Le
mur de Berlin,
la honte de l'Est, s'effondre;
les prisons turques, la honte de
l'Ouest,
sont toujours pleines!
LIBERER TOUS LES PRISONNIERS
POLITIQUES
Un événement historique à Berlin:
le mur s'effondre, Berlin n'est plus une ville-prison. Une vague de
liberté déferle sur les pays de l'Est. Un processus de démocratisation
qui enthousiasme le monde entier s'enclenche. Les leaders européens
parlent déjà de l'intégration des pays de l'Est comme la Hongrie, la
Pologne et la RDA au sein de la grande famille européenne. Déjà, la
Hongrie a frappé à la porte du Conseil de l'Europe.
Ironie du sort: la Turquie, l'un
des Etat-fondateurs du Conseil de l'Europe et un membre associé des
Communautés européennes reste un pays-prison. Ses prisons sont toujours
pleines de prisonniers politiques: des milliers de personnes sont
privées du droit de se déplacer à l'étranger et des centaines
d'opposants au régime, réfugiés à l'étranger, sont privés de leur
nationalité. Les Cours martiales continuent à juger des milliers de
personnes, arrêtées suite au coup d'Etat de 1980, et les Cours de
Sûreté de l'Etat poursuivent les journalistes, les étudiants, les
artistes et mêmes les lycéens de 15 ans en raison de leurs opinions
politiques.
Alors que l'Europe de l'Est se
débarrasse de ses pratiques antidémocratiques et inhumains, la Turquie
reste la honte de l'Europe de l'Ouest.
ÖZAL: UN PRESIDENT DEMOCRATE?
L'un des principaux responsables
de cette honte, Turgut Özal, est maintenant président de la République
turque. Il a prêté serment le 9 novembre dernier lors d'une cérémonie
au Parlement qui a été boycottée par les parties de l'opposition. Alors
qu'il devenait président, une salve de 101 coups de feu était tirée
dans toutes les grandes villes de Turquie. Le même jour, la passation
des pouvoirs du général Evren à Ozal a eu lieu lors d'une cérémonie
organisée au Palais présidentiel.
Pour donner à l'opinion mondiale,
l'illusion d'une démocratisation du régime, Özal a déclaré, lors de son
discours inaugural, que la Turquie allait à l'avenir strictement
respecter trois libertés fondamentales et ce, dans le but de compter
parmi les nations éminentes au sein de la communauté internationale. Il
a énuméré ces trois libertés: la liberté de pensée, la liberté de
croyance et la liberté d'entreprise et a dit que: "Dans le processus de
consolidation démocratique, tous les efforts possibles et imaginables
doivent être fournis pour établir le respect des droits de l'homme dans
une dimension universelle". Il a proposé la création d'un comité
permanent des droits de l'Homme au Parlement turc. Il a également
pressé la nation de se montrer tolérante et de faire preuve de respect
mutuel pour les droits des individus. Il a terminé son discours en
déclarant qu'il allait se battre pour que la "Turquie devienne très
vite l'un des membres les plus éminents de la Communauté européenne".
Deux heures après avoir été
investi de la fonction présidentielle, Özal a nommé Yildirim Akbulut,
ancien président de l'Assemblée Nationale, au poste de premier
ministre. Ce dernier est connu pour son allégeance complète à Özal. Son
gouvernement comprend presque tous les anciens ministres du
gouvernement sortant. On a procédé à la nomination au poste de
secrétaire d'Etat des deux dirigeants de l'Alliance Sacrée, Mehmet
Kececiler pour les islamistes et Mustafa Tasar pour les nationalistes
et ce, dans le but de faire cesser les affrontements entre factions
rivales au sein du parti de la Mère-patrie (ANAP), le parti d'Özal.
Une semaine plus tard, le nouveau
premier ministre a été élu président de l'ANAP par un congrès
extraordinaire du parti qui s'est tenu le 17 novembre dernier. Un autre
candidat s'était présenté, il s'agit de l'ancien vice-premier ministre
Hasan Celal Güzel mais il n'a obtenu que 382 voix alors qu'Akbulut en
obtenait 739 grâce aux pressions exercées par Özal sur les délégués du
parti.
Maintenant Özal est tout
puissant, il peut faire ce qu'il veut et ce grâce aux pouvoirs très
étendus dont jouit le Président de la République en vertu de la
constitution promulguée en 1982. De plus, le nouveau gouvernement lui
est totalement acquis: il n'existe plus aucun obstacle à la mise en
pratique de ses promesses.
UNE REVISION PROCHAINE DU CODE PENAL?
Dès le premier conseil des
ministres, Özal a chargé M. Akbulut d'élaborer un texte portant
révision des articles 141, 142 et 163 du Code Pénal turc.
Özal, fervent islamiste, a
toujours été partisan de la suppression de l'article 163 du Code Pénal
interdisant les organisations et la propagande des religieux.
Quant aux articles 141 et 142 qui
interdisent les organisations et la propagande communiste ou
séparatiste, il n'envisage leur suppression qu'à la demande du Conseil
de l'Europe et du Parlement européen qui comptent des députés
communistes parmi leurs membres. Ces deux institutions ont lourdement
insisté sur la levée de ces deux articles et ce, dans le cadre de la
normalisation des relations turco-européennes. En effet, depuis
l'évolution que connaissent l'Union Soviétique ainsi que de nombreux
pays de l'Est, il est devenu ridicule de maintenir dans le Code Pénal
des articles qui sont issus du Code Pénal Mussolini, élaboré il y a
cinquante ans.
De plus, tous les partis
politiques —dont l'ANAP- jouissant d'une représentation parlementaire
semblent favorables à l'abandon de l'interdiction qui frappe les
organisations et la propagande communistes. Dès le moment où Özal est
devenu président de la République, leurs portes-paroles ont déclaré,
lors d'un débat public, qu'ils considéraient les articles 141 et 142
comme obsolètes. Dès avant que ce débat ait eu lieu, le Parti Populiste
Social-Démocrate (SHP) avait proposé à l'Assemblée Nationale d'élaborer
un projet de loi en vue de lever les articles 141, 142 et 163.
Encouragé par cette évolution des
choses, le Parti Communiste Unifié de Turquie (TBKP), toujours
illégal, organisent des réunions publiques tandis que deux de ses
dirigeants, Nabi Yagci et Nihat Sargin, sont toujours en prison.
Beaucoup des dirigeants du parti sont déjà revenus en Turquie: ils y
sont libres, à l'exception de quelques uns, et peuvent prendre part à
des discussions publiques. Pour la première fois depuis 1925, la police
n'intervient pas pour empêcher les réunions du parti communiste d'avoir
lieu.
Dans de telles circonstances, la
modification des articles 141 et 142 et la légalisation du TBKP par
l'administration Özal ne surprendra personne en Turquie.
