L'INQUISITION
A ANKARA
Pendant que commençait le procès des dirigeants du Parti communiste
unifié de Turquie (TBKP) à Ankara le 8 juin 1988, dans un autre procès
de masse, le procureur militaire réclamait 74 condamnations à mort et
des centaines d'emprison-nements à vie pour les militants de la Voie
Révo-lutionnaire (DEV-YOL). Des milliers de militants politiques
risquent toujours la peine capitale ou de lourdes peines de prison dans
les autres pro-cès en cours d'organisations de gauche telles que
TKP-ML, TKP-B, TDKP, PKK et DEV-SOL. Toutefois, tous ces procès
politiques sont ignorés par les institutions européennes et les grands
médias qui portent toute leur attention seulement sur le procès de
Yagci et Sargin du TBKP.
PROCES DES DIRIGEANTS DU TBKP
Le procès des secrétaires généraux du Parti
Communiste de Turquie
(TKP) et du Parti Ouvrier de Turquie (TIP), Nabi Yagci et Nihat Sargin,
a commencé le 8 juin devant la Cour de la sûreté de l'état d'Ankara.
Comme le rapporte The Guardian, "l'affaire a
provoqué une vague d'intérêt à l'intérieur comme à l'étranger,
l'interdic
tion du communisme en Turquie, datant de 65 ans, étant réexaminée de la
façon la plus approfondie. En Europe, elle est considérée comme l'un
des facteurs qui empêchent une pleine adhésion de la Turquie à la CEE.
A l'intérieur, il y a souvent un débat intense pour savoir si une
interdiction du communisme est appropriée, dans un pays supposé être
retourné à la démocratie après le coup d'état militaire de 1980, mais
le gouvernement n'a fait aucun pas en vue d'un changement de la loi."
Emmenés menottes aux poings au tribunal, Yagci et
Sargin ont été
conduits par une escorte militaire jusqu'à la porte d'entrée de la
salle d'audience, alors que 800 personnes, parmi lesquels des
observateurs internationaux et 200 avocats de la défense, essayaient
d'y avoir accès.
Il y a eu des échauffourées quand l'accès à la salle
d'au-dience
pleine à craquer a été refusée à des journalistes, des observateurs
internationaux et certains avocats, ainsi qu'à la plus grande partie du
public. Les juges, deux civils et un militaire, ont rejeté les requêtes
de la défense pour passer dans une salle d'audience plus grande. En
signe de protestation tous les avocats de la défense sauf cinq ont
quitté la salle. Les cinq restant ont soumis une plainte disant que la
défense ne pouvait être assurée convenablement.
Les procureurs ont demandé 66,5 ans de prison pour
Yagci et pour
Sargin. Bien que la lecture de l'acte d'ac-cusation devrait durer trois
jours, les juges, prenant une décision inattendue, ont ajourné le
procès jusqu'au 17 juin. Aucune raison n'a été donnée, mais certains
supposent que les autorités turques cherchent à apaiser la tension en
laissant jouer le temps.
Tous le observateurs locaux et étrangers ainsi que
de nombreux
journaux turcs ont qualifié le procès "d'i-néquitable" et
d'incompatible avec les normes internationales de la justice. Les
observateurs étrangers ont été profondément choqués par le fait qu'un
des juges et l'un des deux procureurs portaient des uniformes.
Un groupe de 32 Grecs, dont le musicien Mikis
Théodorakis,
constituait la délégation étrangère la plus importante. D'autres
délégations provenaient de Gr. Bretagne, d'Allemagne de l'Ouest, de
France, des pays scandinaves et du Canada. Le Comité central du parti
communiste de l'Union Soviétique a envoyé un télégramme exprimant sa
solidarité avec Yagci et Sargin.
Regrettant l'attitude de la cour, Lord Tony Gifford,
qui
représentait le groupe des droits de l'homme tous-partis de la Chambre
des Lords, a dit: "Une des questions que je soulèverai dans mon rapport
sera de savoir si un tel procès ne devrait pas être organisé dans une
salle où le public puisse avoir plus d'accès."
RIPOSTE
"DEMOCRATIQUE"
DU GOUVERNEMENT
A INFO-TÜRK
Alors que le gouvernement turc mène une campagne de
charme destinée à l'opi-nion européenne, deux rédacteurs d'Info-Türk,
M. Dogan Özguden et Mme Inci Tugsavul, viennent d'en recevoir une
riposte "démocratique" parce qu'ils avaient posé des questions
embarrassantes au premier ministre Özal au cours d'une conférence de
presse qu'il a tenue à Bruxelles. Il s'agit de la notification de la
privation de leur nationa-lité turque, décrétée il y a cinq ans.
En fait, Özgüden et Tugsavul, exilés en Belgique,
avaient été privés de la nationalité turque par le gouvernement
militaire le 8 juin 1983 pour leurs activités d'information dévoilant
les violations des droits de l'hom-me en Turquie. Cette décision avait
été publiée à l'époque dans le Journal Officiel et dans la presse
turque.
Les deux journalistes font partie des centaines
d'opposants qui ont perdu leur nationalité par décision
gouvernementale, et parmi lesquels figurait aussi le plus grand
cinéaste de Turquie, Yilmaz Güney, mort en exil en 1984.
Le premier ministre turc Özal, dans le cadre de sa
campagne de charme, a tenu une conférence de presse à Bruxelles le 4
mars 1988 après avoir rencontré les chefs de gouvernement des pays de
l'OTAN. Au cours de cette conférence de presse, les deux journalistes
ont contredit par leurs questions les déclarations du premier ministre
sur la restauration de la démocratie en Turquie. (Voir: Info-Türk, mars
1988).
Quelques semaines plus tard, le 21 mars 1988,
Özgüden, en tant que porte-parole du Comité de Solidarité et de
Coordination des Réfugiés Politiques, nouvellement formé, avait
rendu public une série de revendications des réfugiés politiques,
en-tre autres le rétablissement de la nationalité turque pour les
opposants rendus apatrides. Comme riposte, le 18 avril 1988, le
ministère turc de l'intérieur a ordonné au Consulat turc à Bruxelles de
renotifier aux deux journalistes le décret gouvernemental sur leur
nationalité publié cinq ans plus tôt.
