Les
anciens dirigeants politiques sont revenus sur la scène
politique. Bien q'Ozal essaye de les
piéger par un fait
accompli électoral, la Cour
Constitutionnelle a déjoué ses plans
FARCE ELECTORALE
L'interdiction
de toute activité politique, imposée en 1982 à 242 anciens leaders
politiques, a été levée après que l’électorat turc ait voté, le 6
septembre 1987, avec une majorité étroite, en faveur de leur retour à
la vie publique. Mais la Turquie, sur la demande du premier
ministre Özal, est immédiatement entrée en effervescence à propos d’un
nouveau vote, cette fois pour des élections législatives anticipées qui
doivent se tenir le 1er novembre1987.
Cepandant, après l'annonce de
candidature, la Cour constitutionnelle a frustré Özal de son fait
accompli, en annulant la procédure de nomination des candidats. La
Turquie est donc entrée dans l'une des crises les plus graves de son
histoire.
Etant donné que ce référendum
était considéré comme un test de popularité pour les anciens dirigeants
politiques, l’étroitesse de la majorité est venue porter un coup
sérieux à leurs ambitions. Les électeurs, en levant les bannissements
politiques par une si faible marge, ont clairement manifesté que,
malgré qu’ils soient contre les interdictions, ils n’ont toujours
pas oublié la mauvaise gestion des
anciens premiers ministres Demirel et Ecevit, qui espéraient
obtenir un soutien plus large dans ce référendum.
Les résultats n’ont pas été
satisfaisants non plus pour Özal. En mai dernier, l’Assemblée nationale
turque avait voté, avec une large majorité, la levée des interdictions.
Mais le premier ministre a imaginé l’idée d’un référendum, dans
l’espoir que la nation renverserait la décision parlementaire et
consignerait ses rivaux à l’oubli permanent. Ainsi, le référendum a
dégénéré en une confrontation serrée entre deux hommes: le premier
ministre, Turgut Özal, et son rival numéro un, l’ancien
premier ministre Süleyman Demirel.
La campagne pour le référendum a
été principalement marquée par les attaques de l’opposition contre le
programme de libéralisation économique de M. Özal, qui a récemment fait
monter l’inflation à un taux mensuel de 5,4 %. Cependant, la population
n’avait pas encore oublié le fait que l’inflation, sous les
gouvernements de Demirel et Ecevit, était pire qu’aujourd’hui. En fait,
d’après le quotidien Hürriyet du 1er septembre 1987, le taux
d’inflation mensuel était de 6.4 % pendant les 22 mois de pouvoir
d’Ecevit et de 8.5 % pendant la période de 10 mois de Demirel. A
cause de cela, les attaques des deux anciens premiers ministres ont pu
être réfutées par Özal.
Mais la carte la plus forte du
premier ministre était l’incontestable mauvaise gestion du pays, aussi
bien par Demirel que par Ecevit, au cours des années septantes, alors
que la Turquie était presque en état de guerre civile.
En conséquence de tout cela,
49.84 % de l’électorat de 23,3 millions d’électeurs a voté “non” à la
levée des interdictions, alors que seulement 50.16 % étaient en faveur
de celle-ci, la différence n’étant que de 75.066 votes.
Il est à noter que 1.658.809
électeurs ne sont pas venus aux urnes, malgré le risque d’amende de $
20, et que1.088.965 bulletins de vote étaient invalides.
Plus significatif encore est le
fait que, malgré que les votes favorables soient en légère majorité, le
nombre de provinces qui ont voté contre les anciens leaders est élevé:
alors que 27 provinces ont voté en faveur de ceux-ci, 40 provinces,
parmi lesquelles les plus importantes comme Istanbul et Ankara, ont
voté “non”.
Une légère majorité pour la levée
des interdictions avait déjà été prédite par les sondages d’opinion au
cours de la campagne. Mais les même sondages d’opinion ont aussi
indiqué que le parti d’Özal gagnerait une élection, si celle-ci se
tenait immédiatement.
En considération de ces
prévisions, Özal, juste avant la fermeture des bureaux de votes,
annonçait à une conférence de presse à Ankara
son intention de soumettre au parlement
un projet de loi lui permettant d’organiser des élections en deux mois,
au lieu de devoir notifier celles-ci trois mois à l’avance, comme
l’exige la loi électorale actuelle.
Etant donné que son Parti de la
Mère Patrie (ANAP), qui est au pouvoir, détient la majorité
parlementaire, il n’a du faire face à aucune difficulté
pour introduire les changements. Le parlement a décidé, quelques jours
plus tard, d’organiser les élections anticipées le 1er novembre 1987,
et a introduit à cet effet des changements considérables dans la
loi électorale.
D’après les commentateurs
politiques, Özal a décidé de tenir des élections législatives
juste après le référendum pour les raisons suivantes:
- Si les
élections s’étaient tenues en 1988 comme l’exige la constitution, les
anciens leaders politiques auraient eu le temps de renouer avec leurs
anciens électeurs, qui votent pour l’ANAP depuis 1983.
- Par le fait
que l'ANAP, aux dernières élections partielles, a reconquis
un certain prestige grâce à l’amélioration de ses relations avec les
gouvernements européens, et spécialement par sa demande de l’adhésion
de la Turquie aux Communautés européennes.
- Néanmoins ,
les prévisions économiques pour les mois à venir ne sont pas
optimistes. L’IMF a récemment suggéré à Özal des mesures
économiques radicales telles que la hausse des prix de nombreux
articles de consommation, la réduction des investissements et la
réduction du taux de croissance économique. La mise en pratique de ces
mesures avant les élections législatives aurait également un effet
négatif sur les chances électorales de son parti.
Les manœuvres électorales de
Turgut Özal avaient déjà été révélées dans le Bulletin Info-Türk de
juin 1987.
Juste après la décision de tenir
des élections, dénonçant les manoeuvres électorales d’Özal, le
principal parti d’opposition, le SHP, en appelait à la Cour
Constitutionelle pour l’annulation des modifications de la Loi
Electorale, par les arguments suivants:
- Alors que la
constitution stipule un intervalle de 3 mois entre la date de la
décission d’élections générales et la date à laquelle ces élections se
tiennent, cette obligation n’a pas été respectée.
