DIX
ANS DE DEMOCRATIE "MILITARISTE"
Le 12 septembre 1990, le peuple de Turquie assistera
avec indignation, pour la dixième fois, à l'anniversaire noir du coup
d'état des généraux de 1980.
Le putsch du 12 septembre fut une attaque féroce
contre les droits démocratiques et les libertés du peuple, et aboutit
au déclenchement d'une terreur d'Etat sans précédent, marquée par
l'arrestation de plus de 630.000 personnes, des procès de masse, des
exécutions, des tortures, la dissolution du Parlement, l'interdiction
des partis politiques, des associations et des journaux ainsi que de
l'appauvrissement des travailleurs.
Ce fut également le début d'une période où la
Turquie a été transformée en une puissance militaire au Moyen-Orient
avec une complexe militaro-industriel sans cesse croissant. Les Etats
Unis ont été le principal soutien du coup d'état ainsi que de la
militarisation du pays, afin d'avoir un allié militairement puissant
dans les zones en dehors des champs de bataille traditionnels de
l'OTAN, plus précisément en Moyen-Orient.
Le dixième anniversaire du coup d'état coïncide avec
la participation directe de la Turquie, sous la pression des Etats
Unis, à la Crise du Golfe.
A l'Intérieur
LA TERREUR
D'ETAT
RENFORCEE PAR
L'ETAT DE GUERRE
Le régime actuel "à la turque" est toujours
caractérisé par la violation constante des libertés et des droits de
l'homme fondamentaux, et ce malgré la tenue de plusieurs élections
depuis 1983.
Notamment:
- Malgré le fait que la loi martiale ait été levée,
l'état d'urgence règne dans les provinces Sud-est du pays où le
gouverneur régional a, par les décrets gouvernementaux adoptés en avril
1990, été autorisé à utiliser toutes les mesures répressives comme
fermer des publications et associations, déporter des contestataires et
interdire des manifestations et grèves.
- Utilisant comme prétexte la crise du Golfe,
l'administration d'Özal essaïe par tous les moyens de proclamer un état
de guerre et ainsi renforcer la terreur d'Etat.
- De nombreux procès de masse ou individuels se
poursuivent devant les Cours de la Sûreté d'Etat. De plus, plusieurs
cours militaires mises sur pied par la junte continue toujours de juger
des milliers d'opposants malgré la levée de la loi martiale.
- Les prisons turques sont toujours pleines de
détenus politiques. D'après les chiffres récents fournis par le
Ministère de la Justice le 8 juillet 1990, la population carcérale
s'élève à 46.492, dont 39.311 condamnés purgeant leur peine et 16.981
en état d'arrestation attendant la conclusion de leur procès. Le nombre
de ceux qui sont en prison pour des raisons politiques est de 3.606.
- Des tribunaux prononcent toujours la peine
capitale et la Turquie préserve le titre de seul pays européen
conservant ce châtiment inhumain. Le 21 juillet 1990, le nombre de
peines capitales transmises par la cour suprême à l'Assemblée Nationale
pour ratification s'élevait à 275, dont 138 contre des activistes de
gauche et 28 de droite. En plus, plus de 500 peines capitales sont
toujours à l'étude de la Cour de Cassation et les procureurs de la
République continuent de réclamer la peine capitale aux Cours de la
Sûreté d'Etat.
- Comme une nouveauté de la période d'Özal, des
dizaines d'enfants ont été traduits devant les tribunaux pour des
raisons politiques, et tout récemment, le 18 juillet 1990, le procureur
de la République a réclamé la peine capitale pour trois enfants kurdes
âgés de 11, 12 et 14 ans.
- La pratique quotidienne de torture dans des
centres d'interrogatoire et le mauvais traîtement des détenus
politiques dans les prisons font toujours l'objet de plaintes d'Amnesty
International.
- Le nombre des citoyens qui ont demandé l'asile
politique dans les pays étrangers depuis le coup d'état du 12 septembre
1980 jusqu'à avril 1990 s'élève à 270.000, dont 161.000 se sont enfuis
du pays après 1986.
- Quelque 14.000 exilés politiques en provenance de
Turquie ont été privés de leur nationalité et le gouvernement actuel ne
prend aucune initiative en vue d'abolir cette pratique inhumaine alors
que les pays de l'Est sont en train d'ouvrir leurs frontières à leurs
anciens dissidents.
- Les droits politiques de plusieurs anciens leaders
socialistes et/ou kurdes, condamnés pour leurs opinions, sont toujours
suspendus alors que les anciens leaders néo-fascistes comme Türkes
participent activement à la vie politique à la tête de leurs nouveaux
partis.
- Comme les articles fascistes 141 et 142 du Code
pénal turc sont toujours en vigueur, les hommes politiques de gauche ou
kurdes qui ont échappé à la condamnation dans le passé sont soumis à la
poursuite judiciaire dès qu'ils tentent aujourd'hui de constituer un
parti politique légal.
- Les droits nationaux, culturels et religieux du
peuple kurde et des minorités chrétiennes ne sont pas du tout
respectés. Récemment, le 30 juillet 1990, le premier ministre Akbulut a
dit: "Il n'y a pas de Kurdes en Turquie. Tous les habitants de ce pays
sont turcs. Nous ne tolérerons jamais qu'on divise la Turquie." Le
Kurdistan turc se trouve actuellement sous l'occupation de deux tiers
des troupes de l'Armée turque et subit l'état d'urgence sous l'autorité
exceptionnelle d'un "super-gouverneur".
- Les droits sociaux et syndicaux, ainsi qu'il est
admis par l'OIT, sont toujours restreints.
- La centrale syndicale progressiste (DISK) est
toujours exclue des relations de travail et ses leaders principaux
risquent toujours l'emprisonnement jusqu'à 15 ans.
- Les journalistes sont constamment persécutés par
les Cours de la Sûreté d'Etat et les publications de gauche sont
souvent confisquées et interdites. Récemment, à l'occasion de la
Journée de la Presse du 24 juillet, les associations de journalistes
ont rendu public que 32 journalistes condamnés par les tribunaux
militaires ou par les cours de la Sûreté d'Etat sont toujours en
prison, y purgeant un total de 3.315 ans de prison. De plus, 13
journalistes sont recherchés par la police.
- Au cours de l'année 1989, les procureurs ont
entamé 394 procès à l'encontre de journalistes, dont 183 auprès des
cours criminelles. Ces inculpés risquent un total de 4.000 ans de
prison. En juin 1990, deux périodiques ont été interdits définitivement
en vertu du décret No.424 et 18 autres revues politiques ne peuvent
plus paraître en raison des pressions exercées sur les imprimeries.
- L'autonomie académique n'a pas encore été
restaurée et les universités subissent toujours un discipline de
caserne imposée par le Conseil supérieur de l'Education (YÖK).
- Plus de 1,6 millions de personnes sont toujours
fichées comme "suspects". Ils sont toujours privés du droit de
travailler dans les services publics et de voyager à l'étranger.
Tous ces faits démontrent que les blessures ouvertes
durant les trois ans (1980-83) de la dictature militaire sont toujours
très loin de se cicatriser.
OZAL CONTRE LA COUR CONSTITUTIONNELLE
Le parti social-démocrate populiste (SHP) a amené
les décrets controversés qui donnent des pouvoirs exceptionnels au
gouverneur régional, devant la Cour Constitutionnelle en demandant leur
abrogation parce qu'ils contreviennent aux principes fondamentaux de la
Constitution.
Le président Özal a immédiatement réagi contre cette
démarche en affirmant qu'il ne permettrait à qui que ce soit d'abroger
les décrets d'urgence.
La prise de position d'Özal a engendré une série de
protestations dans les milieux juridiques. Yekta Gungor Özden,
président par intérim de la Cour Constitutionnelle, a déclaré que
personne n'a le droit de faire des commentaires sur les cas examinés
par la cour suprême. "Récemment nous avons témoigné d'incidents qui ne
pourront jamais se produire dans les pays où des gouvernements se
basent sur la suprématie de la loi," a-t-il dit.