Enfin, le 1er juin 1988, Özgüden et Tugsavul ont
reçu du Consul général de Turquie à Bruxelles, M. Selcuk Incesu, une
lettre recommandée notifiant qu'ils avaient été privés de la
nationalité turque en 1983 et que leurs biens en Turquie auraient été
saisis par l'Etat.
D'autre part, le ministère de l'intérieur a publié
un nouveau communiqué demandant à 94 personnes de se rendre aux
autorités militaires pour accomplir leur service militaire.
Le leader du Parti Ouvrier du Kurdistan (PKK),
Abdullah Ocalan se trouve sur cette liste. Le PKK est la principale
organisation kurde qui mène la guerre de guérilla dans le Kurdistan
turc.
Le communiqué rappelle aussi que si elles ne se
rendent pas aux autorités, ces 94 personnes seraient privées de la
nationalité turque.
UNE CAMPAGNE POUR LA CITOYENNETE DE NAZIM HIKMET
Un groupe d'avocats qui représentent la famille du
poète turc Nazim Hikmet, mort en exil volontaire à Moscou il y a 25
ans, a remis une pétition au bureau du premier ministre le 3 juin 1988,
demandant la restauration de la citoyenneté du poète et le rapatriement
de ses restes en Turquie.
Après avoir passé 13 ans en prison sur l'accusation
d'incitation de l'armée et de la marine à la rébellion, Hikmet avait
été libéré lors d'une amnistie générale en 1950. Cependant, mis en
demeure de se rendre aux autorités militaires pour être envoyé en
service militaire obligatoire, et menacé d'être assassiné, Nazim Hikmet
a dû s'échapper d'Istanbul à bord d'un navire roumain qui traversait le
Bosphore vers la mer noire.
Après son évasion, un décret du gouvernement daté du
25 juillet 1951 l'a privé de la nationalité turque. Nazim Hikmet a vécu
à Moscou jusqu'à sa mort le 3 juin 1963.
Après sa mort, de nombreux avocats et même les
autorités légales ont dit que le verdict contre Hikmet n'était pas
conforme avec la procédure légale normale. Il n' y a aucune preuve
solide des accusations portées contre lui.
Sa soeur a affirmé que si les droits à la
nationalité du poète sont restaurés, elle prendra une nouvelle
initiative afin de ramener les restes de son frère de Moscou en Turquie
pour un nouvel enterrement.
Dans un poème qu'il a écrit en exil, Nazim Hikmet a
exprimé le désir d'être enterré sous un peuplier dans un village reculé
de l'Anatolie.
74 CONDAMNATIONS A MORT RECLAMEES
Le plus grand procès de masse de la période d'après
le coup d'état est entré dans sa phase finale le 5 mai, avec la lecture
de l'acte final d'accusation du procureur militaire, dans lequel la
peine capitale a été réclamée pour 74 des 723 inculpés. Le procureur a
demandé des peines de prison jusqu'à 15 ans pour 334 autres
membres supposés de DEV-YOL (Voie Révolutionnaire).
Le procès a commencé il y a six ans, deux mois et
huit jours devant la cour militaire du Commandement de la Loi martiale
d'Ankara. La rédaction de l'acte final d'accusation a duré neuf mois et
sa lecture 43 jours.
Tous les inculpés sont accusés de tentative de
renverser l'ordre politique et social établi dans le pays.
Dans un autre procès devant la Cour de la sûreté de
l'Etat d'Istanbul, le 10 mai 1988, le procureur a réclamé des peines de
prisons totalisant 500 ans pour neuf membres supposés du TKP/ML.
D'autre part, le 11 mai, la cour militaire de
cassation ont approuvé quatre peines de morts et des emprisonnement à
vie prononcées contre un groupe de militants qui sont supposés avoir
été impliqués dans des violences politiques dans le district d'Aybasti
(Ordu).
RECONDUCTION DE L'ETAT D'URGENCE
Cédant à la directive du Conseil de la Sûreté
Natio-nale, composé de chefs militaires et de quelques minis-tres,
l'Assemblée nationale a décidé, le 25 mai, de reconduire l'état
d'urgence pour quatre mois à partir du 19 juillet, à Istanbul et dans
huit provinces du sud-est.
Bien que la loi martiale ait été levée, les
gouverneurs civils usent de tous les pouvoirs exceptionnels des
commandants de la loi martiale dans les provinces sous l'état
d'urgence. Par ailleurs, les gouverneurs de onze provinces dans le
sud-est anatolien, ont été placés sous l'autorité suprême d'un
super-gouverneur.
43 NOUVELLES PRISONS EN DEUX ANS
Le ministère de la justice a annoncé le 14 mai que
43 nouvelles prisons avaient été ouvertes en Turquie depuis deux ans.
Ainsi, le nombre total des prisons civiles s'élève maintenant à 644, et
49.219 détenus et condamnés y sont emprisonnés.
Bien que l'administration de certaines prisons
militaires ont été récemment reprises en main par le minis-tère de la
justice, les plaintes contre les conditions d'emprisonnement continuent
comme par le passé.
En mai, des centaines de détenus à Amasya,
Diyarbakir, Aydin, Buca (Izmir), Gaziantep et Ankara ont lancé
différents types d'actions de protestation telles que les grèves de la
faim ou le boycot des repas.
Le 17 mai 1988, deux mères de prisonniers
politi-ques, Saliha Sener et Rahime Sahin, ont tenté de s'im-moler par
le feu devant la municipalité de Diyarbakir pour protester contre les
mauvais traitements infligés à leurs fils, mais elles ont été sauvées
par les passants.
Récemment, deux délégations de l'Association des
Droits de l'Homme (IHD) et de l'Association pour la Solidarité avec les
Parents des Prisonniers (TAYAD) sont venues en Europe et ont tenu une
série de confé-rences de presse à Bruxelles et dans d'autres capitales
pour attirer l'attention sur les conditions carcérales.
