PKK), déclare
que c'est un état de guerre,pendant lequel des morts accidentelles sont
toujours possibles, et que l'armée turque devrait tout d'abord rendre
compte des innocents massacrés au cours de leurs raids.
Selon les chiffres officiels, le
nombre de morts au cours de la campagne de guérilla, lancée le 15 août
1983, a dépassé les 542, dont 168 soldat et policiers, et 374
villageois. En plus de cela , 285 militants kurdes ont été tués et
9.512 "suspects" mis en détention. De ces derniers, 2.811 ont été
envoyés devant des tribnaux militaires, et 1.612 autres devant des
cours criminelles.
Quant à la période de 8 ans et
demie, depuis la proclamation de la loi martiale en 1979 jusqu'à
maintenant, selon les chiffres officiels, 4053 personnes ont perdu la
vie dans des confrontations armées et 59.701 ont été jugées devant des
tribunaux militaires dans le Kurdistan turc. Au cours de la même
période, les militants kurdes ont effectué 10.110 attaques armées,
6.790 sabotages et 1.288 manifestations ou actions de protestation sans
permission officielle.
UN REFERENDUM BIDON SUR LES DROITS POLITIQUES
Le référendum du 6 septembre, qui
doit décider du destin des dirigeants politiques d'avant 1980 , a déjà
engendré une situation paradoxale en Turquie. Les anciens leaders
politiques sont en principe autorisés à par-ler en public, mais ils ne
peuvent se défendre sur les ondes de la radio et de la télévision
nationale.
Selon le Financial
Times du 11 aout 1987, la si-tuation a peu à voir avec le débat
ouvert qui accompa-gne les référendums en Europe.
Un vote négatif signifiera
l'élimination de la scène politique de tous le rivaux potentiels du
premier minis-tre Özal.
De nombreux industriels locaux,
avec à leur tête M. Sakip Sabanci, ont annoncé qu'il voteront "oui"–
une décision qui revient en pratique à soutenir l'ancien premier
ministre Süleyman Demirel contre Özal et la Parti de la Mère Patrie,
qui est au pouvoir. Pour de nombreux observateurs, ce référendum
équivaudra à un procès virtuel de MM. Demirel et Ecevit.
Le grief implicite contre les
deux hommes est qu'en ayant refusé de coopérer dans les années 70, ils
ont poussé la Turquie vers un chaos politique et économi-que
catastrophique, au cours duquel la violence politi-que a coûté la vie à
plus de 5.000 personnes. Özal lui-même rappelle avec insistance le
souvenir de cette épo-que dans sa campagne, afin d'éviter que les deux
hom-mes ne fassent un retour politique longtemps avant 1992, date à
laquelle expirera un bannissement de 10 ans imposé à ceux-ci par les
ex-dirigeants militaires turcs.
La réobtention du droit à la
parole dans les meetings politiques n'était cependant pas entièrement
dénu-ée ce risque. Les deux anciens premiers ministres ont du faire
face à un barrage de poursuites judiciaires s'ils se servaient de ce
droit, et Ecevit a de fait été condamné à une peine de 11 mois,
quoiqu'il n'ait pas du la purger.
La campagne de Demirel, Ecevit,
Erbakan et Turkes fait valoir la couleur bleue, en l'occurence celle
des bul-letins de vote "oui". Remettre un bulletin orange
signi-fiera leur refuser les droits politiques.
La plupart des citoyens
politiquement conscients, extérieurs au Parti de la Mère Patrie,
tendent à favoriser le vote "oui". En théorie ceci devrait créer une
coalition inattaquable des votes "oui", rassemblant toutes les couleurs
d'opinion, depuis l'intégrisme islamique jusqu'-aux conservateurs, et
des sociaux démocrates à l'extrê-me gauche.
Mais plus de la moitié de
l'électorat turc consiste toujours en votants paysans de villages
isolés. Beaucoup de ceux-ci semblent, d'après The Financial Times, soit
ignorer, soit redouter le scrutin qui approche et re-fusent d'en
discuter quand ils sont interrogés. Il n'y a pas trace de la loquacité
qui accompagnait les campa-gnes pour les élections générales en Turquie
dans les années 70. Il y aussi une bonne part de confusion concernant
la signification du référendum.
Beaucoup de villageois semblent
avoir l'impres-sion qu'on leur demande simplement de voter contre un
retour de la violence politique et manifestent leur intention de
remettre un bulletin de vote orange. Les milieux gouvernements
exploitent habilement cette peur et intimident les votants, en
affirmant que si le vote "oui" passait les 50 %, non seulement les
anciens premiers ministres, mais aussi les leaders des partis
d'ex-trême gauche d'avant le coup d'état auront la possibilité de
prendre part à la vie politique légale. Le parti au pouvoir montre
ainsi une fois de plus que la future "dé-mocratie" en Turquie, en
contradiction avec les normes européennes, exclura les politiciens
socialistes.
En fait, la levée de l'article 4
provisoire de la cons-titution turque par référendum n'est pas
suffisante pour leur retour à la vie politique. Le nouveau Code des
Partis Politiques de la Constitution stipule que toute personne
condamnée à une peine de prison dépassant un an ne peut prendre part à
des activités politiques. 242 leaders politiques ont été privés
de leur droits politi-ques pour dix ans. 82 d'entre eux ont été
condamné par des tribunaux militaires à différentes peines de prison,
allant jusqu'à la prison à vie. Ainsi, leur retour à la vie politique
légale est hors de question aussi longtemps que le Code des Partis
Politiques restera en vigueur.
Quelque soit l'issue du
référendum elle ne signifiera pas l'acceptation des normes
démocratiques de la Communauté Européenne et la "démocratie" turque
restera une "démocratie" militariste, qui refuse à la classe ouvrière
et au peuple kurde le droit d'organiser leurs pro-pres partis
politiques.
LA VERITE SUR LES CHANGEMENTS AU SEIN DE L'ARMEE
Le 30 juin 1987, Özal a
brusquement annulé une réunion du comité conjoint de la sécurité
nationale civile et mi-litaire, après un différent entre le
gouvernement et des commandants militaires au sujet de la nomination du
nouveau Chef de l'Etat Major Général, qui devait remplacer le général
Necdet Urug.
Le Conseil de la sécurité
Nationaleavait été convoquée pour décider de l'action à mener suite à
l'exécution de 31 civils, il y a deux semaines, lors d'un raid de la
guérilla sur le village de Pinarcik. Özal n'a pas caché sa colère
contre les officiers seniors pour ne pas l'avoir maintenu informé au
sujet des attaques des Kurdes,dont il n'a appris une bonne partie que
par les rapports de presse. Il avait déjà ordonné une enquête à propos
d'allégations selon lesquelles l'armée avait failli à venir en aide aux
villageois pro-gouvernementaux, alors qu'elle était au courant des
progrès de l'attaque, qui a duré des heures.
Une grande part du blâme, selon
les vues du gouvernement, retombe sur le Commandant des forces
terrestres, le général Necdet Oztorun. Le raid de Pinarcik coïncidait
avec le retrait du général Urugn qui a annoncé que le général Oztorun–
l'officier senior qui le suivait dans la hiérarchie militaire, et son
ami intime – serait son successeur. Urug prenait une retraite précoce ,
tout en essayant de laisser derrière lui un plan pour les nominations
militaires jusqu'à l'an 2000 , incluant le choix de son successeur
immédiat.
./..
Mais Özal, arguant que c'était le
gouvernement civil plutôt que l'armée qui devait décider des mandats
des militaires seniors a nommé le général Necip Torumtay comme nouveau
chef de l'Etat-Major.
En conséquence le général
Oztorun, favori de l'armée, a été obligé de se retirer de l'armée
immédiatement après le retrait du général Urug.
Le général Urug et le général
Oztorun - tous deux des figures notoires du pouvoir militaire- étaient
paraît-il "encore sous le choc" de l'intervention d'Özal. L'action
d'Özal a été applaudie par de nombreux journaux et même par certains
leaders de l'opposition comme un pas décisif pour la démocratie.