Le chef de la magistrature suprême a ajouté que les
verdicts de la Cour constitutionnelle sont obligatoires pour tout le
monde tout en rappelant que cette instance a également le pouvoir de
juger même les membres du gouvernement contrevenant à la loi.
Le 30 juillet, Önder Sav, président de l'Union des
Barreaux de Turquie (TBB) a annoncé son soutien à Özden en termes
suivants: "Il s'agit d'un crime constitutionnel de faire des
commentaires sur les cas faisant l'objet d'un examen devant une cour
qui doit jouir en ce faisant d'une indépendance absolue. La loyauté et
le respect à l'égard de la Constitution doivent être manifestés surtout
par ceux qui ont prêté serment de se conformer à la Constitution, la
démocratie et à la supériorité de la loi."
Il a également critiqué les pouvoirs déjà attribués
au président de la République: "Les présidents ne doivent plus détenir
le pouvoir de nommer les membres de la magistrature dont ceux de la
Cour constitutionnelle."
Les porte-paroles des partis d'opposition ont, eux
aussi, accusé Ozal d'avoir contrevenu à la Constitution par sa prise de
position. Onur Kumbaracibasi, le porte-parole du groupe parlementaire
du SHP, a dit que les décrets en question avaient été mis en pratique
sans qu'ils soient soumis à l'assemblée législative. "Par cette
attitude du gouvernement la Turquie ne pourra jamais prendre place dans
la communauté des nations modernes ni dans la Communauté européenne,"
D'autre part, une pétition réclamant la levée
immédiate de l'état d'urgence soit immédiatement levé en Anatolie
Sud-Est, et signée par plus de 15 mille personnes, a été transmise le
22 juin à l'office du Premier Ministre par les représentants d'une
vingtaine de périodiques de gauche. Comme le premier ministre Akbulut a
refusé de recevoir la délégation, la pétition a été déposée à son
bureau de presse.
LA PRESSION SUR LE BUSINESS
Pour la première fois la Turquie où seuls des
activistes de la classe ouvrière et de la population kurdes subissaient
jusqu'ici la terreur de l'Etat, a pris comme cible un représentant du
milieu d'affaires.
Cem Boyner, président de l'Association des
industriels et des hommes d'affaires de Turquie (TUSIAD), a été traduit
devant le procureur de la République à Istanbul le 23 juillet. Il a été
accusé de contrevenir à la Constitution qui interdit à toutes les
associations de faire des déclarations politiques.
Boyner qui est un de plus jeunes hommes d'affaires
de Turquie, critiquait la politique économique du gouvernement depuis
son élection à la tête de cette association. "L'enquête pourrait être
incitée par le gouvernement afin d'intimider la TUSIAD et de l'empêcher
de critiquer les politiques gouvernementales," a dit un des dirigeants
principaux de l'association.
Juste après son interrogation par le procureur du
district de Sisli, Cem Boyner a déclaré: "Cette action est une honte
pour la démocratie turque. Ma présence ici ne me fait pas honte. Elle
fait honte à ceux qui ont déclenché ce procès, parce qu'ils trouve
difficile de tolérer le fonctionnement des conditions fondamentales de
la démocratie en Turquie."
Après l'ouverture de l'enquête judiciaire, Boyner a
trouvé la solidarité et le soutien de milieux inattendus: les deux
partis sociaux-démocrates, le SHP et le DSP ainsi que le parti
communiste unifié de Turquie (TBKP).
Comme l'enquête a suscité un désaccord au sein même
du gouvernement, le procureur de la République a dû annoncer le 15 août
l'arrêt de la procédure.
L'ARRESTATION DE DEUX ETRANGERS
Deux touristes étrangers, le citoyen américain Chris
Royer et le citoyen britannique Allister Mac Donald, ont été arrêtés à
Istanbul le 7 juillet alors qu'ils distribuaient des tracts de
propagande chrétienne. Ils ont été gardés dans une cellule au poste de
police de Sisli sans recevoir ni à boire ni à manger. On leur a
interdit de téléphoner à leur consulat ou à un avocat.
Ils ont été traduits devant un tribunal le lendemain
et acquittés suite à un procès de 20 minutes. Malgré la décision du
tribunal, la police ne les a pas relâchés et les a ramenés au poste de
police. Ils ont été forcés de se mettre au garde-à-vous pendant vingt
minutes devant la statue d'Atatürk.
Le lendemain les deux touristes ont été conduits en
compagnie de policiers à la gare et forcés de quitter la Turquie à
destination de la Grèce.
EXECUTION SANS PROCES
123 écrivains, artistes, journalistes et activistes
politiques ont annoncé le 17 juillet que la police tire pour abattre
ceux qui sont soupçonnés d'être terroristes au lieu de les capturer et
de les traduire en justice.
Le communiqué a été publié après que la police a
abattu un jeune homme et une jeune femme dans les beaux quartiers
d'Istanbul le 12 juillet. Tous les deux étaient soupçonnés d'appartenir
à une organisation clandestine, les Unités Armées du Peuple (SHB).
Les parents de Gulay Arici et Alper Ersoy, tous deux
âgés de 20 ans, ont affirmé que la police les a abattus délibérément
bien qu'elle ait pu les capturer vivants.
LES PROCES CONTRE LES ENFANTS
Malgré toutes les protestation provenant des milieux
humanitaires, la persécution des enfants se poursuit à travers la
Turquie. A tel point que, récemment, trois enfants kurdes ont été
menacés de la peine capitale dans un tribunal.
Le 18 juillet, à Diyarbakir, 20 militants présumés
du Parti Ouvrier du Kurdistan (PKK) ont été traduits devant la Cour de
la Sûreté d'Etat sous l'inculpation de participation à une
confrontation armée avec les forces gouvernementales à Beytusebab en
avril 1990.
Parmi eux se trouvent également trois enfants
kurdes, âgés de 11, 12 et 14 ans, et le procureur de la République
réclame la peine de mort pour tous les inculpés.
Les autres poursuites légales à l'encontre d'enfants:
Le 27 juin, à Istanbul, sept lycéens, âgés de 15 à
18 ans, ont été inculpés par la Cour de Sûreté de l'Etat pour
appartenance à une organisation clandestine et distribution de tracts.
Sept jeunes, dont deux jeunes filles, risquent chacun une peine de
prison allant jusqu'à 14 ans. Bien qu'ils soient en liberté provisoire
sous caution après une arrestation de plus de deux mois, leur procès se
poursuivra.
Le 12 juillet, deux lycéens, tous deux âgés de 17
ans, ont été traduits devant la Cour de Sûreté de l'Etat d'Istanbul.
Accusés d'appartenance à une organisation clandestine, les deux jeunes
ont, à la première audience, déclaré qu'ils avaient été torturés par la
police pendant leur détention préventive. La cour les a mis en liberté
provisoire sous caution.
Le 22 juillet, quatre enfants âgés de 11 et 12 ans
auraient été torturés par la police dans le district de Bunyan dans la
province de Kayseri. D'après le quotidien Günes, ces enfants auraient
été arrêtés par la police après une bagarre avec des enfants de
policiers. Une clinique locale a délivré un rapport médical attestant
les traces de torture sur les corps des quatre enfants.
LA TERREUR D'ETAT EN DEUX MOIS
16.6, une soirée organisée par l'Association de
Solidarité avec les Parents de prisonniers (TAYAD) en vue de commémorer
les victimes des grèves de la faim dans les prisons turques, a été
interdite par le gouverneur d'Istanbul.
18.6, à Izmir, l'Association des Droits de l'Homme
(IHD) a annoncé que le malaise augmentait à nouveau dans la prison de
Buca en raison du mauvais traitement des prisonniers politiques. Une
quarantaine de détenus auraient été privés du droit de communication
avec l'extérieur pendant trois mois pour avoir mené une grève de la
faim. Le fait qu'un prisonnier, Mustafa Aday, a été mordu par un rat
prouve le manque d'hygiène dans les cellules.
