L'organisation
contre-guérilla: cerveau de la déstabilisation
politique menant à deux coups d'Etat militaires
Le Gladio Turc!
Après que des révélations
concernant le Gladio soient apparues dans la presse européenne, les
milieux politiques turcs ont commencé à débattre de l'existence en
Turquie d'une force paramilitaire similaire. Certains anciens leaders
ont fait des révélations spectaculaires comme s'il s'agissait de la
première fois que cette affaire figurait à l'ordre du jour.
L'existence d'une telle
organisation paramilitaire subversive, cerveau de la violence politique
et des ultérieurs coups d'Etat militaires de 1970 et 1980, avait été
dénoncée à maintes reprises par la presse progressiste turque, mais ces
mêmes hommes politiques avaient préféré garder le silence.
Les lecteurs d'Info-Türk ont été
régulièrement informés, depuis 1976, du funeste rôle que joua
l'Organisation contre-guérilla dans le processus de déstabilisation de
la Turquie et dans la préparation des coups d'Etats:
"Le Département de Guerre
Spéciale, généralement connu sous le nom d'Organisation
contre-guérilla, avait été créé en vertu d'un accord militaire
bilatéral, signé en 1959, entre la Turquie et les Etats-Unis.
L'objectif apparent de ce département était de mettre sur pied des
forces de résistance pour faire face à d'éventuelles révoltes ou
agressions étrangères. Mais les directives d'application et
d'entraînement montrent que l'organisation pouvait être utilisée pour
soumettre les mouvements sociaux internes. Dans le texte, écrit, de
plusieurs règlements officiels du Département, on pouvait lire cette
définition du mot révolte: 'opposition politique et sociale à l'ordre
établi dans le pays.' [U.S. Army Field Manuel 31-16, traduit en turc en
1964 et distribué aux Forces Armées Turques en tant que document classé
secret]. Le quartier général du Département de Guerre Spéciale était
situé dans le bâtiment de la Mission d'Aide Militaire Américaine, à
Ankara. La formation des officiers de ce département était assurée par
les Services de Renseignements Américains.
"Aidés et soutenus par le
Département de Guerre Spéciale, les Loups Gris, groupes armés du Parti
d'Action Nationaliste (MHP) dirigés par l'ex-colonel Alparslan
Türkes, avaient déjà assassiné 42 personnes de gauche, avant
1971, au cours de la période de 5 ans de pouvoir du Parti de la Justice
(AP). Après avoir créé une situation d'instabilité dans le pays à
travers la violence politique des Loups Gris, les Forces Armées sont
intervenues le 12 mars 1971. C'est au cours des deux ans de répression
que l'existence du Département de Guerre Spéciale fut mis en évidence.
C'est cette organisation qui se fit responsable de toutes les
arrestations et tortures, en collaboration avec les Loups Gris."
(Info-Türk, février 1978).
Lorsqu'à deux reprises le
socio-démocrate CHP arriva au pouvoir en 1973 et en 1978, toutes les
forces démocratiques de Turquie qui l'avaient soutenu, demandèrent au
Premier Ministre, Bülent Ecevit, de dissoudre cette sinistre
organisation. Bien qu'au début, Ecevit promit d'agir en conséquence, il
ne tint jamais parole et céda à la pression des militaires.
Actuellement, après avoir
constaté que parler d'organisations paramilitaires subversives devient
un élément de prestige, Ecevit admet que des indices fiables laissent
supposer qu'une force paramilitaire clandestine de l'OTAN a également
existé en Turquie. Voici la déclaration qu'Ecevit fit le 13 novembre
1990:
"Après avoir insisté, moi et le
ministre de la défense en fonction, Hasan Esat Isik, avons pu assister
à un briefing secret sur le fonctionnement de cette organisation. On
nous indiqua que le Département de Guerre Spéciale était composé
de 'patriotes volontaires'. Ils ajoutèrent que son quartier général
était situé dans le même bâtiment que la délégation de l'aide militaire
américaine à la Turquie. J'y ai également appris que l'organisation
avait des dépôts d'armes secrets. Ses membres étaient initiés à des
techniques de guerre spéciale. Devant l'invasion du pays par un
agresseur, les membres de cette organisation clandestine étaient
supposés opposer une guerre de contre-guérilla aux envahisseurs. On
m'indiqua que l'organisation était principalement composée de jeunes
mais que plus tard, ceux-ci pourraient finalement devenir des hommes
politiques.
"Il s'agissait d'une arme
secrète. J'ai pensé que nous devions agir rapidement et adopter des
mesures contre l'utilisation de l'organisation. Mais c'était à l'époque
de l'opération à Chypre. Rien ne fut entrepris".
Ecevit expliqua que lorsqu'il
reconquit le poste de Premier Ministre en 1978, il aborda l'affaire
avec Kenan Evren, chef d'état-major de l'époque. "Je lui ai dit que
nous devrions donner au Département de Guerre Spéciale un statut
officiel. Evren fit la promesse de s'en charger" précisa-t-il.
Ecevit indiqua ensuite, qu'en ce
temps-là, il associait la violence de la droite avec les activités
clandestines du département. Il ajouta qu'alors la Turquie était agitée
par de profonds troubles sociaux qui débouchèrent sur la prise de
pouvoir des militaires en 1980 sous la direction d'Evren.
Ecevit rappela aussi qu'à ce
moment-là, des groupes armés affiliés au Parti d'Action
Nationaliste(MHP), de tendance néo-fasciste, menaient une lutte armée
contre des groupes de gauche. Il ajouta qu'au cours de sa tournée dans
le pays, le cortège de son parti avait été victime de plusieurs
attentats: "Dans une petite ville, j'ai maintenu une discussion à
propos du Département de Guerre Spéciale et des soupçons que
j'avais de ses activités avec un général de l'armée dont je connaissais
le lien direct avec le département.
"J'ai manifesté mon inquiétude au
général. Il me répondit que les personnes qui participaient aux
activités de l'organisation étaient bienveillantes. Ils aiment leur
pays, dit-il. Lorsque j'ai objecté que des organisations violentes et
affiliées au MHP pourraient aussi s'intégrer dans cette organisation
clandestine, il me répondit que le chef du MHP (dans la ville où nous
avons été attaqués) était également un patriote et un homme
bienveillant. Sans le savoir, il avait admis que le chef du MHP de la
ville où nous nous trouvions à ce moment-là, était également membre du
Département de Guerre Spéciale."