- La nomination
des candidats de partis par la direction du parti, au lieu d'une
election démocratique par les membres, été incompatible avec la
constitution.
- La période de
propagande électorale est limitée à dix jours alors qu’elle était de 21
jours auparavant. Comme le parti gouvernemental utilise en permanence
la radio et la télévision d’Etat pour sa propre propagande sans aucune
limitation, cette restriction vise à diminuer les chances électorales
des partis de l’opposition.
- Au moins 1,8
million d’électeurs ne pourront pas voter à cause de
l’impossibilité d’actualiser les listes des électeurs avant le 1er
novembre.
- Des entraves
électorales ont été mises en place de telle façon que certain partis
politiques ne soient pas représentés dans la nouvelle assemblée
nationale même s’ils obtiennent un pourcentage relativement élevé de
voix. Pour que leurs candidats soient élus, les partis politiques
doivent obtenir au moins 10 % des voix pour toute la Turquie, et
20 % dans les circonscriptions où plus de six députés seraient
élus.
- Les noms des
candidats ne sont pas indiqués sur les bulletins de votes, et les
électeurs sont forcés de voter pour des partis politiques uniquement,
sans savoir qui ils élisent.
Sur ce recours, le 9 octobre
1987, la Cour constitutionnelle a jugé inconstitutionnelle la
procédure de la nomination des candidats, mettant ainsi en péril la
tenue des élections anticipées pour le 1er novembre.
Néanmoins, les quatre anciens
leaders politiques, sans attendre la décision de la Cour
constitutionnelle, ont fait en sort de se mettre à la tête des partis
politiques fondés par leurs anciens partisans, et de se placer, eux
mêmes et leurs compagnons, en haut des listes électorales de ces
partis.
Bülent Ecevit,
président de l’ancien Parti Républicain du
Peuple (CHP), dirige maintenant le Parti de la Gauche Démocratique
(DSP);
Süleyman Demirel, président de
l’ancien Parti de la Justice (AP), dirige le Parti de la Juste Voie
(DYP);
A. Türkes, président de l’ancien
Parti d’Action nationaliste (MHP), dirige le Parti Nationaliste du
Travail (MCP),
Necmeddin Erbakan, président de
l’ancien Parti du Salut National (MSP), est à la tête du Parti pour le
Bien-Etre (RP).
Tous sont également candidats à
l’Assemblée nationale à la tête de la liste de leur parti.
Cependant, au contraire de la
période d’avant le coup d’état, marquée par les querelles entre ces
quatre leaders, cette fois la course électorale se jouera entre sept
partis politiques, dont trois sont dirigés par des politiciens nouveaux
venus: Le Parti de la Mère Patrie (ANAP) du premier ministre Özal, le
Parti Populiste Social-démocrate (SHP) d’Erdal Inönü et une petite
formation islamiste: le Parti de la Démocratie réformiste (IDP).
Les partis politiques de la
classe ouvrière et du peuple kurde sont une fois de plus exclus de
toute participation à la vie politique légale et aux élections
législatives. Bien que 242 anciens politiciens, grâce au référendum,
ont retrouvé leurs droits politiques, 82 d’entre eux, qui étaient les
leaders du Parti Socialiste Ouvrier de Turquie (TSIP), du Parti Ouvrier
de Turquie (TIP) et du Parti Ouvrier et Paysan de Turquie (TIKP),
sont toujours privés du droit de participer à la vie politique à cause
de leurs condamnations à des lourdes peines de prison.
Il est particulièrement à
déplorer qu’aucun des quatre anciens leaders politiques ne disent
quoi que ce soit du droit des leaders des partis socialistes.
Tandis que trois leaders de
droite, Demirel, Türkes et Erbakan, s’efforcent de réunir leur ancien
électorat, qui a voté pour l’ANAP d’Özal aux élections législatives de
1983, l’ancien leader social-démocrate Bülent Ecevit utilise les
vestiges du charisme qu’il avait dans la période 1973-78 pour diviser
les votes sociaux-démocrates du SHP, et en attirer une partie vers le
DSP qu’il dirige.
Bien que tout de suite après le
référendum le SHP ait proposé à Ecevit de rechercher une formule pour
unir les forces des deux partis sociaux-démocrates et pour lutter
contre les cinq partis de droite comme unique alternative de gauche,
Ecevit a choqué même ses admirateurs en refusant toute forme de
coopération électorale avec le SHP. Ayant en vue de détruire les
chances électorales du SHP, Ecevit n’a pas hésité à déclarer que ce
parti avait été infiltré par des militants d’extrême gauche. Suite à
cela, presque la totalité des députés de l’ex-CHP, dirigé par Ecevit,
ont refusé de soutenir son nouveau parti et ont rejoint le SHP d’Inönü.
Quelque soit le sort des
élections procahines, on ne peut espérer beaucoup pour un retour à une
vie véritablement démocratique en Turquie, ceci d'une part à cause du
fait accompli électoral d’Özal qui s'est réduit en farce, d’autre part,
de l’attitude d’Ecevit qui divise l’électorat de gauche.
RAPPORT D’AI SUR LA TORTURE EN TURQUIE
Alors que la torture devient un
sujet de discussion publique en Turquie, Amnesty International a publié
en septembre 1987 un nouveau document sur les pratiques inhumaines dans
ce pays. Nous reproudisons ci-dessous un extrait des constatations
d’Amnesty International:
“Presque quatre ans après qu’un
gouvernement civil est arrivé au pouvoir en novembre 1983, aucunes
mesures effectives n’ont été prises pour empêcher la torture.
“Les autorités turques ont admis
que la torture a cours, mais ont déclaré à plusieurs reprises qu’elle
n’est pratiquée que lors d’incidents isolés. Malgré la promesse que
toutes les plaintes concernant la torture soient soumises à une
enquête, et que ceux qui se sont rendus coupables de torture seront
poursuivis, AI n’a obervé aucun changement fondamental dans la pratique
systématique et généralisée de la torture.