LA NEGLIGENCE MEDICALE DES PRISONNIERS
Amnesty International a publié un nouveau rapport
sur "la torture et les négligences médicales des prisonniers" en
Turquie. Nous reproduisons ci-dessous les extraits concernant les
négligences médicales:
"Les autorités turques ont argué à plusieurs
reprises que les prisonniers politiques ne peuvent s'attendre à
recevoir un meilleur traitement que la population dans son ensemble.
Néanmoins, les autorités doivent se con-former aux prescriptions
légales minimales concernant la santé dans les prisons, et leur
argument ne tient pas compte du fait que de nombreux détenus souffrent
de problèmes liés à la prison, maladies infectieuses telles que la
tuberculose, et blessures dues à la torture et aux mauvais traitements
au cours des interrogatoires par la police ou dans les prisons. Alors
que la législation turque fournit des instructions claires pour
l'apport des soins médicaux aux prisonniers —fréquence des examens,
procédures en cas d'urgence, etc.
les soins mé-dicaux, effectivement prodigués, restent souvent en
deçà des prescriptions légales.
"Les allégations au sujet des négligences
médicales rapportent fréquemment que l'effectif de l'équipe médica-le
dans la prison est insuffisant et que celle-ci est souvent
inexpérimentée. Dans les prisons militaires en par-ticulier, des jeunes
médecins ayant juste terminé leurs études médicales sont nommés pour
toute la période du service militaire, sans disposer d'aucune
expérience pratique antérieure (normalement, en Turquie, toutes les
personnes aptes, de sexe masculin, âgées de 20 à 41 ans, doivent
effectuer un service militaire de 18 mois.) La presse turque a publié,
en août 1987, les chiffres suivants afin d'illustrer le rapport entre
le nombre des médecins et celui des détenus dans
quelques prisons:
"à la prison de Mamak: trois médecins et un
dentiste pour 347 détenus.
"à la prison de Sagmalcilar: trois médecins et un
dentiste pour 2.829 détenus.
"dans les prisons de Sanliurfa et de Sinop: aucun
médecin pour des centaines de détenus.
"La prison de Mamak, malgré un rapport relativement
meilleur entre le nombre de médecins et celui des prisonniers, est un
des lieux d'où sont parvenues de nombreuses allégations de négligences
médicales. Les prisonniers s'y sont souvent plaints du fait qu'ils
doivent attendre des semaines; jamais plus de sept prisonniers sur 70
ne sont examinés à la fois, lors d'une garde, et les autres détenus qui
ont besoin de soins doivent attendre jusqu'à la semaine suivante. La
même chose vaut pour les prisonniers qui veulent voir un spécialiste
comme le dentiste, en plus du médecin de la prison. Ils doivent
attendre au moins deux semaines avant d'être examinés par les deux.
"Il a, de plus, été rapporté que, même dans des cas
graves, les examens ont été faits très superficiellement, souvent par
simple inspection visuelle, à travers la fenêtre, à la porte de la
garde. On a rapporté qu'un nombre limité de médicaments est disponible
pour les prescriptions, quelle que soit la maladie. Des plaintes
similaires ont été faites dans presque toutes les prisons mais le plus
fréquemment à Diyarbakir et dans la pri-son militaire de Metris. Dans
certains cas les prisonniers doivent payer leurs propres médicaments.
Dans d'autres, des médicaments fournis par des parents n'ont pas été
acceptés par l'administration pénitentiaire.
"Les réglementations sur l'administration et
l'exécu-tion des sentences dans les prisons militaires, datées du 30
septembre 1986 (pour les parties concernant les soins médicaux,)
affirment dans l'article 50 que chaque prisonnier doit subir un examen
médical complet tous les trois mois. Des rapports d'anciens
prisonniers, pourtant, indiquent que ces examens complets ne sont
organisés qu'une fois par an.
"On rapporte communément que les prisonniers
ma-lades ont des difficultés pour obtenir l'admission à l'hôpital ou
que le transfert à l'hôpital a été délibérément retardé. Dans la
plupart des prisons les infirme-ries sont mal équipées et ne peuvent
faire face qu'aux nécessités les plus élémentaires. Seule une prison en
Turquie —La prison de Sagmalcilar à Istanbul— a ses propres
installations hospitalières. En août 1987, 56 des 2.829 détenus étaient
à l'hôpital de la prison, et 71 autres recevaient des traitements dans
des hôpitaux extérieurs. En novembre 1987, la prison militaire de
Sagmalcilar, qui avait été fermée en février 1986 à cause des mauvaises
conditions d'hygiène, a été réouverte. Cette prison est maintenant
appelée prison de Sagmalcilar de type E ou Sagmalcilar II. Le 10
janvier 1988, Kubilay Akpinar, ancien éditeur du journal Günese Çagri
(Appel au Soleil), en procès pour appartenance au Parti communiste
turc/Union (TKP/B) illégal, a rédigé une plainte qu'on a fait sortir
clandestinement de la prison. Dans sa lettre, Kubilay Akpinar, qui
aurait été torturé pendant 20 jours au cours de son interrogatoire, en
août et septembre 1987, dit que lui et 25 prisonniers politiques
avaient été transférés à la prison de type E le 22 décembre 1987, mais
qu'ils n'avaient été examinés par un docteur que deux semaines plus
tard. Il affirmait que sept prisonniers qui étaient sérieusement
malades et avaient besoin d'un traitement hospitalier n'avaient pas été
transférés à l'hôpital voisin (200 m) bien que le docteur avait ordonné
leur transfert. Seuls trois d'entre eux avaient été emmenés à l'hôpital
deux jours plus tard. Le refus du traitement médical était fon-dé sur
le refus par les prisonniers en détention préventive de porter
l'uniforme de la prison. Seuls les prisonniers qui acceptaient de
porter les uniformes de la pri-son étaient emmenés à l'hôpital.
"Dans les cas où les prisonniers détenus dans de
petites villes ont besoin de soins médicaux nécessitant un traitement
très sophistiqué, ils doivent être emmenés, soit à Istanbul, soit à
Ankara, mais même alors très peu d'hôpitaux acceptent des prisonniers
comme patients. Les prisonniers politiques détenus dans les prisons
militaires sont le plus souvent traités dans les hôpitaux militaires
pourvus de mesures de sécurité.