Cependant, c'est Ecevit lui-même
qui, en 1978, alors qu'il était Premier Ministre, nia l'existence de la
Contre-Guérilla.
Faisons un petit rappel de
la publication de février 1978 du Bulletin Info-Türk:
"Récemment, le sénateur du CHP,
Niyazi Unsal et le député, Süleyman Genç, attiraient l'attention sur
l'Organisation Contre-Guérilla au sein des Forces Armées Turques. Ils
soutenaient que l'organisation avait fourni des armes à des groupes
terroristes comme les Loups Gris et les avait incités à l'action.
"En réalité, depuis les dernières
élections générales (1977), Ecevit semble oublier ses déclarations
précédentes et n'a fait la moindre allusion dans son programme
gouvernemental aux activités clandestines de l'Organisation
Contre-Guérilla.
"Après que la controverse sur ce
sujet ait été soulevée, Ecevit était bien obligé d'en parler, mais, au
lieu d'insister sur ses anciennes revendications, il demanda de clore
le débat.
"Le 4 février 1978, au cours
d'une conférence de presse, Ecevit nia l'existence d'une organisation
contre-guérilla et affirma que ses précédentes allégations n'étaient
pas des déclarations précises mais des suppositions. 'D'après mes
investigations, il n'y a aucune organisation contre-guérilla officielle
établie dans notre Etat. Nous devons tous éprouver du respect pour les
Forces Armées Turques et les aider à concrétiser leur désir de demeurer
en dehors de la politiques,' conclut-il."
Info-Türk de février 1978 termine
son article par la mise en garde suivante:
"Cependant, à moins que le
gouvernement ne dissolve cette infâme organisation qui s'abrite au sein
des Forces Armées, elle continuera à provoquer des incidents sanglants
et essayera même de renverser le gouvernement si cela s'avère
nécessaire."
En septembre 1980, 30 mois après
la parution de cet article, le général Evren renversa le gouvernement
parlementaire et prit le pouvoir sous prétexte que la violence
politique avait atteint des limites incontrôlables. C'était encore une
fois l'Organisation Contre-Guérilla qui avait planifié et fomenté la
violence politique, fournissant ainsi un prétexte pour ce nouveau coup
d'Etat militaire.
Pour ce qui est des assassinats
politiques de bien des personnalités publiques, telles que des
journalistes, des écrivains, des professeurs d'université, des leaders
syndicalistes, les auteurs de ces crimes provocateurs n'ont jamais été
identifiés.
L'arrestation de Mehmet Ali Agca,
l'activiste d'extrême droite qui abattit le célèbre journaliste Abdi
Ipekci en 1978, constitua une exception. Mais quelques mois plus tard,
grâce à des complices à l'intérieur des Forces Armées, cet assassin
notoire réussit à s'évader d'une maison de détention militaire qui
était extrêmement bien gardée. C'est ce même Agca qui allait tirer sur
le Pape le 13 mai 1981.
Les complices de ce crime commis
dans le pays du "Gladio" par un Loup Gris, bénéficiant de la protection
du "Gladio turc" sont toujours demeurés dans l'ombre et ce en dépit des
nombreux jugements publics qui ont eu lieu à Rome.
LES MANŒUVRES DIPLOMATIQUES D'ÖZAL
Dans une nouvelle manœuvre pour
renforcer sa conduite directe des relations extérieures de la Turquie,
le président Özal a placé, le 28 octobre dernier, son cousin Hüsnü
Dogan, à la tête du Ministère de la Défense. L'ancien ministre, Safa
Giray, avait démissionné de ce poste prétextant un manque de confiance
au sein du gouvernement.
Auparavant, le ministre des
affaires extérieures, Ali Bozer, avait également démissionné en signe
de protestation pour avoir été tenu à l'écart dans la conduite des
relations extérieures du pays. Il fut remplacé par Ahmet Kurtcebe
Alptemocin, un des béni-oui-oui d'Özal.
Outre ses relations familiales
avec le président, Hüsnü Dogan est connu pour être une figure
appartenant à l'aile fondamentaliste du Parti de la Mère Patrie (ANAP).
Le 23 octobre, alors qu'il
s'adressait à la 9ème Table Ronde du Commerce International, une
association d'investisseurs étrangers en Turquie, le président Özal
déclara que si la crise du Golfe devait menacer la stabilité mondiale,
la guerre serait inévitable.
Le 7 novembre, dans une démarche
visant à obtenir l'appui d'Ankara à une éventuelle opération miliaire
des Etats-Unis, le Secrétaire d'Etat américain, James Baker, s'est
rendu en Turquie et s'est entretenu avec des dirigeants turcs à Ankara.
Arrivé en Turquie en provenance
du Caire après une tournée dans plusieurs pays arabes et européens,
Baker s'est lamenté de ce que les sanctions économiques des
Nations-Unies n'avaient pas les résultats attendus. Il mit l'accent sur
la nécessité de nouvelles mesures. Des sources du Ministère des
Affaires Extérieures turc ont affirmé que la Turquie avait donné à
Baker l'assurance de son soutien aux Nations Unies si Washington
déposait un projet de résolution appelant à l'utilisation de la force
contre l'Irak.
Dans une autre démarche, juste
après la visite de Baker, le président Bush a envoyé en Turquie le chef
de la CIA, William H. Webster. Au cour de son séjour de 24 heures,
Webster s'est d'abord entretenu avec le Premier Ministre, le Ministre
de la Défense et le Ministre des Affaires Extérieures. Ses entretiens
du 8 novembre avec le Président Özal et les officiers de l'Organisation
de Renseignements Turque, furent les plus importants.
Il s'agissait de la deuxième
visite du n° 1 de la CIA en Turquie. La première visite au sommet avait
été réalisée par William Casey, chef de la CIA en ce temps-là, en 1982,
avant le référendum constitutionnel.
Le premier ministre Akbulut
déclara que parmi d'autres thèmes, le chef de la CIA avait abordé la
crise du Golfe. L'ambassadeur des Etats-Unis, Morton Abramowitz, dit
que les entretiens de Webster avaient tourné autour de "faits connus de
tous", et que ceux-ci couvraient également les récents événements
survenus en Union Soviétique.
Selon la presse turque, au cours
de ces deux visites au sommet, les Etats-Unis ont insisté auprès d'Özal
pour qu'il s'informe des intentions iraniennes.
Lors de sa visite à Téhéran, le
12 novembre, Özal resta sept heures avec le président iranien, Hashemi
Rafsanjani. C'était le plus long entretien qu'Özal ait maintenu avec un
chef d'Etat depuis le début de la crise du Golfe.