“Bien que des personnes aient été
torturées dans des postes de police et prisons de toutes sortes à
travers la Turquie, il y a aussi des bâtiments spécialement équippés
pour la torture.
“La plupart de ces endroits sont
bien connus. Le groupe des droits de l’homme basé aux USA, le Helsinki
Watch Comittee, affirmait en mars 1986: ‘J’ai pu trouver la
localisation exacte des principaux centres de torture dans les deux
villes (Ankara et Istanbul). Un gouvernement déterminé à éliminer la
torture devrait enquêter sur le traitement des détenus dans ces centres
et prendre les mesure nécessaires.’
“L’un des centres de torture les
mieux connus est un endroit appelé DAL (Devlet Arastirma Labortuvari),
situé dans les quartiers généraux de la police d’Ankara. Les détenus,
des étudiants emprisonnés entre novembre 1986 et mars 1987, indiquent
clairement une salle où un équipement de torture est installé et
utilisé. Un ancien prisonnier d’opinion, torturé en 1981, a confirmé
l’exactitude de ce schéma. Le passage entre les sections A et B serait
très bas, de sorte qu’on doit se tenir courbé pour le traverser. Il
peut être fermé par un mur artificiel, camouflé par des extincteurs
d’incendie pour éviter les entrées indésirables. A l’exception de
l’ajout d’une ‘salle de récration’ utilisée pour traiter les blessures
avant la la mise en liberté ou l’arrestation formelle du prisonnier par
une cour, rien ne semble avoir changé depuis lors.
“Une autre dimension du problème
de la torture et des mauvais traitements en Turquie est illustrée par
la situation dans le sud-est. Les échauffourées armées entre les
troupes de la guérilla et les forces de sécurité turques ont conduit à
plus de 700 morts en moins de trois ans depuis août 1984.
“AI a reçu des témoignages oraux
et écrits de villages entiers qui ont été entourés par les forces de
sécurité. Tous les villageois ont été battus par des unités de
l’Armée ou de la Gendarmerie recherchant des membres de la guérilla ou
ceux qui les soutiennent. Quatre personnes seraient mortes à cause de
torture entre février et juin 1987.”
ACTIONS PAR ET POUR LES PRISONNIERS
4.8: A Istanbul, 14 des 19
personnes mises en détention pendant les actions de protestation sont
arrêtées par la Cour de Sûrété de l’Etat. L’Association d’Entraide des
Parents des Détenus et Prisonniers (TAYAD) accuse la police de battre
et de traîner par la force ses membres au cours de leur arrestation.
6.8, le secrétaire général de
l’Association pour les Droits de l’Homme (IHD), M.Akin Birdal, accuse
le ministre de la justice Mahmut Oltan Sungurlu d’être le principal
responsable des traitements inhumains dans les prisons. Ce dernier, ne
se préocuppant nullement des plaintes, dit: “Nous ne pouvons pas
confier aux familles des prisonniers l’administration des prisons. Même
si nous acceptons de mettre en pratique toutes leurs demandes, je suis
convaincu qu’ils ne mettront pas fin à leur actions.”
12.8, un groupe de parents
reprend ses grèves de la faim au cours d’un rassemblement au parc
Güven, à Ankara, pour protester contre l’attitude intransigeante du
ministre.
14.8, le ministre de la justice
Sungurlu, confirmant que 233 prisonniers sont en train de faire des
grèves de la faim dans cinq prisons, annonce que les journalistes
seront autorisés à visiter toutes les prisons et appelle les grévistes
à mettre un terme à leurs actions.
1.9, des centaines de parents de
prisonniers venant de différentes régions du pays se réunissent à
Ankara et organisent une marche de protestation vers la Grande
Assemblée Nationale. Les manifestants, parmi lesquels des femmes et des
enfants, sont brutalement stoppés et battus par la police. Au cours des
affrontements entre les deux parties, une femme âgée de 50 ans, Didar
Sensoy, soeur d’un prisonnier condamné à mort, décède d’une crise
cardiaque. La police harcèle également 19 journalistes qui suivent la
manifestation, et détruisent leurs caméras. 60 manifestants sont pris
en détention, mais relâchés sept heures plus tard.
5.9, Didar Sensoy est enterrée à
Istanbul, dans une procession funéraire suivie par plus de cinq mille
personnes, qui, levant les poings, lancent les slogans: “A bas le
fascisme”, “La dignité humaine triomphe de la torture”, “Relâchez les
prisonniers”, “Videz toutes les prisons”, “Amnistie générale”.
RAPPORTS DE PRESSE SUR LES PRISONS
Sous la pression de l’opinion
publique, le Ministère de la Justice et l’Etat-major général des Forces
Armées durent ouvrir les prisons civiles et militaires à la presse. Du
18 août au 1er septembre 1987, les journalistes turcs eurent la
possibilité d’entrer dans huit prisons et d’interviewer les prisonniers
politiques.
Les constatations des
journalistes, parues au jour le jour dans les journaux, sont simplement
effrayantes et honteuses.
Le quotidien
Cumhuriyet du 9 septembre 1987
résumait les constations des reporters comme suit:
REPAS: la nourriture donnée aux
prisonniers est fort peu nutritive. Les repas préparés avec du beurre
de la pire qualité étaient dégoûtants. Le Ministère de la Justice
attribue seulement 375 lires turques (0.35 $) à la consommation
quotidienne d’un prisonnier, alors qu’elle devrait être de 1.000 TL au
moins.
HYGIENE: Les prisonniers ne sont
autorisés à prendre une douche qu’une fois tous les quinze jours. Dans
de nombreuses prisons, ils n’ont que de l’eau froide, même pendant
l’hiver. Ils doivent laver vaisselle et linge également avec la même
eau froide. Dans les prisons du sud-est de la Turquie, les détenus
n’ont pas la possibilité de prendre de douche, même à l’eau froide.
Suite à quoi ils sont souvent victimes de maladie épidémiques.
PROMENADES: c’est un
véritable luxe dans les prisons. Les prisonnniers ne sont pas autorisé
à se détendre dans la cour de la prison. Privés de la possibilité de
marcher, nombreux d’entre eux souffrent d’inertie.