Les militaires ont toujours
insisté sur le maintien de leur influence directe en politique, y
compris quand au fait d'avoir leur candidats élus par l'assemblée,
comme le président du pays, ou nommés par le gouvernement, pour
les postes de l'armée.
Un conflit ouvert similaire entre
l'armée et le gouvernement avait déjà eu lieu en 1977 quand le premier
ministre d'alors M. Demirel avait essayé d'intervenir dans les
désignations militaire. A l'époque un candidat compromis, le commandant
de l'Egée, le général Kenan Evren,, devint chef de l'Etat-Major. C'est
le général Evren qui conduisit le coup d'état de 1980, et qui ensuite
comme chef militaire puis comme "président de la république" a amené le
pays à la "démocratie" militariste.
Cet acte spectaculaire d'Özal,
applaudi même par ses oppossants, constitue-t-il un réel défi au
pouvoir militaire? Si l'on prend en considération les fais suivants, il
est difficile de partager cette opinion:
- Premièrement, l'acte d'Özal n'a
pas été contesté par le général Evren, chef militaire du régime. Les
rapports de presse indiquent qu'Özal et Evren s'étaient concertés au
prélable sur la question .Il aurait été impossible pour Özal de faire
un tel choix si le général Evren avait manifesté son opposition, étant
donné que c'est le président de la République qui signe les nominations.
- Il y a également les rumeurs
selon lesquelles le général Evren avait accepté la décision d'Özal en
échange d'un second mandat présidentiel de 7 ans
- Le premier Özal n'a pas
maintenu sa position "ferme" lors de la désignation du commandant des
forces terrestres, qui a eu lieu quelques jours après la nomination du
chef d'état major. En effet, Özal avait annoncé que son favori pour ce
poste était le général Recep Orhan Ergun. Mais, à cause des pressions
venant des militaires il a été obligé de nommer le général Kemal Yamak
à ce second rang dans l'armée et de placer son favori à un poste
consultatif.
Plus significatif est le fait,
mis au jour par les rapports de presse, que le facteur déterminant dans
la nomination des officiers de l'armée turque de haut rang était en
fait le choix de Washington.
Le nouveau chef de l'Etat-Major
le général Necip Torumtay, 61 ans, était un ancien commandant des
forces turques à Chypre et négotiateur dans les pourparlers
turco-américains sur la défence (DECA). Il a également suivi une
formation spéciale à Washington en 1962-64 et accompli une mission
militaire importante dans le quartier gé-néral du SHAPE en
1972-74.
Au cours des négociations
turco-américaines sur la coopéraation militaire il s'était distingué
comme franc supporter des plans américains. Selon le quotidien Milliyet
du 1er mai 1987, le vice-ministre de la défence Richard Perle avait
dit: "Si c'était seulement de la compétence des présidents Reagan et
Evren, toutes les questions seraient immédiatement résolues. Ou si
c'était laissé au général Torumtay et à moi-même,elles pourraient
être résolues aussi bien, car le général Torumtay est un magnifique
officier."
La vérité en ce qui concerne la
désignation controversée du général Torumtay apparaîtra mieux au cours
des pourparlers turco-américains et par les positions prises par les
militaires sur les tentatives de démilitarisation de la vie politique,
économique, sociale et culturelle du pays.
EMPRISONNEMENTS EN TURQUIE: RAPPORT D'AI
Amnesty Internationtal continue à
être préoccupé par les emprisonnements de prisonniers d'opinions, la
torture systématique et les mauvais traitements infligés aux
prisonniers politiques. Dans un rapport publié le 15 juin 1987, Amnesty
International déclare:
Bien que le 19 mars 1987 la loi
martiale ait été levée dans la totalité des 67 provincees à l'exception
de quatre, les procès devant des cours militaires, avec souvent
plusieurs centaines d'inculpés à chaque procès, continuent. Des Cours
de Sécurité de l'Etat ont été établies dans huit villes importantes de
Turquie pour trai-ter des délits politiques commis après le 1er mai
1984 dans les régions dont elles ont la responsabilité. De nombreux
prisonniers d'opinion ont déjà été jugés et condamnés par ces cours
spéciales. L'état d'urgence res-te en vigueur dans cinq provinces.
Torture, mauvais traitements et
morts en détention:
Au cours de l'année 1986 et
jusqu'à la présente date, AI a continué à recevoir des allégations de
torture ainsi que de morts causées par la torture, et estime que toute
personne détenue pour délits politiques supposés court le danger d'être
torturée. La plupart des allégations de torture se rapportent à la
période initiale de détention, laquelle suivant la loi martiale turque
se monte à 30 jours, et sous la loi régulière à 15 jours dans les cas
impliquant trois suspects au moins. Mais même ces pé-riodes de
détention, pendant lesquelles ont refusé aux suspects tout contact avec
les avocats ou les proches, sont souvent étendues. Depuis un certain
temps l'AI a reçu des rapports de torture et mauvais traitements
gé-néralisés, par les forces de sécurité du gouvernement dans l'est et
le sud-est de Turquie, en lien avec les escarmouches armées entre les
groupes de guérilla et les forces de sécurité. Un grand nombre de
membres de la population civile locale ont été détenues et
interro-gées, et, dans de nombreux cas allégués, torturées. La presse
turque a fait rapport de la situation seulement après visites dans la
région de députés de différents partis politiques. Ces rapports
complètent les rapports verbaux d'AI reçus tout au long des ans.
Prisonniers d'opinions:
L'emprisonnement de prisonniers
d'opinions, c'est-à-dire ceux détenus uniquement pour leurs opinions
po-litiques ou religieuses, a continué au cours de l'année 1986 et des
premiers mois de 1987. Pendant que certains procès étaient toujours en
cours devant des tribunaux militaires, de nouveaux procès s'ouvraient
devant les Cours de Sécurité de l'Etat.
Les prisonniers d'opinion adoptés
par AI comprennent des membres de partis et grou-pements politiques,
des écrivains, journalistes, éditeurs et académiciens, des membres de
la minorité ethnique kude et des gens emprisonnés suite à leurs
activités religieuses.
Les membres de partis politiques
sont généralemnt emprisonnés sur base de l'article 141 du Code
Pénal Turc, qui interdit le leadership ou l'appartenance à des
"organisations illégales". Bien que des peines sévères aient été
infligées à certains d'entre eux, quelques uns seulement restent en
prison. La plupart ont été rela-chés, après des années
d'emprisonnement, mais d'autres risquent l'emprisonnement s'ils
étaient appréhendés.
Tous les inculpés dans les procès
de la Confédéra-tion des Syndicats Progressistes (DISK) et de
l'Associ-ation Turque pour la Paix (TBD) ont été relâchés, mais des
procédures légales continuent dans les deux cas et il y a possibilité
pour certains inculpés d'être emprisonnés ou réemprisonnés quant les
verdicts finaux seront annoncés.
Durant l'année 1986 et le début
de 1987 les emprisonnements de Kurdes ont continué, certains étant
accusés ou reconnus coupables de délits de violence; les au-tres,
adoptés par AI en tant que prisonniers d'opinions, étant emprisonnés
sur la base de leur acrivité politique ou culturelle non-violente.
L'éditeur Recep Marasli a été condamné au cours d'une série de procès à
un total de 36 ans de prison pour avoir publié des livres sur la
minorité ethnique Kurde de Turquie, pour "activités séparatistes" et
pour ses thèses défensives. Depuis 1982 il est détenu à la prison
militaire de Diyarbakir. AI le considère comme prisonnier d'opinion et
a demandé sa libération immédiate et inconditionnelle.