"Nous n'avons que des légères
divergences d'opinion. Aussi bien l'Iran que la Turquie ont des
intérêts vitaux dans la région. Nous avons mis l'accent sur
l'importance de maintenir aussi bien l'indépendance du Koweit que
l'intégrité territoriale de l'Irak", telles étaient les paroles d'Özal
après avoir quitté Téhéran pour assister au couronnement de l'Empereur
du Japon, Akihito.
A Tokyo, Özal déclara que la
stabilité régionale au Moyen-Orient dépendait d'une coopération entre
la Turquie, l'Iran, la Syrie, le Pakistan et même de l'Irak, plutôt que
d'une opération militaire. Cependant, il n'écartait pas totalement la
possibilité d'une confrontation armée si l'embargo économique imposé
par les Nations Unies ne donnait pas les résultats espérés.
Au cours des rencontres avec
plusieurs chefs d'Etat à Tokyo, Özal expliqua clairement que
l'administration turque était opposée à la création d'un Etat kurde
indépendant au nord de l'Irak. "La Turquie, pas plus que la Syrie et
l'Iran, n'autoriseraient la fondation d'un Etat kurde au Moyen-Orient.
Nous avons reçu des garanties des chefs d'Etat de l'Iran et de la Syrie
allant dans ce sens", ajouta-t-il.
Le 22 octobre, Manfred Wörner,
Secrétaire Général de l'OTAN, alors qu'il assistait à un séminaire à
Alanya sur les effets que les changements dans les relations entre
l'est et l'ouest de l'Europe ont sur la sécurité et la défense communes
de l'OTAN et de la Turquie, déclara ceci au journalistes turcs: "Une
fois résolue l'actuelle crise du Moyen-Orient, la Turquie récupérera
son rôle non seulement en termes militaires et stratégiques mais
également dans les cercles politiques. La Turquie ne devrait pas
seulement se tourner vers l'OTAN et l'Europe pour y jouer un rôle. Elle
doit assumer une importante fonction dans un éventuel dispositif de
défense régional visant à sauvegarder la paix et la stabilité au
Moyen-Orient. Aucun progrès ne serait possible dans une telle structure
régionale sans le concours de la Turquie".
D'autre part, le 3 novembre, Özal
annonça que des armes pour une valeur située entre 8 et 9 milliards de
dollars, provenant des Etats-Unis et de l'Allemagne, seraient livrées à
la Turquie. Özal fit cette énumération des armes: 400 Léopard et 600
chars d'assaut A-60, des avions de combat F4-E, des hélicoptères Cobra,
des avions de patrouille navale, des fusées Patriot, 700 véhicules de
transport de troupes blindés, des missiles Ronald et des pièces
d'artillerie. "Si nous devions acheter ceci avec de l'argent, nous en
aurions eu pour 8 ou 9 milliards", dit-il.
Pour ce qui est de l'aide
accordée par la Communauté Européenne aux pays les plus touchés par la
crise du Golfe —la Turquie, l'Egypte et la Jordanie— après la réunion
des leaders de la CE à Rome, il fut annoncé le 27 octobre que cette
aide ne se matérialiserait pas avant 1991.
Le 9 novembre, au cours de la
réunion de la commission mixte Turquie-CE, le co-président européen du
comité, Alman Metten, déclara: "Le Parlement Européen ne concédera pas
d'aide financière à la Turquie pour les pertes encourues à cause de la
crise du Golfe à moins qu'elle ne montre une amélioration dans le
respect des droits de l'homme".
PROLONGEMENT DE L'ETAT D'URGENCE
Le 1er novembre, le Conseil de
Sécurité Nationale a décidé de prolonger l'état d'urgence dans dix
provinces du sud-est habitées par des Kurdes, et ce pour une période de
4 mois supplémentaires à partir du 19 novembre.
Les provinces de Diyarbakir,
Batman, Bingöl, Elazig, Hakkari, Mardin, Sirnak, Tunceli et Van ont été
soumises à l'état d'urgence depuis la levée de la loi martiale. Toutes
ces provinces sont sous le contrôle du gouverneur régional, Hayri
Kozakcioglu, qui, récemment, s'est vu octroyer des pouvoirs spéciaux.
POURSUITES EN COURS CONTRE DES ENFANTS
Bien que l'arrestation de
l'écolière de 16 ans pour avoir dit "Non à la guerre!" continuait
d'être un thème public (voir Info-Türk, octobre 1990, p. 3) et un sujet
de débat à l'Assemblée Nationale le 23 octobre, la police et le
ministère public, sans tenir compte des critiques, ont continué de
poursuivre d'autres enfants.
Le 27/10, un étudiant de 16 ans
du lycée Meram à Konya, A.O., fut arrêté par la police après que la
direction de l'école l'ait accusé d'écouter des cassettes de musique
interdites par les autorités.
Le 31/10, deux étudiants de 17
ans de l'Ecole Professionnelle d'Akhisar furent arrêtés pour avoir lu
des publications religieuses à l'école. Jugés à la Cour de Sûreté de
l'Etat d'Izmir, chacun d'eux risque une peine de prison allant jusqu'à
5 ans.
Le 3/11, dans la ville
d'Akcaabat, province de Trabzon, une lycéenne de 16 ans, C.K, fut mise
en accusation pour avoir effectué un sit-in devant le Monument
d'Atatürk avec une affiche sur laquelle on pouvait lire "Non à la
guerre!"
Le 8/11, à Adana, 18 lycéens
furent arrêtés pour avoir participé à certaines manifestations
interdites. Quatre d'entre eux ont moins de 18 ans.
Le 12/11, la Cour de Sûreté de
l'Etat d'Istanbul condamna un lycéen, I. Altun, à 4 ans et 6 mois pour
avoir prit part à une manifestation politique interdite.
ARRESTATIONS AU CONGRÈS DES DROITS DE L'HOMME
L'Assemblée Général de
l'Association des Droits de l'Homme de Turquie (IHD) s'est tenue le 28
octobre à Ankara.
Un délégué kurde, Vedat Aydin,
s'adressa au Congrès dans sa langue maternelle et son discours était
traduit en turc par le juriste Ahmet Zeki Okcuoglu. Cependant,
l'orateur ainsi que le traducteur furent tous deux arrêtés par la
police.
Lorsque Mustafa Özer, chef du
Parti Travailliste du Peuple (HEP) à Diyarbakir, dit qu'il soutenait le
discours en kurde, il fut arrêté à son tour.