VISITES: Tous les prisonniers se
plaignent des restrictions sur les visites de leurs familles. Mêmes
pendant ces courtes visites, ils ne peuvent communiquer facilement avec
les parents à cause de la cloison entre le prisonnier et son visiteur,
qui empêche d’entendre de l’autre côté.
LECTURE: Des prisonniers
sont privés du droit de lire même les livres ou périodiques qui n’ont
été soumis à aucune interdiction. Alors que certaines publications sont
autorisées par certaines prisons, elles sont arbitrairement interdites
par les autres.
TORTURE ET PASSAGE A TABAC: Tous
les prisonniers politiques ont déclaré qu’ils avaient été soumis à la
torture systématique dans les prisons entre 1980 et 1984. Bien que
beaucoup de prisonniers soient morts ou ont été handicappés par de la
torture, ces agissements n’ont pas été divulgués par les autorités.
Depuis 1984 les prisonniers politiques subissent souvent la torture
psychologique et les harcèlement.
REGLEMENTS: Ils ont été décrétés
par les militaires après le coup d’état et sont toujours en vigueur.
Chaque administration pénitentiaire les interprète différemment. Par
exemple, l’écoute de la radio est toujours interdite dans certaines
prisons, alors qu’elle est libre dans d’autres.
UNIFORME DE PRISONNIER: Les
règlements de prison obligent tous les détenus, condamnés ou simplement
inculpés, à porter un uniforme du même type. Ceux qui ne sont pas
encore condamnés refusent de porter cet unifome en déclarant qu’ils
devraient être considérés comme innocents jusqu’à la fin de leur
procès. En protestation à cette pratique, de nombreux prisonniers
politiques refusent de se présenter aux procès.
MENOTTES ET CHAINES: Les détenus
des prisons d’Istanbul se plaignent en particulier d’être emmenés au
tribunal ou à l’hôpital avec des menottes et enchainés.
INTERDICTIONS SUR LE COURRIER: La
correspondance par lettre entre les détenus de différentes prisons est
strictement interdite. Quand à la correspondance avec les parents, elle
est également soumises à des restrictions.
PUNITIONS DISCIPLINAIRES:
Lorsqu'il résiste aux pratiques arbitraires mentionnées ci-dessus, le
prisonnier est soumis à la punition disciplinaire.
Principalement, il ne peut pas bénéficier de la mise en liberté
anticipée. Les gardiens de prisons provoquent des incidents dans le but
d'exposer le prisonnier au châtiment disciplinaire.
REGIME CELLULAIRE: Dans toutes
les prisons, ceux qui sont considérés "incorrigibles" par la direction
subissent pendant des mois le dur régime cellulaire. Les cellules se
trouvent généralement au sous-sol et dans un état crasseux. Les
prisonniers sont soumis à un isolement total et leur santé se détériore
de jour en jour.
Tous les rapports de presse
confirment les déclarations des prisonniers qui sont publiées à
Bruxelles: Military Jails in Turkey, Solidarity Publications,
Juin 1987.
INEFFICACITE DE L’ARMEE AU KURDISTAN
Toutes les nouvelles mesures
répressives prises contre la résistance armée kurde, telles que
la nomination d’un super-gouverneur pour appliquer l’état d’urgence
proclamé dans onze provinces de l’Est, la formation d’un
corps d’armée “extraordinaire” et l’augmentation des forces effectives
de la police et de la gendarmerie, se sont révélées inefficaces
dans cette région.
Les unités de l’ARGK, conduites
par le PKK, continue de porter des coups sévères aux détachements de
l’armée, ainsi qu’aux villages soutennant les forces gouvernementales.
Selon le quotidien Tercüman du 24
septembre 1987, depuis le début de cette année, la guérilla kurde a tué
65 personnes au total, au cours de leurs raids contre les
villages pro-gouvernementaux:
le 21 janvier, à Uludere, 8 morts
et 8 blessés,
le 23 janvier, à Midyat, 10 morts
et 8 blessés,
le 22 février, à Uludere, 14
morts et 9 blessés,
le 14 mars, à Sirnak (Siirt), 8
morts,
le 28 avril, à Semdinli
(Hakkari), 13 morts,
le 5 juin, à Hozat (Tunceli), 4
morts et 8 blessés,
le 21 juin, à Pinarcik, 30 morts
et 3 blessés,
le 9 juillet, à Hakkari, 29 morts,
le 19 août, à Eruh (Siirt), 25
morts,
le 21 aooût, à Dargecit (Mardin),
5 morts,
le 30 août, à Sirnak (Siirt), 4
morts et 4 blessés,
le 3 septembre, à Omerli
(Mardin), 8 morts,
le 22 septembre, à Sirnak
(Siirt), 11 morts.
Les autorités gouvernementales
accusent l’ARGK de tuer des paysans innocents, parmi lesquels des
femmes et des enfants, et a lancé une campagne en vue de discréditer le
mouvement kurde en général. D’autres organisation kurdes critiquent les
actions armées du PKK contre la population civile, car elles donnent au
gouvernement un prétexte pour justifier son terrorisme d’Etat au
kurdistan turc.
Quant au PKK, arguant que
l’exécution de civils dans unétat de guerre civile est inévitable, il
affirme que ceux qui sont si sensibles au sort des civils devraient
avant tout critiquer l’armée turque, qui s’est rendue coupable, depuis
plusieurs décennies, de toutes sortes de pratiques inhumaines à
l’encontre de la population du kurdistan turc.
UN GUIDE FRANCAIS ACCUSE DE SEPARATISME
Un ressortissant français, M.
Michel Caraminot, qui avait été arrêté à Sanliurfa parcequ’il
transportait des documents touristiques montrant certaines parties de
la Turquie telles que l’Arménie et le Kurdistan, a été inculpé, le 26
août 1987 devant la Cour de Sûrété de l’Etat de Diyarbakir. Le
procureur public a requis une peine de prison de 12 ans pour
séparatisme.
DEMOLITION D’EDIFICES CHRETIENS
L’hebdomadaire 2000’e
Dogru du 9 au 15 août 1987 rapporte que de nombreux
édifices arméniens en Turquie ne sont pas protégés comme monuments
historiques et sont soumis aux destructions naturelles et au pillage.
