UNE AMNISTIE TROMPEUSE
Le geste du 12
avril ne constitue pas une amnistie mais une mise en liberté surveillée
de certains prisonniers
Des milliers de
prisonniers kurde et de gauche sont toujours sous les verrous alors que
des tueurs d'extrême droite sont relâchés
De nombreux
articles répressifs du Code pénal, alors que les articles 140, 141, 142
et 163 sont abrogés
L'adoption de la
nouvelle Loi Anti-Terreur a introduit de nouveaux crimes et de
nouvelles peines
La nouvelle loi
maintient l'interdiction des organisations, des publications et de
l'éducation kurdes
Les agents du
terrorisme d'Etat et les tortionnaires sont mis sous la protection
légale du gouvernement
Les réfugiés
politiques sont toujours sous la menace de poursuites en cas de retour
au pays
Le droit à la
citoyenneté de plus de 15 mille personnes n'a toujours pas été rétabli
Le 12 avril 1991, après avoir trahis les Kurdes, le
régime d'Ankara annonça, dans une nouvelle manœuvre visant à tromper
l'opinion mondiale, la mise en liberté de plus de 40 mille prisonniers
et la suppression des Articles 140, 141, 142 and 163 du Code Pénal Turc
ainsi que la loi interdisant de s'exprimer en kurde.
La mise en liberté des personnes qui, depuis le coup
d'Etat militaire du 12 septembre 1980, étaient en prison, constitue à
n'en pas douter, un heureux événement. Voilà pourquoi la décision du
Parlement turc fut accueillie par les média du monde entier comme "un
nouveau pas vers la démocratie en Turquie et un geste significatif
facilitant l'adhésion de la Turquie aux Communautés européennes."
Cependant, la mise an liberté des prisonniers et la
suppression des articles les plus critiqués du Code Pénal ne sont
qu'une partie d'un plan destiné à renforcer le terrorisme d'Etat dans
le pays.
En fait, la suppression de ces articles et le
relâchement des prisonniers s'inscrivent dans le cadre des articles
provisoires de la Loi de Lutte contre la Terreur, adoptée le 12 avril
par le Parlement.
Les 23 principaux articles de cette nouvelle loi No.
3713 imposent des peines très lourdes pour une série d'actes
d'organisation et de propagande et constituent une réelle menace aussi
bien pour les organisations kurdes que pour les publications et les
activités d'enseignement en langue kurde. En outre, les agents du
terrorisme d'Etat et les tortionnaires jouissent de la protection
totale de l'Etat.
C'est pour détourner l'attention du caractère
répressif de cette nouvelle loi que des articles provisoires stipulant
la suppression de certains articles du Code Pénal et la libération
d'une partie de prisonniers furent ajoutés.
LA REALITE DES LIBERATIONS
En fait, l'adoption de cette loi n'implique pas une
réelle liberté pour tous les prisonniers. La nouvelle loi classe les
prisonniers en trois catégories:
1. Ceux qui ont été accusés ou condamnés en vertu
des articles 140, 141,142 et 163 du Code pénal pour des faits commis
avant le 8 avril 1991. Etant donné que ces articles ont été supprimés,
les victimes de ces articles ont été relâchés sans condition, devenant
ainsi des "personnes avec un casier judiciaire vierge" s'ils n'ont pas
été condamnés également en vertu d'un autre article.
2. Une réduction de peine de prison et une
libération surveillée pour ces prisonniers qui ont été condamnés ou
accusés en vertu des articles autres que 140, 141, 142 et 163 du Code
Pénal turc pour les actes commis jusqu'au 8 avril 1991. Cette catégorie
comprend une partie des prisonniers politiques ainsi que des personnes
condamnées pour des crimes ordinaires. Dans ce cas, en vertu de la loi,
les peines de mort sont commuées en peines d'emprisonnement de 10 ans;
les condamnations à perpétuité sont réduites à 8 ans, et les condamnés
ayant purgé un cinquième de leur peine en prison sont libérés.