Après avoir arrêté trois
activistes des droits de l'homme simplement pour avoir parlé en kurde,
la police et le gouvernement se sont vus adresser de vives critiques
par l'opposition.
Fehmi Isiklar, leader du HEP et
membre de l'Assemblée Nationale, a déclaré: "Plusieurs membres du
gouvernement ont répété de temps à autre que l'utilisation de la langue
kurde n'était pas interdite. L'arrestation des délégués du IHD montre à
quel point le gouvernement est hypocrite".
Au congrès, le juriste Nevzat
Helvaci fut réélu président du IHD. Dans son discours, Helvaci critiqua
les mesures d'urgence adoptées dans le sud de la Turquie et attira
l'attention sur la dangereuse recrudescence du fanatisme islamique.
GRÈVES DE LA FAIM DANS LES PRISONS
La grève de la faim maintenue par
les prisonniers politiques dans les prisons de Diyarbakir, Malatya et
Gaziantep a pris fin le 18 novembre après que l'administration des
prisons ait accepté une grande partie des revendications des grévistes.
Cependant, au moment de la
parution de cet article, la grève se poursuit dans les prisons de
Nazilli, Aydin, Kayseri, Erzincan et Buca (Izmir).
En solidarité avec les
prisonniers politiques qui font la grève de la faim, beaucoup d'actes
de protestation parallèles ont été organisés à travers toute la Turquie
et à l'étranger.
Le 6 novembre, le Comité du
Kurdistan de Belgique a organisé une grève de la faim à Bruxelles.
A cette occasion, ce même comité
a également attiré l'attention sur la répression exercée dans le
Kurdistan turc.
D'après l'information qu'il a
donnée dans une conférence de presse:
"En 1990, l'Armée Turque a
déporté la population de plus de 400 villages dans les provinces de
Sirnak, Siirt, Hakkari et Van. Tandis qu'elles exécutaient cette
opération, les unités de l'armée ont mis le feu à toutes les maisons et
aux moyens de subsistance, dévasté les champs, les forêts et les
vergers, miné les routes et tué les animaux domestiques pour éviter que
les paysans ne retournent dans leur village. Les villageois kurdes
déportés vivent maintenant à l'abri de tentes autour de Sirnak, Cizre,
Cukurca et Van.
"Actuellement, même des enfants
sont arrêtés et soumis à la torture. 105 enfants âgés de 11 à 17 ans
ont été jugés par la Cour de Sûreté de l'Etat de Diyarbakir. Ces
enfants portaient les menottes lorsqu'ils ont été introduits dans le
tribunal."
315 CONDAMNATIONS À MORT
Le nombre des prisonniers qui
attendent dans les cellules des condamnés à mort a été porté à 315 le
21 novembre, avec 14 nouveaux cas transmis à la Commission de Justice
de l'Assemblée Nationale. Parmi les condamnés à mort, 172 étaient de
gauche ou appartenaient à des organisations kurdes, 28 étaient de
droite, 4 étaient des militants palestiniens tandis que 111 étaient des
prisonniers de droit commun.
Le 13 octobre, le gouvernement
avait fait savoir son intention d'exécuter les condamnations à mort
dans le but de combattre la terreur politique. Cette annonce a soulevé
de vives réactions aussi bien en Turquie qu'à l'étranger (Voir
Info-Türk, octobre 1990, p. 3)
Le thème de la peine de mort fut
abordé durant la visite en Turquie de Mme Catherine Lalumière,
Secrétaire Générale du Conseil de l'Europe. Mme Lalumière fit savoir
aux autorités turques combien ce sujet préoccupait le Conseil de
l'Europe.
Avant de quitter la Turquie, la
Secrétaire Générale a communiqué aux journalistes que les représentants
turcs lui avaient assuré que ceux qui avaient été condamnés à mort
auparavant ne seraient pas exécutés.
962.855 PERSONNES ONT UN CASIER JUDICIAIRE
Le 23 octobre, dans sa réponse à
une question parlementaire, le Ministre de l'Intérieur, Abdülkadir
Aksu, annonça qu'en Turquie 962.855 personnes avaient un casier
judiciaire.
TERRORISME D'ETAT EN OCTOBRE
Le 5/10, quatre représentants de
l'Association des Enseignants (Egit-Der) à Izmir, ont été sanctionnés
d'une amende de 450.000 LT (150$) chacun, pour avoir fait paraître un
communiqué de presse non-autorisé.
Le 6/10, la police fit une
descente dans le bureau de l'Association de Solidarité avec les
Familles des Prisonniers (TAYAD). Le président, Nuran Askeri, et 33
membres qui se trouvaient sur les lieux au moment de la descente, ont
été arrêtés et tous les documents confisqués.
Le 10/10, la Cour de Sûreté de
l'Etat de Malatya a imposé des peines de prison individuelles de 8 ans
et 4 mois à 4 membres du Parti Ouvrier du Kurdistan (PKK) et de 3 ans à
un autre accusé.
Le 11/10, à Adana, 30 personnes
furent arrêtées par la police pour avoir scandé des slogans lors d'un
festival culturel organisé par la Municipalité de Seyhan sans y avoir
été préalablement autorisés.
Le 12/10, la Cour de Sûreté de
l'Etat d'Ankara a condamné Murat Kocak, membre de l'IHD, à un an
d'emprisonnement pour avoir collé des posters sur les murs sans
autorisation préalable.
Le 13/10, le ministère public a
soumis les membres du Conseil d'Administration de l'Association des
Employés Agricoles (TZD) a un interrogatoire pour avoir effectué
certaines recherches sur leurs droits syndicaux.
Le 15/10, la Cour de Sûreté de
l'Etat a condamné Ali Ozler, président local de l'IHD à Tunceli, à une
peine de prison de 6 ans et 8 mois pour ses déclarations sur la
question kurde. Il était détenu depuis plus de 9 mois.
Le 16/10, la Cour de Sûreté de
l'Etat a condamné 35 personnes à des peines de prison individuelles de
3 ans pour avoir pris part à la manifestation du 1er mai en 1989. Comme
trois des accusés avaient moins de 18 ans, leur peine a été réduite à
10 mois.
Le 17/10, la CSE de Malatya a
condamné à mort un membre du PKK et a imposé une peine de prison à vie
à un autre pour avoir participé dans les activités du PKK. Le même
jour, ce même tribunal a condamné trois membres du Parti Communiste de
Turquie/Marxiste-Léniniste (TKP/ML) à 8 ans et 4 mois de prison.