Les procès sur base de l'article
163 du TPC, qui interdit les tentatives d'adapter l'Etat à des
principes ou croyances religieuses, ont continué. AI a adopté com-me
prisonniers d'opinions plusieurs écrivains et activistes islamistes qui
ont été inculpés sur base de l'ar-ticle 163, parmi lesquels Emine
Senliklioglu, écrivain et rédacteur en chef du périodique Mektup
(lettre). Hasan Damar, ancien secrétaire général d'une organisation
islamique en FRG, était encore emprisonné en avril 1987 après avoir
reçu une peine de 25 mois devant la Cour Criminelle d'Ankara, sur
l'accusation de "faire de la propagande religieuse". Des membres du
parti légal du Bien-êtrc (RP) ont été emprisonnés pour avoir orga-nisé
une manifestation en octobre 1987 à Izmir. Au début de 1987 un grand
nombre de gens ont été arrêtés après qu'ils aient protesté contre le
"bannissement des turbans" dans les universités, soit en envoyant des
télégrammes soit en participant à des manifestations.
Procès inéquitables:
Depuis l'introduction de la loi
martiale en décembre 1978, plus de 48.000 prisonniers ont été condamnés
à la prison ou à la peine capitale après des procès qui ne
satisfaisaient pas aux normes minimales reconnues internationalement
pour des procès équitables.
Dans un commentaire rapporté par
le quotidien Milliyet, Teoman Evren, le président de l'Union des
Barreaux Turcs, concluait le 10 février 1987: "Nous assistons à
certaines pratiques très critiquables et nous notons des développements
qui mettent en question l'indépendance et la sécurité des juges." Les
observations de Teoman Evren ne se référaient pas seulement aux Cours
Militaires bien que le problème de procès inéquitables soient plus
aigus pour celles-ci.
LA PEINE DE MORT TOUJOURS EN VIGUEUR
Une des conditions préalables au
rétablissement des relations turco-européennes était l'abolition, en
Turquie, de la peine de mort pour les délits en temps de paix. Mais les
peines capitales continuent d'être prononcées aussi bien par les cours
civiles que militaires. Rien qu'-en 1986, les différentes cours ont
prononcé 134 peines de mort, dont plus de la moitié avait été prononcée
par des cours militaires. Aucune exécution n'a eu lieu depu-is octobre
1984 mais le nombre de personnes condamnées à mort et qui ont épuisé
tous les recours légaux était de 146 le 7 mai 1987. Ces peines
capitales n'ont be-soin que de la confirmation du parlement et du
"pré-sident de la République", et peuvent être exécutées à tout moment.
AI a publié le 1er juin 1987 un
document important sur "les peines capitales en Turquie". Nous
reproduisons ici quelques extraits de ce rapport:
"Entre 1973 et 1980, un moratoire
de facto sur les exécutions était en vigueur: les peines de mort
continuaient à être prononcées, mais elles n'étaient pas ratifi-ées par
la Grande assemblée nationale. Ce moratoire a pris fin peu après le
coup militaire du 12 septeembre 1980. D'octobre 1980 à octobre 1984
cinquante personnes ont été exécutées; 27 d'entre elles avaient été
reconnus coupables de délit à caractère politique, et 23 pour de crimes
de droit commun. La dernière exécution a eu lieu le 25 octobre 1984.
"Suite aux échauffourées
violentes entre la guérilla kurde et les forces de sécurité dans le
sud-est de la Turquie, qui ont commencé en août 1984, le président
Kenan Evren a exigé des représailles sévères. Dans son discours à Mus
le 3 octobre 1984 il affirmait que les "traîtres" devaient être
exécutés.
"Contrairement aux prévisions
avancées par les rapports de la presse étrangère, après que
l'amendement à la loi sur l'exécution des sentences soit entré en
vigueur le 19 mars 1986, il n'y a eu aucune commutation automatique des
peines de mort. L'amendement stipule, entre autres, que toutes les
peines capitales non approuvées par l'Assemblée seront commuées en 30
ans de prison, ou 36 ans dans les cas où les personnes reconnues
coupables se seraient évadées ou auraient tenté de s'évader. Aucune
réduction ultérieure de cette peine n'est possible. Auparavant,
pourtant, une peine de mort non ratifiée était commuée en prison à vie,
ce qui signifiait en pratique 16 ou 20 ans à purger. Depuis octobre
1984, le parlement n'a engagé aucune action au sujet des plus de 100
peines capitales attendant leur ratification. Il n'y a pas eu ni
commutations de peines ni exécutions nouvelles.
"Quoique la Turquie ne soit pas
dirigée par la loi islamique, la raison du maintien de la peine de mort
s'explique par les croyances islamiques fermement ancrées dans la
société turque. Ainsi, le président Kenan Evren a dit dans son discours
du 3 octobre 1984: 'De plus, la peine de mort n'existe pas
seulement dans notre loi, mais aussi dans notre religion. Elle existe
dans la bible (il a effectivement dit la bible, non le Koran). La bible
a accepté la peine de mort. Si donc elle existe dans le livre envoyé
par Allah, peut-on l'abolir?'
"Dans un débat
parlementaire du 11 mars 1986 le premier ministre Özal a également
évoqué ses croyan-ces musulmanes: 'Comment pouvons nous en tant que
députés, comment pouvons nous en tant qu'état pardonner quelqu'un qui a
tué un citoyen? Seulement les pro-ches et Allah peuvent le pardonner.
Si nous le pardonnons, cela ne serait pas accepté par Allah.'
"Le 1er mars 1985 le sixième
protocole de la Convention européenne sur les droits de l'hommes
abolis-sant la peine de mort pour les délits en temps de paix est entré
en vigueur. Le protocole a été ratifié par huit pays européens
appartenant au Conseil de l'Europe. Sept autres états membres ont signé
le protocole, marquant par là leur intention de le ratifier. La Turquie
n'a jusqu' à présent ni signé ni ratifié le protocole."
RECENTES ARRESTATIONS POLITIQUES
2.6, cinq membres présumés du
Dev-Sol ont été arrêtés à Istanbul.
7.6, huit prisonniers politiques,
dont cinq condamnés à mort et trois à la prison à vie, se sont évadés
de la prison militaire d'Erzincan en creusant un tunnel sou-terrain
long de 50 mètres. Deux d'entre eux ont été appréhendés le 11 juin.
16.6, à Istanbul, deux jeunes
gens ont été arrêtés et accusés de militer pour le Dev-Sol.
8.7, une jeune femme, présumée
militante du TKP-ML, à été arrêtée à Ankara.
10.7, la police a arrêté 23
militants présumés du TKP-B à Ankara.
12.7, six membres présumés du
TKP-B ont été arrêtés à Antalya.
14.7, cinq activistes de droite
ont été arrêtés à Ankara.
30.7, à Izmir, la police a arrêté 15 personnes, qui
sont accusées de militer pour le TSIP.
OBSTACLE A L'ASSOCIATION POUR LA LANGUE
Le gouverneur d'Ankara a
interdit, le 4 juillet 1987, les activités de l'Association pour la
langue (DD), nouvellement fondée par des académiciens et intellectuels
éminents, après la fermeture par les militaires de l'Ins-titut de la
langue turque (TDK).
Le TDK avait été personnellement
mis sur pied par Atatürk, et avait été bénéficiaire de son testament.
La nouvelle association avait
pour but "d'enrichir et de mettre en valeur les réformes de la langue
instiguées par Atatürk." L'Office du Gouverneur a écrit aux 35
fondateurs de l'association que ces buts étaient déjà pris en charge
par l'article 134 de la constitution de 1982.
NOUVELLE DISCRIMINATION CONTRE LES KURDES
Le quotidien 2000'e Dogru a fait
paraître une circulaire du Quartier Général des Forces Terrestres
ordonnant à toutes les unités militaires de ne plus donner de rôle de
garde dans les zones critiques à ceux parmi les soldats dont le lieu de
naissance est en Anatolie de l'est ou du sud-est.
La circulaire porte la date du 30
juin 1986, mais le général Necdet Oztorun, alors commandant des forces
terrestres et récemment retiré, disait qu'il n'était pas au courant
d'un tel ordre et rejettait la responsabilité sur d'autres officiers du
quartier général.
Quel que soit le responsable,
cette circulaire a été en vigueur depuis un an et constitue une
nouvelle discrimination contre les citoyens d'origine kurde de Turquie.
Etant donné que l'existence du peuple kurde est niée officiellement et
qu'il n'existe aucun registre officiel indiquant l'origine ethnique des
citoyens, tous ceux qui sont nés dans les régions est et sud-est du
pays sont suspects aux yeux des chefs militaires.