3. Dans l'application de la mise en liberté
surveillée, le quatrième article provisoire de la nouvelle loi commet
une discrimination pour garder derrière les barreaux les quelque 2.500
militants de gauche et kurdes. La réduction des peines (en vertu des
Articles 125 et 146 du CPT) pour les crimes contre l'Etat fut plus
limitée: les peines de mort furent commuées en 20 ans de prison; les
condamnations à perpétuité furent réduites à 15 ans et les autres
sentences furent réduites à un tiers de la totalité de la peine.
Par conséquent, les détenus appartenant au Parti
Ouvrier du Kurdistan (PKK) et à un certain nombre d'organisations de
gauche comme le Dev-Yol, le Dev-Sol, le TKP/ML, le TDKP, le MLSPB, le
SHB, etc. ne peuvent bénéficier d'une mise en liberté immédiate car ils
ont été poursuivis en vertu des Articles 125 et 146.
Alors que de nombreux militants de gauche ou kurdes
demeurent en prison, tous les terroristes d'extrême droite, comme
Ferhad Tüysüz, coupable du meurtre d'une dizaine de personnes, ont été
libérés car ils avaient été condamnés en vertu des articles 313, 314 et
315 du Code Pénal Turc.
La discrimination qui existe entre les personnes de
gauche et de droite dont les peines de mort ont été prononcées par la
Cour d'Appel n'est pas négligeable. Parmi les 275 personnes condamnées
à mort, 195 appartiennent à des organisations kurdes ou de gauche, 23
de droite, 4 palestiniens et 53 autres furent condamnées pour des
crimes ordinaires. Parmi les 195 militants de gauche
condamnés à mort, seulement 8 peuvent bénéficier d'une remise de peine
à 10 ans et d'être libérés, tandis que chacun des 23 activistes de
droite, les 4 Palestiniens et 48 condamnés apolitiques sont libérés.
Les peines de mort de 187 militants d'organisations
de gauche ou kurdes et celles de cinq condamnés ordinaires furent
commuées en 20 ans de prison et ceux-ci devront purger une peine de
prison d'au moins 10 ans après l'adoption de la loi.
Les personnes libérées, elles non plus ne sont pas
totalement libres. Elles ne sont pas autorisées à prendre part à la vie
politique et ne peuvent occuper des postes publics, car la nouvelle loi
ne prévoit pas la suppression des conséquences de leurs condamnations.
Ceux qui est plus préoccupant, c'est que si, à
l'avenir, ils devaient être victimes d'une nouvelle condamnation, ils
devraient purger la période réduite, puisqu'ils bénéficiaient d'une
mise en liberté surveillée.
LES REFUGIES POLITIQUES ET LES APATRIDES MENACES
Pour ce qui est des réfugiés politiques, ils sont
autorisés à retourner en Turquie. Si le réfugié a été accusé en vertu
d'un article autre que le 140, le 141, le 142 ou le 163 du CPT, par
exemple, les Articles 125, 146, 158, 159, 312, il ou elle devra se
rendre au bureau du Procureur de la République. Il n'est pas exclu que
le réfugié soit interrogé par la police, avec le risque d'être torturé.
Après l'interrogatoire, il ou elle sera renvoyé devant le tribunal
compétent. Là, il ou elle sera acquitté ou condamné. Si le tribunal
prononce une condamnation, il ou elle devra purger un cinquième de la
peine dans les cas concernant les Articles 158, 159, 312, un tiers dans
les cas concernant les Articles 125 et 146.
Les réfugiés politiques ayant été privés de la
nationalité turque sont également autorisés à rentrer en Turquie, mais
ils seront également soumis à la procédure expliquée dans le paragraphe
précédent. Pour ce qui est du rétablissement de nationalité, rien n'est
prévu dans la nouvelle loi. Etant donné que l'anti-démocratique Code de
la Citoyenneté n'a pas été modifié, le rétablissement de leur
nationalité dépendra de la décision arbitraire du gouvernement. Ils
risquent également de ne pas être autorisés à repartir à l'étranger.