18.6, les prisons No.1 et No.2 à Diyarbakir ont une
fois de plus été la scène des rixes entre des parents de prisonniers et
des gardiens quand la visite habituelle à l'occasion de la Journée des
Pères a été annulée cette année sous prétexte que le personnel de la
prison devait passer des examens ce jour-là.
19.6, à Istanbul, 34 ouvriers du secteur automobile
ont été arrêtés pour avoir conduit une manifestation en vue de
protester contre le licenciement de certains camarades pendant les
négociations collectives dans les industries automobiles.
19.6, l'Ordre des Médecins d'Izmir a, dans un
rapport intitulé "Les Grèves de la Faim et les Médecins", rendu public
les pressions exercées sur les médecins et le personnel hospitalier
pendant les grèves de la faim des prisonniers politiques dans la prison
d'Aydin en août 1989. Le rapport révèle que les médecins de la prison
ont été forcés de travailler pendant 36 heures d'affilée et de signer
des documents réfutant les allégations de torture des prisonniers.
Selon les médecins de la prison, les prisonniers auraient été battus,
torturés et enchaînés à leur lit.
20.6, un paysan de 70 ans, Cumali Celik, a été
détenu à Elazig pour une enquête relative à une explosion de bombe à
Istanbul. Sa fille Suna Celik avait péri lors de cet incident.
23.6, le président du Syndicat des Employés
municipaux Hidir Bal a, après avoir été relâché, accusé le chef de
police d'Istanbul Hamdi Ardali de l'avoir torturé lui ainsi que
d'autres détenus du 1er mai. "La police a commis une crime contre
l'humanité le 1er mai. D'abord ils ont tiré sur les travailleurs
manifestants et passé à tabac sur place tous ceux qu'ils ont capturés.
Puis, tous les détenus ont été soumis à la torture au centre de police."
25.6, un groupe de détenus politiques dans la prison
de Bayrampasa à Istanbul ont été battus brutalement par des soldats et
des gardiens pendant la nuit. L'Association des droits de l'Homme
(IHD) a déclaré que 39 prisonniers auraient été blessés pendant cette
opération de discipline et trois d'entre eux hospitalisés.
26.6, le président de la section d'Izmir de l'IHD
Alparslan Berktay et 17 autres personnalités ont été traduits devant
une cour criminelle à Izmir pour avoir signé un appel à la
manifestation du parti socialiste (SP).
27.6, le président local du SP à Adiyaman, Abuzer
Yavas a été arrêté par la police.
28.6, la Cour militaire de Cassation a approuvé la
peine capitale à l'encontre de neuf membres de la Voie Révolutionnaire
(Dev-Yol). Huit condamnations à vie et 325 autres peines de prison
allant d'un an à 20 ans ont également été approuvées.Seuls quatre
condamnations à mort et deux peines de prison à vie ont été cassées par
la cour suprême.
30.6, un groupe de détenus politiques, accusés
d'activités pro-iraniennes, ont révolté dans la prison de Bayrampasa à
Istanbul. Pendant l'échauffourée, six gardiens et trois prisonniers ont
été blessés.
30.6, le président de la section d'Adana de l'IHD,
Sener Ekiz a été traduit devant le tribunal pour avoir toléré une
action de grève de la faim dans les locaux de l'association en juillet
1989.
3.7, le chauffeur de camion, Abdurrahman Uykur a été
inculpé par la CSE de Diyarbakir pour avoir peint son véhicule aux
couleurs du drapeau du PKK. En état d'arrestation, il risque une peine
de prison allant jusqu'à 10 ans.
3.7, le commandant du poste de gendarmes dans le
village de Konur dans la province de Mardin, le sous-officier Teoman
Biresellioglu a été accusé par le député social-démocrate (SHP) Ahmet
Türk d'avoir abattu un chauffeur de taxi qui refusait de transporter
ses bagages personnels. Türk affirme que la victime avait il y a
quelque temps quitté les forces paramilitaires pro-gouvernementales et
subissait depuis lors des menaces de mort pour cet acte. Il a également
signalé que le corps de la victime portait plusieurs traces de torture.
11.7, à Diyarbakir et ses environs, 30 personnes ont
été arrêtées pour avoir forcé les commerçants locaux à descendre les
volets en guise de protestation contre les mesures d'urgence. Les
détenus sont également accusés d'appartenir au parti socialiste du
Kurdistan turc (TKSP).
12.7, six dirigeants de la section d'Izmir de
l'Association des Enseignants (EGIT-DER) ont été inculpés par une cour
criminelle pour avoir organisé un sondage d'opinion sur les droits
syndicaux des employés des services publics.
13.7, l'Ordre des Médecins d'Ankara a lancé une
nouvelle campagne contre le mauvais traitement des prisonniers
politiques dans les hôpitaux. D'après l'Ordre, à l'hôpital
universitaire d'Hacettepe, le détenu Sedat Karaagac qui souffre du
cancer serait enchaîné à son lit. Il ne lui est par permis
d'aller aux toilettes ni d'avoir un poste de TV ou de radio dans sa
chambre.
13.7, un des activistes radicaux, Ibrahim Eren a été
traduit devant une cour criminelle à Istanbul sous l'inculpation
d'organisation de prostitution homosexuelle dans le bain turc
(Huzur Banyo) qu'il gère. A l'audience, les témoins ont déclaré qu'ils
avaient été forcés par la police à signer des déclarations incriminant
l'inculpé. Eren a été mis en liberté sous caution et son procès reporté
au 3 octobre.
14.7, le procès de 19 personnes accusées
d'appartenir au parti communiste révolutionnaire de Turquie (TDKP) a
débuté à la CSE d'Ankara. Le procureur réclame un total de 228 ans de
prison pour les inculpés.
16.7, le président du syndicat des Enseignants
(EGITIM-IS), constitué récemment, Niyazi Altunya, a été renvoyé de son
poste d'enseignant à l'école professionnelle Beyazit par le gouverneur
d'Ankara.
19.7, la police annonce l'arrestation de 11
militants de l'Unité Armée du Peuple (SHB), l'aile militaire du parti
communiste révolutionnaire (DKP) à Istanbul.
21.7, le procès des 44 personnes, accusées d'avoir
conduit des manifestations illégales le 1er mai, a commencé à la CSE
d'Istanbul. Une jeune femme, Gülay Beceren qui a été hospitalisée suite
à une blessure par balles au dos et à l'épaule et risque de rester
infirme toute sa vie se trouve parmi les inculpés. A la première
audience, la cour a décide d'interdire la publication de toute
information relative à ce procès. D'ailleurs, la police a harcelé les
journalistes et en a arrêté un, Irfan Yildiz du mensuel Yeni Demokrasi.
23.7, le procès des 34 Kurdes, accusés d'appartenir
au parti ouvrier avant-garde du Kurdistan (KOIP) a commencé à la CSE de
Diyarbakir. 26 d'entre eux ont déclaré à la première audience qu'ils
avaient été torturés par la police pendant leur détention
préventive. La plupart des inculpés sont également membres de
l'Association des droits de l'Homme (IHD). Bien qu'elles aient mises en
liberté sous caution, l'IHD a annoncé que 12 autres personnes avaient
été arrêtés le même jour sous la même accusation.
24.7, le président du Syndicat des Métallurgistes
(CELIK-IS), Metin Türker a été détenu par la police à la veille d'une
manifestation organisée à Iskenderun par ce syndicat.
25.7, l'Association des droits de l'Homme (IHD) a
annoncé que Ibrahim Ates, détenu à Mersin dix jours plus tôt, aurait
été torturé pendant ses interrogatoires et assassiné par la police qui
l'aurait jeté par la fenêtre de son appartement au 4ème étage.
25.7, la CSE d'Istanbul a condamné six personnes à
des peines de prison allant jusqu'à 36 ans pour avoir participé aux
actions politiques de la Gauche révolutionnaire (Dev-Sol).
26.7, la CSE d'Ankara a commencé le procès de neuf
membres présumés de l'Union des Communistes révolutionnaire de Turquie
(TIKB). Chacun risque une peine de prison allant jusqu'à 15 ans.