INTERDICTION PAR L'ARMEE DE 96 AUTEURS
Le quartier général des Forces
terrestres ont fait circuler le 2 mars 1987 une liste mentionnant les
noms de 280 livres écrits par 96 auteurs, dont la lecture par les
officiers de l'armée, les sous-officiers et les soldats est prohibée.
Parmi les auteurs interdits on trouve des romanciers mondialement
renommées tels que Orhan Kemal, Sabahattin Ali, Yasar Kemal, Fakir
Baykurt, Aziz Nesin, Kemal Tahir; des académiciens comme Hifzi Veldet
Velidedeoglu, Niyazi Berkes, Server Tanilli et Dogan Avcioglu.
UNE RECOMPENSE POUR LE POETE EN PRISON
Le poète Nevzat Celik, toujours
en détention pour un procès politique, a été déclaré "membre honoraire"
d'International PEN. Avant cela, il avait été récompensé du "prix
honorifique" du festival international de po-ésie, tenu à Rotterdam. En
Turquie, deux recueils de po-èmes de Celik, Safak Türküsü (Ballade de
l'aurore) et Müebbet Türküsü (ballade du prisonnier à vie), écrits en
prison, ont été imprimés respectivement huit fois et cinq fois depuis
son emprisonnement en 1981.
NOUVELLES PRESSIONS SUR LA PRESSE
Alors que continuent les
persécutions légales des publications contestataires, celles-ci doivent
mainte-nant faire face à une nouvelle menace, venant des ma-gnats de la
grande presse.
Deux importantes compagnies de
distribution de Turquie, Hür Dagitim et Gameda, controlées par les
propriétaires des journaux à grand tirage, ont annoncé le 13 juillet
1987 qu'elles ne distribueraient plus 30 revues mensuelles publiées par
des groupes à tendance de gauche. Deux géants ont également menacé tous
leurs vendeurs à travers la Turquie d'annuler leurs contrats pour
la distribution des journaux à grand tirage, s'ils continuent à vendre
les 34 périodiques en question.
Les périodiques de la liste noire
sont ABECE, Bilim ve Sanat, Broy, Cagdas Yol,
Edebiyat Dostlari, Felsefe, Feminist, Fotograf, Gelenek, Gün, Günese
Cagri, Isciler ve Toplum, Kara, Karsi Edebiyat, Mayis, Mülkiyeliler
Birligi Dergisi, Ögrenci Postasi, Ögret-men Dünyasi, Toplumsal
Kurtulus, Türk Dili, Vardiya, Ve Sinema, Yarin, Yasasin Edebiyat, Yeni
Asama, Yeni Cözüm, Yeni Demokrasi, Yeni Öncü, Zemin.
L'Union des Ecrivains Turcs (TYS)
avait annoncé auparavant que toutes ces publications mensuelles, de
même que trois nouveaux magazines hebdomadaires, Nokta, Yeni Gündem et
2000'e Dogru, étaient très souvent soumis à des procédures légales, et
nombre de leurs numéros confisqués par la police.
QUATRE JOURNALISTES CONDAMNES
L'éditeur responsable du
quotidien 2000'e Dogru, Mme Fatma Yazici, a été condamnée le 9
juillet1987 à une peine de prison d'un an et quatre mois pour avoir
publié un article au sujet du fait que le général Evren a acheté deux
appartements pour ses filles. La cour criminelle N°2 d'Istanbul a jugé
que cette information avait pour but de discréditer le "président de la
République".
La même cour a également
condamné, le même jour, trois autres journalistes du magazine
humoristi-que Limon. L'éditeur responsable Kemal Murat Kürüze, ainsi
que deux caricaturistes, Ahmet Sükrü Yavuz et Birol Vural, ont été
condamnés à des peines de 11 mois et 2 jours au total pour ses dessins
traitant le sujet des détournements.
UN ROMAN A DETRUIRE
Le 7 juillet 1987, la Cour
Criminelle N° 2 d'Istan-bul a ordonné la destruction de toutes les
exemplaires d'un roman intitulé Burgu (Vrille), accusé de faire
l'élo-ge et d'encourager "l'adultère", et condamné l'auteur, Mme Füsun
Erbulak ainsi que l'éditeur Ramazan Yasar à une amende de 4500 TL
chacun.
RENVOI D'UN PROFESSEUR
Le 18 juin 1987, un professeur de
la Robert High School à Istanbul, Mme Rükan Günaysu, a été renvoyée,
après 34 ans de service, par le ministère de l'éduca-tion nationale
pour avoir fait écouter à ses étudiants des enregistrements de la
musique du chanteur Ruhi Su.
Ruhi Su était un chanteur
folklorique renommé en Turquie, privé de son passeport par les
militaires à cau-se de ses positions contestataires. Suite à cela, il
n'a-vait pu sortir du pays pour être traité et est mort pré-maturément
en 1985.
PAS DE PASSEPORT POUR TARIK AKAN
M. Tarik Akan, acteur principal
du film "Yol" de Yilmaz Güney primé à Cannes, n'a pu obtenir de
passeport pour prendre part au festival du cinéma à Moscou, en juillet
1987. Les autorités policières ont expliqué qu'il ne pouvait pas
traverser la frontière, car la décision notifiée du tribunal militaire,
pour le procès de l'Association Turque pour la Paix, n'avait pas encore
été publiée. M Akan était l'un des inculpés de ce pro-cès, mais il
n'avait pas été déclaré coupable. En dépit de cet acquittement, son
droit à traverser la frontière n'est toujours pas reconnnu par la
police.
D'autre part, le procureur public
a lancé le 2 juin 1987 une nouvelle enquête à propos de "Yol", car il
s'y trouve dans certaines scènes le mot "Kurdistan".
INTERDICTION D'UN CHANTEUR KURDE
Le gouverneur de la province
d'Izmir a interdit au chanteur folklorique Hasan Papur de chanter dans
des li-eux publics, et empêché son concert le 2 juin 1987 à Izmir.
Papur, qui chante ses chansons en langue turque, a été accusé il y a
peu d'avoir chanté certaines chansons en kurde. Néanmoins, son procès
devant le tribunal militaire s'était soldé par un acquittement. Malgré
ce jugement, le gouverneur d'Izmir considère Papur com-me suspect.
FONDATION DU GROUPE "AMIS DE TURQUIE"
169 personnalités de renommée
mondiale ont récemment fondé un groupe appelé "Amis de Turquie", ayant
pour but d'aider le peuple turc dans ses efforts de démocratisation.
Dans leur déclaration intitulée "Droits de l'Homme pour la Turquie",
les fondateurs du groupe, rappelant que "malgré nos différences, nous
avons tous en partage un héritage commun, celui de l'humanité, avec ses
points forts et ses défauts" et refusant une "dé-mocratie" de deuxième
classe, ont exigé:
- la fin des procès politiques,
- une amnistie générale incluant
le pardon pour les condamnés à mort,
- les libertés d'opinion, de
conscience et d'associa-tion.
Parmi les signataires de la
déclaration, on trouve l'ancien président portuguais Costa Gomes,
l'ancien pre-mier ministre autrichien Bruno Kreisky, l'ancien
commandant de l'OTAN Antoine Sanguinetti, le composi-teur Mikis
Theodorakis, le poète Yannis Ritsos, les auteurs Günther Grass et
Harold Pinter, ainsi que de nom-breux membres du Parlement Européen et
du Conseil de l'Europe. Le groupe "Amis de Turquie" a annoncé
l'or-ganisation à Paris d'une conférence internationale sur la
situation des droits de l'homme en Turquie du 27 au 29 novembre 1987.
Adresse à contacter: M.
Jean-Pierre Fourre, Assemblée Nationale, 126 rue de l'Université, 75007
Paris - France.
UNIVERSITES ET TOTALITARISME
Un groupe d'intellectuels a
publié un nouveau document sur la situation en Turquie: Out of order:
Turkish Universities and Totalitarianism.