Selon cet article, Yedi Kiliseler
(les sept églises), ainsi que le monastère Varak, dans la province de
Van, construit au 16ème siècle comme centre d’éducation, sont à présent
utilisés comme écuries.
Quant aux églises de Kacit et
Elmacik, elles sont tombées en ruine. Le pont sur la rivière Catak, les
inscriptions arméniennes sur cet édifice ont été effacées sur l’ordre
de la Commission pour la protection des monuments historiques.
LIVRES SCOLAIRES MILITARISTES
Le quotidien Milliyet du 24
juin 1987 attire l’attention sur le contenu militariste des livres
distribués aux écolies par le ministère de l’Education nationale.
L’un de ces livres, intitulé “Les
droits de la Turquie dans la mer Egée” contient le texte suivant: “Les
principes adoptés il y a dix ans par la Turquie se sont révélés des
obstacles plutôt que des moyens de développement. C’est l’oubli du
principe ‘être prêt à la guerre si l’on veut la paix et l’ordre’ et
l’adoption du principe ‘paix dans le pays, paix dans le monde’ qui a
été la cause de nombreuses pertes turques.”
CONFISCATIONS DE JOURNAUX
Le 6 septembre 1987, le jour du
référendum, un tribunal de Paix d’Istanbul a décidé de confisquer tous
les exemplaires de trois journaux quotidiens, Hürriyet, Günaydin et
Bulvar, pour avoir publié des articles et des titres pouvant influencer
les votants.
Le jour suivant, la Cour de
Sûrété de l’Etat d’Istanbul a publié un ordre de confiscation de la
revue mensuelle Yeni Cözüm, sur base du fait qu’un article intitulé
“Détention politique et lutte de classes” enfreint l’article 142 du
Code Pénal Turc.
HUIT JOURNALISTES INCULPES
Huit membres du comité de
rédaction du quotidien Yanki, Nimet Arzik, Kurtul Altug, Ilhami Soysal,
Turhan Temucin, Argun Berker, Haluk Oncel, Metin Catan et Attila
Bartinlioglu ont été inculpés par la Cour de Sûrété de l’Etat
d’Istanbul, le 10 septembre 1987, pour avoir publié un article détaillé
sur la vie privée du leader iranien Khomeiny.
Accusés, en vertu de l’article
128 du code pénal turc, de provoquer l’hostilité entre la Turquie et un
pays étranger, et des représailles subséquentes contre des citoyens
turcs, huit journalistes risquent chacun des peines de prison allant
jusqu’à 10 ans.
UNE PRODUCTRICE DE TV DETENUE
Mme. Nihal Dogan, productrice des
programmes de la télévision hollandaise destinés aux travailleurs
immigrés turcs, a été mise en détention à Izmir le 29 juillet 1987. La
police politique affirme que son entrée en Turquie avait été interdite
par le ministère de l’intérieur.
SEANCE DU C.E. SUR LA TURQUIE
La séance sur le droits syndicaux
en Turquie, organisée par le Comité des Affaires Légales de l’Assemblée
parlementaire du Conseil de l’Europe, s’est tenue le 7 septembre 1987 à
Paris.
Au cours de la réunion, les
membres du comité ont entendu les évaluations faites par les
représentants du gouvernement turc, de partis politiques, de la
Confédération des Syndicats de Turquie (TURK-IS), de la Confédération
des Syndicats des Employeurs de Turquie (TISK) ainsi que du président
de la Confédération des Syndicats Progressistes (DISK), M. Abdullah
Bastürk.
Analysant en bref les
dispositions de la législation du travail turc et les mesures
gouvernementales contre le travail, M. Basturk a déclaré:
“En dépit des promesses faites
par le gouvernement de l’ANAP à l’OIT, aucune
modification sérieuse dans les règlements syndicaux n’a été faite
depuis 1986. Certaines modifications introduites, en particulier par la
loi no 3299 changeant l’article 8 de la loi no 2822, n’ont eu aucune
incidence essentielle.
“Au contraire, le gouvernement
ANAP a continué de restreindre les libertés syndicales, par diverses
mesures. Ainsi, la ‘règlementation concernant les mesures à prendre par
les autorités locales pendant les grèves et fermetures d’usines’
publiée le 4 septembre 1986 par le ministère des affaires intérieures,
a rendu le droit de grève, qui était déjà soumis à des restrictions
sévères, complètement impratiquable.
“Les résolutions datées du 24
avril 1985 du Comité supérieur de coordination pour les affaires
économiques, relatives au personnel à engager, est un autre exemple de
l’attitude contre les droits et libertés des syndicats.
“Une autre question significative
touchant la DISK et ses syndicats affiliés, est celle qui concerne leur
propriétés.
“La cour militaire a interdit la
DISK et ses 28 syndicats affiliés par sa décision, prise sans aucun
argument ni raison. Néanmoins, rien n’a été statué en ce qui concerne
les propriétés de la DISK et de ses affiliés, qui sont toujours
administrés illégalement par les curateurs.
“Selon l’article 467 de la loi
no. 2821, ratifiée par le Conseil de Sécurité National, ‘les propriétés
des confédérations et syndicats sont transférés au Trésor.’
“Néanmoins, l’application de
cette loi à la DISK et à ses syndicats affiliés, dont les procès sont
toujours en cours, est impossible d’après les principes
foncamentaux de la loi, qui stipule qu’aucune des pénalités ne peut
être appliquée aux cas entamés avant l’introduction de ces pénalités
par la loi.
“La requête pour la suppression
de la DISK et de ses affiliés avait comme fondement, pour le
procureur militaire, la loi syndicale no. 274 datée de 1963.
“Le procès de la DISK n’était pas
encore terminé. En incluant la phase de la Cour d’Appel, il apparaît
que cela prendra deux ou trois années de plus .
“Néanmoins, même si la décision
de dissolution est approuvée et mise en application, le transfert de
ces propriétés de la DISK et de ses syndicats affiliés au Trésor sera
encore impossible d’après l’ordonance claire de la loi.