"Dans les petites villes, les hôpitaux d'état
acceptent normalement des prisonniers, mais à Adana par exemple, pour
plusieurs centaines de prisonniers, les hôpitaux d'état ont
seulement une garde pour les prisonniers, qui prend un maximum de 10
patients. Le 5 juillet 1987, Yeni Gündem rapportait que les
prisonniers, à l'hôpital d'état de Samsun, étaient enchaînés à leurs
lits, et que tous les prisonniers de l'hôpital Numune à Ankara avaient
été enchaînés à leurs lits pendant de longues périodes (probablement en
1984). Ha-lil Kirik, par exemple, membre supposé du Parti Ou-vrier
Kurde (PKK) illégal, était dans l'attente d'une se-conde opération du
cœur et était enchaîné à son lit pendant des semaines jusqu'à ce que
l'opération puisse avoir lieu. Hakki Zabçi, qui a passé 32 mois à la
pri-son militaire Mamak, aurait passé, quatre à cinq mois, enchaîné à
l'hôpital militaire Gülhane en 1983.
"Les chaînes semblent être utilisées fréquemment
quand les prisonniers sont traités hors des prisons. Dans le but
d'empêcher une évasion d'un prisonnier de l'hôpital, deux gardiens
montent habituellement la gar-de (souvent en plus de la contrainte des
chaînes). L'in-cident suivant qui s'est passé à Izmir a été porté à
l'at-tention du public par Amnesty International. Le 1er mai 1986,
Adnan Kirtay a été emmené de la prison de Buca vers l'hôpital pour la
poitrine de Tepecik, afin d'être soigné contre la tuberculose, et a été
enchaîné à son lit sur les ordres du commandant militaire, avec deux
gardes à ses côtés. Quand le docteur demanda que le patient soit libéré
pour son traitement, les gardes re-fusèrent de retirer les chaînes,
expliquant les ordres re-çus. Adnan Kirtay resta enchaîné à son lit
jusqu'à son renvoi de l'hôpital le 24 juillet 1986.
"Le 11 août 1986, Yeni Gündem rapportait le cas
d'Ümit Kaya, un prisonnier politique qui passa 27 mois à la prison
militaire de Diyarbakir à partir de 1981, et dont on dit qu'il
souffrait toujours des séquelles de la torture et des mauvais
traitements en prison. Il était également affirmé dans l'article qu'il
avait été enchaîné à son lit, à l'hôpital Elazig, pendant 45 jours.
"Abdülkadir Genelioglu, directeur général des
prisons au ministère de la justice, a dit lorsqu'il était interrogé par
des journalistes sur ce que le gouvernement avait l'intention de faire
au sujet du manque d'espace pour les prisonniers dans les hôpitaux, en
août 1987, que des contacts entre son ministère et le ministère de la
santé étaient en cours pour discuter de la question de pourvoir les
hôpitaux civils en gardiens de sécurité afin de leur permettre de
recevoir des prisonniers.
"On rapporte que de nombreux prisonniers et anciens
prisonniers souffrent de maladies mentales suite à la torture et aux
mauvais traitements en détention et en prison. Le 11 août 1986, Yeni
Gündem rapportait que Hüseyin Simsek, qui avait été emprisonné pendant
plusieurs années à la prison militaire Metris, était mentalement
souffrant. Dans le même article Mustafa Cos-kun est mentionné comme
étant toujours dans la même prison depuis 1981. Il a été arrêté à l'âge
de 17 ans et a passé sept mois à l'hôpital Haydarpasa. Souvent, il ne
reconnaît pas sa mère au cours des visites. En août 1987, on rapportait
que Veysi Kubat, un inculpé du procès de la Devrimci Yol (Voie
Révolutionnaire) à Ankara, détenu à la prison militaire Mamak, était
devenu violent envers ses co-détenus, criant la nuit et re-quérant
l'emploi de sédatifs.
"L'association Médicale Turque (Türk Tabipleri
Birligi, TTB) a pris une position ferme contre la torture, la peine de
mort et les autres questions ayant rapport aux droits de l'homme. Leur
souci pour le problème des droits de l'homme a conduit à la soumission
d'une lettre datée du 7 octobre 1985 aux autorités de l'état demandant
l'abolition de la peine de mort. En accord avec une décision de la 34
ème assemblée de l'association Mé-dicale Mondiale en 1981,
ils demandaient en particu-lier que les médecins ne puissent être
présent au cours des exécutions. Six membres du conseil central
de la TTB ont été accusés d'avoir enfreint la loi sur les associations
qui interdit les communiqués d'associations. Après un long procès ils
ont tous été acquittés le 26 septembre 1986 par la cour de la sûreté de
l'état.
"A la fin de 1986, le TTB a fait un projet de Statut
pour l'Ethique de la Profession Médicale dans le but de s'aligner sur
les standards internationaux agréés. Bien que ce statut n'ait pas passé
tous les obstacles légaux, il devrait former une base nouvelle pour un
serment d'Hippocrate révisé. L'article 16 du statut manifeste une
position claire sur la torture et la peine de mort , ainsi que les
soins médicaux pour les prisonniers."
FONDATION D'UNE ASSOCIATION D'EDUCATEURS
En dépit des efforts d'intimidation du régime, les
professeurs ont continué à résister.
Après le coup d'état militaire de 1980,
l'Associa-tion des Professeurs (TOB-DER) a été fermée, ses membres
dirigeants arrêtés et condamnés et des milliers de professeurs renvoyés
de leur poste pour leur opinions. Un groupe de membres dirigeants de la
TOB-DER, par-mi lesquels le président Gültekin Gazioglu, sont toujours
en exil en Europe.