26.7, un club culturel dans les quartiers de Sisli à
Istanbul, a été interdit par le gouverneur d'Istanbul.
26.7, le procès des 20 membres présumés du parti
islamiste du Kurdistan (KIP) a débuté à la CSE d'Istanbul. A
l'ouverture du procès, tous les inculpés ont déclaré qu'ils avaient été
soumis à la torture pendant leur interrogatoire par la police. L'un des
détenus, Hamit Turgut a dit qu'il avait témoigné comment la police a
torturé et violé une jeune femme de gauche. Pendant l'audience, un
groupe de sympathisants du parti, majoritairement femmes, ont attaqué
la police quand l'entrée dans la salle d'audience leur a été refusée.
Pendant les incidents deux personnes ont été blessées et 20 arrêtées
par la police.
27.7, la police est descendue dans le siège de
l'Association des Infirmières à Istanbul et a arrêté une vingtaine
d'infirmières.
27.7, la CSE d'Ankara a condamné cinq membres
présumés d'une organisation clandestine, Ekim (Octobre), à des peines
de prison allant jusqu'à 9 ans et 2 mois.
28.7, un étudiant de la Faculté de médecine de
l'Université d'Ankara, Günay Kaptan a affirmé qu'il avait été torturé
au poste de police.
30.7, une personne de 19 ans, Bayram Günes, détenue
à Izmir pour avoir collé des affiches, a déclaré après sa mise en
liberté qu'il avait été torturé par la police.
30.7, un sous-officier marin, Haci Bayram Yüksel, a
été inculpé pour avoir envoyé au président de la République une lettre
de reproches. Il risque une peine de prison de 5 ans.
31.7, un nouvel incident est survenu à la
Prison de Bayrampasa à Istanbul quand un officier a insulté un groupe
de détenus politiques alors qu'ils étaient amenés au tribunal. Deux
officiers, six soldats et plusieurs prisonniers ont été blessés pendant
l'échauffourée.
31.7, le maire de la ville de Kozluca a été condamné
par la CSE d'Izmir à une peine de prison de 20 ans sous l'inculpation
d'activités anti-laïques.
A l'extérieur
UNE MISSION
BELLIQUEUSE
DE LA TURQUIE DANS
LA CRISE DU GOLFE
La Turquie a retenu l'attention des médias
internationaux en août par ses décisions immédiates d'arrêter la
livraison du pétrole irakien par l'oléoduc traversant son territoire et
d'ouvrir les aéroports militaires aux avions des Etats-Unis après
l'occupation du Kowait par l'Irak. En effet, à côté de la Grande
Bretagne, la Turquie a été un de deux pays membres de l'OTAN qui ont
hâtivement pris part dans l'application des plans américains relatifs
au Golfe. La presse occidentale est pleine d'articles appréciant la
façon de réagir d'Özal dans cette nouvelle crise pétrolière.
Toutefois, tous les opposants d'Özal dans le pays,
aussi bien de gauche que de droite, l'accuse d'avoir mis en péril les
intérêts nationaux. Ces critiques déclarent qu'il a trop sacrifié dans
l'immédiat afin de protéger les intérêts américains dans l'espoir d'en
obtenir des récompenses problématiques à long terme. Il est également
accusé de se livrer à sa promotion personnelle et d'être transporté par
l'éloge que lui fait l'Occident.
Il n'est pas du tout étonnant de voir Özal donner la
priorité aux intérêts américains au détriment des nationaux. C'est bien
les Etats-Unis qui ont, depuis le coup d'état du 12 septembre 1980,
joué le plus grand rôle dans la détermination de la politique
extérieure de la Turquie grâce à des dirigeants pro-américains comme
Özal.
Qui plus est, ce sont les Etats-Unis qui avaient, en
1980, poussé les généraux turcs à renverser le gouvernement en vue de
faire exécuter plus facilement les plans du FMI et du Pentagone
relatifs à la Turquie.
Jusqu'en 1980, un des principes de la politique
extérieure de la Turquie avait été de s'écarter des troubles
internationaux et de tenir l'engagement de la Turquie dans le conflit
au niveau le plus bas possible. Il s'agissait d'un principe engendré
par des événements qui avaient entraîné la Turquie dans la Première
Guerre Mondiale.
En 1914, trois généraux pro-allemands -Enver, Talat
and Cemal- qui dirigeaient le parti de l'Union et du Progrès (Ittihad-
Terakki), avaient sacrifié l'Empire ottoman aux ambitions de
l'expansionnisme allemand. La défaite de l'Allemagne et de ses alliés
signifiait également la fin désastreuse de cinq siècles de l'Empire
ottoman.
La République de Turquie a été fondée sur les ruines
de l'Empire ottoman suite à un combat victorieux contre les puissances
occidentales, dirigé par Mustafa Kemal Atatürk.
Le deuxième président de la République Ismet Inönü,
le père d'Erdal Inönü -leader de l'opposition principale SHP-, a
toujours été louangé pour sa réussite à tenir le pays en dehors de la
2ème Guerre Mondiale.
Une des erreurs majeures de la période d'après
Inönü, dans les années 50, a été de prendre une position identique à
celle des Etats-Unis et et de la France à l'égard des nations arabes.
Pendant la crise du Liban, le gouvernement de Menderes a permis aux
Etats-Unis d'utiliser les bases aériennes turques pour des opérations
militaires au Moyen-Orient. Aux Nations-Unies, la Turquie votait
toujours contre le mouvement nationaliste algérien.
Dans les annés 60, quand la Turquie s'est rendue
compte de l'importance du pétrole arabe, elle a pris de nouvelles
initiatives en vue d'améliorer ses rapports avec les pays arabes.
Pourtant, les Arabes n'ont jamais oublié la prise de position
anti-Arabe dans la décennie précédente.Pour ne plus susciter une
nouvelle hostilité de la part des voisins du Sud, les gouvernements
turcs des années 60 et 70 ont échappé à toutes les initiatives
américaines qui pourraient gêner les intérêts arabes.
Après la crise pétrolière dans les années 70, les
Etats-Unis ont manifesté leurs intentions de mettre fin à la politique
de prudence de la Turquie. Plus particulièrement, la fermeture des
bases aériennes et installations militaires des Etats-Unis en Turquie
par le gouvernement de Demirel en guise de riposte à l'embargo
américain sur les armements américains destinés à la Turquie a été un
véritable casse-tête pour le Pentagone. Bien que le premier ministre
social-démocrate Ecevit ait réouvert ces bases et installations en
octobre 1978 suite à la levée de l'embargo américain par le Congrès,
l'idée de reconnaître un statut permanent à ces bases et installations
était vigoureusement contestée par les forces démocratiques. Ce n'est
après l'ultimatum du 2 janvier 1980 des généraux turcs que l'Accord de
coopération économique et de défense (DECA) a pu être parafé par le
gouvernement turc.
Un rapport intitulé "Les problèmes et perspectives
de la Turquie: Les implications pour les intérêts des Etats-Unis",
publié par le Congrès américain le 3 mars 1980 disait: "...La Turquie
et les USA ont encore d'importantes questions à résoudre entre elles
dans le domaine important de la coopération de défense. L'importance de
la contribution de la Turquie -en tant qu'alliée de l'OTAN et
partenaire des USA- au maintien de la stabilité et de la sécurité dans
l'Est de la Méditerranée et au Moyen-Orient a été mise en évidence par
le récent bouleversement en Iran et par l'invasion soviétique en
Afghanistan. Si ces questions étaient résolues avec succès, cela
permettrait à la Turquie d'assumer une fois de plus un rôle important
dans la défense des intérêts de l'OTAN et du monde libre dans cette
région explosive du globe"
C'est le coup d'état du 12 septembre 1980 qui,
réprimant toutes les forces démocratiques et pacifiques du pays, a
ouvert la voie à l'hégémonie militaire absolue des Etats-Unis sur la
Turquie. Un des premiers actes des généraux a été la ratification de
l'Accord de coopération économique et de défense (DECA).