“Les propriétés mobilières et
imobilières de la DISK et de ses affiliés peuvent être transferées soit
aux asociations syndicales à un échelon supérieur ou, et si ceci est
impossible, au moins à TURK-IS et ses affiliés, une fois la décision de
dissolution aprouvée.
“Lorsque la valeur courante des
propriétés de la DISK et de ses syndicats affiliés est calculée, elle
se monte approximativement à 350 milliards de TL ( $ 350 millions.)
“Ces propriétés, consituées des
cotisations payées par les travailleurs à leurs syndicats, ne peuvent
être exploitées par leurs véritables propriétaires, les travailleurs,
mais sont administrées par les curateurs, désignés par les commandants
de la Loi Martiale, contre les buts de leur existence, et sont ruinées.
“Nos objections et les requêtes
des centrales internationales de syndicats, de la CES et de l’OIT ne
sont pas pris en considération et les mêmes pratiques sont maintenues
effectives.”
Après la
séance, le comité des affaires
légales a décidé de traiter la question après les élections
anticipées en Turquie.
AVERTISSEMENT DE L’OIT AU GOUVERNMENT TURC
Avant cette réunion,
l‘Organisation internationale du travail (OIT) a modifié sa
position tolérante face au régime turc, et a placé celui-ci à nouveau
au banc des accusés.
Comme nos lecteurs s’en
rappelleront, au cours de la conférence internationale du travail de
1986, le gouvernement turc avait refusé cette organisation
internationale en déclarant qu’il modifierait toutes les
législations anti-démocatiques du travail dès que possible. Sur cette
promesse, le leader syndical belge Jef Houthuys, agissant en tant que
vice-président du Comité pour la mise en application des
recommendations et des conventions, avait persuadé la conférence de
postposer à l’année suivante le débat sur la situation des droits de
l’homme en Turquie. Cependant, le gouvernement turc, depuis lors, n’a
mis en prtique aucune de ses promesses. Au contraire, au cours de
l’année les leaders de la DISK ont été condamnés à des peines de prison
et certaines actions de protestations organisées par TURK-IS ont été
empêchées par la force.
Cette année, M. Houthuys,
admettant qu’il avait été trompé par le gouvernement turc, a demandé au
comité d’interroger les représentants du régime turc. A cet effet, en
même temps que d’autres pays où les droits syndicaux sont
systématiquement violés, la Turquie a
été placée sur la liste des pays qui
n’apppliquent pas les recommendations et les conventions.
Après des débats sur la situation
en Turquie, le 16 juin 1987, le Comité pour l’application des
recommendations et des conventions a décidé d’en appeler au
gouvernement pour apppliquer immédiatement ses promesses, et souligné
que, si les promesses ne sont pas tenues, l’OIT se verrait l’année
prochaine contrainte à recourir à d’autres moyens de pression sur
Ankara.
ACCROISSEMENT DERISOIRE DU SALAIRE MINIMUM
Alors que les prix des biens de
consommation et des services montent toujours en flèche, la commission
officielle chargée d’établir le salaire minimum a décidé des
augmentations dérisoires.
Selon la décision du 24 juin
1987, le salaire brut mensuel minimum sera de TL 74.250 ($74,25),
tandis qu’il était de TL 41.000 de 1985 à 1987. Après déduction des
cotisations sociales et des taxes, un employé peut recevoir un salaire
net mensuel de seulement TL 49.094 ($49,09), alors qu’il était de TL
28.000 depuis 1985.
Au cours des débats en
commission, les représentants syndicaux ont demandé que le salaires net
mensuel minimum soit placé entre TL 100.000 et TL 150.000, arguant
qu’une famille de trois personnes a besoin de TL 150.000 pour mener une
vie digne d’un être humain. En fait, même dans les quartiers pauvres
d’Istanbul, un appartement d’une chambre peut être loué à TL 40.000 par
mois. Une famille de quatre a besoin de TL 136.000 au moins par mois
pour couvrir les frais de nourriture.
Le tableau ci-dessous montre la
durée de travail d’un salarié nécessaire pour acheter quelques uns des
principaux biens de consommation, en 1980 et en 1986:
DENREE
1980
1986
------------------------------------------------------------------
1 kg de pain 1
h. 9 m. 1 h. 44 m.
1 kg de fromage 12 h. 26
m. 15 h. 55 m.
1 kg de viande 17 h. 11
m. 21 h. 9 m.
1 kg d’olives 10 h. 58
m. 18 h. 14 m.
1 paires de chaussures 124 h. 16
m. 236 h. 23 m.
Le nouveau salaire minimum a été
sévèrement critiqué par les syndicats et la presse. Mais le ministre du
travail et de la sécurité sociale, M. Mükerrem Tascioglu, a répondu aux
critiques par l’argument suivant:
“Le salaire minimum est prévu
pour l’employé qui commence juste à travailler. Cet homme n’a pas le
droit de se marier et d’avoir deux enfants. Pourquoi se marier, si on
n’a pas assez d’argent en poche?”
Quant aux salaire moyen des
ouvriers, selon le quotidien Milliyet du 7 juillet 1987, il
est d’environ TL 195.000 dans l’industrie pétrochimique, TL 193.000
dans la métallurgie et TL 115.000 dans le textile.
Par ailleurs, les bureaucrates
militaires ou civils de haut rang reçoivent les salaires mensuels
suivants:
Général d’armée TL 555.476
Général de brigade TL 459.614
Colonel TL 376.038
Directeur général TL 370.000
Juge TL 383.467
Docteur TL 297.348
Ingénieur TL 236.566
Pour les fonctionnaires de bas-niveau, le salaire
mensuel tombe à TL 72.407.
Le quotidien Milliyet du 9 juin
1987 rapporte que la majorité des 47 personnes qui avaient été
appréhendées alors qu’elless mendiaient dans les rues de Sivas étaient
des fonctionnaires de bas-niveau, leurs femmes ou leurs enfants. Ils
ont déclaré qu’il n’y avait pas d’autres moyens de survivre, étant
donné qu’un salaire mensuel de TL 70.000 est insuffisant pour couvrir
leurs frais.