Comme les professeurs en fonction ne peuvent former
ou rejoindre des unions, leurs collègues à la retrai-te ou renvoyés ont
mis sur pied une nouvelle organisation sous le nom d'Association des
Educateurs (EGIT-DER), qui marque une étape concrète dans le combat des
enseignants. Au nom des membres fondateurs, le président Ali Bozkurt a
tenu une conférence de presse, le 16 février 1988, et a dit:
"Dans des conditions de vies et sous des pressions
administratives aggravées, des professeurs sont forcés de quitter leur
emploi, ou de trouver un second ou un troisième emploi pour gagner leur
vie. Depuis le minis-tère jusque dans les écoles, du sommet jusqu'à la
base, les structures administratives sont utilisées comme mo-yen de
répression politique. Dans le monde, la Turquie est le seul pays qui ne
reconnaît pas le droit des professeurs à former un syndicat ou bien une
association professionnelle.
"Basés sur ces faits et sur le principe de l'unité
la plus large des professeurs, nous qui avons exercé des fonctions à
différents niveaux dans des associations de professeurs auparavant,
avons fondé l'EGIT-DER. Notre association a pour but de protéger les
enseignants dans les écoles privés et d'état, ainsi que tous les
enseignants et professeurs qui peuvent être admis. Bien que les
professeurs en fonction ne puissent joindre EGIT-DER, ils pourraient en
être membres honoraires."
PROCES DE 12 CHRETIENS A ANKARA
Douze personnes résidant à Ankara, dont sept
expatriés et cinq turcs, sont passés en procès le 26 mai 1988, devant
la seconde cour criminelle sur l'accusa-tion de "propagande chrétienne
illégale" en Turquie. Au cours de l'audition initiale, les inculpés ont
catégoriquement nié la possession de matériaux hors-la-loi ou toute
violation du code de loi sur la sécularité en Turquie, concernant la
pratique de la liberté religieuse.
Le procès d'Ankara est une des trois affaires
actuel-lement en cours devant des tribunaux turcs contre les activités
illégales supposées de chrétiens turcs ou d'ex-patriés en Turquie.
Depuis une vague d'articles de journaux et
d'enquêtes policières qui a commencé en février dernier, plus de 60
personnes dont 40 Turcs qui se font appeler "mes-sih inanlilari"
(Croyants du Messie) ont été mis en détention par la police et
interrogés dans les villes de Samsun, Gaziantep, Eskisehir, Adana,
Izmir, Iskenderun, Ankara et Mersin.
Dans le premier procès, entamé le 12 mai, l'homme
d'affaire ouest-allemand Stefan Pilz ainsi que trois Turcs ont été
formellement inculpés de subversion des principes séculiers de
l'état dans des buts religieux sous le coup de l'article 163 du
code pénal.
Une autre affaire en est à la troisième séance
d'au-dition devant la cour de la sûreté de l'état à Malatya, où deux
chrétiens turcs de Gaziantep sont accusés de "ré-pandre la propagande
chrétienne."
Au procès d'Ankara, un des inculpés, un professeur
de 27 ans a dit "Bien sur j'ai des exemplaires du Nouveau Testament et
d'autres livres concernant la chrétienté chez moi. Je les possède parce
que je crois en le Christ. Ce n'est pas contraire à la loi."
Cependant, deux des inculpés expatriés ont été
suspendus de leurs postes, et un des inculpés turcs a en fait été démis
et envoyé pour la forme vers un poste dans une ville de province.
Deux professeurs d'anglais à l'Université Technique
du Moyen-Orient et à l'Université Hacettepe, l'améri-cain Steve
Wibberely et l'anglais Julian Lidstone ont reçu notification de leur
renvoi de leurs postes. Contestant la décision arbitraire, ils ont
annoncé qu'ils en appeleraient à la Cour Administrative.
PROFITS FABULEUX DES HOLDINGS
Bien que la majorité de la population souffre d'un
appauvrissement constant, les bilans annuels des hol-dings turcs géants
ont révélé que les gros profits financiers se sont accrus de
façon significative en 1987.
Les principaux d'entre eux, Koc Holding et Sabanci
Holding , ont accrus leurs profits de quelques 160 % et 122 %
respectivement l'année passée.
Quand les chiffres d'affaires de huit holdings sont
comparés avec l'ensemble du budget national pour 1988 qui se montait à
10.900 milliards de LT, la croissance de ces holdings devient plus
apparente. Les chiffres d'affaires de huit holdings, Koç, Sabanci,
Yasar, Dinckök, Ercan, Profil, Alarko et Sise Cam totalisaient 11.000
milliards LT en 1987, soit plus que le budget national. Cette somme est
aussi le double de celle des dix plus grandes entreprises économiques
de l'état qui opèrent dans le secteur industriel.
En termes d'exportations, les 8 plus gros holdings
détiennent 12 % du total des exportations de l'année passée. Alors que
les 91 plus grandes entreprises d'état avaient réalisé un total
de $569 millions d'exporta-tions en 1987, les exportations des holdings
mentionnés ci-dessus se sont montés à $1,1 milliards.
Koç Holding, présidé par Rahmi Koç, a réussi le taux
de croissance le plus rapide en termes de ventes en 1987. Le total de
Ses ventes s'est élevé de 2.300 milliards de LT en 1986 à 4.200
milliards de LT l'année passée. Ce montant était approximativement égal
au total du revenu provenant des taxes de l'état en 1987.
En 1983, le profit annuel réalisé par chaque
travailleur de Koç Holding était de 616.000 LT. Ce chiffre s'est élevé
à 1.4 million de LT en 1987.
Sabanci Holding, opérant dans divers secteurs allant
du textile à l'industrie pétrochimique, conserve sa position dominante
depuis 1980 quand on considère ses profits. Le chiffre d'affaires de
Sabanci Holding s'est accru de 46 % en 1987, soit de 2.100 milliards de
LT à 3.200 milliards de LT. Ses profits ont également connu une forte
croissance en 1987 et ont atteint 395 mil-liards de LT, ce qui
représente un accroissement de 122 pour cent par rapport aux 178
milliards de LT de 1986.
L'année passée, alors que Koç Holding faisait un
profit de huit LT pour 100 LT, le profit de Sabanci Holding se montait
à 12 LT.
Le profit annuel créé par chaque travailleur de
Sabanci Holding s'est accru de 533.000 LT en 1983 à 1.8 millions de LT
en 1987. Le nombre d'employés est de 34.260 à Koç Holding et
29.100 à Sabanci Holding.