Les questions relatives au Golfe et au Moyen-Orient
ont été débattues d'abord entre le général Evren, chef de la junte
militaire turque, et l'ancien général Haig, secrétaire d'Etat
américain, le 14 mai 1982, pendant la visite de ce dernier à la Turquie.
A cette époque la Turquie souffrait toujours des
conséquences da la crise pétrolière et était obligée de maintenir des
bonnes relations avec les pays producteurs du pétrole.Haig a été
informé que la Turquie pourrait ne s'impliquer dans les projets
américains relatifs au Moyen-Orient que dans le cadre de l'OTAN.
Quelques jours plus tard, suivant la suggestion des
Etats-Unis, le Conseil des ministres de l'OTAN, réuni les 17-18 mai
1982 à Luxembourg, a déclaré dans son communiqué final que "Certains
membres de l'OTAN peuvent prendre des mesures pour défendre n'importe
quelle région en dehors de la zone de l'OTAN." Il s'agissait d'un feu
vert à la coopération bilatérale entre la Turquie et les Etats-Unis, et
à une intervention militaire américaine dans la région du Golfe."
Quelques semaines plus tard, le sommet de l'OTAN du
10 juin 1982 à Bonn insista sur "l'intérêt commun porté à la sécurité,
stabilité et indépendance souveraine des pays situés en dehors de la
zone de l'OTAN, et la volonté des membres de l'Alliance de contribuer
soit directement, soit indirectement à les assurer." Ainsi donc, après
avoir pris sous son égide la Force rapide de déploiement U.S., le
sommet de l'OTAN a autorisé la Turquie à ouvrir son territoire à cette
force. Et le 7 octobre 1982, cette force participa pour la première
fois aux manœuvres de l'OTAN en territoire turc.
Le 31 octobre 1982, la Turquie et les Etats-Unis
conclurent un accord visant à améliorer et à moderniser les bases et
installations militaires en Turquie en prévision de leur utilisation
par des forces américaines "en temps de crise grave ou de guerre."
Le 29 novembre 1982, la Turquie et les Etats-Unis
ont signé à Bruxelles un nouvel accord, prévoyant la construction de
nouveaux aéroports en Turquie, ainsi que la modernisation des aéroports
existants, et accordant aux USA le droit d'entreposer du matériel
militaire sur le sol turc. Entre-temps, Washington annonça que les USA
avaient établi un nouveau commandement militaire au Moyen-Orient, pour
la défense des intérêts américains dans la zone du Golfe et dans
l'Océan indien.
Le 1er février 1986, The Wall Street Journal
rapportait que l'importance stratégique de la Turquie s'était
considérablement accrûe depuis la construction des oléoducs qui
traversent le territoire turc.
La Heritage Foundation, dans un rapport adressé aux
hommes politiques américains le 22 octobre 1987, rappelait que la
période Özal était la plus favorable pour les intérêts américains en
Turquie: "A l'époque où la guerre et le chaos dans le Golfe persique
sont là pour rappeler aux hommes politiques combien il est difficile de
traiter avec les états du Moyen-Orient, la Turquie reste un bastion de
stabilité et de fidélité dans l'Est méditerranéen. Les Etats-Unis ont
de toute évidence de fortes raisons pour maintenir les relations de
coopération les plus étroites possibles avec la Turquie." (Voir:
Info-Türk, Turco-American Relations after the Coup, Brussels 1988).
Si aujourd'hui les Etats-Unis expédient d'urgence
des troupes sur le front du Golfe, il n'est pas pour défendre les
peuples du Koweit ou de l'Arabie saoudite, mais pour protéger les
intérêts pétroliers américains dans la région.
Quant au soutien hâtif d'Özal à cette intervention,
il n'est que le man-on-the-spot des Etats-Unis et il ne pouvait pas
réagir contre l'attente du Pentagone. Ce sont les Etats-Unis qui
avaient assuré son siège au gouvernement militaire après le coup d'état
du 12 septembre 1980. Il était, déjà avant le coup d'état, le
conseiller économique du gouvernement de Demirel, chargé de mettre en
pratique les mesures draconiennes imposées par le FMI et la Banque
mondiale. The Financial Times du 13 septembre 1980 signalait que "Le
destin réservé à M. Özal sera symptomatique de l'avenir des relations
de la Turquie avec le FMI et la Banque mondiale." En effet, Özal a été
gardé dans le nouveau gouvernement militaire comme vice-premier
ministre alors que Demirel se trouvait en prison.
Quand les militaires organisèrent les premières
élections législatives en 1983, ce furent les Etats-Unis qui
encouragèrent Özal à constituer son propre parti politique, le Parti de
la Mère-patrie (ANAP), et lui donnèrent tout le soutien afin qu'il
obtienne la majorité absolue dans le nouveau parlement. (Voir:
Info-Türk, Black Book on the Militarist "Democracy" in Turkey,
Brussels, 1986).
D'ailleurs, la famille d'Özal a toujours eu des
relations serrées, aussi bien économiques qu'idéologiques, avec
l'Arabie saoudite, le Koweit et les Emirats arabes unis. Turgut Özal et
son frère Korkut Özal, tous deux, étaient parmi les jeunes technocrates
de Turquie qui ont été récupérés, dans les années 60, par l'Arabie
saoudite en vue de propager l'intégrisme saoudien en Turquie. Ses deux
frères, Korkut Özal et Yusuf Bozkurt Özal, sont à l'heure actuelle à la
tête de plusieurs sociétés constituées en Turquie avec l'investissement
saoudien. (Voir: Info-Türk, Extreme-Right in Turkey, Brussels 1988;
Intégrisme islamique en Turquie et Immigration, Bruxelles 1987).
Sans aucun doute, un vieux rêve des milieux
expansionnistes de Turquie, lui aussi, pousse l'administration d'Özal à
une aventure dans la région; Déjà il y a quatre ans, le quotidien
Milliyet du 16 octobre 1986, en se référant à des sources dignes de
foi, rendait public le "motif national" pour une éventuelle
intervention turque: "Dans les régions de Mosoul et de Kirkuk vivent
plus d'un million de Turcs. Au début de la Guerre de Libération
Nationale de Turquie (1919), ces régions figuraient à l'intérieur des
frontières revendiquées par le mouvement de la libération nationale.
Mais, après la guerre, cette question n'a pas pu être résolue de façon
favorable en raison de la faiblesse de la Turquie à l'époque, et les
régions de Mosoul et Kirkuk ont été laissées à la Grande Bretagne.
Pourtant, la Turquie possède un droit historique sur ces régions."
Que sera le coût d'une telle politique aventurière?
Déjà, le quotidien Cumhuriyet du 17 août 1990
estimait les pertes de la Turquie à 3 milliards de dollars: Les dettes
d'Irak: 753 millions, l'exportation: 600 millions, les revenus de
l'oléoduc: 250 millions, les revenus routiers: 500 millions, les
entreprises turques en Irak et au Kowait: 250 millions, la montée des
coûts pétroliers: 800 millions. Il faut y ajouter également
l'augmentation des dépenses militaires et les effets directs ou
indirects de la tension sur l'inflation et le chômage.
C'est la raison pour laquelle tous les partis
d'opposition, aussi bien de gauche que de droite, protestent à
l'unanimité contre la prise de position aventurière d'Özal et tentent
d'empêcher de nouveaux engagements éventuels au détriment des intérêts
de la Turquie. La réaction est si grande que, l'Assemblée Nationale a,
à sa session extraordinaire du 12 août 1990, refusé de donner au
gouvernement un mandat inconditionnel pour déclarer la guerre. La
résolution adoptée par l'Assemblée Nationale autorise le gouvernement à
utiliser les forces armées en cas d'une attaque contre la Turquie.
"Özal est loué par les médias occidentaux, mais ceci
au prix de grands sacrifices de la part de Turquie. Je voudrais
demander à Özal si la Turquie a reçu des garanties de la Communauté
européenne en récompense de ces sacrifices?" a dit Erdal Inönü, leader
du SHP.