Le 18/10, la CSE d'Istanbul a
arrêté trois membres supposés du TKP/ML.
Le 20/10, la police a annoncé
l'arrestation de 11 membres supposés de la Gauche Révolutionnaire
(Dev-Sol) dans l'arrondissement d'Ünye.
Le 21/10, à Ankara, cinq membres
du TAYAD furent amenés devant la Cour de Sûreté de l'Etat accusés de
maintenir des relations avec des organisation clandestines. Chacun
d'eux risque une peine de prison de 5 ans.
Le 22/10, un comptable, Vedat
Sumercan, fut arrêté dans la ville de Banaz pour avoir écrit "Non à la
guerre!" sur la fenêtre de son bureau.
Le 24/10, sept dirigeants de
l'Association des Infirmières furent amenées devant la CSE d'Istanbul
accusés de "propagande communiste". Chacune d'elles risque une peine de
prison de 10 ans.
Le 25/10, la police fit une
descente dans le local de l'Association pour la Protection et le
Développement de la Corne d'Or et 20 personnes y furent arrêtées.
Le 27/10, au cours d'une
manifestation en faveur de 'La Paix et la Vie Humaine", convoquée à
Kocaeli par le principal parti d'opposition, SHP, la police arrêta par
la force 155 personnes.
Le 30/10, la police a annoncé
l'arrestation de 15 militants de l'Armée de Libération des
Travailleurs-Paysans de Turquie (TIKKO) à Istanbul.
Le 31/10, la police fit une
descente dans l'Association Culturelle de Recherche d'Esenler à
Istanbul et 10 personnes y furent arrêtées.
SOLIDARITÉ INTERNATIONALE AVEC LES ÉDITEURS D'INFO-TÜRK
La décision du Conseil d'Etat
turc de rejeter l'appel de deux éditeurs d'Info-Türk, Dogan Özgüden et
Inci Tugsavul, en vue d'annuler le décret du gouvernement militaire qui
les prive de la nationalité truque a continué à soulever des réactions
dans les organisations internationales.
Auparavant, Helsinki Watch des
Etats-Unis, avait envoyé au président Özal un message dans lequel il
exprimait toute sa préoccupation pour l'affaire des deux journalistes.
La Fédération Internationales de
Journalistes (FIJ), représentant plus de 175.000 journalistes organisés
en 51 syndicats dans 43 pays du monde entier, aborda la question à la
conférence d'Istanbul de la Commission Parlementaire Mixte du Parlement
Européen et de la Turquie.
M. Aidan White, Secrétaire
Général de la FIJ, alors qu'il soumettait son rapport intitulé "Turquie
1990: le Journalisme Pris Comme Cible" à la séance du Comité du 8
novembre, déclara:
"En Turquie, l'ingérence
officielle pour priver les citoyens turcs travaillant comme
journalistes à l'étranger de leurs droits, excède le pays-même.
"La FIJ a porté tout son intérêt
à la perte de citoyenneté de deux journalistes opérant à l'étranger:
Dogan Özgüden et Inci Tugsavul, éditeurs du magazine Info-Türk, publié
à Bruxelles.
"Ils furent privés de leur
nationalité par le Gouvernement Militaire il y a huit ans. Maintenant,
après l'avoir examiné pendant deux ans, le Conseil d'Etat turc a rejeté
leur appel et confirmé l'apatride de ces deux journalistes sur base de
décrets de la junte militaire.
"Ce qui est tout aussi
inquiétant, c'est que dans sa réponse à l'appel, le gouvernement turc
fit savoir que les deux éditeurs devraient rester apatrides car ils
avaient calomnié les autorités et les généraux turcs dans les
publications qu'ils ont éditées à l'étranger.
"Au regard de tous les critères,
la mesure est injuste, mais qu'elle touche des journalistes travaillant
sous les yeux même de la Communauté Européenne, et ce au mépris des
principes de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, voilà une
ironie qui n'échappe pas à ceux qui mettent sérieusement en question
l'engagement de la Turquie au respect des droits de l'homme dans le
soutien de sa candidature pour devenir membre à part entière de la
Communauté Européenne".
Au cours de la même réunion de la
Commission Parlementaire Mixte CE-Turquie, Mme Claudia Roth (Verts
allemands), attirant l'attention sur le cas Özgüden-Tugsavul, exigea
que cette pratique de privation de la citoyenneté soit immédiatement
levée.
D'autres part, le directeur de
l'Institut International de Presse, Peter Galliner, a adressé la lettre
suivante au président Özal:
"Votre Excellence,
"L'Institut International de
Presse, qui représente d'importants journalistes, rédacteurs et
éditeurs partout dans le monde, s'adresse à vous en faveur de Dogan
Özgüden, rédacteur en chef de l'Agence Info-Türk à Bruxelles et de sa
collègue, Inci Tugsavul, rédactrice des éditions en anglais d'Info-Türk.
"Tous deux ont été privés de leur
nationalité par le gouvernement militaire il y a huit ans. En 1988, ils
sont allés en appel devant le Conseil d'Etat pour que cette décision
soit annulée. Cependant, on nous a informé que leur appel a été rejeté
par le Conseil d'Etat, en vertu d'une loi de la période militaire qui,
si nous ne nous trompons, n'est plus en vigueur.
"Nous protestons énergiquement,
en faveur de nos deux collègues, contre cette décision injuste et
inhumaine et vous prions instamment de leur accorder un total
rétablissement de la nationalité turque sans autre délai".
POURSUITES CONTRE LES MÉDIAS EN OCTOBRE
Le 2/10, le rédacteur du
bimensuel Emegin Bayragi, Ibrahim Cicek, fut arrêté à Istanbul.
Le 2/10, un journaliste du
journal Cumhuriyet, Osman Yildiz, déclara avoir été détenu par la
police, à Istanbul, pendant trois jours sans aucun motif, et avoir été
maltraité par les policiers.
Le 17/10, une brochure sur la
jeunesse, publiée par la Maison d'Edition Devrimci Gençlik, fut
confisquée par la Cour de Sûreté de l'Etat d'Istanbul.
Le 19/10, un journaliste du
journal Hürriyet, Emin Cölasan, fut condamné par un tribunal d'Ankara à
payer une amende de 104 millions de TL (38.000$) pour son livre sur le
Président de la République et sa famille.