LE PARLEMENT EUROPEEN ADOPTE DEUX RESOLUTIONS CONDAMNANT LE
REGIME TURC
Le parlement européen a adopté deux résolutions, les
19 et 20 mai 1988, sur les violations des droits de l'homme en Turquie
et la question de Chypre.
La première réssolution condamne "les violations
flagrantes des droits démocratique" et demande la libé-ration immédiate
des 69 personnes arrêtées au cours des célébrations du premier mai à
Istanbul.
Au cours du débat, les remarques du général Evren
faites deux semaines auparavant, d'après lesquelles si la Turquie se
trouvait confrontée avec une situation rappelant la guerre civile
d'avant 1980, l'armée n'hésiterait pas à prendre à nouveau le pouvoir
ont été critiquées par les parlementaires européens.
La première résolution dit:
Le Parlement Européen
"A. constatant que la célébration du 1er est
toujours interdite en Turquie et ce depuis le coup d'Etat du 12
septembre 1980,
"B. constatant que, malgré cette interdiction, huit
députés du parti social-démocrate —dont le président de la Fédération
syndicale de gauche, interdite, le DISK— ont déposé une gerbe au
monument de la République, au centre d'Istanbul, à la mémoire des 34
manifestants tombés à cet endroit le 1er mai 1977,
"C. constatant qu'à cette occasion, 500 à 1.000
personnes, dont de nombreux syndicalistes, ont été violemment
dispersées par la police, laquelle a procédé à 69 arrestations,
"D. constatant que ces événements avaient été
pré-cédés, deux jours auparavant, par des manifestations contre la vie
chère rassemblées par les deux leaders de l'opposition, MM. Inönü,
président du parti populiste social-démocrate, et Demirel, président du
parti de la juste voie, ainsi que des arrestations à la suite
d'affron-tements entre des étudiants et la police à l'université
d'Istanbul,
"E. constatant que, devant ce regain de tension, M.
Kenan Evren, président de la République turque, a rap-pelé que l'armée
interviendrait "pour sauver la démocratie" si l'on revenait "au chaos
et à la terreur" qui précédèrent le coup d'Etat,
"F. considérant que le gouvernement turc n'a
toujours pas répondu à l'appel du Parlement européen demandant la
libération des prisonniers politiques, notamment MM. Kutlu et Sargin,
"1. constate que les événements liés à
l'interdiction de la célébration du 1er mai sont un signe du peu de
volonté du gouvernement turc à réaliser des progrès significatifs en
matière de respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales;
"2. condamne ces nouvelles violations flagrantes des
droits démocratiques par un gouvernement d'un pays qui a conclu un
traité d'association avec la CEE;
"3. demande la libération de toutes les personnes
emprisonnées après les manifestations, une enquête objective sur les
circonstances au cours desquelles des personnes ont trouvé la mort le
1er mai ainsi que la li-bération des détenus politiques en Turquie;
"4. demande le plein rétablissement des libertés
syndicales et politiques pour toutes les forces démocratiques qui,
actuellement, restent interdites."
Sur la question de Chypre
La résolution qui concerne Chypre demande aux
mi-nistres des affaires étrangères de faire pression sur la Turquie en
vue de la forcer à retirer au moins certaines de ses troupes de Chypre,
à réinstaller les réfugiés chypriotes grecs à Varosha près de Famagusta
et à évacuer les familles qui ont été envoyées de la Turquie
continentale pour s'installer à Chypre.
La résolution dit:
"Le parlement européen,
"1. invite le Conseil, afin de faciliter la reprise
et le succès des négociations intercommunautaires, à étudier notamment
la possibilité, les modalités et les conséquences d'une ouverture
économique de la Communauté vers la République de Chypre dans son
ensemble, ainsi que celles, à long terme, d'une éventuelle adhésion de
Chypre à la communauté;
"2. constate que l'occupation illégitime d'une
partie du territoire d'un pays associé à la Communauté par les forces
militaires d'un autre pays également associé à la Communauté constitue
un obstacle considérable à la normalisation des relations avec ce
dernier, à savoir la Turquie;
"3. demande aux ministres des Affaires étrangères
réunis dans le cadre de la coopération politique européenne d'examiner
les voies et moyens par lesquels un Etat de droit pourrait être rétabli
à Chypre, notamment par la réouverture de négociations
intercommunautaires, sous les auspices du Secrétaire général des
Nations unies, ayant pour but de donner à la République de Chypre une
forme fédérale, dont les parties seraient proportionnées à la
composition de la population, qui garantirait les droits des deux
communautés, et serait libérée de la présence de toutes les troupes
étrangères, dans le respect de la liberté de circulation, de la
liberté d'établissement et du droit de propriété des membres des deux
communautés, que la sécurité tant des communautés grecque et turque
soit assurée et que le Parlement européen soit régulièrement tenu au
courant;
"4. attend que les ministres des Affaires étrangères
réunis dans le cadre de la coopération politique européenne fassent
simultanément pression auprès du gouvernement turc à l'adhésion, pour
qu'il établisse un calendrier précis de retrait de ses troupes,
conformément aux propositions du Secrétaire général des Nations unies,
ainsi que des colons turcs, et prenne, conformément au droit
international, un certain nombre de mesures positives, en particulier
en évacuant, sans attendre la conclusion de l'accord définitif entre
les deux communautés, une partie non négligeable de son
contingent, et en accordant aux réfugiés de Famagouste la possibilité
de rentrer et de se réinstaller librement dans leurs foyers, et que le
Parlement européen soit régulièrement tenu au courant des initiatives
prises;
"5. demande aux ministres des Affaires étrangères
réunis dans le cadre de la coopération politique européenne de
faciliter des accords partiels intercommunautaires comportant notamment
la révision des livres scolaires des deux côtés pour donner à chaque
communauté une image positive de l'autre communauté et pour apprendre
aux jeunes génération à mieux se connaître sans haine et dans le
