NOUVELLES
CONCESSIONS D'OZAL A WASHINGTON
Dans une démarche surprise, le gouvernement Özal a
avalisé, le 28 février 1988, la lettre d'intention reconduisant
l'Accord de Coopération Economique et de Défense (DECA) avec les Etats
Unis pour une nouvelle période de cinq ans.
La Turquie avait annoncé en avril de l'année passée
qu'elle n'allait pas ratifier la lettre d'intention à cause du fait que
les Etats Unis ne respectaient pas leurs engagements envers la Turquie.
Ankara avait maintes fois protesté contre les coupures dans l'aide
économique et militaire américaine à la Turquie et la discussion au
Congrès américain d'un avis qui visait à commémorer l'anniversaire du
massacre des Arméniens au tournant du siècle.
La ratification de la lettre d'intention a fait
l'effet d'une surprise pour les observateurs politiques à Ankara, du
fait qu'il n'y avait aucune amélioration perceptible des relations avec
Washington.
En plus de cela, comme autre geste de concession à
Washington, le "Président de la république", le général Kenan
Evren, a annoncé qu'il effectuerait une visite aux Etats Unis au mois
de juin 1988. Cette visite d'abord prévue pour 1987 avait été suspendue
en marque de protestation contre la discussion sur le génocide arménien
au Congrès américain.
Selon le quotidien Hürriyet du 29 février, en
signant la lettre d'intention, le gouvernement turc avait accordé à
Washington les avantages suivantes:
1. Les Etats Unis pourront renouveler et moderniser
les bases de contrôle de Pirinclik, Sinop et Belbasi. Ces trois
stations ont une grande importance pour le contrôle des tests
d'armements en Union soviétique.
2. Washington est autorisé à accélérer les nouveaux
travaux de construction dans certaines bases aériennes importantes
telles que celle d'Incirlik.
3. La force aérienne américaine pourrait augmenter
le nombre de ses avions de combat F-16 de 36 à 48. De cette façon, les
F-16 américains chassés par le gouvernement espagnol doivent être
basées en Turquie.
L'ancien ministre des affaires étrangères Hasan Esat
Isik, décrivant la ratification comme un fiasco diplomatique, a dit que
le défaut principal de la DECA réside dans le fait que la Turquie s'est
pleinement impliquée en tant que pays alors que les Etats Unis ne se
sont engagés qu'à remplir certaines promesses.
Dans une démarche parallèle, le chef d'Etat-major le
général Necip Torumtay a annoncé une décision d'organiser des
manoeuvres navales conjointes avec la force navale égyptienne. Les
manoeuvres doivent avoir lieu cette fois dans l'est méditerranéen.
Réagissant contre ce nouvel engagement militaire,
les porte-paroles de l'opposition ont dit que la Turquie pourraient se
trouver trop profondément impliquée dans les conflits militaires de la
méditerranée.
En fait, le 16 février, le quotidien Cumhuriyet a
rapporté que certaines entreprises turques et israéliennes avaient des
discussions en vue de co-produire des pistolets à longue portée et des
avions de combat Phantom F-4 .
Le journal britannique Independent du 20 février ont
rapporté que les gouvernements de Turquie et d'Arabie saoudite avaient
eu cinq fois des pourparlers, à différents moments, en vue d'installer
16.000 soldats turcs sur le territoire saoudien, de remplir le manque
laissé après que les soldats pakistanais se soient retirés de ce pays.
C'est après avoir pris toutes ces nouvelles mesures
pro-américaines que le premier ministre Özal a lancé sa soi-disant
"offensive de paix" vers les pays socialistes, les pays européens et
ceux du moyen-orient.
Sa visite à Téhéran -la troisième en Iran
depuis qu'il est devenu premier ministre en 1983- était un mélange de
succès et d'absence de compromis. Les deux nuits du séjour d'Özal à
Téhéran furent particulièrement bruyantes, pendant que les avions
irakiens commençaient à bombarder la capitale iranienne. Le missile et
l'attaque aérienne irakiennes avaient pris Ankara par surprise.
Le succès était qu'Özal devenait le premier
dignitaire étranger à être personnellement accueilli par l'ayatollah
Montazeri, l'homme désigné par l'ayatollah Khomeiny pour lui succéder.
Néanmoins, en dépit de toute la pompe accordée à Özal, les discussions
entre les délégations turque et iranienne centrées sur des sujets
économiques n'ont pas été entièrement un succès. Aucun accord n'a été
conclu sur le projet des pipeline qui feront la connexion entre les
champs pétrolifères iraniens et la côte méditerranéenne sur le
territoire turc.
Après Téhéran, Özal s'est rendu à Bruxelles et
à parlé au sommet de l'OTAN en tant que quatrième leader de l'OTAN
après Reagan, Mitterand et Kohl. "La modernisation des armes nucléaires
tactiques devrait être évaluée dans le cadre d'une période de temps
raisonnable, prenant aussi en considération l'attitude que manifestera
l'Union soviétique dans les négociations pour le contrôle des armes
nucléaires et conventionnelles," a-t-il dit. La presse a commenté cette
déclaration comme un signe que la Turquie se range aux côtés des
membres européens de l'OTAN, qui montrent une certaine répugnance à
déployer de nouvelles armes nucléaires.
Cependant, après la ratification de la DECA pour
cinq nouvelles années et les révélations sur les pourparlers de la
Turquie avec l'Egypte, Israël et l'Arabie saoudite dans le cadre des
plans de Washington, ces déclarations "de réserve" d'Özal devant les
alliés européens n'étaient qu'une manoeuvre à double face ayant pour
but d'obtenir plus de soutien pour l'amélioration des relations
turco-européennes.
LE RAPPORT DU DEPARTEMENT D'ETAT AMERICAIN SUR LS DROITS DE L'HOMME EN
TURQUIE
Alors qu'elle était en train de faire des nouvelles
concessions aux Etats Unis, l'administration Özal a été plutôt agacée
par les rapports de presse rendant publics des extraits du rapport
annuel du Département d'état américain sur la situation des droits de
l'homme.
Quoique libellé dans un esprit de tolérance envers
l'allié le plus loyal des Etats Unis, ce rapport adressé au Congrès
américain contient de nombreuses remarques et commentaires
critiques sur le régime du tandem Evren-Özal.
En particulier, la section sur les "minorités" en
Turquie a donné lieu à de violentes accusations contre les Etats Unis
dans les milieux politiques turcs.