Le 19/10, Dogu Perincek,
rédacteur en chef de l'hebdomadaire Yüzyil, fut mis en accusation par
la Cour de Sûreté de l'Etat d'Erzincan pour avoir donné une conférence
sur la question kurde. Il risque une peine de prison de 5 ans pour
propagande séparatiste.
Le 24/10, l'édition du 21 octobre
de l'hebdomadaire Yüzyil fut confisquée par la Cour de Sûreté de l'Etat
pour un article sur la question kurde.
Le 25/10, la Cour de Sûreté de
l'Etat d'Istanbul confisqua l'édition d'octobre du mensuel Yeni Öncü.
Le 26/10, des personnes
non-identifiées mirent le feu au bureau de Diyarbakir de l'hebdomadaire
Yeni Ülkü. Une note laissée par les agresseurs faisait mention d'un
acte d'avertissement de l'Organisation des Combattants Islamiques.
Le 27/10, le rédacteur en chef du
mensuel Emek Dünyasi, Osman Günes, s'est vu infliger une peine de
prison de 6 ans et 3 mois pour un article sur la question kurde.
Le 27/10, le rédacteur en chef du
mensuel Mücadele, Cafer Darici et le président local de l'Association
des Droits de l'Homme de Turquie (IHD), Muhammed Alkasi, furent tous
deux arrêtés à Kars.
Le 30/10, le rédacteur en chef du
mensuel Yeni Demokrasi à Ankara , Ali Ekber et le correspondant Kamil
Eser furent arrêtés.
Le 31/10, la police fit une
descente dans le bureau du journal Yeni Asya à Ankara et deux
journalistes, Bedrettin Ergül et Ahmet Akdag, furent arrêtés. Plus
tard, l'éditeur du journal, Mehmet Kutlular, et 7 autres journalistes
furent également arrêtés. Dix journalistes sont accusés de propagande
fondamentaliste.
PROTESTATIONS MASSIVES DES UNIVERSITAIRES
Des boycottages, des
manifestations et des forums de protestation organisés par les
étudiants universitaires sur les campus turcs, ont marqué ce 6 novembre
le 10ème anniversaire du Conseil de l'Enseignement Supérieur (YÖK).
De grands cadres de police ont
adopté des mesures de sécurité strictes, surtout à Istanbul. Au moins
deux cents étudiants auraient été arrêtés. A l'Université d'Eskisehir,
17 étudiants et 3 policiers furent blessés, 97 autres étudiants furent
arrêtés.
Le YÖK fut crée après le coup
d'Etat militaire de 1980. L'administration militaire fit passer le
nombre des universités de 9 à 19, mais, avec l'entrée en vigueur de la
Réglementation sur l'Enseignement Supérieur N°1750, elle leur imposa
une discipline de caserne.
Après la création du YÖK, au
moins 95 membres des facultés ont été renvoyés, 861 ont démissionné et
1.188 ont pris leur retraite —tous ont réagi contre la loi martial
N°1402 autorisant les renvois sans explication.
Au cours des huit premières
années d'administration YÖK, plus de 100.000 étudiants ont été renvoyés
de leur école en raison de la réglementation d'examen N°44 du YÖK;
celle-ci fut modifiée à quatre reprises depuis sa création.
En vertu d'une loi de 1987, le
nombre des représentants provenant du Conseil des Ministres présents
dans l'administration du YÖK s'est considérablement accru. De même, des
hommes d'affaires et des bureaucrates dépourvus de tout diplôme
d'enseignement ont été autorisés à devenir des membres de faculté à
temps partiel.
Des membres des associations
estudiantines, opposés au YÖK, ont accroché des affiches politiques sur
lesquelles ont pouvait lire: "Vive notre lutte pour une université
autonome et démocratique", "Non à la guerre et au YÖK!"
RAPPORT ALARMANT SUR L'INFILTRATION INTEGRISTE DANS LE SYSTÈME ÉDUCATIF
La recrudescence de l'intégrisme
islamique a soulevé une polémique dans tout le pays. Récemment, les
hommes d'affaires turcs sont également entrés dans le débat en accusant
le gouvernement d'encourager l'infiltration des intégristes dans le
système éducatif turc.
Le 19 septembre, l'Association
des Industriels et des Hommes d'Affaires turcs (TUSIAD) fit paraître un
rapport dans lequel elle critiquait la qualité de l'enseignement en
Turquie et qualifiait "d'inadéquat" le financement de l'Etat à
l'enseignement. "La Turquie arrive derrière les pays africains pour ce
qui est des dépenses destinées à l'éducation. En effet, celle-ci ne
reçoit que 2,7% du revenu national brut", affirme le rapport.
Il dénonce aussi la prolifération
des écoles religieuses administrées par l'Etat et des cours privés de
Coran, et demande que tous deux soient strictement contrôlés.
Le rapport a mis en évidence
trois niveaux d'enseignement en Turquie:
"Les étudiants turcs fréquentent
soit des écoles religieuses administrées par l'Etat (destinées dans un
premier temps à former le clergé musulman), soit des écoles d'Etat de
faible niveau ou des écoles avec un programme scolaire en langue
étrangère.
Du système unifié et standardisé
qui existait avant 1980, l'enseignement turc fit un pas en arrière vers
les système à "trois niveaux", similaire à celui qui était en vigueur
lors des premières années de la République. L'intégrisme commence là où
échoue l'enseignement standard".
La principale critique adressée
par la TUSIAD au système éducatif concernait le privilège des lycées
privés. "Les écoles religieuses Imam-Hatip, créées au départ pour
former le clergé, ont été intégrées dans le système en tant
qu'institutions universelles rivalisant avec les autres lycées normaux
administrés par l'Etat."
Le rapport, qui accuse les écoles
Imam-Hatip d'être "anti-laïques", indique qu'en 20 ans, le nombre de
ces écoles a augmenté de 1.250%.
"Seulement 39.000 diplômés
Imam-Hatip ont été employés comme ecclésiastiques depuis l'ouverture
des écoles en 1951. Cependant, le nombre des étudiants s'élève à
433.200. Les chiffres s'appuient sur des informations provenant du
Département des Affaires Religieuses.
"Les écoles ont formé dix fois
plus d'étudiants qu'il n'y a de postes à pourvoir dans le clergé. En
1983, l'amendement apporté à la loi qui régit le statut des écoles
Imam-Hatip a autorisé leurs diplômes à accéder directement aux
universités, opération qui auparavant était interdite par la loi.