LES ARTICLES 140, 141, 142 ET 163
L'article 23 de la nouvelle loi abroge les Articles
140, 141, 142 et 163 du Code Pénal ainsi que la Loi N° 2932 interdisant
l'usage de la langue kurde.
L'article 140 condamnait toute déclaration faite à
l'étranger contre l'Etat turc, les Articles 141 et 142 condamnaient
l'organisation et la propagande communiste et séparatiste et l'Article
163 faisait de même avec les activités anti-laïques.
Donc, de nombreuses condamnations prononcées en
vertu de ces articles n'ont plus de fondement légal et les condamnés
deviennent alors des personnes avec un casier judiciaire vierge. Parmi
eux se trouvent également les leaders et les membres de la
Confédération des Syndicats Progressistes de Turquie (DISK),
l'Association de Paix de Turquie (TBD), l'Association des Enseignants
de Turquie (TÖB-DER) et certaines organisations politiques de gauche ou
de droite comme le Parti Ouvrier de Turquie (TIP), le Parti Socialiste
Ouvrier de Turquie (TSIP), le Parti Ouvrier et Paysan de Turquie
(TIKP), le Parti Communiste de Turquie (TKP) et le Parti du Salut
National (MSP).
Selon le journal Cumhuriyet du 14 avril 1991, au
moment de l'adoption de la nouvelle loi, il y avait en prison 1.653
personnes condamnés et 1.664 arrêtées en vertu des articles mentionnées.
Entre 1982 et 1989, le nombre des personnes jugées
en vertu des articles 141 et 142 s'élevait à 6.508. Au cours de la même
période, 5.065 personnes étaient jugées en vertu de l'Article 163.
Avec l'abrogation de ces articles, les organisations
susmentionnées ont été également réhabilitées. Mais bon nombre de ces
organisations avaient déjà rétablies sous d'autres noms. Le Parti
Communiste de Turquie (TKP), après avoir transféré certains dirigeants
de l'ancien Parti Ouvrier de Turquie (TIP), était devenu le Parti
Communiste Unifié de Turquie (TBKP). Même avant que ne soit supprimé
l'Article 141, le TBKP avait été constitué légalement, et ses activités
étaient tolérées par le régime car ses leaders avaient renoncé à leur
position "radicale" et avaient affirmé publiquement leur volonté de
collaborer, même avec les partis de droite et les groupes d'affaires.
Pour Özal, le TBKP ne représentait plus aucun danger pour le régime.
Le point critique de la nouvelle législation
pourrait être le rétablissement de la Confédération des Syndicats
Progressistes de Turquie (DISK).
Lorsqu'en 1980, elle fut fermée par le régime
militaire, le nombre des membres de la DISK dépassait le demi million.
Afin de priver la DISK, et les syndicats qui y sont affiliés, du
matériel et des moyens financiers pour reprendre la lutte, le
gouvernement a ajouté à la Loi Anti-Terreur, l'article provisoire 9 qui
stipule que, tous les avoirs, les propriétés et les biens appartenant à
la DISK et à ses syndicats, dont la valeur atteint les 2 trillions de
TL (environ 540 millions de dollars US), seront confisqués par l'Etat.
LES ARTICLES REPRESSIFS MAINTENUS
Bien que les quatre articles soient supprimés,
d'autres articles répressifs du Code Pénal Turcs restent en vigueur, ce
sont principalement:
L'Article 125: Quiconque tente de soulever
l'entièreté ou une partie du territoire de l'Etat sera condamné à la
peine capitale.