L'auteur Harold Pinter, président
du groupe "Amis de Turquie", déclare: "Un document de première
importance. Lecture indispensable pour toutes personnes
intéressées par la vérité au sujet des conditions actuelles dans les
universités turques, et en Turquie même."
Commander à: World University
Service, 20 Com-pton Terrace, London N1 2UN, GT. Britain.
US HELSINKI WATCH ET LA TURQUIE
Le directeur du comité US
Helsinki Watch, Jeri Lacber, et le représentant Louis Whitman ont tenu
une conférence de presse à Istanbul, suite à leur mission
d'in-formation dans les provinces orientales de Turquie. Laber a
affirmé, dans le quotidien Cumhuriyet du 22 juin 1987, que malgré
certaines améliorations dans la situation des droits de l'homme en
Turquie, en comparaison de ses précédentes visites en 1984, il ne
s'agit pas d'un processus continu, mais plutôt de deux pas en avant et
un pas en arrière. Les conditions de vie dans la prison de Diyarbakir,
d'après Laber, s'étaient détériorées depuis sa dernière visite.
L'OIT ACCUSE LE GOUVERNEMENT TURC
Au cours du 73ème congrès de
l'Organisation Internationale du Travail (OIT), qui s'est tenu à
Genève, le porte-parole de la Commission des Droits Syndicaux a accusé
le gouvernement turc de "gagner du temps" en envoyant des lettres
d'intentions en faveur des exigen-ces de l'OIT pour une libéralisation
de la législation turque du travail, et en ne mettant pas ces promesses
en pratique par la suite.
La législation turque a été
vivement critiquée par des délégués assistant au congrès, qui ont
demandé des modifications rapides des lois turques restreignant les
libertés syndicales telles que le droit de grève et les conventions
collectives.
Dans une action en lien avec la
précédente, la confédération des syndicats américains AFL-CIO a demandé
au congrès américain de retirer la Turquie du groupe des "nations
les plus favorisées" pour le commerce, si les droits syndicaux ne
connaissent pas d'amélioration dans un futur proche. (Turkey Briefing,
juillet 1987).
EMPRISONNEMENTS EN TURQUIE: RAPPORT D'AI
Amnesty Internationtal continue à
être préoccupé par les emprisonnements de prisonniers d'opinions, la
torture systématique et les mauvais traitements infligés aux
prisonniers politiques. Dans un rapport publié le 15 juin 1987, Amnesty
International déclare:
Bien que le 19 mars 1987 la loi
martiale ait été levée dans la totalité des 67 provincees à l'exception
de quatre, les procès devant des cours militaires, avec souvent
plusieurs centaines d'inculpés à chaque procès, continuent. Des Cours
de Sécurité de l'Etat ont été établies dans huit villes importantes de
Turquie pour trai-ter des délits politiques commis après le 1er mai
1984 dans les régions dont elles ont la responsabilité. De nombreux
prisonniers d'opinion ont déjà été jugés et condamnés par ces cours
spéciales. L'état d'urgence res-te en vigueur dans cinq provinces.
Torture, mauvais traitements et
morts en détention:
Au cours de l'année 1986 et
jusqu'à la présente date, AI a continué à recevoir des allégations de
torture ainsi que de morts causées par la torture, et estime que toute
personne détenue pour délits politiques supposés court le danger d'être
torturée. La plupart des allégations de torture se rapportent à la
période initiale de détention, laquelle suivant la loi martiale turque
se monte à 30 jours, et sous la loi régulière à 15 jours dans les cas
impliquant trois suspects au moins. Mais même ces pé-riodes de
détention, pendant lesquelles ont refusé aux suspects tout contact avec
les avocats ou les proches, sont souvent étendues. Depuis un certain
temps l'AI a reçu des rapports de torture et mauvais traitements
gé-néralisés, par les forces de sécurité du gouvernement dans l'est et
le sud-est de Turquie, en lien avec les escarmouches armées entre les
groupes de guérilla et les forces de sécurité. Un grand nombre de
membres de la population civile locale ont été détenues et
interro-gées, et, dans de nombreux cas allégués, torturées. La presse
turque a fait rapport de la situation seulement après visites dans la
région de députés de différents partis politiques. Ces rapports
complètent les rapports verbaux d'AI reçus tout au long des ans.
Prisonniers d'opinions:
L'emprisonnement de prisonniers
d'opinions, c'est-à-dire ceux détenus uniquement pour leurs opinions
po-litiques ou religieuses, a continué au cours de l'année 1986 et des
premiers mois de 1987. Pendant que certains procès étaient toujours en
cours devant des tribunaux militaires, de nouveaux procès s'ouvraient
devant les Cours de Sécurité de l'Etat.
Les prisonniers d'opinion adoptés
par AI comprennent des membres de partis et grou-pements politiques,
des écrivains, journalistes, éditeurs et académiciens, des membres de
la minorité ethnique kude et des gens emprisonnés suite à leurs
activités religieuses.
Les membres de partis politiques
sont généralemnt emprisonnés sur base de l'article 141 du Code
Pénal Turc, qui interdit le leadership ou l'appartenance à des
"organisations illégales". Bien que des peines sévères aient été
infligées à certains d'entre eux, quelques uns seulement restent en
prison. La plupart ont été rela-chés, après des années
d'emprisonnement, mais d'autres risquent l'emprisonnement s'ils
étaient appréhendés.
Tous les inculpés dans les procès
de la Confédéra-tion des Syndicats Progressistes (DISK) et de
l'Associ-ation Turque pour la Paix (TBD) ont été relâchés, mais des
procédures légales continuent dans les deux cas et il y a possibilité
pour certains inculpés d'être emprisonnés ou réemprisonnés quant les
verdicts finaux seront annoncés.
Durant l'année 1986 et le début
de 1987 les emprisonnements de Kurdes ont continué, certains étant
accusés ou reconnus coupables de délits de violence; les au-tres,
adoptés par AI en tant que prisonniers d'opinions, étant emprisonnés
sur la base de leur acrivité politique ou culturelle non-violente.
L'éditeur Recep Marasli a été condamné au cours d'une série de procès à
un total de 36 ans de prison pour avoir publié des livres sur la
minorité ethnique Kurde de Turquie, pour "activités séparatistes" et
pour ses thèses défensives. Depuis 1982 il est détenu à la prison
militaire de Diyarbakir. AI le considère comme prisonnier d'opinion et
a demandé sa libération immédiate et inconditionnelle.
Les procès sur base de l'article
163 du TPC, qui interdit les tentatives d'adapter l'Etat à des
principes ou croyances religieuses, ont continué. AI a adopté com-me
prisonniers d'opinions plusieurs écrivains et activistes islamistes qui
ont été inculpés sur base de l'ar-ticle 163, parmi lesquels Emine
Senliklioglu, écrivain et rédacteur en chef du périodique Mektup
(lettre). Hasan Damar, ancien secrétaire général d'une organisation
islamique en FRG, était encore emprisonné en avril 1987 après avoir
reçu une peine de 25 mois devant la Cour Criminelle d'Ankara, sur
l'accusation de "faire de la propagande religieuse". Des membres du
parti légal du Bien-êtrc (RP) ont été emprisonnés pour avoir orga-nisé
une manifestation en octobre 1987 à Izmir. Au début de 1987 un grand
nombre de gens ont été arrêtés après qu'ils aient protesté contre le
"bannissement des turbans" dans les universités, soit en envoyant des
télégrammes soit en participant à des manifestations.
Procès inéquitables:
Depuis l'introduction de la loi
martiale en décembre 1978, plus de 48.000 prisonniers ont été condamnés
à la prison ou à la peine capitale après des procès qui ne
satisfaisaient pas aux normes minimales reconnues internationalement
pour des procès équitables.
Dans un commentaire rapporté par
le quotidien Milliyet, Teoman Evren, le président de l'Union des
Barreaux Turcs, concluait le 10 février 1987: "Nous assistons à
certaines pratiques très critiquables et nous notons des développements
qui mettent en question l'indépendance et la sécurité des juges." Les
observations de Teoman Evren ne se référaient pas seulement aux Cours
Militaires bien que le problème de procès inéquitables soient plus
aigus pour celles-ci.