"Ces étudiants en théologie sont
donc dirigés vers un certain nombre de carrières. Des 9.931 étudiants
issus des écoles supérieures Imam-Hatip en 1988, seulement 981 ont
accédé aux sections de théologie des universités.
"Les écoles de l'Etat et les
écoles religieuses produisent deux sortes de personnes opposées entre
elles du point de vue culturel, social et religieux. Cette évolution va
à l'encontre de la Loi Tevhid-i Tedrisat (Loi de l'Unité Educative)."
Le rapport adressait également
des critiques aux cours obligatoires de religion dans les écoles
primaires et secondaires, ainsi qu'à l'accroissement du nombre de cours
de Coran privés:
"Les inscriptions dans les écoles
Imam-Hatip devraient être limitées et les cours de Coran contrôlés par
le Ministère de l'Education. La plupart des sectes religieuses, jadis
interdites, ont été rétablies. Partout en Turquie, les étudiants des
cours de Coran font pression sur les enfants turcs pour qu'ils se
joignent à eux."
Echec de l'éducation turque
Selon le rapport, plus de 22% de
la population turque est analphabète; 18,5% sait lire et écrire mais
n'a pas été à l'école primaire, 43,5% n'a que le certificat de l'école
primaire, et seulement 15% a au moins un diplôme d'une école secondaire
ou d'une école supérieure.
"Les écoles supérieures de l'Etat
manquent de ressources financières, et les charges scolaires sont trop
lourdes. Plus des deux tiers des élèves diplômés dans ces écoles
n'accèdent pas aux universités, et comme ils manquent de formation
professionnelle, ils vont souvent grossir les rangs des chômeurs.
"Les écoles privées qui
enseignent en langue étrangère sont trop peu nombreuses pour combler
les lacunes du système d'éducation.
"La part du budget national turc
destiné à l'éducation n'est que de 12,2%, alors qu'en 1971 elle était
de 17%. Les pays africains concèdent à l'éducation une part plus
importante de leur budget que la Turquie. Le Togo, par exemple, en
consacre 20,8%, la Lybie 19,8% et la Libéria 24,3%."
Le rapport de la TUSIAD, qui
suggère que 25% du budget national soit consacré à l'éducation, dit que
sa proposition de Projet d'Education Turque devrait bénéficier des
mêmes priorités que le Projet Sud-ouest Anatolie (GAP).
"Les dépenses totales du
Ministère de l'Education — qui contrôle toutes les écoles primaires et
secondaires ainsi que les écoles Imam-Hatip— et du Conseil de
l'Enseignement Supérieur, qui réglemente les universités, n'ont
représenté que 2,7% du revenu national brut en 1989. En 1971, elles
représentaient 4,5%.
"Dans les pays africains, les
dépenses consacrées à l'éducation représentent de 5,5 à 7,5% du revenu
national brut; en Asie, elles varient entre 4 et 10%, et en Europe,
elles tournent autour de 7%.
"Dans les 12 pays, les moins
développés du monde, l'obligation scolaire n'est que de 5 ans. En
Turquie, l'obligation scolaire devrait être portée de 5 à 8 ans
financée par l'Etat".
Le rapport signale aussi qu'en
termes réels, les salaires des enseignants ont diminué de 40% et que la
proportion étudiant/enseignants est deux fois plus élevée en Turquie
que dans les pays économiquement comparables.
Le rapport propose des salaires
plus élevés et de meilleures conditions d'enseignement. Il propose
également d'encourager des cours développant des aptitudes pratiques,
créatives et analytiques, la coopération entre les cercles commerciaux
et les institutions éducatives, et l'établissement d'un système
éducatif démocratique et laïc.
UN SCANDALE À LA TÉLÉVISION
Un nouveau scandale a éclaté en
Turquie à propos de la campagne de propagande télévisée que le régime
d'Ankara mène à l'étranger.
Le 30 octobre, le président Özal
et quelques ministres turcs étaient interviewés à Ankara pour un
programme de télévision qui, croyaient-ils, était simultanément
retransmis en direct en France. Alors qu'il parlait à la caméra, Özal
adressa quelques mots sympathiques aux téléspectateurs français.
Les ex-premiers ministres
français, Raymond Barre et Maurice Couve de Mourville, prenaient
également part au programme depuis les studios d'Antenne 2 à Paris.
Lorsque les assistants
présidentiels demandèrent plus tard à l'Ambassade de Turquie à Paris
d'envoyer une cassette du programme censé avoir été diffusé à A2, on
leur répondit que ce programme n'était jamais passé à l'antenne.
Cette conférence télévisée était
sponsorisée conjointement par le journal de droite Türkiye et
l'Istanbul Club, association fondée par un groupe d'hommes d'affaires,
d'hommes politiques et des journalistes pour promouvoir la culture et
les relations commerciales avec la France.
QUESTIONS SUR LA FORTUNE DE LA FAMILLE ÖZAL
Le prodigue train de vie que mène
la famille Özal constitue l'un des principaux sujets des critiques et
des réactions dans l'opinion publique.
Le 29 octobre, un député du SHP,
Ahmet Ersin, demanda que l'Assemblée Nationale ouvre une enquête sur
les avoirs que le président Özal, ses frères et ses fils ont acquis
depuis qu'ils ont été nommés à des postes publics clés.
Dans sa déclaration de 1983; Özal
dit qu'il possédait deux maisons et un appartement à Istanbul, cinq
petites maisons d'été et deux lots de terrains à Antalya et Gallipoli.
Il dit également qu'il possédait de l'or pour une valeur de 9 millions
de LT et avait 3,5 millions de LT en banque.
Depuis lors, Özal a refusé de
communiquer au public l'évolution de la fortune de sa famille.
Dans sa motion, Ersin dit: "Les
premières allégations (sur la famille Özal) remontent à 1986 lorsque la
fille d'Özal, Zeynep, reçut une Jaguar d'un homme d'affaires qui
voulait ouvrir une station de service. D'après les reportages de
presse, la voiture aurait été rendue à la demande de Turgut Özal.
"Après cet incident, la presse
recueillit beaucoup d'autres cas mettant en cause le frère cadet
d'Özal, Korkut Özal, et ses fils. Malgré ces allégations, la famille
Özal refuse de faire une déclaration publique, position très
inhabituelle pour quelqu'un qui exerce une fonction publique dans un
pays démocratique.
"D'après certains allégations, la
famille Özal possède 2,5 trillions de LT (972 millions de dollars) et
détient une véritable fortune à l'étranger."