Nous reproduisons ci-dessous le texte intégral de ce
rapport controversé:
Section 1
Respect pour l'intégrité de la personne,
incluant les libertés de:
A. Meurtres politiques.
Il n'y a eu aucune accusation de meurtres pour motif
politique par les forces gouvernementales en 1987. Un attentat à la
bombe à Istanbul en octobre a tué une personne. Une attaque d'un poste
de police en août à Istanbul a également causé la mort d'un policier.
B. Disparitions
Il n'y a eu aucune disparition connue dont les
forces gouvernementales se seraient rendues coupables.
C. Torture et autres punitions ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants:
En janvier 1988, la Turquie a signé la Convention du
Conseil de l'Europe pour la prévention de la torture et des traitements
inhumains et dégradants, et annoncé son intention de signer un Accord
similaire des Nations Unies. L'adhésion à la Convention du Conseil de
l'Europe autorise un comité international des pays membres du Conseil
de l'Europe à visiter tous les lieux de détention (postes de police,
prisons civiles et militaires, et hôpitaux psychiatriques) à n'importe
quel moment, après notification de la visite au gouvernement de
Turquie. En annonçant son intention de signer la convention, le
gouvernement a manifesté la sincérité de la volonté de la Turquie pour
abolir la torture.
Bien que la Constitution affirme que "personne ne
sera soumis à la torture ou à des mauvais traitements incompatibles
avec la dignité humaine," des hommes politiques turcs, la presse
turque, et des groupes de pression à l'extérieur ont assurés de façon
répétée que les prisonniers sont soumis aux mauvais traitements et à la
torture au cours de l'interrogatoire initial ou de l'emprisonnement.
Dans son dossier de septembre 1987 sur la torture, Amnesty
International a fait l'accusé la torture d'être "répandue" et
"systématique," déclarant que "près de 4 ans après qu'un gouvernement
civil fut arrivé au pouvoir en novembre 1983, aucune mesure
effective n'a été prise pour empêcher la torture." Le dossier d'Amnesty
contenait des compte-rendus sur les méthodes de torture, les centres de
torture, les abus sexuels, et la mort en détention. Helsinki Watch
concluait dans son dernier rapport que "la torture est toujours en
pratique en Turquie sur une large échelle." Il affirmait aussi,
cependant, que les mauvais traitements ou la torture en prison, à part
pour la période de détention initiale, a décru de façon substantielle.
Certains témoignages de torture concernent des
traitements qu'on pourrait définir comme brutalité policière, telles
que la manipulation brutale par des officiers de police dans le but
d'intimider un suspect ou un prisonnier ou due à une animosité
personnelle. Dans d'autres cas les mauvais traitements paraissent
impliquer la torture systématique. Presque tous les nombreux
témoignages concernent les traitements durant la période de
détention incommunicado, avant que les accusations soient réunies en
dossier et avant que l'accusé soit en mesure de contacter un avocat.
Beaucoup de cas sont attestés par des preuves médicales. Une plus
liberté de la presse a conduit à une couverture générale de ces cas de
torture en Turquie, incluant photos des victimes, descriptions des
méthodes, et croquis des locaux où on affirme que la torture a eu lieu.
Déjà avant de signer la Convention du Conseil de
l'Europe, le gouvernement avait condamné la torture et exprimé sa
détermination à la supprimer par la punition rapide et sévère des
coupables. Suite aux élections de novembre, le directeur général de la
sûreté nouvellement désigné, qui joue le rôle de chef de la police
nationale turque, a condamné sans appel la pratique de la torture et
s'est engagé à l'abolir. Le gouvernement a fait des efforts pour
enquêter sur les témoignages de torture et poursuivre les coupables.
Bien que des chiffres précis pour le nombres des enquêtes et des
poursuites ne soient pas disponibles, la presse continue de rapporter
des cas de punition de personnes coupables de torture. Par exemple, en
octobre, suite à la conclusion d'une équipe médicale judiciaire d'après
laquelle un prisonnier à Bingol était mort suite à la torture, le
gouvernement a lancé un procès contre un certain nombre de membres de
personnel militaire, y compris un officier. Ce même officier a été par
la suite reconnu coupable de torture dans une affaire différente.
Néanmoins, les organisations internationales des droits de l'homme
continuent de maintenir que beaucoup de témoignages de torture ne
sont pas complètement investigués et que certains individus reconnus
coupables continuent de mener leurs activités officielles alors même
que leur affaire et en appel.
Les défenseurs des droits de l'homme aussi bien en
dehors qu'à l'extérieur de la Turquie, y compris l'Union des Barreaux
Turcs, ont suggéré que le moyen le plus efficace d'empêcher la torture
est de permettre aux avocats l'accès aux prisonniers au cours de la
période initiale de détention. Un tel accès est actuellement pris en
considération parmi les révisions proposées pour le Code criminel. Ce
code criminel, si adopté, augmenterait également les peines pour la
torture. Le code criminel actuel catégorise le meurtre par torture
comme assassinat et le punit d'une peine de 8 ans. Les punitions pour
la torture qui ne cause pas la mort vont de 3 à 5 ans. En 1986, le
parlement a rejeté une motion qui aurait relevé ces peines à 5 à 10
ans. Le nouveau code criminel augmenterait la peine pour meurtre par
torture jusqu'à un maximum de 16 ans.
En août, suite à un large mouvement de grèves de la
faim par les prisonniers, accompagné de manifestations en dehors des
prisons par leurs parents et amis, les journalistes turcs ont été
autorisés pour la première fois à visiter les prisons et à décrire de
façon complète les conditions d'emprisonnement. Suite à cette attention
portée par la presse, les conditions semblent s'être améliorées dans
beaucoup de prison. Le gouvernement a répondu à de nombreuses demandes
de prisonniers et s'est lancé dans la construction de nouvelles prisons
afin d'améliorer les conditions de vie. Le ministre de la justice a
déclaré en septembre que les conditions d'emprisonnements s'étaient
améliorées de façon radicale au cours des 3 dernières années avec la
mise sur place de nouveaux lieux de détention. Cependant, à cause de
son relatif sous-développement, la plupart des établissements publics
en Turquie, y compris les prisons, sont encore au dessous des standards
en comparaison avec ceux de beaucoup de pays développés.