LA PEINE DE MORT TOUJOURS EN VIGUEUR
Une des conditions préalables au
rétablissement des relations turco-européennes était l'abolition, en
Turquie, de la peine de mort pour les délits en temps de paix. Mais les
peines capitales continuent d'être prononcées aussi bien par les cours
civiles que militaires. Rien qu'-en 1986, les différentes cours ont
prononcé 134 peines de mort, dont plus de la moitié avait été prononcée
par des cours militaires. Aucune exécution n'a eu lieu depu-is octobre
1984 mais le nombre de personnes condamnées à mort et qui ont épuisé
tous les recours légaux était de 146 le 7 mai 1987. Ces peines
capitales n'ont be-soin que de la confirmation du parlement et du
"pré-sident de la République", et peuvent être exécutées à tout moment.
AI a publié le 1er juin 1987 un
document important sur "les peines capitales en Turquie". Nous
reproduisons ici quelques extraits de ce rapport:
"Entre 1973 et 1980, un moratoire
de facto sur les exécutions était en vigueur: les peines de mort
continuaient à être prononcées, mais elles n'étaient pas ratifi-ées par
la Grande assemblée nationale. Ce moratoire a pris fin peu après le
coup militaire du 12 septeembre 1980. D'octobre 1980 à octobre 1984
cinquante personnes ont été exécutées; 27 d'entre elles avaient été
reconnus coupables de délit à caractère politique, et 23 pour de crimes
de droit commun. La dernière exécution a eu lieu le 25 octobre 1984.
"Suite aux échauffourées
violentes entre la guérilla kurde et les forces de sécurité dans le
sud-est de la Turquie, qui ont commencé en août 1984, le président
Kenan Evren a exigé des représailles sévères. Dans son discours à Mus
le 3 octobre 1984 il affirmait que les "traîtres" devaient être
exécutés.
"Contrairement aux prévisions
avancées par les rapports de la presse étrangère, après que
l'amendement à la loi sur l'exécution des sentences soit entré en
vigueur le 19 mars 1986, il n'y a eu aucune commutation automatique des
peines de mort. L'amendement stipule, entre autres, que toutes les
peines capitales non approuvées par l'Assemblée seront commuées en 30
ans de prison, ou 36 ans dans les cas où les personnes reconnues
coupables se seraient évadées ou auraient tenté de s'évader. Aucune
réduction ultérieure de cette peine n'est possible. Auparavant,
pourtant, une peine de mort non ratifiée était commuée en prison à vie,
ce qui signifiait en pratique 16 ou 20 ans à purger. Depuis octobre
1984, le parlement n'a engagé aucune action au sujet des plus de 100
peines capitales attendant leur ratification. Il n'y a pas eu ni
commutations de peines ni exécutions nouvelles.
"Quoique la Turquie ne soit pas
dirigée par la loi islamique, la raison du maintien de la peine de mort
s'explique par les croyances islamiques fermement ancrées dans la
société turque. Ainsi, le président Kenan Evren a dit dans son discours
du 3 octobre 1984: 'De plus, la peine de mort n'existe pas
seulement dans notre loi, mais aussi dans notre religion. Elle existe
dans la bible (il a effectivement dit la bible, non le Koran). La bible
a accepté la peine de mort. Si donc elle existe dans le livre envoyé
par Allah, peut-on l'abolir?'
"Dans un débat
parlementaire du 11 mars 1986 le premier ministre Özal a également
évoqué ses croyan-ces musulmanes: 'Comment pouvons nous en tant que
députés, comment pouvons nous en tant qu'état pardonner quelqu'un qui a
tué un citoyen? Seulement les pro-ches et Allah peuvent le pardonner.
Si nous le pardonnons, cela ne serait pas accepté par Allah.'
"Le 1er mars 1985 le sixième
protocole de la Convention européenne sur les droits de l'hommes
abolis-sant la peine de mort pour les délits en temps de paix est entré
en vigueur. Le protocole a été ratifié par huit pays européens
appartenant au Conseil de l'Europe. Sept autres états membres ont signé
le protocole, marquant par là leur intention de le ratifier. La Turquie
n'a jusqu' à présent ni signé ni ratifié le protocole."
RECENTES ARRESTATIONS POLITIQUES
2.6, cinq membres présumés du
Dev-Sol ont été arrêtés à Istanbul.
7.6, huit prisonniers politiques,
dont cinq condamnés à mort et trois à la prison à vie, se sont évadés
de la prison militaire d'Erzincan en creusant un tunnel sou-terrain
long de 50 mètres. Deux d'entre eux ont été appréhendés le 11 juin.
16.6, à Istanbul, deux jeunes
gens ont été arrêtés et accusés de militer pour le Dev-Sol.
8.7, une jeune femme, présumée
militante du TKP-ML, à été arrêtée à Ankara.
10.7, la police a arrêté 23
militants présumés du TKP-B à Ankara.
12.7, six membres présumés du
TKP-B ont été arrêtés à Antalya.
14.7, cinq activistes de droite
ont été arrêtés à Ankara.
30.7, à Izmir, la police a arrêté 15 personnes, qui
sont accusées de militer pour le TSIP.
OBSTACLE A L'ASSOCIATION POUR LA LANGUE
Le gouverneur d'Ankara a
interdit, le 4 juillet 1987, les activités de l'Association pour la
langue (DD), nouvellement fondée par des académiciens et intellectuels
éminents, après la fermeture par les militaires de l'Ins-titut de la
langue turque (TDK).
Le TDK avait été personnellement
mis sur pied par Atatürk, et avait été bénéficiaire de son testament.
La nouvelle association avait
pour but "d'enrichir et de mettre en valeur les réformes de la langue
instiguées par Atatürk." L'Office du Gouverneur a écrit aux 35
fondateurs de l'association que ces buts étaient déjà pris en charge
par l'article 134 de la constitution de 1982.
NOUVELLE DISCRIMINATION CONTRE LES KURDES
Le quotidien 2000'e Dogru a fait
paraître une circulaire du Quartier Général des Forces Terrestres
ordonnant à toutes les unités militaires de ne plus donner de rôle de
garde dans les zones critiques à ceux parmi les soldats dont le lieu de
naissance est en Anatolie de l'est ou du sud-est.
La circulaire porte la date du 30
juin 1986, mais le général Necdet Oztorun, alors commandant des forces
terrestres et récemment retiré, disait qu'il n'était pas au courant
d'un tel ordre et rejettait la responsabilité sur d'autres officiers du
quartier général.
Quel que soit le responsable,
cette circulaire a été en vigueur depuis un an et constitue une
nouvelle discrimination contre les citoyens d'origine kurde de Turquie.
Etant donné que l'existence du peuple kurde est niée officiellement et
qu'il n'existe aucun registre officiel indiquant l'origine ethnique des
citoyens, tous ceux qui sont nés dans les régions est et sud-est du
pays sont suspects aux yeux des chefs militaires.
INTERDICTION PAR L'ARMEE DE 96 AUTEURS
Le quartier général des Forces
terrestres ont fait circuler le 2 mars 1987 une liste mentionnant les
noms de 280 livres écrits par 96 auteurs, dont la lecture par les
officiers de l'armée, les sous-officiers et les soldats est prohibée.
Parmi les auteurs interdits on trouve des romanciers mondialement
renommées tels que Orhan Kemal, Sabahattin Ali, Yasar Kemal, Fakir
Baykurt, Aziz Nesin, Kemal Tahir; des académiciens comme Hifzi Veldet
Velidedeoglu, Niyazi Berkes, Server Tanilli et Dogan Avcioglu.
UNE RECOMPENSE POUR LE POETE EN PRISON
Le poète Nevzat Celik, toujours
en détention pour un procès politique, a été déclaré "membre honoraire"
d'International PEN. Avant cela, il avait été récompensé du "prix
honorifique" du festival international de po-ésie, tenu à Rotterdam. En
Turquie, deux recueils de po-èmes de Celik, Safak Türküsü (Ballade de
l'aurore) et Müebbet Türküsü (ballade du prisonnier à vie), écrits en
prison, ont été imprimés respectivement huit fois et cinq fois depuis
son emprisonnement en 1981.