"L'ennemi est inconnu, la menace contre la Turquie
n'est pas précisée, pourquoi le gouvernement demande-t-il au Parlement
une telle autorisation? Personne ne peut donner au nom de la Turquie
des promesses qui mettent en péril la sécurité de la nation. la Turquie
n'a pas besoin de jouer le rôle de héros ni de sauveur," a dit Demirel,
le leader du DYP.
D'ailleurs, les deux partis d'opposition
parlementaire ont refusé de se rendre au palais présidentiel pour
débattre de la crise du Golfe avec Özal.
D'après le Turkish Dateline du 25 août 1990, les
confidents d'Özal justifient son soutien hâtif aux Etats-Unis en termes
suivants:
"Les attentes du président sont très grandes.Grâce à
sa politique relative à la crise, il espère résoudre plusieurs
problèmes qui troublent depuis des années la politique étrangère de la
Turquie. Le rôle important que la Turquie joue au Moyen-Orient peut,
selon lui, écarter les objections des pays membres de la Communauté
européenne contre l'adhésion turque à la CE. Il espère également que
l'importance de la Turquie en tant qu'allié impressionnera Washington
de sorte que les Etats-Unis favorisent la Turquie plus que la Grèce.
Özal croit également que les pays européens et les Etats-Unis lèveront
les restrictions commerciales sur l'exportation turque afin de
récompenser ses pertes survenues à cause des sanctions économiques que
la Turquie applique à l'Irak."
Quels que soient les sacrifices de la Turquie en vue
de défendre les intérêts américains dans la région, la Communauté
européenne acceptera-t-elle vraiment la Turquie comme un nouveau
membre? Les démocraties européennes, pourront-elles oublier la
situation grave des droits de l'Homme en Turquie, résumée dans les
colonnes précédentes de ce numéro?
L'ETAT MASSACRE DES PAYSANS KURDES
La tuerie la plus sanglante depuis 1987 au Kurdistan
turc qui a coûté 27 vies le 9 juin, a suscité des polémiques dans les
médias turcs. Les autorités tuques ont accusé le parti ouvrier du
Kurdistan (PKK) d'avoir massacré treize enfants, sept femmes, quatre
protecteurs de village et trois hommes non-armés dans le village de
Cevrimli à Sirnak. Suite à cette affirmation, plusieurs partis
d'opposition ont reproché au gouvernement de ne pas pouvoir arrêter les
attaques du PKK.
Pourtant, le 21 juin, le président du Parti du
Travail du Peuple (HEP), fondé tout récemment, Fehmi Isiklar a annoncé
que 27 paysans auraient en réalité été assassinés, non par le PKK, mais
par les forces de la sécurité. Il a ajouté qu'ils ont été massacrés
parce qu'ils avaient refusé d'adhérer aux protecteurs de village, une
force para-militaire au service de l'Etat.
Cette assertion a plus tard été soutenue par
l'Association des droits de l'Homme (IHD).
Quant au PKK, il a rejeté l'entière responsabilité
de cette tuerie à l'égard des forces de la sécurité. Dans un
communiqué, le PKK a affirmé qu'à la date de l'incident, il n'y avait
aucun groupe de guérilla dans cette zone.
Après ce massacre, les confrontations armées entre
les guérillas kurdes et les forces de la sécurité se sont à tel point
intensifiées qu'une centaine de personnes, y compris un commandant de
bataillon, des capitaines et lieutenants, ont péri en quelques
semaines. Le gouverneur régional a annoncé qu'au cours des 10 dernières
journées de Juillet, 39 militants du PKK et 15 membres des forces de la
sécurité avaient été tués dans la région.
LE RAPPORT DU SHP SUR LA QUESTION KURDE
Le parti populiste social-démocrate (SHP), qui
faisait l'objet de critiques pour ne pas avoir défini sa politique à
l'égard de la question kurde, a finalement rendu public le 16 juillet
un rapport intitulé Un regard sur les problèmes de l'Anatolie de l'Est
et du Sud-est et les suggestions.
Le rapport critique tout d'abord le gouvernement de
mal traiter les habitants de cette région "pour sauvegarder l'intégrité
de l'Etat." Il défend le droit du peuple d'utiliser les langues autres
que le turc et réclame l'abolition immédiate de toutes les mesures
d'urgence dans cette région.
"Le SHP acceptera l'identité kurde et accordera aux
citoyens d'origine kurde le droit de s'exprimer librement dans tous les
domaines de la vie," dit le rapport, tout en promettant que le parti,
s'il vient au pouvoir, abolira l'interdiction d'utiliser des langues
ethniques.
Les paragraphes suivants sont les points principaux
de ce rapport:
"La population de quelque 5 millions de cette région
a depuis 12 ans subi la loi martiale et l'état d'urgence. Cette
situation, aggravée encore plus par des conditions de vie difficiles, a
créé une crise d'identité parmi les habitants ainsi qu'une manque de
confiance en l'Etat.
"Les citoyens qui ne sont pas directement impliqués
dans les conflits armés sont soumis à des interrogatoires en masse, des
arrestations et à l'injustice afin de pouvoir capturer un seul
terroriste. Tous les habitants sont considérés comme éléments
subversifs potentiels. Cette attitude suscite une résistance contre
l'autorité de l'Etat dans la région.
"L'interdiction de parler, d'écrire et de se
communiquer en langues éthniques n'a jamais existé, pas même dans la
période du parti unique (1923-1945) 'pendant laquelle les vents du
fascisme soufflaient dans le monde entier.'
L'état d'urgence de 1983 a ouvert la voie à
plusieurs interdictions en pleine contradiction avec le système
juridique international et les accords internationaux dont la Turquie
fait partie.De plus, un décret de 1987 relatif à des mesures
judiciaires applicables à cette région en état d'urgence n'a jamais été
soumis au parlement en dépit de l'obligation constitutionnelle.
"Les nouveaux décrets, introduits en avril 1990, ont
imposé de nouvelles restrictions sur les droits et les libertés dans la
région par le biais de la censure, la déportation et par l'interférence
dans les affaires judiciaires.
"Le système de protecteurs du village ne sert qu'à
nourrir les sentiments pro- et anti-Etat parmi les villageois. Cet
appareil de 'la sécurité', qui coûte cher à la pauvre économie de la
région, doit absolument être aboli. La lutte séparatiste n'est pas une
menace importante en soi, mais elle devient dangereuse quand le
gouvernement opte pour la répression du peuple au lieu d'aller au fond
du problème.
"Si ces mesures incitent la population à témoigner
sa sympathie aux terroristes, cela veut dire que l'Etat est bel et bien
tombé dans le piège des terroriste. Le meilleur moyen de combat contre
les terroristes est de regagner le soutien populaire.
"Si le SHP vient au pouvoir, il révisera la
constitution ainsi que toutes les lois limitant les droits fondamentaux
et les libertés. L'instauration de la démocratie entière n'est pas du
tout une question de temps, comme le gouvernement prétend.
"Le SHP a pour but de donner la priorité à l'élément
humain dans la création d'une société dans laquelle il n'y aura pas de
discriminations entre les citoyens à cause de leurs origines ethniques
ou religieuses."
Après avoir fait une analyse comparative de
différentes données économiques relatives à la période 1975-86, le
rapport du SHP arrive à la conclusion que le Sud-est s'appauvrit de
plus en plus.
"Quelque 20 pour-cent de la population de Turquie
vit, d'après le recensement de 1985, dans 18 provinces de l'Est et du
Sud-est. Le revenu mensuel par tête dans le Sud-est était 24.744 LT en
1979, contre 71.954 LT dans les régions de Marmara et d'Egée. En termes
réels, le revenu dans le Sud-est n'a enregistré qu'une hausse de 0,6
pour-cent jusqu'en 1986, alors qu'il augmentait dans deux autres
régions occidentales de 2,9 pour-cent. Cela veut dire que le revenu par
tête à l'Ouest est 3.4 fois plus élevé par rapport à celui du Sud-est
en 1986, alors que cette proportion était 2,9 fois plus élevé en 1979.