D. Arrestations arbitraire, détention, exil, ou
travail forcé
Sauf dans des circonstances particulières , comme le
fait qu'une personne soit prise sur le fait en commettant un crime, un
juge doit délivrer un mandat d'arrêt au procureur pour qu'un prisonnier
soit incarcéré. La police ou le procureur public peut cependant
maintenir les personnes mises en détention incommunicado et sans
accusation pendant 24 heures. Par ordre de la cour, la période de
détention incommunicado peut être étendue à 15 jours. Dans des affaires
de "délits commis collectivement" par trois personnes ou plus, la
détention sans accusation jusqu'à 15 jours est permise sans ordonnance
de la cour.
Dans les neuf provinces sous l'état d'urgence, le
gouverneur (ou le gouverneur supérieur) peut autoriser la détention
d'une personne jusqu'à 30 jours sans inculpation. Sous la juridiction
de l'état d'urgence, les autorités n'ont pas besoin de mandats pour
détenir les suspects. Une fois en détention normale, un détenu est
amené devant un procureur public pour être informé des charges qui
pèsent sur lui. Si le procureur décide de donner suite à l'affaire, le
détenu est déféré devant un juge et autorisé en conséquence à obtenir
un avocat.
Le parlement a rejeté en 1980 une motion demandant
l'accès immédiat à un avocat. Une révision proposée du code criminel
selon laquelle une personne, étant détenue, devrait avoir droit à
obtenir un avocat est toujours en discussion. Un détenu n'a pas droit à
une caution; le juge désigné, cependant peut relâcher l'accusé en
liberté provisoire sur présentation d'une garantie adéquate, ou
ordonner de le maintenir en détention préventive si la cour conclut
qu'il pourrait fuir ou détruire des preuves. La constitution stipule le
droit des détenus à demander une décision rapide pour l'assignation et
le procès. Dans tous les cas, les autorités peuvent maintenir un détenu
incommunicado dans les limites prescrites jusqu'à ce qu'il soit accusé
ou relâché. D'après l'acte des forces de police de 1975, la famille
d'un détenu doit normalement être avertie "dans le plus court délai."
Le 15 avril, le parlement a fait passer une loi qui
a abrogé la mesure de l'acte d'exécution des sentences de 1986 qui
permettait aux autorités judiciaires turques d'imposer des sentences
d'"observation de sécurité", communément appelées exil interne.
La constitution interdit le travail forcé, et cette
pratique n'a pas cours.
F. Refus d'un procès équitable
Les inculpés ont en principe droit à un procès
public. Pour certains procès, tels que ceux tenus dans des prisons
militaires ou dans un complexe militaire, les membres du public doivent
demander la permission pour assister. Mais cette permission est
accordée de routine. Bien que la Turquie soit à dominance islamique,
les structures de la cour et les procédures judiciaires sont sur le
modèle des codes de loi italien (criminel) et suisse (civil). Comme
dans beaucoup d'autres pays à loi civile, les procès dans lesquels des
jurys populaires rendent des verdicts ne font pas partie du système
judiciaire turc.
La constitution déclare que les juges seront
indépendants dans l'exercice de leurs devoirs et leur accord la
sécurité de l'emploi. Elle interdit également aux autorités de donner
des ordres ou des recommandations aux juges en ce qui concerne
l'exercice du pouvoir judiciaire. L'indépendance de la justice a été
démontrée lorsque la cour constitutionnelle a déclaré
inconstitutionnelles deux mesures de l'Acte des Forces de Police de
1985 qui étaient généralement considérées comme oppressives. Les
cours ont également acquitté de nombreux inculpés dans des affaires
impliquant la liberté d'expression.
Les procureurs de la République sont également
indépendants; la poursuite d'un affaire est leur décision propre.
C'est eux qui déterminent s'il faut poursuivre les enquêtes sur les
témoignages de torture. Le Conseil Suprême des Juges et les Procureurs
de la République, désignés par le Président de la République et
incluant le ministre de la justice, sélectionne les juges et les
procureurs pour les hautes cours et supervise ceux des cours
inférieures.
Tous les inculpés accusés de terrorisme ou d'autres
délits contre la sûreté de l'Etat, y compris le trafic de la drogue,
sont jugés devant une des huit cours de la sûreté de l'Etat. Les juges
dans ces cours observent les mêmes standards en ce qui concerne les
preuves, que les juges présidant des cours civiles régulières. Trois
juges président la cour de sûreté de l'Etat: un juge civil comme
président, un juge civil additionnel, et un juge militaire. Les cours
civiles et celle de la sûreté conduisent en général les procès en
suivant les même règles de procédure, basée sur la Constitution et les
règlements de loi de l'état d'urgence.
La reconnaissance de culpabilité ou l'acquittement
dans les deux systèmes peuvent aller en appel. Si une cour d'appel
rejette le verdict de culpabilité d'une cour inférieur, l'affaire est
renvoyée devant la cour inférieure pour être reconsidérée. Si la cour
inférieure insiste sur son premier verdict, l'affaire retourne en cour
d'appel pour avis. Dans certains cas, en particulier pour la peine
capitale, les appels devant la Cour Suprême ou devant la Haute Cour
Militaire d'Appel sont obligatoires et automatiques. Si une sentence
capitale est confirmée par la cour d'appel, elle doit être approuvée
par le conseil des ministres, ensuite par le parlement, et finalement
par le président de la République.
Les témoignages disponibles suggèrent que les
inculpés de langue kurde qui sont jugés dans le sud-est souffrent
souvent d'un manque partiel, ou dans certains cas total, de familiarité
avec la langue turque, la langue officielle et la seule permise dans la
communication avec les avocats ou les représentants de la justice. Bien
que des traducteurs soient permis, la qualité des traductions du kurde
en turc est pauvre d'après les rapports.
Les estimations du nombre de prisonniers politiques
détenus dans les prisons turques varient beaucoup, d'après la source et
la définition de la source de ce qu'est un prisonnier politique. Le
gouvernement nie qu'il détienne aucun prisonnier politique mais fait
observer que de nombreuses personnes ont été emprisonnées pour actes
terroristes ou pour d'autres crimes commis dans la poursuite
d'objectifs à caractère ostensiblement politique au cours des années
1970. Les organisations des droits de l'homme pensent que beaucoup de
gens ont été emprisonnés sous des statuts proscrivant le fait
d'"être membre d'organisations illégales", interdisant la propagande
ayant pour but de promouvoir l'hégémonie d'une classe ou d'un groupe
ethnique, ou défendant l'établissement d'un état islamique. Ils
estiment que les personnes couramment emprisonnés pour activité non
violente sous ces statuts se chiffrent par plusieurs centaines.