respect de l'autre;
"6. demande également aux ministres des Affaires
étrangères réunis dans le cadre de la coopération politique européenne
de recommander des accords partiels entre les deux communautés, portant
notamment sur des échanges techniques, économiques, culturels ou
sportifs entre les deux parties de la République, et souligne que de
tels échanges sont un moyen d'améliorer la compréhension mutuelle et de
prévenir de nouveaux conflits;
"7. souligne le droit à la vérité des familles des
personnes disparues et attend des ministres des Affaires étrangères
réunis dans le cadre de la coopération politique européenne qu'ils
redoublent d'efforts pour aboutir, en accord avec les autorités
chypriotes grecques et avec les représentants de la communauté
chypriotes turque, à une solution positive de ce problème humanitaire,
et leur suggère de s'efforcer d'obtenir un accord de toutes les parties
pour confier une mission de recherche au Comité international de la
Croix-Rouge, sans que celui-ci se heurte à aucune entrave en quelque
lieu où il estimera pouvoir découvrir des éléments à ce sujet;
"8. attire l'attention des ministres sur la
nécessité de parvenir rapidement à une solution définitive de ce
douloureux problème, notamment par la libération des personnes
disparues qui pourraient être détenues dans les prisons;
"9. rappelle que l'héritage culturel de chaque
peuple doit être préservé et condamne la politique systématique
d'élimination du passé et de la culture hellénique et chrétienne
entreprise par la Turquie dans la partie de Chypre occupée par ses
troupes, tant sur le plan de la dénomination des localités que sur ceux
de la disparition ou de la transformation du patrimoine culturel;
"10. considère avec beaucoup d'inquiétude l'action
en prétendue diffamation intentée devant les tribunaux par le dirigeant
chypriote turc M. Rauf Denktas contre le dirigeant du plus grand parti
d'opposition chypriote turc M. Özker Özgür; constate avec préoccupation
que si un tribunal chypriote turc condamne M. Özgür à verser des
dommages s'élevant à 100.000£, et que si cet arrêt est exécuté, il
entraînera la fermeture des bureaux du parti de M. Özgür, de son
journal et conduira à sa banqueroute personnelle;
"11. demande aux ministres des Affaires étrangères
réunis dans le cadre de la coopération politique européenne
d'intervenir auprès de autorités turques et des représentants de la
communauté chypriote turque pour qu'elles acceptent que soit confiée à
l'UNESCO une mission de préservation de l'héritage culturel chrétien et
hellénique dans la partie occupée de l'île."
Cependant, à Ankara, le porte parole du ministère
des affaires étrangères a dit: "Les résolutions n'ont pas un caractère
suffisemment sérieux et important pour mériter une réponse officielle."
CONFERENCE DE L'IPI A ISTANBUL
L'Institut Internationale de la Presse a tenu une
conférence de trois jours à Istanbul du 9 au 11 mai 1988, avec la
participation de plus de 200 journalistes de 64 pays, et adopté des
résolutions protestant contre les conditions de la presse en Turquie et
dans cinq autres régions troublées.
La déclaration sur la Turquie a mentionné des
améliorations pour la presse, mais a dit qu'elle "était préocuppée par
les pressions directes et indirectes sur les journaux."
Ces pressions comprennent la mise en détention de
journalistes, les hausses de prix sur le matériel d'imprimerie produit
par le gouvernement, les lourdes amendes contre des publications sous
le prétexte de protéger les mineurs et le retrait des publicités
de certains journaux par les banques d'état, à cause du fait qu'il ont
une position critique à l'é-gard du gouvernement.
L'IPI a demandé l'amnistie pour les journalistes
poursuivis, déclarant qu'aucun ne devrait être mis en prison pour avoir
exprimé des opinions.
NOUVELLES PRESSIONS SUR LA PRESSE
Sans égard pour les critiques de l'IPI, les
autorités turques continuent de poursuivre des journalistes et des
éditeurs. Avant la conférence, le 5 mai, l'éditeur responsable de
l'hebdomadaire 2000e Dogru, Mme. Fatma Yazici, a été condamnée par une
cour criminelle d'Istanbul à 16 mois de prison pour n'avoir pas révélé
le nom du reporter qui avait écrit un article critiquant le général
Evren.
Le premier jour de la conférence, à Ankara, le
mensuel Toplumsal Kurtulus a été confisqué et son éditeur respon-sable,
Felemez Ak arrêté pour certains articles parus dans le numéro de mai.
Le deuxième jour de la conférence, des exemplaires
de Tropique du capricorne d'Henri Miller ont été confisqués pour la
seconde fois. Une décision de la cour datant du 22 mars avait ordonné
que les exemplaires du livres soient confisqués et brûlés pour leur
obscénité. Suite à cela, 40 maisons d'édition, dans une action
conjointe, ont préparé Tropique du capricorne pour l'édition en
supprimant les chapitres qui avaient été trouvés obscènes, mais
ajoutant en prologue le verdict du Comité sur l'Obscénité.
La raison de la seconde confiscation du livre avant
sa parution sur le marché, dans sa nouvelle forme, était que le juge
a trouvé l'ordonnance de la Cour sur l'Obscénité, imprimée
comme prologue à un roman, obscène.
Les 40 éditeurs ont protesté contre la censure en
Turquie et ont appelé les citoyens et la presse à se solidariser avec
eux.
Entretemps, l'hebdomadaire 2000e Dogru rapportait
que le département de l'instruction des Forces Navales avait ordonné à
toutes les école militaires sous son commandement de brûler 40 livres
se trouvant dans les bibliothèques des écoles. Parmi ceux-ci, on
trouve de nombreuses oeuvres classiques écrites il y a des siècles.
13 mai, à Istanbul, deux journalistes du quotidien
Cumhuriyet, Cüneyt Arcayürek et Okay Gönensin ont été inculpés pour
avoir critiqué le premier ministre Özal. Ils risquent une peine d'un an
de prison.
16 mai, un concert du chanteur populaire Sadik
Gürbüz, organisé par l'association des droits de l'homme, a été
interdit sur ordre du gouvernement d'Ankara.
22 mai, le gouverneur de Kars a ordonné la
confiscation de toutes les copies d'une musi-cassette, "Le démocrate
fatigué", d'un autre chanteur populaire, Ahmet Kaya.