LIBERTE POUR TOUS LES PRISONNIERS POLITIQUES
La véritable question qui se pose
à l'heure actuelle est de savoir s'il faut se contenter de légaliser le
TBKP et de relâcher ses dirigeants qui sont toujours en prison ou, au
contraire, de mettre fin à toutes les pratiques anti-démocratiques du
régime et de libérer tous les prisonniers politiques de Turquie.
Il est important de noter le fait
que la majorité des prisonniers politiques en Turquie le sont en vertu
de l'article 146 du Code Pénal et ont été inculpés ou condamnés pour
"avoir tenter d'altérer, de changer, d'abolir la constitution de la
République de Turquie et de renverser l'Assemblée nationale". Beaucoup
d'entre eux ont été ou risquent d'être condamnés soit à la peine
capitale soit à l'emprisonnement à vie.
Il y a également de nombreux
opposants au régime, exilés à l'étranger, qui ont été déchus de la
nationalité turque pour s'être livrés à des "activités anti-régime" en
Europe. En vertu de l'article 140 du Code Pénal, au cas où ils
reviennent en Turquie, ils sont passibles d'une peine de prison d'au
moins cinq ans.
La question primordiale est de
savoir si la levée ou la modification de articles 141 et 142 du Code
Pénal impliquera la légalisation des organisations kurdes? Des milliers
de prisonniers politiques kurdes ont et mis en accusation ou condamnés
sur base des paragraphe 4 de l'article 141 et 3 de l'article 142 pour
avoir fonder une organisation ou s'être livré à de la propagande
"séparatiste". Même le SHP, principal parti de l'opposition turque, a
récemment expulsé de ses rangs sept députés kurdes pour avoir participé
à Paris à une conférence internationale sur la Question Kurde (voir:
page 3).
Il faudrait que tous ces articles
soient immédiatement abolis ou révisés pour qu'une démocratisation
réelle intervienne en Turquie et ce non pas pour légaliser uniquement
le TBKP mais bien toutes les organisations de gauche ainsi que les
organisations kurdes.
De même, il faudrait procéder à
la libération de tous les prisonniers politiques et non pas en relâcher
quelques uns.
S'il n'en est pas fait ainsi,
bien que dotée d'un Parti Communiste légal dans l'éventail politique du
pays, la Turquie restera un sujet de honte pour l'Europe occidentale.
Bien qu'Özal ait déclaré que tout
doit être mis en œuvre pour établir un Etat de droit en Turquie, il
s'est immédiatement contredit en poursuivant en ces termes: "Je
continuerai à soutenir nos institutions constitutionnelles".
Or n'est-ce pas justement cette
constitution, édictée par un pouvoir militaire, qui se trouve être la
source de toutes les violations des droits et libertés qu'on déplore en
Turquie?
UN "NON" IMPLICITE A L'ADHESION TURQUE A LA CEE
Un rapport de la Commission
européenne propose de postposer l'examen de la candidature de la
Turquie à la CEE jusqu'en 1993. Le rapport de quatre pages consiste en
un jugement de la candidature turque et fera l'objet d'une discussion
au niveau ministériel en décembre 1989.
Bien qu'il n'oppose pas
explicitement une fin de non recevoir à la Turquie, il énumère une
série de conditions à remplir pour devenir membre à part entière qui
rend son intégration au sein de la Communauté pratiquement impossible.
Le rapport estime que l'adhésion
de la Turquie à la Communauté européenne constituera, pour cette
dernière, un lourd fardeau à porter aussi bien sur le plan économique
que politique. Toujours selon le rapport: "La Turquie va freiner le
développement de l'intégration de marché dans la Communauté et
constituer un obstacle à l'unité économique et politique de l'Europe.
La présence de la Turquie dans la communauté va ralentir le processus
de prise de décision dans les hautes sphères européennes."
Le rapport présente les
différences culturelles, politiques et économiques existant entre les
pays membres de la Communauté et la Turquie comme les principales
pierres d'achoppement à son acceptation en tant que membre à part
entière de la CEE.
Il estime qu'en l'an 2000, la
Turquie comptera 67 millions d'habitants, soit qu'un Européen sur cinq
sera Turc. Cela signifie qu'il faudra accorder à la Turquie 20% des
sièges au Parlement européen. Une telle représentation sur le plan
législatif, fait prédominer le point de vue de l'opinion publique
turque sur celle des autres pays membres.
De plus, le rapport continue en
affirmant qu'en raison des différences culturelles et politiques , il
ne faut pas s'attendre à ce que la Turquie adopte l'attitude d'un
"petit pays apprivoisé" au sein de la Communauté: "La Turquie fait
traditionnellement preuve d'une vision nationaliste des choses ce qui
est contradiction avec l'approche générale de la Communauté. Les
gouvernements d'Ankara n'ont pas une tradition de coopération politique
avec les autres pays".
Plus loin, le rapport ajoute que
la Turquie devra cesser d'occuper militairement la partie
septentrionale de Chypre, membre associé de la CEE, et ce avant que sa
candidature ne soit acceptée.
La plupart des Européens
n'acceptent pas la Turquie en tant partie intégrante de l'Europe et ce
aussi bien sur le plan culturel et politique. Ils la considèrent comme
un pays doté d'une culture et d'une religion différente.
La politique de maintien des
relations suivies avec les autres pays musulmans du gouvernement
d'Ankara le place parfois dans des situations difficiles comme on a pu
le voir lors de l'affaire Salman Rushdie. La Turquie, à l'encontre de
la Communauté européenne, n'avait pas protesté contre l'appel au
meurtre lancé par l'Iran contre l'auteur des Versets Sataniques, qui
d'après elle, insultait le Prophète Mohammed.
Le rapport conclut qu'il serait
irresponsable de la part de la CEE de laisser la Turquie adhérer à
l'organisation, alors que la Communauté éprouve déjà beaucoup de
difficultés à résoudre ses propres problèmes.
LA GIFLE DE DELORS A OZAL
En fait, ce rapport illustre
parfaitement l'état d'esprit de Jacques Delors, président de la
Commission des Communautés européennes qui, à peine cinq heures avant
l'arrivée d'Özal à Strasbourg, le 27 septembre dernier, a déclaré
devant le Parlement que la Communauté n'acceptera pas de nouvelle
adhésion avant 1993 et qu'il est aussi improbable que de nouveaux
membres soient admis après 1993.
Delors a également estimé et
c'est ce qui a été perçu comme une gifle en pleine figure par Özal et
par les délégués turcs que la condition sine qua non pour être européen
et faire partie de la Communauté européenne c'est d'appartenir à la
culture chrétienne. Il a poursuivi en disant: "J'ai clairement compris
ce fait après avoir lu 2.500 pages extraites de livres traitant de la
culture européenne, l'Europe est un produit de la chretienté, du Droit
Romain et de l'Humanisme grec".