F. Intervention arbitraire sur la vie privée, la
famille, le domicile ou la correspondance:
La constitution assure l'inviolabilité du
domicile de la personne et de la vie privée, de la correspondance
et des communications. L'entrée de représentants du gouvernement dans
des résidences privées et l'interception ou le contrôle de la
correspondance sont autorisés seulement avec un mandat judiciaire.
Dans les neuf provinces qui sont toujours sous
l'état d'urgence, cependant, le gouverneur (ou le gouverneur supérieur)
peut requérir les autorités pour rechercher les résidences ou les
locaux de partis politiques, d'entreprises, d'associations, et d'autres
organisations sans obtenir de mandat. Ils peuvent aussi rechercher,
détenir, ou saisir sans mandat des personnes, des lettres, des
télégrammes, et des documents.
G. Violations de lois humanitaires lors de conflits
armés:
Depuis août 1984, le gouvernement a fait face dans
le sud-est de la Turquie à une campagne croissante de violence
sanglante menée par des groupes de guérilla kurde qui résident en
Turquie et dans plusieurs pays avoisinants, lesquels ont
entrepris d'établir un état kurde indépendant --incluant des parties de
la Turquie, de l'Irak et de l'Iran-- en déstabilisant le gouvernement
central turc. Les rebelles armés kurdes en Turquie reçoivent un soutien
et du matériel substantiels de l'extérieur.
Les attaques de la guérilla semblent avoir augmenté
à la fois par leur nombre et leur extension géographique en 1987. Des
changements récents dans la tactique de guérilla incluent la formation
de bandes plus grandes pour des attaques armées, des grèves dans
l'infrastructure économique et des transports de la région, et
les massacres brutaux dans le mode terroriste de paysans, dont beaucoup
des victimes sont des femmes et des enfants.
Les attaques des supporters du Parti ouvrier kurde
d'orientation marxiste (PKK), le principal groupe insurgé, contre des
cibles civiles ou gouvernementales ont causé la mort d'au moins 500
civils et militaires. Un journal turc a rapporté en juillet un bilan de
3 ans de 715 tués, dont 289 étaient des civils, pour la plupart des
femmes et des enfants, 159 militaires, et 267 combattants de la
guérilla. Il y a eu des d'autres assassinats, en particulier de civils,
depuis lors. Malgré des opérations militaires importantes contre
le PKK, les activités de la guérilla continuent dans beaucoup de
régions éloignées et relativement inaccessibles du sud-est.
Les membres turcs du parlement, des groupes
internationaux de protection des droits de l'homme, et la presse turque
ont soulevé des questions concernant les activités des forces de
sécurité dans la Turquie du sud-est. Selon les rapports, les membres de
la famille de terroristes suspectés ont été maltraités ou torturés pour
obtenir des informations sur la situation des terroristes. Dans
certains cas, les populations de villages entiers ont été questionnés
ou même détenus. Dans d'autres cas, des villageois suspectés de fournir
de la nourriture aux terroristes ont été accusés d'aider les
séparatistes.
Section 2
Respect des libertés civiles, incluant:
A. liberté de parole et liberté de la presse:
Les développements politiques et les règlements de
justice ont éliminé la plupart des restrictions de la liberté de la
presse. Le code criminel, néanmoins, interdit les discours ou écrits
considérés comme menaçant la sécurité de l'état et le système
démocratique de gouvernement. L'interdiction s'applique à la propagande
pour la domination de classe ou de race (communisme et fascisme),
l'établissement d'un état théocratique (intégrisme islamique), ou la
création d'un état séparé sur base ethnique (séparatisme kurde). Ces
mesures sont en vigueur depuis longtemps, datant des premiers jours de
la République turque.
La presse turque est robuste et vigoureuse. Elle
appartient à des groupes privés et reflète un vaste étendue de
points de vue politiques. Il n'y a pas de journal "gouvernemental"; à
un degré plus ou moins grand, tous les journaux présentent
les points de l'opposition. De plus, la tendance récente des règlements
de justice affectant la liberté de la presse a été en faveur de plus de
liberté, de façon consistante, en dépit des restrictions statutaires
encore existantes. Néanmoins, la possibilité de poursuite induit
probablement une certaine prudence de la presse dans sa sélection des
sujets choisis pour les reportages.
La Radio télévision turque (TRT) est un monopole du
gouvernement. Les leaders de l'opposition se plaignent du fait qu'elle
est orientée favorablement au gouvernement dans sa couverture des
faits, bien que tous les partis aient été autorisés à présenter leurs
points de vue au cours de la campagne électorale de novembre. Les
oeuvres de certaines personnalités de gauche et des interprètes et
écrivains turcs sont, d'après des rapports fiables, interdites
des émissions de la TRT pour raisons politiques ou culturelles.
B. Liberté de rassemblement pacifique et
d'association:
Les rassemblements pacifiques sont autorisés avec la
permission préalable des autorités. Ces requêtes sont généralement
accordées. Suivant les règlements actuels, les trajets des marches, les
lieux de rassemblement, les chemins de dispersion de la foule, et les
endroits où seront attachées les affiches doivent être fixés dans
toutes les villes chaque janvier. Le gouvernement a autorisé les
manifestations politiques au cours de la campagne pour le référendum et
n'a pas interféré avec la campagne politique pour les élections
parlementaires.
La loi sur les associations, qui reflètent la
préoccupation du gouvernement en ce qui concerne l'implication de
certaines associations dans la violence politique qui a précédé
l'opération militaire de 1980, interdit aux associations d'avoir des
liens avec des partis politiques ou engagés dans des activités
politiques.
Les activités d'association sont contrôlées de près
par le gouvernement. Les associations doivent soumettre leurs
programmes pour approbation par les autorités avant que leur formation
soit autorisée. Les associations turques des droits de l'homme, formées
en juillet 1986, n'ont pas reçu la permission d'agir en tant
qu'association légale avant un an, bien qu'elles pouvaient tenir des
meetings et séminaires dans l'intervalle.
En réaction à l'implication des universités dans la
violence d'avant 1980, la constitution et la loi des partis politiques
proscrivent l'implication des étudiant et des facultés dans les
activités politiques. Les partis politiques ne peuvent constituer de
mouvement de jeunesse. Les étudiants doivent obtenir la permission du
recteur de leur université avant de pouvoir former une association.