NOUVELLES PRESSIONS SUR LA PRESSE
Alors que continuent les
persécutions légales des publications contestataires, celles-ci doivent
mainte-nant faire face à une nouvelle menace, venant des ma-gnats de la
grande presse.
Deux importantes compagnies de
distribution de Turquie, Hür Dagitim et Gameda, controlées par les
propriétaires des journaux à grand tirage, ont annoncé le 13 juillet
1987 qu'elles ne distribueraient plus 30 revues mensuelles publiées par
des groupes à tendance de gauche. Deux géants ont également menacé tous
leurs vendeurs à travers la Turquie d'annuler leurs contrats pour
la distribution des journaux à grand tirage, s'ils continuent à vendre
les 34 périodiques en question.
Les périodiques de la liste noire
sont ABECE, Bilim ve Sanat, Broy, Cagdas Yol,
Edebiyat Dostlari, Felsefe, Feminist, Fotograf, Gelenek, Gün, Günese
Cagri, Isciler ve Toplum, Kara, Karsi Edebiyat, Mayis, Mülkiyeliler
Birligi Dergisi, Ögrenci Postasi, Ögret-men Dünyasi, Toplumsal
Kurtulus, Türk Dili, Vardiya, Ve Sinema, Yarin, Yasasin Edebiyat, Yeni
Asama, Yeni Cözüm, Yeni Demokrasi, Yeni Öncü, Zemin.
L'Union des Ecrivains Turcs (TYS)
avait annoncé auparavant que toutes ces publications mensuelles, de
même que trois nouveaux magazines hebdomadaires, Nokta, Yeni Gündem et
2000'e Dogru, étaient très souvent soumis à des procédures légales, et
nombre de leurs numéros confisqués par la police.
QUATRE JOURNALISTES CONDAMNES
L'éditeur responsable du
quotidien 2000'e Dogru, Mme Fatma Yazici, a été condamnée le 9
juillet1987 à une peine de prison d'un an et quatre mois pour avoir
publié un article au sujet du fait que le général Evren a acheté deux
appartements pour ses filles. La cour criminelle N°2 d'Istanbul a jugé
que cette information avait pour but de discréditer le "président de la
République".
La même cour a également
condamné, le même jour, trois autres journalistes du magazine
humoristi-que Limon. L'éditeur responsable Kemal Murat Kürüze, ainsi
que deux caricaturistes, Ahmet Sükrü Yavuz et Birol Vural, ont été
condamnés à des peines de 11 mois et 2 jours au total pour ses dessins
traitant le sujet des détournements.
UN ROMAN A DETRUIRE
Le 7 juillet 1987, la Cour
Criminelle N° 2 d'Istan-bul a ordonné la destruction de toutes les
exemplaires d'un roman intitulé Burgu (Vrille), accusé de faire
l'élo-ge et d'encourager "l'adultère", et condamné l'auteur, Mme Füsun
Erbulak ainsi que l'éditeur Ramazan Yasar à une amende de 4500 TL
chacun.
RENVOI D'UN PROFESSEUR
Le 18 juin 1987, un professeur de
la Robert High School à Istanbul, Mme Rükan Günaysu, a été renvoyée,
après 34 ans de service, par le ministère de l'éduca-tion nationale
pour avoir fait écouter à ses étudiants des enregistrements de la
musique du chanteur Ruhi Su.
Ruhi Su était un chanteur
folklorique renommé en Turquie, privé de son passeport par les
militaires à cau-se de ses positions contestataires. Suite à cela, il
n'a-vait pu sortir du pays pour être traité et est mort pré-maturément
en 1985.
PAS DE PASSEPORT POUR TARIK AKAN
M. Tarik Akan, acteur principal
du film "Yol" de Yilmaz Güney primé à Cannes, n'a pu obtenir de
passeport pour prendre part au festival du cinéma à Moscou, en juillet
1987. Les autorités policières ont expliqué qu'il ne pouvait pas
traverser la frontière, car la décision notifiée du tribunal militaire,
pour le procès de l'Association Turque pour la Paix, n'avait pas encore
été publiée. M Akan était l'un des inculpés de ce pro-cès, mais il
n'avait pas été déclaré coupable. En dépit de cet acquittement, son
droit à traverser la frontière n'est toujours pas reconnnu par la
police.
D'autre part, le procureur public
a lancé le 2 juin 1987 une nouvelle enquête à propos de "Yol", car il
s'y trouve dans certaines scènes le mot "Kurdistan".
INTERDICTION D'UN CHANTEUR KURDE
Le gouverneur de la province
d'Izmir a interdit au chanteur folklorique Hasan Papur de chanter dans
des li-eux publics, et empêché son concert le 2 juin 1987 à Izmir.
Papur, qui chante ses chansons en langue turque, a été accusé il y a
peu d'avoir chanté certaines chansons en kurde. Néanmoins, son procès
devant le tribunal militaire s'était soldé par un acquittement. Malgré
ce jugement, le gouverneur d'Izmir considère Papur com-me suspect.
FONDATION DU GROUPE "AMIS DE TURQUIE"
169 personnalités de renommée
mondiale ont récemment fondé un groupe appelé "Amis de Turquie", ayant
pour but d'aider le peuple turc dans ses efforts de démocratisation.
Dans leur déclaration intitulée "Droits de l'Homme pour la Turquie",
les fondateurs du groupe, rappelant que "malgré nos différences, nous
avons tous en partage un héritage commun, celui de l'humanité, avec ses
points forts et ses défauts" et refusant une "dé-mocratie" de deuxième
classe, ont exigé:
- la fin des procès politiques,
- une amnistie générale incluant
le pardon pour les condamnés à mort,
- les libertés d'opinion, de
conscience et d'associa-tion.
Parmi les signataires de la
déclaration, on trouve l'ancien président portuguais Costa Gomes,
l'ancien pre-mier ministre autrichien Bruno Kreisky, l'ancien
commandant de l'OTAN Antoine Sanguinetti, le composi-teur Mikis
Theodorakis, le poète Yannis Ritsos, les auteurs Günther Grass et
Harold Pinter, ainsi que de nom-breux membres du Parlement Européen et
du Conseil de l'Europe. Le groupe "Amis de Turquie" a annoncé
l'or-ganisation à Paris d'une conférence internationale sur la
situation des droits de l'homme en Turquie du 27 au 29 novembre 1987.
Adresse à contacter: M.
Jean-Pierre Fourre, Assemblée Nationale, 126 rue de l'Université, 75007
Paris - France.
UNIVERSITES ET TOTALITARISME
Un groupe d'intellectuels a
publié un nouveau document sur la situation en Turquie: Out of order:
Turkish Universities and Totalitarianism.
L'auteur Harold Pinter, président
du groupe "Amis de Turquie", déclare: "Un document de première
importance. Lecture indispensable pour toutes personnes
intéressées par la vérité au sujet des conditions actuelles dans les
universités turques, et en Turquie même."
Commander à: World University
Service, 20 Com-pton Terrace, London N1 2UN, GT. Britain.
US HELSINKI WATCH ET LA TURQUIE
Le directeur du comité US
Helsinki Watch, Jeri Lacber, et le représentant Louis Whitman ont tenu
une conférence de presse à Istanbul, suite à leur mission
d'in-formation dans les provinces orientales de Turquie. Laber a
affirmé, dans le quotidien Cumhuriyet du 22 juin 1987, que malgré
certaines améliorations dans la situation des droits de l'homme en
Turquie, en comparaison de ses précédentes visites en 1984, il ne
s'agit pas d'un processus continu, mais plutôt de deux pas en avant et
un pas en arrière. Les conditions de vie dans la prison de Diyarbakir,
d'après Laber, s'étaient détériorées depuis sa dernière visite.