L'Article 146: Quiconque tente, en ayant recours à
la force, d'altérer, modifier ou abolir l'entièreté ou une partie de la
constitution de la République de Turquie ou de renverser la Grande
Assemblée Nationale Turque, formée en accord avec ladite loi, ou
d'entraver les fonctions de cette Assemblée sera condamné à la peine
capitale. Quiconque se rend responsable, individuellement ou
collectivement, d'une conspiration verbale, écrite ou effective,
prononce des discours publics, expose des posters ou des publications
dans les places publiques, les rues, et les lieux de rencontre, et donc
incite les gens à commettre des délits, sera condamné à la peine
capitale, même si la conspiration est restée au stade de la
planification.
Article 158: Quiconque commet le délit d'insulter le
Président de la République sera emprisonné pour une période de 3 ans.
Si ce sont les médias qui le commettent, la peine sera augmentée d'un
tiers ou de la moitié.
Article 159: Quiconque insulte la nation turque, la
République, la Grande Assemblée Nationale, la personnalité morale du
gouvernement, des ministres, des forces militaires et de sécurité de
l'Etat ou de la justice, sera condamné à une peine de prison qui peut
atteindre les 6 ans.
Article 312: Quiconque loue publiquement un acte
considéré délit par la loi ou incite les gens à la désobéissance sera
condamné à une peine de prison comprise entre six mois et deux ans.
Quiconque incite publiquement les gens à la haine et l'hostilité
s'appuyant sur les différences de classe, de race, de religion, de
secte ou de région sera condamné à une peine de prison comprise entre
un an et trois ans. Si ces délits sont commis par les médias, la peine
de prison sera doublée.
Alors que les militants kurdes ou de gauche sont
très souvent accusés en vertu des articles 125 et 146, les
journalistes, les écrivains ou les artistes sont souvent amenés devant
le juge pour avoir enfreint les Articles 158 et 159 lorsqu'ils
critiquent le Président de la République, le Premier Ministre, les
ministres, les Forces Armées ou de Sécurité ou, pour avoir enfreint
l'Article 312 lorsqu'ils dénoncent dans leurs articles les injustices
sociales.
UNE NOUVELLE LOI REPRESSIVE
Outre ces articles répressifs qui sont maintenus, la
Loi de Lutte contre la Terreur prévoit de nouveaux délits et des peines
de prison ainsi que des amendes plus lourdes que celles qui étaient
prévues dans les articles abrogés.
La loi définit le terrorisme comme un recours à la
violence, la force et la contrainte dans des actions contre l'Etat.
Même les actions considérées comme préjudiciables pour l'ordre public
ou la santé générale sont définies comme des "actes de terrorisme". La
nouvelle loi définit également "l'organisation" comme une société
formée par deux ou plusieurs individus unis dans un but bien précis. Et
dans le cas d'actes terroristes perpétrés par une organisation, tous
ses membres, même s'ils ne sont pas impliqués dans le délit imputé à
l'organisation, et que celui-ci ait été commis collectivement ou à
titre individuel, seront considérés comme des terroristes criminels.
Les personnes déclarées coupables de concerter et
d'agencer les activités d'une organisation terroriste seront condamnées
à 5-10 ans de prison et à payer une amende variant entre 200 millions
de LT (54.000$) et 500 millions de LT (135.000$).
La loi stipule également que les délits prévus par
les articles 125, 131, 145, 146, 147, 148, 149, 150, 151, 153, 154,
155, 156, 157, 168, 169, 171, 172 et 499 du Code Pénal ainsi que les
délits prévus par la Loi sur les Cours de la Sûreté de l'Etat seront
considérés comme des crimes terroristes, et seront sanctionnés par des
peines qui ont été majorées d'un quart de la peine initiale.
Bien que beaucoup d'articles cités puissent être
appliqués aux militants kurdes, l'Article 8 de la nouvelle loi prévoit
une nouvelle sentence pour les organisations et les publications kurdes:
Article 8: Aucune propagande écrite ou verbale, ou
manifestation visant à amoindrir, par quelque méthode, ou pour quelque
but ou motif que ce soit, l'intégrité territoriale ou nationale de
l'Etat de la République de Turquie ne sera tolérée. Les auteurs de ces
actes seront condamnés à des peines de prison de deux à cinq ans et à
payer des amendes de 50 millions de LT (13.500$) à 100 millions de LT
(27.000$).