En réponse au discours de Delors,
Özal a déclaré lors d'une conférence de presse à Strasbourg: "L'idée
que la Communauté européenne consiste à une communauté chrétienne est
complètement dépassée à l'aube du 21ème siècle. Si de telles
conceptions ont cours au sein de la Communauté, alors nous n'y
entrerons pas. La Turquie ne cessera pas d'être une nation musulmane
pour entrer dans la Communauté européenne".
Le discours de Delors a provoqué
une controverse en Turquie sur le fait que la religion pourrait être un
obstacle à son adhésion à la CEE.
Pour calmer l'opinion publique
turque, le porte-parole de J. Delors, M. Bruno de Thomas, a déclaré
lors d'une interview accordée au Turkish Dateline, le 7 octobre
dernier, qu'il y avait eu un malentendu au sujet de la religion. De
Thomas a expliqué qu'"un journaliste turc avait demandé au Président de
la Commission s'il voulait dire que le fait que la Turquie soit un pays
musulman allait l'empêcher d'entrer à la Communauté et Delors lui avait
répondu que ce n'est pas du tout ce qu'il voulait dire".
COMPARAISON AVEC 3 MEMBRE DE LA CEE
Le Centre de Recherche Turque qui
opère de façon indépendante à Bonn, a mené une étude comparative des
structures socio-économiques de la Turquie et celles de trois membres
de la CEE à savoir la Grèce, l'Espagne et le Portugal.
Selon cette étude, en Turquie, le
secteur industriel représentait 22,3% du produit national brut en 1960,
sa part montait à 36,2% en 1987. Quant à l'Espagne, sa part dans le PNB
est passée de 32,8% en 1960 à 38,9% en 1987 alors qu'en Grèce, elle
passait de 22,8% en 1960 à 24,7% en 1987.
Le secteur de l'agriculture a
perdu de la valeur sur le plan du PNB: en Turquie, il est tombé de 38%
en 1960 à 16,77% en 1987. Ce ratio a baissé de 22% en 1960 à 5,4% en
1987 en Espagne et de 20,2% à 13,7% en Grèce.
L'un des problèmes les plus
épineux de la CEE au sujet de l'adhésion à part entière de la Turquie à
la Communauté consiste en la croissance rapide de sa population.
L'étude admet qu'avec ses 55 millions d'habitants et un taux de
croissance annule de 2,7% calculé sur les 10 dernières années, la
Turquie accuse une croissance très importante. Mais le rapport fait
remarquer que "Alors que l'Europe vieillit, la Turquie rajeunit. Cela
peut constituer une chance pour la Turquie de combler une éventuelle
pénurie de main d'œuvre en Europe".
Le taux de croissance annuel sur
ces 10 dernières années a été de 0,6% en Espagne, 0,7% au Portugal et
0,2% en Grèce. Selon les prévisions de l'OCDE, le taux de croissance de
la population en Turquie va tomber à 0,4% en 2040-2050.
LE SECTEUR PRIVE TURC ET LA CEE
Dans un communiqué publié au nom
du secteur privé, les représentants de cinq ensembles industriels ont
affirmé leur volonté d'adhérer à la Communauté européenne. Cependant
"les milieux d'affaires turcs n'acceptent pas l'idée de s'aligner sur
l'industrie européenne et qui plus est, d'en dépendre, avant qu'elle ne
soit devenue membre à part entière de la CEE".
La Fondation pour le
Développement Economique (IKV), l'Union des Chambres et des Bourses
(TOBB), la Chambre de Commerce d'Istanbul, la Chambre de l'Industrie
d'Istanbul et la Bourse d'Istanbul ont ajouté dans ce communiqué: "Nous
sommes conscients du fait que les négociations avec la Communauté
Européenne ne peuvent pas débuter avant 1993. Entre-temps, la meilleure
chose à faire est de nous développer conformément aux standards
européens et de nous préparer à devenir membre à part entière de la
Communauté".
Constatant que les barrières
douanières de la Turquie ont rapidement été levées depuis que le pays a
présenté sa candidature, le communiqué conclut: "Cependant, nous ne
réaliserons aucune union douanière au sens strict du terme, tant que
nous n'aurons pas obtenu d'être membre à part entière".
LA QUESTION KURDE DANS LES TRIBUNES INTERNATIONALES
Alors que l'opposition et la
presse admettent l'échec de l'Armée turque à mater la guérilla kurde
dans le Kurdistan turc, deux initiatives récemment lancées dans le but
de résoudre la Question Kurde dans des arènes internationales
inquiètent sérieusement le régime d'Ankara.
Ainsi, les 14 et 15 octobre 1989
s'est tenue à Paris, une conférence internationale traitant du sujet
"Les Kurdes: droits de l'homme et Identité culturelle" et ce, avec la
participation de nombreuses personnalités étrangères et kurdes. Cette
conférence était sponsorisée par l'Institut des Etudes Kurdes de Paris
ainsi que la Fondation France Libertés de Mme Danielle Mitterrand,
épouse du président français. Huit députés turcs d'origine kurde y ont
également assistés dont: Ibrahim Aksoy, le député de Malatya expulsé du
SHP au début de cette année pour avoir formulé des critiques à la
Commission mixte parlementaire turco-européenne, qui ont été
interprétées comme favorables au séparatisme kurde par le comité
disciplinaire du parti.
Les participants, à la fin de la
conférence, ont publié un communiqué final demandant que la Question
Kurde soit portée devant l'Assemblée Générale des Nations Unies ainsi
que devant les institutions européennes et qu'à cette fin soit
instituée une organisation représentant tous les Kurdes vivant dans
cinq Etats à savoir la Turquie, l'Irak, la Syrie, l'Iran et l'Union
Soviétique.
Toutefois, le Parti Ouvrier du
Kurdistan (PKK), l'organisation kurde la plus radicale de Turquie a
contesté la légitimité de cette conférence en ces termes: "Cette
conférence a été organisée par des gens qui ne sont pas Kurdes. Les
organisateurs de cette conférence sont ceux qui veulent vivre dans
l'impérialisme le plus absolu".
Juste après cette conférence, un
lobby pro-Kurde a vu le jour au sein du Congrès des Etats-Unis dont le
but est de porter la Question Kurde dans les tribunes internationales.
Dix membres du Congrès américain
et Mme Danielle Mitterrand se sont rencontrés lors d'une réunion au
Congrès le 24 octobre 1989. Elle était organisée par la "Human Right
Caucus" et co-présidée par le député démocrate Tom Cantos et le
républicain John Porter.
Mme Mitterrand a déclaré que
l'établissement d'un Etat kurde indépendant au Moyen-Orient procède de
la volonté des Kurdes eux-mêmes:
"Vous vous rappelerez que sur base d'une proposition de Woodrow Wilson
faite en 1920, le Traité de Sèvres envisageait de doter les Kurdes du
droit créer leur propre Etat. Cependant, le Traité de Lausanne de 1922
en a décidé autrement et a divisé le territoire qu'ils occupaient entre
quatre Etats: l'Iran, l'Irak, la Turquie et la Syrie".