L'OIT ACCUSE LE GOUVERNEMENT TURC
Au cours du 73ème congrès de
l'Organisation Internationale du Travail (OIT), qui s'est tenu à
Genève, le porte-parole de la Commission des Droits Syndicaux a accusé
le gouvernement turc de "gagner du temps" en envoyant des lettres
d'intentions en faveur des exigen-ces de l'OIT pour une libéralisation
de la législation turque du travail, et en ne mettant pas ces promesses
en pratique par la suite.
La législation turque a été
vivement critiquée par des délégués assistant au congrès, qui ont
demandé des modifications rapides des lois turques restreignant les
libertés syndicales telles que le droit de grève et les conventions
collectives.
Dans une action en lien avec la
précédente, la confédération des syndicats américains AFL-CIO a demandé
au congrès américain de retirer la Turquie du groupe des "nations
les plus favorisées" pour le commerce, si les droits syndicaux ne
connaissent pas d'amélioration dans un futur proche. (Turkey Briefing,
juillet 1987).
RESOLUTION ARMENIENNE DE L'EUROPE ET CONTRE-ATTAQUE D'ANKARA
Le parlement européen, suite à un
débat très animé, le 10 juin 1987 à Strasbourg, a adopté par 66
voix contre 60 et 42 abstentions, une résolution reconnaissant le
génocide arménien commis en 1915-1917 par le gouvernement des Jeunes
Turcs de l'Empire ottoman, et appelant les états
membres de la Communautté européenne à consacrer un jour à la mémoire
du génocide et des crimes contre l'humanité perpétrés au 20ème siècle,
en particulier contre lles Arméniens et les Juifs.
La résolution accuse également le
gouvernement turc de refuser de reconnaître ce génocide, de
répugner à appliquer les principes du droit international à ses
divergences d'opinion avec la Grèce, de maintenir des forces
d'occupation à Chypre et de nier l'existance de la question
kurde.:
"Le Parlement européen,
" - convaincu que la
reconnaissance de l'histoire même du peuple arménien en Turquie
implique la reconnaissance de son identité en tant que minorité
ethnique, culturelle, lignuistique et religieuse,
" - considérant que les Arméniens
qualifient ces événements de génocide organisé, au sens de la Charte
des Nations Unies de 1948,
" - considérant que l'Etat turc
rejette l'accusation de génocide comme non fondée,
" - constatant que jusqu'à ce
jour, le gouvernement turc, par son refus de reconnaître le génocide de
1915, continue de priver le peuple arménien du droit à sa propre
histoire,
" - considérant que jusqu'à
présent, le génocide arménien, historiquement prouvé, n'a donné lieu à
aucune condamnation politique, ni à aucune réparation en conséquence,
" - considérant que la
reconnaissance du génocide arménien par la Turquie doit dès lors être
vue comme un acte profondément humain de réhabilitation morale envers
les Arméniens qui ne peut que faire honneur au gouvernement turc,
" - regrettant profondément et
condamnant le terrorisme absurde de groupes d'Arméniens responsables,
entre 1973 et 1986, de plusieurs attentats, réprouvés par une écrasante
majorité du peuple arménien, ayant causé la mort ou blessé d'innocentes
victimes,
" - considérant que l'attitude
intransigeante devant cette question des gouvernements turcs qui se
sont succédés n'a contribué en aucune manière à apaiser la tension,
"1. est d'avis que la question
arménienne et la question des minorités en Turquie doivent être
resituées dans le cadre des relations entre la Turquie et la
Communauté; souligne en effet que la démocratie ne peut être implantée
solidement dans un pays qu'à condition que celui-ci reconnaisse et
enrichisse son histoire de sa diversité ethnique et culturelle;
"2. est d'avis que les événements
tragiques qui se sont déroulés en 1915-1917 contre les Arméniens
établis sur le territoire de l'Empire ottoman constituent un génocide
au sens de la convention pour la prévention et la répression de crime
de génocide, adoptée par l'Assemblée générale de l'ONU le 9 décembre
1948; reconnaît cependant que la Turquie actuelle ne saurait être tenue
pour responsable du drame vécu par les Arméniens de l'Empire Ottoman et
souligne avec force que la reconnaissance de ces événements historiques
en tant que génocide ne peut donner lieu à aucune revendication d'ordre
politique, juridique ou matérielle à l'adresse de la Turquie
d'aujourd'hui;
"3. demande au Conseil d'obtenir
du gouvernement turc actuel la reconnaissance du génocide commis envers
les Arméniens en 1915-17 et de favoriser l'instauration d'un dialogue
politique entre la Turquie et les délégués représentatifs des Arméniens;
"4. estime que le refus de
l'actuel gouvernement turc de reconnaître le génocide commis autrefois
contre le peuple arménien par le gouvernement "jeunes Turcs", sa
réticence à appliquer les normes du droit international dans ses
différends avec la Grèce, le maintien des troupes turques d'occupation
à Chypre ainsi que la négation du fait kurde, constituent, avec
l'absence d'une véritable démocratie parlementaire et le non-respect
des libertés individuelles et collectives, notamment religieuses, dans
ce pays, des obstacles incontournables à l'examen d'une éventuelle
adhésion de la Turquie à la Communauté;
"5. s'associe, vu la tragédie qui
l'a frappé, à son désir que se développe une identité spécifique, que
soient garantis ses droits de minorité et que ses ressortissants
puissent bénéficier sans entrave des droits de l'homme et du citoyen,
tels qu'ils sont définis dans la Convention eruopéenne des droits de
l'homme et ses protocoles y afférents;
"6. demande instamment que la
minorité arménienne vivant en Turquie soit traitée équitablement en ce
qui concerne son identité, sa langue, sa religion, sa culture et son
système d'enseignement; défend énergiquement l'amélioration de la
protection des monuments ainsi que le maintien et la conservation du
patrimoine architectural religieux des Arméniens de Turquie, et
souhaite que la Communauté étudie de quelle façon il convient qu'elle
prête son concours à cette fin;
"7. invite, dans ce contexte, la
Turquie à observer scrupuleusement le régime de protection des
minorités non musulmanes, comme le lui imposent les articles 37 à 45 du
traité de Lausanne de 1923, que la plupart des Etats membres de la
Communauté ont d'ailleurs signé;
"8. estime qu'il faut considérer
la protection des monuments ainsi que le maintien et la conservation du
patrimoine architectural religieux des Arméniens de Turquie comme un
élément d'une politique plus large visant à préserver le patrimoine
culturel de toutes les civilisations qui se sont développées, au cours
des siècles, sur le territoire de la Turquie actuelle et en
particulier, celui des minorités chrétiennes qui ont fait partie de
l'Empire ottoman;
"9. invite par conséquent la
Communauté à étendre l'accord d'association avec la Turquie au domaine
culturel afin que les vestiges des civilisations chrétiennes ou autres,
telles que d'antiquité classique, hittite, ottomane, etc., dans ce pays
soient préservés et mis en valeur;
"1O. se déclare préoccupé par les
difficultés que la communauté arménienne rencontre actuellement en Iran
en ce qui concerne la pratique de sa langue et l'organisation d'un
enseignement spécifique conformément aux règles de sa religion;
"11. dénonce les violations des
libertés individuelles en Union soviétique commises à l'encontre de la
population arménienne;
"12. condamne avec fermeté tous
les actes de violence et toutes les formes de terrorisme émanant
d'organisations isolées et qui ne sont pas représentatives du peuple
arménien, et appelle les Arméniens et les Turcs à la réconciliation;
"13. invite les Etats membres de
la Communauté à instituer une journée commémorant les génocides et les
crimes contre l'humanité commis au XXe siècle, et en particulier ceux
dont ont été victimes les Arméniens et les Juifs;
"14. réaffirme son engagement de
contribuer véritablement aux initiatives visant à promouvoir les
négociations entre les peuples arménien et turc;
"15. charge son Président de
transmettre la présente résolution à la Commission, au Conseil
européen, aux ministres des Affaires étrangères réunis dans le cadre de
la coopération politique, au Conseil d'association CEE/Turquie ainsi
qu'aux gouvernements turc, iranien et soviétique et au Secrétaire
général des Nations Unies."