Suite aux protestations des étudiants, le gouvernement a retiré
en avril un amendement proposé à l'acte de l'éducation supérieure qui
aurait limité les associations étudiantes à une par campus
universitaire. Néanmoins, 143 étudiants qui protestaient contre le
projet de loi ont été traduits en procès pour rassemblement illégal. Ce
procès est toujours en cours. Sur les 100 membres de facultés environs
qui ont été renvoyés sous les règlements de la loi martiale -- de
même que 1.000 membres ont donné eux-mêmes leur démission soit par
désaccord avec l'intervention militaire ou pour d'autres raisons,
principalement économiques-- un certain nombre ont écrit des requêtes
pour leur réintégration, et au moins un professeur a été réintégré
suite à une décision de la cour en sa faveur.
Le fait d'être membre d'une organisation défendant
l'instauration d'un système d'un gouvernement basée sur les classes
sociales (organisation communiste) ou de participer à des activités qui
y sont reliées est illégal sous la loi turque. Les autorités ont arrêté
des personnes en octobre et les ont traduites en justice sur
l'accusation d'être des membres actifs de l'Union Révolutionnaire du
Peuple, qui est considérée comme une organisation de ce type.
Les syndicats et confédérations qui continuaient
d'opérer dans le cadre des mesures de la loi sur le travail de 1983 ont
été autorisés à organiser librement des lieux de travail et à conclure
des conventions collectives. Bien qu'un faible pourcentage seulement de
la force de travail turque comptant quelque 16 millions de travailleurs
soit organisée, plus de 60% des ouvriers d'industrie sont membres
d'unions couvertes par des accords de conventions collective. Il
s'ensuit que les syndicats ont un impact significatif sur l'économie,
spécialement sur les règlements de travail et la structure salariale.
La loi de 1983 sur les conventions collectives, grèves et fermetures
d'entreprises règlemente de façon stricte le processus de négociations
et rend illégales les grèves en dehors de ce processus (grèves
générales, grèves politiques, et grèves de solidarité). Les unions sont
habilitées à représenter leurs membres, à conclure des conventions
collectives, et à protéger les intérêts de leurs membres.
Sous la loi martiale, les activités des syndicats et
des confédérations ont été sévèrement restreintes.
Malgré la levée de la loi martiale, l'activité
politique des syndicats est interdite par la constitution, la loi sur
les associations, et la loi sur les syndicats... Les syndicats ne
peuvent théoriquement ni appuyer des candidats ou des partis, ni
contribuer à leurs campagnes. Néanmoins, la Confédération des syndicats
turcs, TURK-IS, a ouvertement fait campagne contre le parti dirigeant
de la Mère Patrie, aussi bien au cours de la campagne pour les
élections partielles de 1986 que pour les élections parlementaires de
1987. L'activité des syndicats en faveur des intérêts sociaux et
économiques des travailleurs n'est pas considérée comme activité
politique. Les syndicats ont tiré avantage de cette distinction pour
organiser des campagnes publiques très engagées contre diverses mesures
du gouvernement et pour faire pression sur les parlementaires du
gouvernement et de l'opposition afin de soutenir les positions du
travail.
Ces campagnes incluaient des efforts continuels pour
persuader le parlement d'harmoniser les lois restreignant l'activité
unioniste avec les conventions de l'Organisation Internationale
du Travail (OIT) compétentes. Une "marche au parlement" a été empêchée
le 24 mars par la police , qui accusait la Turk-Is de ne pas
avoir demandé de permission pour la manifestation.
Une décision de la cour de 1986 a ordonné la
fermeture permanente de la DISK (Confédération des Syndicats
Révolutionnaires), dont les activités avaient été suspendues sous la
loi martiale suite au coup d'état militaire de 1980. Le procès est au
stade de l'appel. L'organisation et ses fonds restent sous le contrôle
de curateurs désignés par la cour. Trois anciens leaders de la DISK ont
été élus au parlement en novembre. Les procès de l'Association pour la
Paix sont aussi allés en appel, et 11 inculpés ont été libérés sous
caution.
Les représentants du gouvernement turc, des
syndicats et des employeurs participent pleinement aux activités d de
l'OIT. La plus importante confédération, TURK-IS, est affiliée à
l'ICFTU. La plupart des syndicats de la TURK-IS sont affiliés à leurs
secrétariats syndicaux internationaux respectifs.
Le gouvernement de Turquie a été élu comme membre de
l'organe dirigeant de l'ILO en 1987.
La fédération américaine du travail et le congrès
des organisations industrielles (AFL-CIO) ont affirmé que le droit
constitutionnel des travailleurs turcs à s'organiser est entravé par le
code du travail et par les décisions et les pratiques du gouvernement
et des employeurs, que le droit de grève est gravement entravé, et que
l'observation des standards minimaux de santé et sécurité est relâchée.
Le ministre du travail a annoncé que le gouvernement prépare une
législation qui répondra à certains problèmes concernant les droits des
travailleurs soulevés par la AFL-CIO et d'autres. La nouvelle
législation , d'après les rapports, modifiera ou éliminera certaines
restrictions concernant les syndicats, le contrôle gouvernemental
excessif sur les syndicats, et les règlements affectant le libre choix
de leurs fonctionnaires. La nouvelle législation concernerait également
le droit pour les fonctionnaires civils et les professeurs de
s'organiser, ainsi que les conditions strictes qu'un syndicat doit
remplir actuellement pour pouvoir devenir un organe de négociation.
C. Liberté religieuse
La grande majorité des Turcs sont des musulmans
sunnites. Les "Alevis", qui adhèrent à différentes formes du chiisme,
constituent 10 à 15 % de la population. Il y a aussi quelques groupes
variés de religion chrétienne, et une petit communauté juive.
Le gouvernement turc, depuis la fondation de la
république , a considéré la laïcité comme un attribut essentiel d'un
système démocratique moderne de type occidental, et la constitution
proclame que c'est une caractéristique fondamentale de l'Etat. Il
distingue soigneusement en conséquence entre le droit privé d'une
personne à la "liberté de conscience, de croyance religieuse, et de
conviction" et le prosélytisme de quelque forme que ce soit. Depuis
l'époque ottomane, l'identité personnelle dans la société turque
a été corrélée avec la religion. Le traité de Lausanne de 1923 définit
les minorités d'après la religion, et l'identité personnelle est encore
largement synonyme avec l'identité religieuse même dans le moderne état
turc laïc. Le prosélytisme est donc politiquement sensible.
D'après la constitution, l'instruction de la culture
religieuse et de l'éducation morale est obligatoire pour tous les
étudiants. Le ministère de l'éducation a confirmé en 1986 que les non
musulmans devraient assister aux cours d'instruction religieuse
générale mais seraient excusés des sections "pratiques", qui incluent
la mémorisation de verset coranique et l'apprentissage de la prière.