LA DECLARATION DES EXILES POLITIQUES
SUR LA PRIVATION
DE LA CITOYENNETE
Une des pratiques anti-démocratiques les plus
frappantes dans le régime turc est la privation , pour les opposants au
régime, de leur citoyenneté turque. Bien que le nombre de personnes
privées de leur citoyenneté pour des raisons politiques soit d’environ
200, ceux qui refusent d’accomplir leur service militaire ont également
été l’objet de cette mesure répressive. Le nombre total de ceux qui ont
perdu leur citoyenneté de cette façon se montait en conséquence à
13.788 en 1987.
A l’occasion de la visite du premier ministre Özal à
Berlin-Ouest le 23 septembre 1987, un groupe de personnes victimes de
cette pratique anti-démocratique a tenu une conférence de presse, à
laquelle assistaient aussi les représentants de la Ligue des Droits de
l’Homme ainsi que ceux de la Liste Alternative de Berlin-Ouest.
Au cours du séjour d’Özal à Berlin-Ouest, la
présidence de l’Assemblée de la ville de Berlin-Ouest a donné une
réception en l’honneur des représentants des exilés turcs et kurdes.
Nous reproduisons dans la 3ème
page le texte intégral du communiqué de presse signé par 43 exilés
politiques.
“Nous sousignés, qui avons été
privés de la citoyenneté turque suite au coup d’état militaire du 12
septembre 1980, nous voulons faire entendre notre voix, ce même jour où
le premier ministre turc arrive à Berlin.
“Depuis le coup d’état militaire
du 12 septembre 1980, 13.788 personnes ont été privées de leur
citoyenneté. Au bas de tous les décrets relatif à cette pratique
apparaît la signature de Turgut Özal, d’abord en tant que vice-premier
ministre, par la suite comme premier ministre.
“L’article 15 de la Déclaration
Universelle des Droits de l’Homme adoptée par les Nations Unies
prescrit que chacun dispose du droit à la citoyenneté, et que personne
ne pourra le priver arbitraitrement de sa citoyenneté. La Turquie est
l’un des signataires de cette déclaration.
“Néanmoins, le droit indéniable à
la citoyenneté par la naissance a été, depuis le coup d’état militaire
du 12 septembre 1980, l’un des droits fondamentaux les plus violés en
Turquie.
“Nous, qui faisons de
l’attachement à la démocratie et aux droits de l’homme un principe
fondamental, avons été accusés, alors que notre droit à la citoyenneté
était violé, d’agir de l’étranger contre la Turquie. Ceux qui
s’identifient eux-mêmes au régime anti-démocratique qu’ils ont
établi et se considèrent identiques avec la Turquie, ont supposé
qu’ils pouvaient nous rendre inoffensifs dans l’opposition que nous
menons à l’étranger contre le régime du 12 septembre. Au point que,
sans nulle preuve à l’appui, ils ont privé de leur nationalité ceux qui
ne pouvaient être appréhendés par la police, en affirmant qu’ils
avaient fui le pays. Ainsi, la pratique de privation de la citoyenneté
a été utilisée comme moyen pour punir les opposants et les rendre
inoffensifs.
“Le premier ministre Özal essaye
de donner l’impression que tout se passe en conformité avec les normes
démocratiques, et que les tribunaux fonctionnent en toute indépendance
et légalité, en respectant le principe du ‘juge naturel’. Pourtant, la
situation réelle contredit cette affirmation. Nous estimons que les
exemples suivants, qui viennent instantannément à l’esprit, sont
suffisants pour justifier notre point de vue:
“- Bien que sept années ont passé
depuis le coup d’état, les procès contre la Confédération des Syndicats
Progressistes (DISK), l’Association pour la Paix, ainsi que de
nombreuses organisations politiques et démocratiques de masse sont
toujours en cours devant les tribunaux militaires.
“- L’interdiction de tous les
partis politiques qui avaient été actifs dans la politique turque avant
le 12 septembre 1980 est toujours en vigueur.
“- Bien que la loi martiale ait
été levée, les tribunaux de la loi martiale fonctionnent toujours. De
plus, des cours spéciales ont été mises sur pied, sous le nom de “Cours
de Sûrété de l’Etat”, sans tenir compte du principe du “juge naturel”.
“- Les articles 140,141 et 142 du
code pénal turc, sans exemple dans le monde, ont été renforcés et sont
encore en application. Le gouvernement actuel a en préparation des
projets pour un nouveau renforcement de ces articles.
“- Au cours des sept dernières
années 27 personnes ont été exécutées pour motifs politiques, et 525
autres condamnées à mort. Les sentences de 136 de ces condamnés ont été
soumises à l’approbation du parlement.
“- Comme l’ont révélé les grèves
de la faim, les prisons sont encore remplies de milliers de détenus
politiques. Ils sont soumis à des pressions et tortures incompatibles
avec la dignité humaine. Il a été reconnu, dans une déclaration
gouvernementale, que 1.244 personnes sont mortes en prison depuis le
coup d’état du 12 septembre. D’après les faits donnés par l’Association
des Droits de l’Homme (IHD), le nombre des prisonniers qui ont été
torturées à mort se monte à 149.
“- La répression et les massacres
organisés contre le peuple kurde, qui compte plus de dix millions
d’habitants, ont été rendus plus sytématiques avec l’adoption de la
Constitution de1982. Aujourd’hui, le Kurdistan turc, habité par des
Kurdes, est sous la juridiction de gouverneurs investis de pouvoirs
extraordinaires, et de nombreux villages kurdes sont soumis au massacre
et à la déportation.
“- En Turquie, 1.683.000
personnes ont été fichées et sont maintenues sous un contrôle
permanent. 300.000 d’entre elles ne peuvent sortir du pays.
“- En plus de 13.788 personnes
déjà privées de leur citoyenneté, 26.000 autres ont été appelées à
réintégrer le pays sous la même menace.
“- Les consulats turcs à
l’étranger continuent de pratiquer la saisie des passeports de
citoyens turcs, à cause d’opinions ou d’actes politiques.