"Depuis cette date, les Kurdes
ont dû mener une lutte constante à l'intérieur de chacun de ces quatre
Etats pour leur vie, l'existence de leur peuple, dans le but de
préserver tout ce qui fait leur identité. Les attaques contre leur
culture et la mémoire collective de leur peuple font preuve d'une
incroyable cruauté".
Elle a également critiquée la
façon dont la Turquie a traité les réfugiés kurdes irakiens: "Ces gens
sont totalement dépendants des décisions prises par les autorités
turques à leur sujet; ils sont dans un dénuement total et ils se
sentent oubliés par le reste du monde, ils ont déjà enduré des
souffrances indicibles".
Le sénateur démocrate Edward
Kennedy a également pris la parole lors de cette réunion, il a exprimé
sa détermination à venir en aide au peuple kurde: "Le Congrès a ignoré
cette tragédie pendant trop longtemps. La réunion d'aujourd'hui
constitue un pas important dans la prise de conscience du Congrès et du
peuple américain de la Crise Kurde".
La réaction d'Ankara à ces deux
événements a été telle que le Procureur de la Cour de Sûreté de l'Etat
d'Ankara a engagé des poursuites contre les huit députés. Quant au
Parti populiste social-démocratique (SHP), il a entamé, le 17 octobre
dernier, une action disciplinaire dans le but d'expulser de ses rangs
les sept députés qui ont participé à la Conférence de Paris. Le leader
du SHP, Erdal Inönü, a déclaré que les députés n'avaient pas informé
les instances du parti de leur participation à cette conférence.
L'action disciplinaire a causé
des remous au sein du parti de l'opposition déjà miné par des factions
rivales. Les sept députés SHP, Mehmet Ali Eren, Kenan Sönmez, Ismail
Hakki Önal, Ahmet Türk, Adnan Ekmen, Salih Sümer et Mahmut Alniak ont
déclaré, pour leur défense, qu'ils n'avaient pas l'intention d'offenser
la direction du parti. Ils ont argué que de nombreux politiciens en vue
ainsi que des intellectuels mondialement connus participaient à cette
conférence.
Ils ont également souligné que
l'Internationale Socialiste, dont le SHP fait partie, a également
envoyé des représentants à cette conférence.
CONTROVERSE SUR LA QUESTION ARMENIENNE
Le Comité judiciaire du Sénat des
Etats-Unis a avalisé, le 16 octobre dernier le texte dit le "projet de
loi arménien" qui institue le 24 avril comme jour commémoratif du
génocide des Arméniens commis par le régime ottoman durant la première
guerre mondiale. La tentative du sénateur démocrate Howard, M.
Metzenbaum de changer la formulation du projet de loi et d'ainsi faire
disparaître la référence au génocide a été rejetée par huit voix contre
six.
En guise de représailles, le
gouvernement turc a arrêté une série de mesures y compris l'érection à
Ankara d'un monument à la mémoire des Indiens américains.
Mesut Yilmaz, ministre turc des
Affaires étrangères, a déclaré que "Si le Sénat américain s'engage dans
la mauvaise voie déjà empruntée par le comité judiciaire, la Turquie se
verra obligée de réagir activement".
Selon des sources proches au
ministère des affaires étrangères, Ankara considère l'Accord de
coopération militaire et économique (DECA) comme sa carte maîtresse
pour influencer Washington. En effet, c'est ce dernier qui régit les
installations et les bases militaires américaines en Turquie. Le DECA
arrivera à expiration en automne 1990. Ankara demandera à Washington la
signature d'un traité qui remplacera le DECA et qui requérira
l'approbation du Congrès américain.
Le ministère des affaires
étrangères projette d'insérer dans le texte de ce traité une clause
stipulant que les Etats parties ne peuvent pas adopter des mesures ou
des résolutions nuisant à l'honneur et aux intérêts nationaux des
Etats signataires.
Bien que l'administration Bush
ait déjà exprimé son opposition au projet de loi du Sénateur Doll,
Ankara estime que la Maison Blanche n'a pas été suffisamment active
dans ses tentatives de bloquer le projet de loi au Congrès.
LES ARMENIENS EN UNION SOVIETIQUE
En Arménie Soviétique,
l'Assemblée législative locale a décidé d'instituer un comité ad hoc
afin de récuser la validité de la frontière turco-soviétique. L'étude
entreprise par ce comité pourrait mener à des revendications
territoriales de l'Arménie Soviétique sur la Turquie.
Selon des rapports envoyés par
Yérévan, capitale de l'Arménie Soviétique, à Ankara, cette décision a
été prise durant la dernière semaine du mois de septembre 1989. Elle
précise que le comité étudiera le traité de Moscou du 16 mars 1921 qui
délimite les frontières turco-soviétiques actuelles. Cette convention
avait été signée peu de temps après que les Soviétiques aient consolidé
leur pouvoir en Arménie, déjouant ainsi les tentatives des
nationalistes arméniens de fonder une République indépendante.
L'année dernière, l'Arménie avait
déjà contesté l'Accord de Moscou, lors des incidents qui avaient eu
lieu dans le district de Nagorna Karabagh qui est administré par la
République soviétique de l'Azerbaïjan.
LE CONFLIT TURCO-BULGARE
Alors que le nombre de Turcs
déçus par la Turquie et rentrant en Bulgarie atteignait les 50.000, le
gouvernement turc a accepté de participer à une réunion qui se tiendra
au niveau des ministres des affaires étrangères et ce, dans le but de
sortir les relations turco-bulgares de l'impasse dans laquelle elles se
sont engagées.
En premier lieu, la Turquie est
revenue sur sa décision de ne pas participer à la réunion sur
l'environnement de la Conférence sur la Sécurité et la Coopération en
Europe (CSCE) qui a eu lieu à Sofia. La Turquie y a envoyé une
délégation caractérisée par l'absence de membres de haut niveau. Après
ce geste d'Ankara, Sofia a annoncé qu'elle était prête à participer à
une rencontre ministérielle bilatérale. Cette dernière a eu lieu le 30
octobre dernier à Koweit, grâce aux efforts conjugués du Sheikh Jabir
al Ahmad al-Jabir as-Sabah de Koweit qu'il a déployés à Ankara et à
Sofia durant les derniers mois.
Malgré qu'on se soit mis d'accord
pour que la rencontre se tienne au niveau ministériel, le ton a
rapidement monté entre les deux délégations qui ont tenu un langage
très peu diplomatique. Ainsi, le chef de la délégation turque a
déclaré: "Le fait que la réunion sur l'environnement organisée dans le
cadre de la CSCE ait eu lieu à Sofia jette une ombre sur l'histoire du
processus de coopération en Europe. En effet, il s'agit de la capitale
d'un Etat qui ne respecte en rien ses obligations vis-à-vis de la
Conférence".