"Cinq pour-cent des habitants de la région possède
66 pour-cent de la terre, alors que 70 pour-cent de la population n'en
possède que 10 pour-cent. Ces chiffres démontrent une grande inégalité
dans la propriété terrienne et le rôle dominant des relations féodales
dans la région. La structure féodale ne peut être changée que par une
industrialisation rapide de la région.
"Il est aussi très important, afin d'industrialiser
la région, d'éduquer la population locale dont 43 pour-cent seulement
sont lettrés alors que cette proportion s'élève à 77 pour-cent dans le
reste du pays.
"La région du sud-est où vit 8,6 pour-cent de la
population ne reçoit que 5 pour-cent des investissements totaux en
Turquie. Si les investissements prévus pour les projets nationaux comme
le Projet de l'Anatolie Sud-est (GAP) et l'Oléoduc Turquie-Irak sont
déduits de ce dernier chiffre, les investissements propres au
développement régional restent à 1,6 pour-cent des investissement
totaux."
D'après ce rapport, les primes d'investissements
offertes par le gouvernement n'a pas fais de grand impact sur le
secteur privé. "Le développement industriel et infrastructurel dans le
Sud-est doit réaliser plus rapidement par rapport aux autres régions.
Seulement par l'application d'une telle politique d'investissement, le
Sud-est peut rattraper le niveau de développement des autres régions,"
dit le rapport du SHP.
LE PREMIER MINISTRE: "PAS DE KURDES!"
Le premier ministre Yildirim Akbulut a accusé le
SHP, le 30 juillet, d'encourager le séparatisme en Turquie par la
publication de ce rapport. "Il n'y a pas de Kurdes en Turquie! Le
peuple qui vit en Turquie est turc. Nous ne pouvons tolérer que la
Turquie se divise," a-t-il dit.
Encouragé par le premier ministre, les procureurs de
la Cour de la Sûreté d'Etat d'Ankara ont ouvert une enquête judiciaire
relative au rapport du SHP.
Les procureurs inculpent également des membres du
Parlement pour leur prise de position relative à la question kurde.
Le 26 juin, deux députés du SHP, Fuat Atalay et
Cumhur Keskin, qui avaient proposé que la Radio-Télévision turque fasse
des émissions en kurde ont été inculpés par la CSE d'Ankara. Lendemain,
le vice-président de l'Assemblée Nationale, Halim Aras s'est vu inculpé
pour avoir réclamé la libéralisation de la langue kurde.
Le procureur en chef de la CSE a annoncé que 25
membres du Parlement ont, jusqu'ici, subi des enquêtes judiciaires
suite à leurs déclarations concernant la question kurde.
LA LONGUE MARCHE DU HEP
Les onze députés du parti du travail du Peuple
(HEP), récemment constitué, ont entrepris une marche symbolique de neuf
jours d'Istanbul à Diyarbakir, réclamant la liberté et la dignité
humaine en Turquie. Tous les marcheurs sont d'anciens membres du SHP
qui avaient démissionné l'année passée.
En entamant cette marche le 17 juillet à ∂stanbul,
la police a empêché d'autres membres et sumpathisants du parti, de se
joindre au groupe puisqu'ils n'avaient pas obtenu d'autorisation
préalable. Quant aux onze députés, ils n'avaient pas besoin
d'autorisation puisqu'ils sont couverts par l'immunité parlementaire.
Dans toutes les grandes villes qu'ils ont traversé
la police a pris des mesures répressives en pour empêcher des contacts
éventuels entre les marcheurs et les citoyens. Le 25 juillet, quand le
groupe est arrivé à la ville de Batman, la police a dispersé les
sympathisants par la force et harcelé également les députés.
UNE JOURNEE TR∂STE POUR LA PRESSE TURQUE
Les associations des journalistes de Turquie ont
refusé cette année de célébrer la Journée de la Presse du 24 juillet,
et ont déclaré qu'elles ne le feront pas tant que la censure n'st pas
complètement levée.
La date de la Journée de la Presse avait été fixée
en 1948 par l'Association des Journalistes en vue de marquer la fin, en
1908, de la répression de 33 ans du Sultan Rouge (Abdülhamit II).
Pendant la dictature de ce dernier, tout matériel imprimé, y compris
les tickets de trams, les dépliants publicitaires et les étiquettes de
bouteille, subissaient un contrôle préalable par la Commission de la
Censure.
Pourtant, cette pratique a, 72 ans plus tard,
recommencé suite au coup d'état militaire du 12 septembre 1980.
"Dans un pays où la censure la plus répugnante,
l'autocensure, est imposée à la presse, nous ne pouvons pas accepter de
célébrer l'anniversaire de la levée de la censure il y a plusieurs
décennies," a dit Oktay Eksi, le président du Conseil de la Presse: "Ce
qui est plus approprié pour le 24 juillet n'est pas la joie, mais la
tristesse!"
Le même jour, l'Association des Journalistes
Contemporaines (CGD) a posé une couronne au mausolée d'Atatürk à
Ankara, mais le ruban de la couronne avec l'inscription "Non à la
censure, Oui à la démocratie!" a été arraché de force par un colonel de
garde.
ISMAIL BESIKCI MIS EN LIBERTE
Le sociologue Ismail Besikci qui était en état
d'arrestation depuis mars 1990 sous l'accusation de propagande
séparatiste dans ses trois derniers livres, a été mis en liberté sous
caution le 25 juillet par la Cour de la Sûreté d'Etat d'Istanbul.
Le troisième procès à l'encontre de Besikci avait
été ouvert le 16 juin pour son dernier livre intitulé Un intellectuel,
Une organisation et la Question kurde.
Besikci, qui risque une peine de prison allant
jusqu'à 45 ans pour ses trois procès, a déclaré au cours de la dernière
audience que l'idéologie officielle turque relative aux Kurdes n'est
pas du tout juste. "Quand nous demandons l'arrêt des discriminations
envers le peuple kurde, nous sommes arrêtés par la police. Une
déclaration dans ce sens est considérée préjudiciable aux sentiments
nationaux des Turcs," a-t-il dit. Il a accusé aussi bien l'Etat turc
que certains intellectuels turcs qui sont soumis à l'idéologie
officielle.
Le même jour, le parti du Travail du Peuple (HEP) et
l'Association des Droits de l'Homme (IHD) ont transmis au Ministère de
la Justice une pétition signée par plus de dix mille personnes qui
réclament la mise en liberté de Besikci.
La section américaine de l'International PEN a
attribué le titre de "membre honoraire" à Besikci ainsi qu'à Erhan
Tuskan, l'un des journalistes en prison.
DEUX REVUES DEFINITIVEMENT INTERDITES
Le 29 juin, le Ministère de l'Intérieur, utilisant
ses pouvoirs d'urgence attribués par les derniers décrets
gouvernementaux, a interdit pour une durée indéterminée la parution de
deux revues politiques, 2000e Dogru et Halk Gercegi, sous prétexte de
diffusion d'informations falsifiées sur la situation en Anatolie du
Sud-Est.
Le Ministère a également fermé pour une durée de dix
jours l'Imprimerie Ilicak pour avoir imprimé ces revues interdites.
Suite à l'interdiction de leur revue, 29 journalistes de 2000e Dogru
ont engagé un procès en dédommagement contre le Ministère de
l'Intérieur.
Les mêmes journalistes ont commencé à publier le 5
août une autre revue hebdomadaire intitulée Yüzyil (Siècle).
LE CONCERT D'AI CENSURE
Une bande vidéo ayant trait au concert Les Droits de
l'Homme, dès Aujourd'hui , enrégistrée et diffusée par Amnesty
International, a été censurée par le Conseil du Contrôle des Films du
Ministère de la Culture, sous prétexte que certains passages des
discours prononcés au cours de cette manifestation offenseraient et
humilieraient tous les gouvernements dans le monde.