“- Suivant les informations
provenant des autorités, des milliers de livres, revues et journaux ont
été détruits depuis le 12 septembre 1980. Au cours des dernières trois
années et demies pendant lesquelles Turgut Özal a été premier ministre,
240 publications diverses ont fait l’objet de décisions de confiscation
et les auteurs, traducteurs ou éditeurs de ces publications ont été
inculpés. Les pratiques d’interdiction, confiscation et censure de ces
publications est toujours en cours. De nombreuses publications parues
en Europe sont aussi l’objet d’interdictions.
“Ce n’est pas notre salut
personnel que nous recherchons, mais le droit à la citoyeneté, qui est
notre droit le plus fondamental. Nous n’acceptons aucun marchandage qui
puisse nous être imposé en l’échange de la restitution de ce droit.
Notre problème n’est pas un problème personnel, il est partie
intégrante de la question de l’établissement en Turquie d’un régime
démocratique basé sur les droits de l’homme.
“- L’annulation de toutes les
lois qui, en contradiction avec la Convention Européenne des Droits de
l’Homme, suppriment les libertés d’opinion et de conscience,
“- Et, en parallèle avec ceci, la
mise en liberté de tous les prisonniers politiques sont les conditions
minimales requises pour qu’on puisse parler de l’existence d’un régime
démocratique en Turquie.
“La restitution du droit à la
citoyenneté qui nous a été retiré doit être pris en considération dans
ce contexte.
“Nous n’avons jamais perdus notre
conviction dans le fait qu’un jour viendra où un régime démocratique
respectant les droits de l’homme sera établi en Turquie, et que nous
poursuivrons notre vie et notre travail dans notre pays. Une fois de
plus nous réaffirmons ici cette conviction qui est la nôtre.”
Behice Boran (Président duTIP),
Kemal Burkay (Secrétaire général du TKSP),
Sümeyra Cakir (musicienne),
Melike Demirag (musicienne),
Sanar Yurdatapan (musicien et compositeur),
Nihat Behramoglu (poète),
Inci Tugsavul (journaliste)*,
Dogan Ozgüden (journaliste-écrivain)*,
Umran Baran (journaliste),
M. Melih Baran (journaliste),
Yücel Feyzioglu (écrivain),
Fuat Saka (musicien),
Hüseyin Erdem (écrivain),
Gültekin Gazioglu (Président deTOB-DER),
Kemal Daysal (Membre du Bureau de DISK),
Mehmet Karaca (Président du MADEN-IS),
Metin Denizmen (Président du BANK-SEN),
Turan Ata (Membre du CA de la DISK),
Murat Tokmak (Membre du CA de la DISK),
Yasar Arikan (Membre du CA de la DISK),
Ekrem Aydin (membre du CA de la DISK),
Bahtiyar Erkul (Vice-président de MADEN-IS),
Yücel Cubukcu (Secrétaire général de BANK-SEN),
Ismail Coban (artiste),
Recep Orduseven (vice-président de BANK-SEN),
Ilhan Gecit (vice-président de BANK-SEN),
Halit Erdem (secrétaire général de MADEN-IS),
Zeki Kilic (Vice-président du SOSYAL-IS),
Aydin Yesilyurt (réprésentant régional de DISK),
A. Taner Serin (représentant régional de DISK),
Beria Onger (présidente de IKD),
Zulal Kilic (Secrétaire générale de IKD),
Serafettin Kaya (juriste),
A. Muhtar Sökücü (président de IGD),
Ergin Erkiner (editeur),
Aydin Ucar (président de la Maison populaire kurde),
Sertac Bucak (ingénieur),
M. Ali Akyigit (réprésentant régional de BANK-SEN),
Haydar Isik (enseignant),
Askin Baran (journaliste),
Mahmut Baksi (écrivain),
Durdu Gevher (enseignant),
Ihsan Aksoy (écrivain).
————
*) Ozgüden et Tugsavul sont rédacteurs d’Info-Türk.
A MAGAZINE CONFISCATED FOR PUBLISHING ATATURK’S WORDS ON THE KURDISH
QUESTION
The pressure on the publications
of opposition has attained to an unimaginable level with the
confiscation of the weekly magazine 2000’e Dogru for having published
Atatürk’s words on the Kurdish Question. The fact that even the words
of the founder of the Republic of Turkey can be censored has given rise
to a big reaction in Turkey as well as abroad.
On January 16, 1923, just after
the victory of the National Liberation War, Mustafa Kemal (later on
named Atatürk, father of Turks), held a press conference in Izmir and
said:
“Our new constitution provides
that a kind of autonomous local administrations will be set up. So, if
the population of a province is Kurdish, they will have
self-government. Besides, when we talk of the people of Turkey, we
should mention them (Kurds) as well. If it is not done, they (Kurds)
may create some problems for this reason. In present, the Grand
National Assembly of Turkey (TBMM) is composed of both Kurdish and
Turkish deputies.”
Though appeared in the newspapers
of January 16 and 17, 1923, this declaration of Atatürk has never been
reprinted, even in the academic works edited by the Turkish History
Institution (TTK), for 64 years.
The left-wing 2000’e Dogru has,
thanks to an insistent work, found the minutes of this important
interview written in arabic letters and put them in the August
30-September 5, 1987, issue.
However, the public prosecutor,
apparently informed beforehand, immediately reacted and order the
police to confiscate all copies in printing house. Two days after the
confiscation, the State Security Court of Istanbul issued a warrant for
the confiscation of the magazine.
In addition to the material
losses of the magazine, its responsible editor, Mrs. Fatma Yazici risks
a heavy prison term by virtue of Articles 142/3 and 312/2 of the
Turkish Penal Code, borrowed from the Penal Code of Mussolini.
The confiscation of a periodical
even in printing house before distribution has been made possible with
the modification of the Turkish Press Code in 1983.
On the application of this
censorship even on Atatürk’s own words, editors and renowned writers of
Turkey’s main newspapers and news agencies such as Sabah, Bulvar,
Zaman, Tercüman, Cumhuriyet, Günes, Milliyet, Dünya, Yeni Gündem,
Nokta, Söz, UBA, ANKA as well as the journalist associations have
issued a joint communiqué protesting against this practice and asking
for modification of the Turkish Press Code.