En réaction à ces critiques, M.
Radarkov, chef de la délégation bulgare, a rappelée que les Etats
balkaniques subissent le joug ottoman depuis des siècles. Il a
poursuivi en ces termes: "La Turquie est l'un des Etats qui violent le
plus fréquemment les droits de l'homme. Je pense aux Kurdes de Turquie.
C'est un tel pays qui se fait le champion des droits de l'homme".
MONOPOLES SUR LA PRESSE TURQUE
Les forces démocratiques de
Turquie inquiètent de ce que la presse turque risque d'être monopolisée
par des groupes financiers. Ce phénomène de monopolisation est
clairement apparu au public lorsque l'homme d'affaires turco-chypriote
Asil Nadir, également propriétaire du Groupe Polly Peck Plc en Grande
Bretagne, a d'abord acheté le quotidien Günaydin ainsi que le
Groupe Veb Ofset. Il possède donc les quotidiens Tan, Ulus,
Sakarya et Yeni Meram. Ensuite, l'homme d'affaire a visé le
Gun Holding, éditeur du Journal quotidien Günes.
La presse et les éditeurs sont de
plus en plus inquiets devant ses tentatives de monopolisation,
inquiétude qui n'a fait que croître lorsque Nadir a acheté, cette
année, la maison d'édition Gelisim. Il est ainsi devenu
propriétaire des magazines hebdomadaires et mensuels suivants: Nokta,
Ekonomik Panorama, Gelisim Spor, Bando, Ev Kadini, Kadinca, Erkekçe,
Marie-Claire, Mimarlik, Turist-Pasaport, Hibir et des Series-Blanches
(Beyaz Dizi) qui consistent en des livres du même cru que ceux écrits
par Barbara Cartland.
On estime que dans le secteur de
la presse en Turquie et à Chypre, Nadir "pèse" 2O0 millions de dollars.
Le Groupe Asil Nadir a récemment
obtenu le privilège d'imprimer l'annuaire des pages jaunes turc.
L'expansion du contrôle exercé
par Asil Nadir sur la presse turque a été, en grande partie, favorisée
par le premier ministre Özal ainsi que par le général Kenan Evren.
Le beau-fils du général Evren,
Erkan Gürvit, a été engagé récemment par le Groupe de presse d'Asil
Nadir en tant que premier conseiller pour la Turquie. Gürvit était une
des figures de proue du Service de renseignement national (MIT) et
s'est trouvé mêlé à de nombreux complots menés par cette organisation
et ce, jusqu'à son récent départ.
D'autre part, le président de
l'Association des Journalistes de Turquie, Nezih Demirkent, travaille
également comme conseiller du Groupe Asil Nadir.
L'expansion d'Asil Nadir ne se
limite pas à la Turquie et à Chypre mais s'étend à la prise de contrôle
de grosses compagnies à travers le monde.
La Polly Peck Plc a récemment
acquis le célèbre producteur de fruits frais et de légumes Del Monte
pour la somme de 875 millions de dollars. Il a conclu un accord au
Japon pour acheter Sansui.
Le Sunday Telegraph
rapporte que Asil Nadir est actuellement en pourparlers avec le groupe
de presse britannique Lonrho en vue d'acquérir The Observer.
Selon le quotidien
Cumhuriyet du 9 octobre 1989, les trois principaux groupes de
presse détiennent actuellement 76,5% de la circulation des quotidiens
en Turquie.
Groupe de presse
Asil Nadir
Sabah
Hürriyet
Indépendants
Journaux
4
4
Circulation
968.000
815.000
530.000
760.000
Pourcentage
32,0
27,0
17,5
23,5
Les trois groupes de presse
contrôlent aussi tous les hebdomadaires:
Groupe de presse
Asil Nadir
Hürriyet
Sabah
Hebdomadaires
6
2
Circulation
340.000
190.000
51.000
Une étude menée récemment par
l'Association de la Recherche sur les Communication (ILAD) ainsi que
par la Fondation turque de recherches sociale, économique et politique
(TUSES) est arrivée à la conclusion que l'Etat doit jouer un rôle
primordial dans la limitation de telles manœuvres qui mènent au
monopole de la presse, de la même façon que dans les autres secteurs
industriels.
Le rapport constate que l'Etat
n'a pas toujours agi dans l'optique du maintien de l'indépendance des
groupes de publication. Ce qui a contribué, en Turquie, à permettre la
progression des monopoles sur la presse.
L'étude poursuit en notant qu'en
Turquie, c'est l'Etat qui fixe le prix du papier et que depuis 1980, la
presse ne jouit plus de rabais comme c'était le cas avant le coup
d'Etat. Selon ce rapport, la hausse des prix augmente le coût des
publications et les journaux qui ne peuvent pas faire face à des coûts
de production plus élevés sont vulnérables et susceptibles d'être
rachetés par des groupes plus importants.
PERSECUTION DES MEDIAS
Le 5.10, à Karadeniz Ereglisi, un
photographe de presse du journal Inanis a été arrêté pour avoir
pris des photos d'une classe du Lycée Anadolu sans avoir préalablement
obtenu l'autorisation du directeur de l'école. Gunay Ciftci sera
traduit devant la Cour de Sûreté de l'Etat d'Ankara pour avoir violé la
liberté de l'éducation.
Le 8.10, Erdogan Yasar Kopan,
éditeur responsable du mensuel Yeni Cozum a été condamné à 18
mois de prison pour avoir publié un article prônant des actes
considérés comme des "crimes" par la loi. Plus tard, la sentence a été
commuée en une amende de 2 millions de Livres Turques (près de 1.000
dollars).
Le 10.10, à Istanbul, le numéro
d'octobre du mensuel Eylul a été saisi sur ordre de la Cour de
Sûreté de l'Etat pour propagande communiste.
Le 15.10, l'éditeur responsable
du magazine hebdomadaire humoristique Girgir a été mis en
accusation à Istanbul pour avoir couvert les grèves de la faim dans les
prisons. Suleyman Yildiz est passible d'une peine de prison allant
jusqu'à six ans.
Le 20.10, sept étudiants d'une
école professionnelle de Diyarbakir ont été déportés à Ankara pour ne
pas avoir assisté à certaines des cérémonies religieuses organisées par
la direction de l'école.
Le 22.10, à Samsun, cinq
étudiants ont été mis en état d'arrestation alors qu'ils visionnaient
chez eux, le film de Yilmaz Guney qui a obtenu la Palme d'Or à Cannes:
Yol et qui est interdit en Turquie.