Le distributeur de la bande, Efes Film, a annoncé
que le Conseil a rayé le discours de Sting qui accuse tous les
gouvernement de recourir plus que jamais à la torture et à la
répression militaire pour sauvegarder leur pouvoir. Egalement rayé du
film un passage dans lequel John Healey, directeur américain d'Amnesty
International, dit que les gouvernements se tiennent.
D'autre part, la projection en Turquie de la comédie
de David Zucker, The Naked Gun, a été d'abord censuré, puis, le 30
juillet, interdit suite aux pressions provenant d'Iran. Dans le films
Khomeini est parodié ainsi que d'autres figures publiques comme
Gorbatchev, Arafat, Quaddafi et Idi Amin Dada.
Pendant la projection du film à Istanbul, les
gérants de salles ont reçu plusieurs menaces téléphoniques anonymes.
UN JOURNALISTE MORT EN EXIL
Umran Baran, un journaliste privé de la nationalité
par le régime militaire, est mort en exil en juillet. Baran, âgé de 59
ans, a été le fondateur et le rédacteur en chef de l'hebdomadaire en
turc Yorum, paraissant en Australie depuis 1977. Umran Baran ainsi que
son fils, également journaliste, ont été privés de leur nationalité en
raison de leur prise de position critique à l'égard de la junte
militaire.
D'autre part, une pétition de Gültekin Gazioglu,
président de l'Association des Enseignants de Turquie (TÖB-DER),
réclamant la restitution de sa nationalité a été refusée le 12 juillet
par le gouvernement.
La TÖB-DER a été interdite par la junte militaire
après le coup d'état. Gazioglu a, avec des centaines d'opposants au
régime du 12 septembre en exil, été privé de la nationalité turque et
vit actuellement en Allemagne.
Il a également demandé le 6 juin une permission
spéciale pour pouvoir visiter son frère gravement malade en Turquie,
mais il n'a pas encore re•u de suite favorable à sa requête.
DOGU PERINCEK SOUS ARRESTATION
Dogu Perincek, rédacteur en chef de l'hebdomadaire
2000e Dogru, définitivement interdit par le Ministère de l'Intérieur, a
été arrêté le 7 août par la Cour de la Sûreté d'Etat de Diyarbakir. Le
procureur de la République réclame un total de 25 ans de prison pour
Perincek dans cinq procès différents.
La cour de Diyarbakir avait délivré un mandat
d'arrêt le 10 avril contre Perincek pour ses discours prononcés en
février et en mars aux réunions du parti socialiste (PS) dans cinq
villes du Sud-Est. Il est accusé de propagande séparatiste.
Perincek a, au cours de la première audience,
rappelé aux juges qu'il avait été acquitté le 1er août par la Cour de
la Sûreté d'Etat d'Istanbul de l'accusation de propagande séparatiste
pour son intervention lors d'une conférence à Paris sur la question
kurde.
Rappelant également que les discours similaires
qu'il avait faits dans les régions occidentales n'ont jamais fait
l'objet des poursuites judiciaires, Perincek a dit: "Le fait que mes
discours dans le Sud-Est soient considérés comme des crimes est une
preuve de l'attitude de l'Etat à l'égard de cette région. Le problème
kurde ne pourra jamais être résolu par l'oppression des Kurdes."
D'autre part, le 14 juillet, l'éditeur responsable
de 2000e Dogru, Tunca Arslan, a été condamné à une peine de prison de
six ans et trois mois pour un article intitulé "Les Kurdes sont un des
peuples les plus anciens du Moyen-Orient". Pourtant, sa peine de prison
a été commuée en une amende de 11,4 millions LT ($4.000).
LA PERSECUTION RECENTE DES MEDIAS
16.6, le journaliste Alev Er a été traduit devant la
CSE d'Ankara pour avoir publié les compte-rendus de l'entretien
Özal-Bush. Il est accusé d'avoir révélé une information secrète.
19.6, à Istanbul, Cetin Tasci a été arrêté par la
police pour avoir multiplié par photocopies une revue politique
interdite, Deng.
22.6, à Istanbul, l'éditeur Mehmet Ali Eser a déposé
une plainte au Procureur de la République dans laquelle il affirme
qu'il aurait été torturé par le commissaire de police Ibrahim Aslan
après son arrestation du 10 juin 1990. Le médecin légiste lui a délivré
un certificat médical attestant les traces de torture.
23.6, l'hebdomadaire humoristique Limon a été
confisqué sur l'ordre d'une cour criminelle.
24.6, Muzaffer Tekek, représentant à Diyarbakir de
la revue Medya Günesi, a été arrêté avec 14 autres personnes, pour
s'être livré à la propagande séparatiste.
25.6, un concert organisé communément par la Commune
de Kadikoy et le Club du Livre Cumhuriyet a été interdit par le
gouverneur d'Istanbul.
30.6, un groupe d'écrivains, de journalistes et
d'artistes ont tenu une manifestation à Istanbul en protestation contre
la violation de la liberté de presse.
3.7, un livre ayant trait à Dev-Genc, l'organisation
de la jeunesse révolutionnaire interdite en 1971, écrit par le juriste
Ali Yildirim, a été confisqué par la Cour de la Sûreté d'Etat
d'Istanbul. L'auteur est accusé d'avoir incité dans ce livre le peuple
à la rébellion.
14.7, l'éditeur responsable du mensuel Devrimci
Genclik, Gülten Demir a été condamné à une peine de prison d'un an pour
avoir fait de la propagande séparatiste. Sa peine a été commuée en une
amende de 1.840.000 LT ($600).
16.7, le chanteur populaire Ahmet Kaya a été inculpé
par la Cour de la Sûreté d'Etat pour avoir causé des incidents
politiques au cours d'un concert donné à Istanbul.
19.7, le procureur de la République de Gaziantep a
tenté une poursuite légale à l'encontre du journaliste Erbil Tusalp
pour son discours à un panel organisé à Gaziantep par l'Association des
Droits de l'Homme (IHD). Il est accusé de propagande séparatiste pour
avoir déclaré: "Je soutiens la lutte du peuple kurde afin d'obtenir la
reconnaissance de leur identité culturelle."
20.7, une peine de prison de 4 ans et 2 mois
prononcée contre l'éditeur responsable du mensuel Emek Dunyasi, Mehmet
Emin Sert, a été approuvée par la Cour de Cassation. Sert avait été
condamné par la Cour de la Sûreté d'Etat pour avoir fait de la
propagande séparatiste au cours d'une conférence de presse en 1988.
21.7, deux journalistes du quotidien Cumhuriyet,
Ilhan Selcuk et Ali Gitmez ont été interrogés par le procureur de la
République pour avoir critiqué le président Ozal dans leurs articles.
23.7, le numéro de Juillet du périodique islamiste
Ak-Dogus a été confisqué par la CSE d'Istanbul pour propagande
anti-laïque. Six numéros précédents de la même revue avaient déjà été
confisqués pour la même raison.
24.7, le premier numéro d'un nouveau mensuel,
Mücadele, a été confisqué par la CSE d'Istanbul sous l'inculpation de
propagande communiste et séparatiste. Ce nouveau mensuel remplaçait
Yeni Cözüm qui ne peut plus paraître en raison des pressions
officielles exercées sur des imprimeries.
25.7, un journaliste du mensuel Deng, Mazhar Kaya
serait en état d'arrestation d'après un communiqué diffusé par la
représentation de cette revue en Europe.
26.7, une cassette de musique réalisée par le
chanteur populaire Ozan Cagdas a été interdite sous prétexte qu'elle
contient des chansons préjudiciables à l'ordre public.
27.7, le numéro de juillet du mensuel Adimlar a été
confisqué pour parution d' articles faisant la propagande séparatiste.
27.7, le procureur de la République a inculpé trois
journalistes du quotidien Cumhuriyet, les écrivains Ilhan Selcuk, Oktay
Akbal et l'éditeur responsable Okay Gönensin. Chacun risque une peine
de prison pouvant aller jusqu'à quatre ans pour avoir critiqué le
président Özal.