Les cours --2 heurs par semaine-- sont enseignés par des enseignants
laïcs. Des cours coraniques hors programme, utilisant des textes
approuvés par le gouvernement, sont autorisés. Le gouvernement a
fermé les cours coraniques organisés par des sectes intégristes
enseignant une version plus radicale de l'Islam.
Parmi les autres groupes religieux, on trouve en
Turquie , particulièrement à Istanbul, un petit nombre
d'Arméniens orthodoxes et d'Arméniens catholiques, des Grecs orthodoxes
et des Grecs catholiques; des Orthodoxes bulgares, des Catholiques
romains, des Chrétiens syriens et assyriens, des Uniates chaldéens, des
Protestants et des Juifs. Outre la constitution turque, le traité de
Lausanne garantit les droits des minorités non musulmanes. Ces groupes
se réunissent dans des églises, des monastères, des synagogues, des
écoles (où on peut enseigner aux élèves dans leur propre langue), et
dans des fondations religieuses caritatives tels qu'hôpitaux et
orphelinats.
Les groupes de la minorité non musulmane se sont
plaints de façon répétée des méthodes et des mesures du gouvernement
concernant les activités des écoles de ces communautés, la formation de
conseils paroissiaux, ainsi que l'enregistrement et l'entretien des
biens de l'église. Les contraintes imposées par le gouvernement sur le
transfert de propriété à des organisations caritatives religieuses est
aussi matière à contentieux.
Le gouvernement a pris récemment des mesures pour
résoudre plusieurs problèmes concernant les groupes non musulmans. Il a
donné, en avril 1987, la permission au patriarcat grec orthodoxe de
reconstruire ses bâtiments administratifs, détruits par le feu en 1941.
Il a augmenté le montant des réparations qui peuvent être faites sans
autorisation préalable pour des monuments historiques, supprimant par
là un autre sujet de contentieux. Il a autorisé la libre circulation de
bibles. Cependant, il n'a pas encore accordé la permission de
construire des églises à certaines communautés telles que les uniates
chaldéens qui ont émigré du sud-est vers Istanbul, ou à la communauté
arménienne d'Ankara.
D. Liberté de mouvement à l'intérieur du pays,
voyages à l'étranger, émigration et rapatriement:
Il existe une liberté de mouvement générale en
Turquie. Les Turcs sont généralement libres de voyager à l'étranger, et
un nombre croissant d'entre eux l'ont fait, étant donné le relâchement
des contrôles. D'après la constitution, la liberté d'un citoyen de
quitter le pays peut être restreinte sur base de la situation
économique, d'obligations civiles (en général le service militaire), ou
d'enquêtes et de poursuites criminelles. Certains Turcs impliqués dans
des procès de masse prolongés datant du début des années 1980
n'ont pu obtenir de passeports, alors qu'ils ont été accordés pour
d'autres, et il existe des preuves que certains citoyens non inculpés
n'ont pu obtenir de passeport pour des raisons politiques. La loi
turque garantit que ceux auxquels les passeports ont été refusés à
cause d'une inculpation peuvent néanmoins être autorisés à voyager si
le ministère de la justice et le cabinet du premier ministre
l'approuvent. Des restrictions ont été atténuées dans la pratique, et
le gouvernement est en train de considérer des modifications
législatives en vue de rendre la politique turque sur les passeports
plus conformes avec les normes européennes.
La loi turque garantit aux citoyens la protection
contre la déportation, l'extradition, ou le refus du retour au pays. La
constitution assure le droit de retourner chez eux aux Turcs vivant à
l'étranger. Dans le cadre des mesures de la loi sur la citoyenneté
turque, cependant, le gouvernement peut retirer cette citoyenneté
à ceux qui ont refusé de rentrer au pays pour faire face à des
accusations criminelles, ou qui ont commit des actes par lesquels ils
se sont eux-mêmes expatriés, comme le fait de ne pas rentrer pour
accomplir son service militaire. D'après un rapport de presse turc
d'avril, 13.788 turcs vivant à l'étranger ont été privés de leur
citoyenneté depuis 1980.
La Turquie a accueilli de façon permanente environ
4.500 réfugiés afghans d'ethnie turque au cours des dernières années et
fournit un asile temporaire aux réfugiés est-européens dans deux camps
provisoires. Comme la Turquie limite la définition de réfugié aux
Européens de l'est, le gouvernement n'accorde pas le statut de réfugiés
aux Iraniens. Néanmoins, en tant que premier pays d'accueil, la Turquie
sert d'asile pour de nombreux réfugiés iraniens en cours de
réinstallation par la Haute Commission des Nation Unies pour les
Réfugiés (UNCHR). Elle ne déporte généralement pas en Iran ceux qui
sont entrés en Turquie illégalement ou qui ont dépassé leur délai de
séjour comme "touristes". En conséquence, un grand nombre d'Iraniens
vivent actuellement en Turquie, parmi lesquels beaucoup à Istanbul et
dans d'autres grandes villes.
Section 3
Respect des droits politiques: le droit des citoyens
à changer leur gouvernement:
Le droit à changer le gouvernement existe à la fois
en théorie et dans la pratique. La Turquie a un système parlementaire
présidentiel multiparti. Le président est élu par le parlement pour une
période de 7 ans. Le président actuel, dont l'élection était
automatique par l'approbation de la nouvelle constitution turque par le
référendum de 1982, est l'ex-général Kenan Evren, ancien chef de l'Etat
major de Turquie et chef du Conseil de la Sûreté Nationale qui a
gouverné la Turquie pendant la période de juridiction militaire
(1980-83).
Les élections pour les postes publiques se font sur
base du suffrage universel. Le parlement constitué d'une chambre
comprend 450 sièges élus sur base proportionnelle. La loi d'élection
oblige un parti a gagner au moins 10 % du scrutin national total pour
obtenir de sièges au parlement. Cette barre des 10 % a pour but
d'empêcher la fragmentation politique et la retour à la paralysie
parlementaire de la fin des années 70. Sur les sept partis légaux
qui ont présentaient des candidats pour les élections nationales
de novembre, trois ont obtenu plus de 10 % du total des votes.
Les partis défendant un état théocratique, la
supériorité ou dictateur d'une classe ou d'un groupe social
particulier, ou des philosophies "exclusives" ou "élitistes" sont
interdits.