Le 24.10, la Commission de
contrôle du Ministère de la Culture a déclaré deux musi-cassettes
"nuisibles à la loi, à l'ordre et à l'intérêt public". Il s'agit des
cassettes du Groupe Yorum et du chanteur folklorique Emekci, intitulées
respectivement Gun Ola et Yikilasi Istanbul.
Le 25.10, la revue hebdomadaire
2000e Dogru a été saisie pour avoir publié une interview du
Secrétaire Général du PKK, Abdullah Ocalan. De plus, le procureur de la
République a entamé des poursuites légales contre le rédacteur en chef
de l'hebdomadaire, Dogu Perincek, auteur de l'interview.
Le 27.10, le gouverneur
d'Istanbul a interdit deux concerts de Zülfü Livaneli sous prétexte que
le public qui allait y assister était susceptible de crier des slogans.
De même, le Gouverneur d'Ankara a interdit un concert d'Ahmet Kaya,
estimant qu'il pourrait inciter les étudiants des universités de la
capitale à manifester.
UN ETUDIANT ABATTU PAR LA POLICE
Le 12 octobre dernier, à
l'Université Hacettepe d'Ankara, la police a blessé Murat Erdogan d'une
balle dans le cou alors qu'il attendait le bus, sans avoir fait aucune
sommation préalable. Il est resté blessé sur le sol pendant trois
heures avant d'être emmené à l'hôpital pour y être soigné.
Trente étudiants d'Istanbul ont
organisé le 18 octobre dernier, une grève de la faim dans le but de
dénoncer ce crime ainsi que l'emprisonnement de douzaines d'étudiants à
Ankara.
Selon les grévistes, les attaques
directes menées par la police contre les étudiants ont commencé pendant
l'année académique 1988-1989 avec l'ouverture du feu par un policier
sur le campus de l'Université Yildiz d'Istanbul dans le but de
décourager des étudiants qui se préparaient à manifester. Les grévistes
expliquent que maintenant la police poursuivent les étudiants à tout
moment et ce, n'importe où.
ARRESTATIONS ET PROCES
Le 4.10, le procureur de la Cour
de Sûreté de l'Etat d'Izmir a entamé des poursuites légales contre six
membres présumés du Parti communiste unifié de Turquie (TBKP). Chacun
d'eux risque une peine de prison allant jusqu'à 10 ans.
Le 5.10, la Cour de Sûreté de
l'Etat d'Istanbul a condamné huit membres de la Gauche Révolutionnaire
(Dev-Sol) à une peine allant jusqu'à 36 ans de prison.
Le 6/10, à Istanbul, cinq membres
allégués de l'Union des Communistes Révolutionnaires de Turquie (TIKB)
ont été arrêtés par la police.
Le 9.10, à Istanbul, la police a
arrêté 69 personnes pour s'être livrées à une manifestation politique
lors d'une soirée donnée en l'honneur de l'anniversaire de la fondation
de l'organisation de la jeunesse révolutionnaire (DEV-GENC). Parmi les
détenus, on retrouve les neuf membres du groupe musical Yorum qui
avaient été relâchés récemment après une détention de 63 jours à
Mersin. Les musiciens ont annoncé qu'ils ont été torturés par la police
et ont entamé une grève de la faim.
Le 10.10, à Istanbul, la police a
envahi les bureaux des trois avocats de la défense des dirigeants du
TBKP et a procédé à la saisie de documents relatifs à des procès
politiques.
Le 17.10, le procureur de la
République d'Izmir a annoncé l'arrestation de 25 membres présumés de la
Voie Révolutionnaire (Dev-Yol).
Le 19.10, le procès de onze
femmes accusées d'avoir participé à une manifestation non-autorisée
contre les mauvais traitements infligés aux prisonniers, a commencé
devant une Cour Criminelle d'Istanbul.
220.000 REFUGIES TURCS EN EUROPE
Selon le numéro du 17 octobre
1989 du quotidien Milliyet, le nombre de citoyens turcs ayant
demandé l'asile politique à un pays de l'Europe de l'Ouest depuis le
coup d'Etat de 1980 se monte désormais à 220.000. On compte 129.987 en
RFA, 33.366 en Suisse et 24.670 en France.
Rien que ces huit derniers mois,
32.689 citoyens turcs ont demandé l'asile politique en Europe
occidentale. Leur nombre est estimé à 90.000 rien que pour ces trois
dernières années.
SUICIDE D'UNE REFUGIE KURDE
Récemment, les mesures prises par
le gouvernement anglais et destinées à freiner l'afflux de réfugiés en
provenance de Turquie, ont causé le suicide d'un réfugié kurde.
Un groupe de réfugiés kurdes qui
était arrivé en Grande Bretagne il y a cinq mois avait reçu l'ordre de
quitter le pays et plusieurs d'entre eux avaient été incarcérés dans
des cellules à l'aéroport d'Heathrow.
En guise de protestation contre
cette décision, deux des détenus, Siho Iyiguven et Dogan Aslan se sont
immolés par le feu le 7 septembre dernier. Aslan a pu être sauvé,
tandis que Iyiguven décédait quelques jours plus tard.
Sur ce, près de 80 réfugiés
kurdes, également maintenus en détention, ont entamé une grève de la
faim dans leur cellule. Ce 28 octobre, près de 3.000 personnes ont
participé à une marche de protestation contre l'expulsion des Kurdes de
Grande Bretagne.
Une délégation, composée de leurs
représentants, a déposé une couronne mortuaire devant le 10, Downing
Street, la résidence du premier ministre Mme Thatcher.
LA MISSION EUROPEENNE EN TURQUIE
Depuis le 27 janvier 1987, date à
laquelle la Turquie a reconnu la juridiction de la Commission
européenne des Droits de l'Homme, 250 personnes se sont adressées à
elle pour que justice soit faite. Seulement 46 de ces requêtes ont été
déclarées recevables alors que les autres ont été déclarées irrecevable
car non adressées conformément à la Convention.
Parmi les demandes agréées, on
trouve celle de deux dirigeants du Parti Communiste Unifié de Turquie
(TBKP). Nabi Yagci et Nihat Sargin sont maintenus en détention depuis
novembre 1987. Ils avaient été arrêtés à leur retour volontaire d'exil
et se sont adressés à la Commission européenne des Droits de l'Homme
parce que leur action légale contre les policiers qui les ont torturé
alors qu'ils étaient en détention préventive, n'a jamais donné aucun
résultat.
Trois juges venant respectivement
de Grande-Bretagne, de Suisse et du Luxembourg, se sont rendus à Ankara
pour recueillir les témoignages des personnes impliqués dans cette
affaire.
Le 18 octobre dernier, Nusret
Demiral, le premier procureur de la Cour de Sûreté de l'Etat d'Ankara a
refusé de répondre aux questions des membres de la Commission. Il a
déclaré qu'il préférait démissionner de son poste plutôt que de
témoigner devant des juges étrangers.