Le 30 octobre, on annonçait à
Ankara que dans le budget de 1991, l'allocation présidentielle serait
portée de 7,2 milliards de LT (2,6 millions de $) à 31 milliards de LT
(11,3 millions de $).
Des sources du Ministères des
Finances ont déclaré que les 7,2 milliards de LT assignés à la
résidence présidentielle en 1990, ont été dépensés au cours de la
première moitié de l'année. Pour la fin décembre, on s'attend à ce que
des allocations supplémentaires portent les dépenses totales pour 1990
à 14 ou 15 milliards de LT.
POT DE VIN AUX PARLEMENTAIRES
Les 450 membres de l'Assemblée
Nationale turque ont réussi à faire passer leur salaire mensuel de 6,5
million de LT à 9,5 millions de LT ( de 2.360 à 3.450 $); le président
Özal ayant ratifié le 29 octobre le projet de loi qu'ils avaient
préalablement approuvé.
Le projet de loi destiné à
augmenter le salaire des députés prévoit aussi des avantages financiers
pour les membres à la retraite qui ont servi pendant 20 ans. Ils
recevraient 4,2 millions de LT par mois (1.500 $).
D'après une étude menée par la
presse, après la dernière augmentation, les parlementaires turcs sont
devenus les députés les plus privilégiés d'Europe. Le nouveau salaire
des députés (3.450 $) est 35 fois plus élevé que le salaire mensuel
minimum des travailleurs (274.000 LT = 100 $) tandis que cette
proportion n'est que de 4 en Grèce, 5-6 en Belgique, 7 en France, 7,6
en Espagne et 8,6 en Allemagne.
L'OIT AVERTIT LE RÉGIME TURC
Le Conseil Administratif de
l'Organisation Internationale du Travail (OIT) a une fois de plus
invité le gouvernement turc à compléter dès que possible les
amendements apports à la législation turque dans le domaine des droits
sociaux.
Le Comité de Liberté
d'Association de l'OIT avait examiné les plaintes de la CISL, de la CMT
et de la FSM contre le régime turc. Le rapport de ce comité a récemment
été adopté dans son ensemble par le conseil d'administration.
Le Conseil d'Administration de
l'OIT, rappelant que ces trois organisations travaillistes
internationales ont déposé diverses plaintes contre le régime turc
depuis 1981, demanda au gouvernement des modifier dans la législation
turque une série d'articles antidémocratiques.
Les articles en question refusent
aux syndicats le droit d'exercer des activités politiques, interdisent
certaines grèves, celle des enseignants par exemple, et empêche les
syndicats qui n'ont pas 50% d'affiliés dans un lieu de travail et 10%
dans un secteur économique de prendre part à une convention collective
de travail. En outre, certaines grèves peuvent être interdites en
invoquant "la sécurité nationale et l'ordre public", et les syndicats
se voient obligés d'accepter les conditions de travail imposées par le
Conseil Suprême d'Arbitrage.
Le Conseil d'Administration de
l'OIT demande également au Gouvernement turc de restituer à la
Confédération des Syndicats Progressistes(DISK), les droits syndicaux
qui lui avaient été retirés après le coupe d'Etat militaire de 1980.
MINISTRE: "FLIRT = PROSTITUTION"
Le 12 novembre, dans une
interview accordée au journal Cumhuriyet, le secrétaire d'Etat, Cemil
Ciçek, qui fait un rapprochement entre les relations préconjugales et
l'instinct animal, a déclaré ceci: "Le flirt ne diffère en rien de la
prostitution".
La déclaration de Ciçek s'est
attiré les foudres des associations féminines, des professeurs
d'université, des hommes politiques et des artistes partout dans le
pays.
Emel Sungur, président de la
Commission Féminine du SHP, demanda la démission de Ciçek et ajouta:
"Il est inquiétant qu'au seuil du 21ème siècle, la Turquie soit dirigée
par des personnes avec une vision à ce point rétrograde."
POPULATION DE LA TURQUIE: 57 MILLIONS
Les résultats préliminaires du
recensement de la population du 21 octobre 1990 publiés par l'Institut
des Statistiques de l'Etat font état de 57.163.085 personnes vivant
actuellement en Turquie.
A cette population qui habite la
Turquie, il faut ajouter 2.330.871 personnes de nationalité turque qui
vivent en Europe Occidentale, au Moyen-Orient et dans les pays du nord
de l'Afrique, ainsi qu'au Canada et en Australie.
Les calculs préliminaires
estiment la population d'Istanbul, la ville la plus peuplée du pays, à
7.426.590 habitants. Viennent ensuite Ankara avec 3.235.687 habitants
et Izmir avec 2.680.000 habitants. La population d'Adana, Bursa, Konya,
Icel, Gaziantep, Samsun, Hatay, Manisa, Antalya, Diyarbakir et
Zonguldak est estimée à plus d'un million d'habitants chacune.
L'accroissement de la population
varie d'une zone à l'autre. Le taux d'accroissement le plus élevé fut
enregistré dans le sud-est de la Turquie (Kurdistan turc); celui-ci
étai de 4,3%. La région de la Mer Noire détient le moins élevé avec 1%.
La population rurale a encore
diminué. Actuellement, 58,8% de la population habite dans les villes.
Ce taux était de 53% lors du recensement antérieur.
La population turque à l'étranger
se distribue comme suit:
Allemagne 1.434.300; France
180.147; Arabie Saoudite 160.000; Pays-Bas 156.396; Australie 87.000;
Autriche 80.000, Belgique 78.039; Suisse 49.259; Lybie 24.000; Danemark
22.313; Suède 21.538; Grande Bretagne 16.000; Irak 4.345; Norvège
3.574; Koweit 3.300; autres pays 10.660.
21 MILLIONS PRIVÉS DE SÉCURITÉ SOCIALE
Selon des informations parues
dans l'édition du 23 octobre 1990 du journal Tercüman, 21 millions de
citoyens turcs ne sont pas couverts par la sécurité sociale. Le nombre
total des bénéficiaires de la sécurité sociale (employés, indépendants
et les membres de leur famille) est de 36 millions.
Parmi les 17,5 millions de
personnes qui forment la population active, seulement 6.786.000 sont
inscrits à l'une des trois organisations de la sécurité sociale: 3,3
millions le sont à l'Organisation de la Sécurité Sociale pour les
Employés du Secteur Privé (SSK), 1.435.000 au Fonds pour la Pension
(Emekli Sandigi) et 2.051.000 à l'Organisation de la Sécurité Sociale
pour Indépendants (Bag-Kur).