Aucun parti ne peut se former autour d'un groupe
ethnique ou culturel. Parmi les groupements politiques interdit, on
trouve les communistes et autres partis marxistes, qui sont basés sur
les classes sociales, et les partis "élitistes" fascistes. Ceux-ci sont
considérés comme ennemis d'une démocratie de type occidental et
constituant une menace pour l'intégrité fondamentale de la Turquie. Les
fascistes et les communistes sont de la même façon empêchés d'être
membres d'autres partis. Les membres des forces armées et de certaines
catégories de fonctionnaires civils ne peuvent joindre un parti
politique.
La constitution garantit des droits politiques égaux
pour les hommes et les femmes. La Turquie fut l'un des premier pays à
accorder aux femmes des droits politiques intégraux et égaux. Il
y a actuellement 11 membres féminins du parlement, dont l'une est
ministre de cabinet, et plusieurs femmes tiennent des postes importants
dans la hiérarchie des partis. Les membres de minorités, musulmans ou
non musulmans, n'encourent aucune limitation légale de leur
participation politique tant qu'ils acceptent l'identité nationale
turque. Malgré d'autre limitations et restrictions concernant les
Kurdes en tant que groupe ethnique, beaucoup de Turcs d'origine kurde
servent ou ont servi au parlement, au cabinet et aux postes
gouvernementaux de haut rang.
Section 4
Attitude du gouvernement concernant les
enquêtes internationales
et non gouvernementales sur les accusations de
violations des droits de l'homme:
Le gouvernement a autorisé les visites étrangères en
Turquie dans le but de discuter des droits de l'homme en 1987 et , dans
la plupart des cas, a facilité les contacts aussi bien aux visiteurs
officiels que non officiels. Le gouvernement a été moins coopératif
pour les visiteurs enquêtant sur la question kurde. Depuis l'envoi en
1983 d'une plainte de cinq nations devant la Commission européenne des
droits de l'homme, la Turquie a commencé à fournir des rapports
confidentiels au Conseil de l'Europe et à permettre des visites sur le
terrain. Le gouvernement n'a pas permis les visites du Comité
international de la croix rouge. L'accession de la Turquie à la
Convention sur la Torture au Conseil de l'Europe impliquera des
visites du comité international de la CE dans le futur.
Une association non gouvernementale des droits
de l'homme a été formée à titre provisoire en juillet 1986 et a
vu son programme officiellement approuvé en 1987. Le Parti populiste
social démocrate, principal parti d'opposition, a également un comité
des droits de l'homme et a activement discuté des questions des droits
de l'homme au parlement.
Section 5
Discrimination sur base de race, de sexe, de
religion, de langue ou de statut social:
La constitution considère tous le citoyens turcs
comme égaux et interdit la discrimination sur base ethnique. Par le
traité de Lausanne, le gouvernement a entrepris "d'assurer une pleine
et complète protection de la vie et de la liberté à tous les habitants
de Turquie sans distinction de naissance, de nationalité, de langue, de
race ou de religion." En même temps, la politique du gouvernement turc
a constamment été de favoriser l'assimilation des personnes de culture
non-turque dans le courant principal de la société. La taille des
communautés minoritaires non musulmanes a décliné constamment au cours
des ans.
Les groupes minoritaires non musulmanes continuent
de se plaindre de la nature contraignante de la politique et des
procédures réglant l'organisation des biens des églises, et les
activités des conseil paroissiaux. Le rejet des requêtes de la
plupart des organisations religieuses caritatives reste toujours une
préoccupation majeur.
On trouve des Kurdes dans toute la Turquie, aussi
bien comme résultat de la politique de peuplement des Ottomans que de
récentes migrations vers les centres urbains. Ceux qui vivent en dehors
de la partie sud-est du pays ont été assimilés plus complètement dans
la vie nationale. La plupart des personnes de langue kurde se trouvent
concentrées dans le sud-est économiquement désavantagé, et beaucoup
mènent une existence tribale. Au travers des programmes de
développement économique de grande envergure, le gouvernement cherche à
intégrer pleinement aussi bien la région que sa population dans la
Turquie moderne.
Le gouvernement reste fermement opposé à toute
reconnaissance d'une identité ethnique kurde qui pourrait remettre en
question l'unité de l'Etat turc. La publication de livres, journaux, et
autres matériaux en kurde est interdite, de même que celle de livres ou
autres écrits traitant de l'histoire, de la culture ou de l'identité
ethnique kurde. La langue kurde est interdite pour des buts officiels,
c'est à dire dans les cours de justice, et il en va de même dans
certaines situations privées telles que le fait de recevoir des
visiteurs en prison, même si le prisonnier ou le visiteur ne parle pas
le turc. Néanmoins, il n'y a aucune restriction quant à l'usage du
kurde dans des établissements non-officiels.
Comme indiqué plus haut, le droit des groupes
indigènes minoritaires à utiliser leurs propres langues est limité.
Bien que le traité de Lausanne établit qu'aucune restriction ne sera
imposée sur l'usage libre pour tout ressortissant turc de n'importe
quelle langue dans la communication privée, dans le commerce, la
religion, dans la presse ou dans les publications de quelque sorte que
ce soit ou lors de rassemblements publics," la constitution déclare que
la langue officielle du pays est turque. Un article de la
constitution interdit la discrimination sur base de langue, et d'autres
articles interdisent l'usage public d'une "langue interdite par la
loi". Bien qu'aucune législation ne définisse les langues interdites,
les lois concernant les émissions et les publications définissent quant
à elles des "langues légales". Des personnes ont été traduites en
procès pour des accusations variées ayant rapport à l'usage du kurde.
Tous les procès récents de ce type se sont soldés en acquittements. Le
gouvernement a déclaré que le but de ses interdictions sur les
publications en kurde (et son action visant à décourager l'usage de
langues telles que le géorgien et le laz) est d'élever le turc au rang
de langue de tous les citoyens pour tous les usages. Ceci est une part
de l'effort entrepris pour inculquer à tous les citoyens turcs un sens
de l'identité avec l'Etat et la nation turque, au lieu de
l'identification avec un groupe particulier à l'intérieur de la nation.
En pratique, la sévérité des restrictions sur l'usage d'une langue
minoritaire paraît dépendre de la perception d'une menace que
représente le groupe en question pour
l'intégrité de l'Etat. Par exemple, le gouvernement doit faire face aux
séparatistes kurdes armés et pense que l'usage du kurde pousse au
séparatisme. L'usage de l'arabe, à propos duquel il n'existe pas de
telles préoccupations, n'est pas restreint de cette façon.