UN DIRIGEANT IMMIGRE CRITIQUE LE TBKP
L'ingérence du Parti Communiste
unifié de Turquie (TBKP) dans les organisations d'émigrants turcs a été
critiquée par M. Hasan Ozcan, président de la GDF (Fédération des
organisations d'émigrants turcs en RFA).
Après avoir démissionné de son
poste, Ozcan a publié un communiqué dans lequel il accuse les leaders
du TBKP d'avoir utilisé la fédération à des fins politiques.
Auparavant, Ozcan a été président
de la FIDEF, une organisation d'émigrants proche du parti communiste de
Turquie (TKP). Selon Ozcan, après la fusion de ce parti avec le Parti
Ouvrier de Turquie (TIP), les dirigeants de la nouvelle formation (le
TBKP) ont obligé la FIDEF de fusionner avec la DIBAF (Union pour la
démocratie), une autre organisation proche du TIP. Sous la pression
ainsi exercée, la FIDEF et la DIBAF se sont dissoutes pour former une
nouvelle organisation: la GDF.
Ozcan a accusé les leaders du
TBKP de ne pas avoir respecté le pluralisme et le fonctionnement
démocratique au sein d'une organisation d'émigrés. Il a déclaré: "Je ne
ferai plus jamais partie d'une Association privée du pluralisme et du
fonctionnement démocratique et je ne soutiendrai jamais de telles
actions".
Il a également dit qu'il était
honteux de ne pas avoir réagi plus promptement contre les ingérences
politiques dans l'organisation qu'il dirigeait.
13 SYNDICALISTES INCULPES
Le président du Syndicat des
Travailleurs sur bois (AGAC-IS), Mehmet Öztürk, ainsi que 12 membres
dirigeants de cette organisation ont été mis en accusation, le 6
octobre dernier, pour avoir inciter 200 travailleurs à participer à des
actions non-autorisées pendant une grève à la menuiserie d'Etat de
Demirkoy, qui a pris fin récemment. Tous les syndicalistes risquent de
lourdes peines de prison.
UN PAYSAN KURDE TORTURE
Le numéro du 23 octobre 1989 du
quotidien Hürriyet rapporte qu'un paysan kurde, Ismail Keskin, a
été torturé au Quartier Général de l'Armée à Hakkari pour avoir refusé
de faire partie des Protecteurs de Village. Il s'agit d'une force
spéciale mise sur pied pour lutter contre les guérillas du PKK. Keskin
a été soigné à l'Hôpital d'Etat de Hakkari.
UN DIPLOMATE SAOUDIEN BLESSE
Le 16 octobre dernier, un
attentat à la bombe dirigé contre le bureau de l'attaché militaire
d'Arabe Saoudite à Ankara a blessé un diplomate saoudien. Abdurrahman
Al Shrawi a été très sérieusement atteint sans qu'il n'y ait le moindre
indice pour identifier les auteurs. On a émis l'hypothèse que la bombe
ait été posée par une organisation terroriste soutenue par l'Iran et on
a plus particulièrement envisagé l'organisation du Jihad Islamique.
Le procureur de la Cour de Sûreté
de l'Etat d'Ankara, Ulku Coskun, a déclaré: "Il se peut que les
instigateurs de cet attentat soient des membres de services secrets ou
d'organisations hostiles à l'Arabie Saoudite". Il a rappelé
l'assassinat de Abdulgani Badawi, membre des services diplomatiques
saoudiens à Ankara, abattu devant son domicile en 1988 et dont les
meurtriers n'ont toujours pas été arrêtés.
HAUSSE DE LA PROSTITUTION
Lors d'une réunion qui s'est
tenue à Sinop le 9 octobre dernier, l'ancien ministre de la Justice, M.
Sevket Kazan, a constaté que le nombre de femmes se livrant à la
prostitution pour gagner leur vie se monte à un million.
Selon le quotidien Milliyet
du 8 octobre 1989, une étude réalisée par l'Université Egéenne estime
leur nombre à 338.000. A Istanbul, au moins 20.000 femmes travaillent
comme "call-girl", 76,9% d'entre elles ont choisi la prostitution comme
profession pour des raisons économiques.
Le Ministère de l'Intérieur a annoncé que 35.800 prostituées détiennent
une licence officielle leur permettant d'exercer leur profession.
CONTROVERSE SUR L'ISLAM EN EUROPE
Alors qu'une contreverse se
développait en France sur la question de savoir si oui ou non les
jeunes musulmanes peuvent porter le tchador en classe, la Belgique,
elle aussi, s'est trouvée confrontée à un double défi que lui lance la
communauté musulmane du pays.
Ainsi, au début de l'année
académique, le Centre Islamique et Culturel (CIC) a annoncé l'ouverture
de la première école primaire islamique au pays et a prié les autorités
belges de reconnaître et de subsidier cette école.
En vertu de la législation belge,
toutes les communautés religieuses ont le droit d'ouvrir leurs propres
écoles et d'obtenir des subventions de l'Etat pour les financier.
Actuellement, les communautés catholique, protestante et juive
disposent de leurs écoles et ce parallèlement aux écoles laïques des
municipalités.
Toutefois, l'initiative du CIC a
causé une controverse et l'opinion publique belge est divisée sur la
question. Certains leaders politiques se sont prononcés contre une
école islamique qui serait fondée par le CIC, estimant que ce centre
n'est pas une institution indépendante et démocratique des musulmans de
Belgique mais bien un cheval de Troie envoyé par le régime saoudien
réactionnaire.
En fait, le CIC a été crée par la
Ligue Islamique Mondiale (Rabitat-ul-Alem-ul-Islam) dans le but de
véhiculer une version fondamentaliste de l'éducation islamique en
Belgique. Ce centre n'est pas administré par un corps élu par les
musulmans de Belgique mais par un groupe désigné et payé par le régime
saoudien.
Info-Türk a déjà publié deux
rapports au sujet de l'influence du régime saoudien sur la Turquie
ainsi que sur l'immigration turque: l'un en anglais: Extreme-Right in
Turkey et l'autre en français: Intégrisme Islamique et l'Immigration.
Cependant, certaines
organisations démocratiques estiment qu'une école islamique
indépendamment de la personne qui se trouve derrière, devrait être
reconnue et subventionnée comme toutes les autres écoles religieuses et
ce en conformité à la liberté confessionnelle. Elles ont également
critiqué les autorités belges de ne pas avoir pris les mesures
nécessaires pour autoriser les musulmans de Belgique à mettre sur pied
leur propre corps clérical autonome et pour avoir reconnu jusqu'à
maintenant le CIC comme la seule autorité en matière de nomination des
professeurs de religion islamique dans les écoles belges fréquentées
par des enfants musulmans.