26 mai, le professeur d'université et ancien
président de l'Union des Ingénieurs, le professeur Sedat Ozkol, a été
arrêté à Istanbul.
LE PROJET "GAP" ET LES KURDES
A l'occasion du 40ème annniversaire de la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, le Parti Socialiste du
Kurdistan Turc (TKSP) a adressé à l'ONU, au Parlement Européen,
au Conseil de l'Europe ainsi qu'aux chefs d'états et de gouvernements,
un quatrième rapport sur la violation des droits de l'homme dans le
Kurdistan turc.
Dans ce rapport, l'ambitieux Projet de l'Anatolie du
Sud-Est (GAP) du gouvernement turc est évalué dans les termes suivants:
"Le projet consiste en la construction de 15
barrages et 18 centrales énergétiques le long des rives du Tigre et de
l'Euphrate. Selon les statistiques officielles, après l'achèvement de
ce projet, il serait possible de produire de l'é-lectricité jusqu'à
2.500 mégawatts par an. De plus, une superficie de 18 millions de dönüm
( ancienne mesure turque de surface, 1 dönüm=919 mètres carrés), dans
les provinces kurdes d'Urfa, Diyarbakir, Mardin, Adiyaman, Antep et
Siirt pourra être irriguée. Un accroissement de la rentabilité de la
production agricole est donc attendu. Le GAP concerne une région du
Kurdistan où le secteur industriel est le plus sous-développé en
Turquie. Ici, les rapports de production semi-féodaux sont toujours en
vigueur. Une grande portion des familles de paysans ne possèdent aucune
ter-re. Dans les provinces mentionées, 43,8 % des paysans sont sans
terre. A Diyarbakir, ce nombre est de 48,5 % , et à Urfa de 54 %. Alors
que 4,5 % de la population détient 60 % de la terre, 60 % de la
population n'en dispose que de 10%.
"Cette distribution injuste présuppose qu'une
réforme agraire de grande envergure soient entreprise pour que le GAP
puisse bénéficier à la majorité de la population. Mais c'est
précisément ce dont les seigneurs féodaux, les gros propriétaire
terriens et l'administration de Turgut Özal (qui coopère avec les
premiers) ne veulent pas.
"Dans la perspective d'une réforme agraire il avait
été projeté tout d'abord de donner à 2.000 paysans 60 dö-nüm de terre
chacun. Sur le 2.750 demandes remplies par les paysans, seule 825 ont
été agréées, car elles étaient les seules à remplir les conditions. Les
conditions étaient les suivantes: la capacité à lire et à écrire doit
être prouvée; le demandeur ne peut pas avoir être reconnu coupable d'un
délit envers l'état." (Yeni Gündem, N° 67, 14 juin 1987).
"En parallèle à l'irrigation, de plus en plus de
machines sont également utilisées et des méthodes économiques modernes
sont en application dans le secteur agricole. L'ouverture au marché
s'accélère elle aussi. La situation conduira directement à la faillite
des petits propriétaires, avec, comme résultat, la perte de leur
propriété. Pour empêcher un tel développement, un système coopératif
bien géré, par exemple, doit être mis sur pieds pour les paysans. De
plus, l'accord d'un crédit permettrait aux paysans de faire des
dépenses supérieures pour l'acquisition du matériel agricole essentiel.
"Néanmoins, le gouvernement turc ne manifeste pas la
plus infime volonté d'un tel développement. Pour les membres du
gouvernement, la question n'est pas de protéger les paysans pauvres
kurdes, mais bien plutôt de poursuivre leurs propres objectifs par la
réalisation du GAP.
"Les résultats du GAP vont être un appauvrissement
accru de la population, et sa migration subséquente de la campagne vers
la ville, ce qui provoquera un accroissement du chômage. A ce sujet, il
faut signaler que la pauvreté et le chômage dans le Kurdistan sont bien
plus élevés que la moyenne pour la Turquie. Comme il n'y a pas de
perspective de travail dans les provinces kurdes, la plupart des
travailleurs migrants sont forcés de se déplacer vers la Turquie
occidentale. Ils y essayent de trouver un emploi dans les domaines
agricole ou industriel. On estime que 5 millions de kurdes vivent en
Turquie aujourd'hui - ce qui veut dire, hors du Kurdistan. Le GAP
provoquera une augmentation importante de ce nombre.
"Le GAP se révèle être particulier bénéfique pour
les grandes entreprises domestiques et étrangères et pour les gros
propriétaires fonciers du Kurdistan. De nombreuses firmes, en
particulier celles des USA et de la Hollande, ont demandé de pouvoir
établir des grandes plantations dans le style des latifundia
sud-américaines. L'administration d'Ankara a signé des contrats avec
les fabriquants d'armes américains pour la construction d'avions de
combat F-16. En conséquence, la porte du Kurdistan est ouverte pour ces
firmes. Le capital d'Arabie Saoudite est également
intéressé au projet du GAP; l'Association Turco-Saoudienne se prépare à
établir des grandes plantations. La seconde puissance financière par
importance en Turquie, Sabanci Holding (Voir: Profits fabuleux de la
finance dans ce numéro), a déjà acheté des grandes portions de terres.
"Les villages qui entourent les barrages planifiés
seraient en voie d'irrigation et devraient en conséquence être
dépeuplés. Les habitants des villages affectés sont forcés de quitter
cette région. Ni maisons ni terres ne sont dispo-nibles pour eux, et
aucun emploi ne leur est offert. Le régime offre aux paysans un seule
alternative: la migration vers la Turquie occidentale.
"D'un autre côté, le gouvernement turc envisage
d'établir la population des côtes de la mer noire, ainsi que celle de
Marmara et des régions égéennes, au Kurdistan. Pour rendre cette région
attrayante pour la population turque le gouvernement propage
l'idée que cette région sera rendue fertile par le GAP. Il serait
avantageux d'y émigrer." (comparer Tercüman, 18 février 1987 et
Milliyet, 21 juin 1987)
(Le texte complet du rapport peut être demandé à P.O
Box 674-11421 Stockholm-Suède)