Le gouvernement a longtemps été à la pointe du
progrès dans la promotion et la protection des droits de la femme. Les
femmes ont le droit de vote intégral et le droit à l'éducation, sont
arrivées à un haut degré de réussite, et sont représentées dans toutes
les professions et institutions. Les femmes ont servi ou sont
actuellement employées à des postes de rang élevé tels que recteur et
doyen d'université, ambassadeur, président d'un parti politique, et
colonel d'armée. Les femmes d'affaires turques jouent un rôle
significatif dans de nombreuses industries et sont représentées dans
les équipes dirigeantes de certaines des plus grandes firmes privées de
Turquie. Les femmes avocats et juges sont proportionnellement plus
répandues qu'aux Etats Unis, et les femmes médecins sont dominantes
dans certaines spécialités.
Néanmoins, le rôle des femmes dans les petites
communautés et les régions rurales --spécialement dans l'est du pays--
est encore circonscrit par des siècles de tradition patriarcale. Les
contraintes sociales et culturelles dans ces régions limitent l'accès
égal des femmes aux structures éducationnelles et professionnelles, en
dépit de la constitution et du code de lois.
Conditions de travail
La constitution garantit le droit à des
conditions de travail raisonnables, adapté à l'âge, au sexe et aux
capacités du travailleur, et garantit le droit au repos, aux loisirs et
à un salaire suffisant. La loi sur le travail interdit l'emploi
d'enfants en dessous de 13 ans et restreint l'emploi des enfants en
dessous de 15 ans à des "tâches légères qui n'entravent pas leur santé
et leur développement physique, n'empêchent pas leur participation aux
occupations de formation et aux programmes d'orientation, ou la
possibilité pour eux de bénéficier de l'éducation." Les enfants entre
15 ans et 18 ans ne peuvent être employés dans le travail souterrain ou
sous l'eau et, ne peuvent être employés la nuit. Les filles et les
femmes ne peuvent être employées dans des travaux sous terre ou sous
eau, mais si elles ont plus de 18 ans, peuvent travailler de nuit sous
des conditions spécifiés conjointement par le ministère de la santé et
du bien-être et le ministère de l'industrie et du commerce.
Une équipe composée de représentants du
gouvernement, du secteur privé et du travail établit les salaires
minima nationaux dans les secteurs de l'agriculture et dans les autres
secteurs. La loi sur le travail impose une journée de travail de 7
heures et demie et une semaine de 45 heures.
En dépit des garanties constitutionnelles, des
spécifications légales, et des efforts des syndicats, un fossé
considérable persiste entre les idéaux et les réalités au niveau de la
santé et de la sécurité du travail. Les syndicats se sont plaints à de
nombreuses reprises du fait que les règlements existant qui concernent
la santé, la sécurité et les conditions de travail ne sont pas
suffisamment mises en application. En dehors du secteur industriel où
les unions exercent une influence considérable, les restrictions
légales sont généralement ignorées aussi bien en ce qui concerne la
santé et la sécurité que pour l'emploi des enfants et des femmes.
D'une façon générale, la différence entre les interdictions légales sur
le travail des enfants et leur mise en pratique est en diminution. Mais
dans le secteur de l'agriculture sur une large échelle, et à moindre
échelle dans les entreprises commerciales familiales, les jeunes
enfants travaillent toujours aux côtés de leurs parents. Au cours de
l'année 1987 un marché illégal pour l'emploi d'enfants dans une ville
de province, où les enfants des villages étaient loués à des personnes
extérieures à la famille pour travailler pendant les mois de vacances,
a reçu une attention considérable de la presse et a été immédiatement
fermé par le gouvernement.
SUR LA HERITAGE FOUNDATION
Dans le numéro de ddécembre 1988 d'Info-Türk,
nous avions reproduit un rapport de la Heritage Foundation demandant à
l'administration Reagan d'accroître son soutien à l'administration Özal
en Turquie.
D'après le New Statesman du 29 mai 1987, la Heritage
Foudation apppuie le courant de pensée le plus influent et le plus à
droite des Etats-Unis. Elle a fait parvenir un million de dollars
au cours des cinq des dernières années à des organisations de droite en
Angleterre et , dans une moindre mesure, à d'autres pays ouest
européens. L'argent a été donné avec l'objectif ouvert
d'influencer la politique intérieure du Royaume Uni," dit le mensuel
brittanique.
"Heritage, financé principalement par Joseph Coors,
un magnat de la bière et idéologue de droite, tente actuellement
de former le noyau d'une 'internationale conservatrice'. Déjà plus
proche du président Reagan qu'aucun autre centre similaire,
Heritage dispose maintenant des contacts et des fonds nécessaires pour
mettre en oeuvre ses programmes, qu'elle définit comme ayant pour but
'de faire entendre les voix du conservatisme responsable à Washinngton,
D.C...et dans la capitale du monde'.
"Les activités internationales d'Heritage ont été
favorisées par leurs entrées faciles dans les milieux de
l'administration Reagan. En 1982, le président Reagan a désigné le
président de l'Heritage Foundation Edwin J. Feulner junior comme
président de la commission consultative sur la Diplomatie
Publique, qui évalue les programmes de l'USIA, organisme qui inclut la
Voice of Americca, Radio Marti, Fullbright scholarships et la National
Endowment for Democracy.
"Les projets soutenus par Heritage sont
devenus plus systématiques en 1982, quand les conservateurs américains
et anglais s'alarmèrent devant l'influence grandissante du mouvement
pacifiste. En mai de cette année Heritage a fait circuler un
'Arrière-plan' sur 'Moscou et l'offensive pacifiste', dans lequel elle
appelait l'OTAN et 'ses organisations affilliées publiques de soutien'
à répandre l'information concernant les liens... entre les groupes
connus du front cummunistes et les groupes pacifistes 'indépendants'.
"Dans une interview avec Inter-Nation le
vice-président de l'Heritage Foundation Burton Yale Pines prédisait:
'peut-être que la prochaine étape sera la constitution d'une sorte
d'internationale conservatrice.' Il sugérait que cela puisse prendre la
forme d'une alliance de pas moins de 20 groupements de même tendance
aux Etats-Unis, en Angleterre, en France, en Allemagne de l'ouest, au
Japon et dans d'autres pays. Au cours des six dernières années, la
Heritage Foundation a été une force d'appoint majeure pour la
'révolution reaganienne'. L'administration Reagan elle-même viendra à
son terme en 1988. Heritage essaye au mieux, cependant, d'assurer que
les principes du reaganismes continuent de régir la politique,
bien au-delà des frontières des Etats Unis."