Deux communes de Bruxelles ont
fait disparaître les leçons de religion islamique des programmes
scolaires. Dans le cas de la municipalité de Schaerbeek, cette décision
est l'illustration de sa politique xénophobe et raciste. Quant à
St-Gilles, son bourgemestre, Charles Picqué, justifie cette disparition
par la nécessité de lutter contre l'ingérence de l'Arabie Saoudite dans
la communauté musulmane de Belgique.
La controverse au sujet de l'Islam a pris une
nouvelle dimension à la fin du mois d'octobre 1989 lorsque des jeunes
musulmanes se sont rendues voilées à l'école. L'opinion publique belge
s'est à nouveau trouvée divisée. Alors que certains leaders politiques
étaient partisans de les forcer à se découvrir dans les locaux de
l'école, d'autres répliquaient qu'une telle attitude serait en totale
contradiction avec les libertés individuelles.
Quant au CIC, l'imam dirigeant a
aussitôt déclaré que le fait d'avoir la tête couverte est une condition
préalable à l'éducation des écolières.
Toutefois, les partisans du voile
constituent une minorité au sein de la communauté islamique de
Belgique. il semble que la situation se complique à cause de la
position extrémiste du CIC d'une part, et de l'attitude provocatrice
des milieux xénophobes qui exploitent cet incident pour dresser les
chrétiens de Belgique contre les immigrants musulmans.
ACTES RACISTES ET XENOPHOBES
Ces six derniers mois, le nombre
des actes racistes et xénophobes a considérablement augmenté et ce
parallèlement à la résurgence de l'Extrême-Droite lors des dernières
élections législatives allemandes.
Le 2.4, à Hambourg, des personnes
inconnues ont saccagé un magasin turc et ont blessé une personne.
Le 3.4, dans une discothèque de
Landshut (RFA), un jeune Allemand a agressé cinq étrangers dont un Turc.
Le 4.4, à Nijmegen (Hollande),
une mosquée turque a été attaquée par un groupement raciste. Les dégâts
matériels sont évalués à 50.000 florins.
Le 17.4, à Hambourg, des
groupements racistes ont distribué des tracts sur lesquels on pouvait
lire: "Allemands, éveillez-vous et agissez! Chaque Allemand qui aura
éliminé un Turc, sera récompensé!".
Le 20.4, Deux milles travailleurs
immigrés de l'usine Volkswagen de Kassel (RFA) se sont insurgés contre
les humiliations que l'administration allemande leur fait subir.
Le 21.4, à Berlin-Ouest, des
groupements racistes ont attaqué un cimetière turc et ont détruit 38
tombes. De plus, à l'occasion de l'anniversaire de la naissance
d'Hitler, ils ont distribué des tracts dans les quartiers à forte
population turque. On pouvait lire: "Hitler est vivant. L'Allemagne aux
Allemands".
Le 25.4, à Berlin-Ouest, un
groupe de Skinheads a assailli des jeunes Turcs. Le même jour, à
Neumünster, 20 adolescents turcs ont été attaqués par un groupe de 100
racistes.
Le 27.4, à Hambourg, un café turc
a été incendié par des inconnues. Un couple de Turcs a été blessé lors
de l'incendie.
Le 28.4, des groupements racistes
ont mis le feu à un supermarché turc à Hambourg et à un magasin turc à
Francfort qui avait déjà fait récemment l'objet d'une première attaque.
Le 7.5, à Berlin-Ouest, un groupe
d'immigrants turcs a été attaqué par des Allemands. Un travailleur turc
a été blessé lors de l'agression.
Le 9.5, à Stuttgard, un groupe de
Skinheads a attaqué des étrangers qui assistaient à une fête. Deux
policiers ont été blessés alors qu'ils essayaient de les arrêter.
Le 10.5, à Cologne, des Allemands
ont assailli une classe de langue et culture turque à la Gemeinsam
Grundschule. Ils ont détruit un portrait d'Atatürk et un coran imprimé
en allemand. Ils ont également badigeonné les murs d'inscriptions
telles que: "Türken, Raus!" et y ont suspendu un portrait d'Hitler.
Le 14.5, à Berlin-Ouest, un
travailleur turc âgé de 24 ans a été battu à mort par un Allemand.
Le 18.5, à Hambourg, un hôtel
habité par des réfugiés politiques a été incendiés par des inconnus.
Les membres d'une famille turque ont été gravement blessés.
Le 26.5, à Berlin-Ouest,
l'appartement du boxeur de nationalité turque, Vedat Akova, a été
saccagé par des inconnus. Il recevait des appels anonymes depuis un
certain temps.
Le 10.6, à Offenbach (RFA), un
immeuble habité par des familles turques a été incendié.
Le 14.6, à Berlin-Ouest, des
Skinheads ont agressé des immigrants après un match de football et ont
malmené un adolescent turc.
Le 29.6, à Cologne, des Skinheads
ont assailli une femme turque et ses deux enfants tout en hurlant:
"Türken, Raus!"
Le 30.6, à Essen (RFA), un jeune
turc de 16 ans, Kemal Cipiloglu, a été abattu par la police qui le
poursuivait après qu'il ait volé une voiture.
Le 28.7, un prisonnier turc,
Ibrahim Bayraktar, a été retrouvé mort dans sa cellule de la prison de
la ville de Stradelheim. Il semblait qu'il ait succombé suite à
l'interrogatoire que lui a fait subir la police.
Le 24.8, à Anvers (Belgique), à
l'aube, une mosquée turque a été incendiée par des inconnus.
Le 28.8, à Zurich, une mosquée
turque construite il y a 20 ans a été brûlée par des personnes non
identifiées.
Le 29.8, dans la ville de
Bergedorf à Hambourg, un groupe de Skinheads a attaqué des Turcs lors
d'une fête populaire.
Le 30.8, à Charvien Chanagneux
(France), une mosquée turque a été brûlée alors que des personnes
priaient à l'intérieur. Le maire ayant promis de construire une
nouvelle mosquée, le Front National de Le Pen excitent la population
afin de l'en empêcher.
Le 1.9, à Herne (RFA), des
groupes néo-nazis ont distribué des tracts signés "Groupe SA" appelant
les gens à empêcher les écoliers immigrés de se rendre à l'école. Les
écoles locales ont été mise sous haute surveillance afin de protéger
les écoliers turcs.
Le 12.9, à Hannover, un groupe
d'une cinquantaine de Skinheads a attaqué des immigrants. Deux
policiers et six personnes ont été blessés lors de l'affrontement.
Le 17.9, le quotidien Milliyet
rapportant que des Skinheads terrorisaient des familles turques en leur
téléphonant et en les menaçant d'extermination si elles ne quittent pas
l'Allemagne dans les semaines à venir.
Le 8.10, à la gare de Wald à
Zürich, une dizaine de Skinheads a attaqué un groupe de Turcs. Une
femme, Fatma Yavuz, a été blessée ainsi que des adolescents.