Par l'adoption de cet article, le Parlement a rendu
inutile l'abrogation de la Loi interdisant de parler en kurde. En
réalité, la langue kurde était déjà parlée dans les régions kurdes, car
la population rurale ne savait pas parler le turc. Cette loi avait
surtout été appliquée pour supprimer la langue kurde dans les
publications et les déclarations publiques. Maintenant, l'Article 8 de
la nouvelle loi reprend le rôle répressif de la loi N° 2932 qui a été
abrogée.
Dans le cas des actes cités par la loi, un maximum
de trois avocats seront autorisés à défendre les personnes accusées de
terrorisme au cours de leur procès. Lors des entretiens avec leurs
clients, les avocats seront soumis au contrôle des officiers de prison.
Les condamnés seront placés dans des prisons
construites selon le système des cellules et ils n'auront pas le droit
d'avoir un "contact direct" avec leur famille et leurs parents.
Les sentences prononcées pour des activités armées
seront durcies, et les peines ne seront ni remises ni commuées en
amendes.
NOUVELLES MENACES POUR LA PRESSE
De nouvelles interdictions et sanctions ont été
imposées à la presse.
Selon l'article 6, les personnes qui publient les
déclarations des organisations menant une lutte armée, qui défendent
des actes violents ou qui dévoilent le nom des informateurs et des
agents de sécurité seront sanctionnés d'une amende dont le montant peut
atteindre les 10 millions de LT (2.700$). Si cette publications est
faite par un quotidien ou un autre périodique, l'amende dépassera les
50 millions de LT (13.500$).
Si un quotidien ou un magazine périodique
reproduisent de la propagande visant à ébranler l'intégrité
territoriale ou nationale de l'Etat de la République Turque, ils seront
condamnés à payer une amende d'au moins 100 millions de LT (27.000$) et
leur directeur sera condamné à une peine de prison de 2 ans.
DES TORTIONNAIRES PROTEGES PAR L'ETAT
Des peines similaires sont prévues pour les organes
de presse qui expliciteraient les noms des membres de la sécurité
prenant part aux opérations menées contre ces organisations. Cette
procédure tente également de limiter les possibilités de révéler
l'identité des tortionnaires.
En raison d'une série de nouvelles limitations, il
est plus difficile d'encourager les actions en justice contre les
tortionnaires. Sauf dans les cas où il y a décès, il est impossible
d'intenter une action en justice contre un tortionnaire si le Ministre
de l'Intérieur ne l'a pas ratifiée. Les personnes jugées pour torture
ne seront pas arrêtées avant que ne soit prononcée la sentence. Et leur
défense sera assurée par des avocats payés par l'Etat.
L'identité des personnes qui informent les autorités
des actions terroristes et qui dénoncent les membres des organisations
terroristes sera maintenue secrète. Les citoyens qui aideront l'Etat à
appréhender les terroristes seront récompensés financièrement et seront
protégés par celui-ci.
DERNIERS PERSECUTIONS SOUS LE COUVERT DES ARTICLES 142 ET 163
Les jours précédent l'adoption de la nouvelle Loi
Anti-Terreur furent marqués par d'innombrables persécutions contre les
journalistes, les écrivains et les artistes.
Il ne fait aucun doute que la plus spectaculaire fut
l'arrestation le 20 mars, ordonnée par le CSE d'Ankara, du célèbre
sociologue Dr Ismail Besikci pour avoir envoyé un message à l'occasion
d'une soirée culturelle kurde organisée dans la ville allemande de
Stuttgart. En vertu de l'Article 142 du CPT, il fut inculpé pour
séparatisme.
Auparavant, le 8 mars, le nouveau livre du Dr Ismail
Besikci L'Affaire du Général Muglali - 33 Balles était confisqué par la
CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste.
Au cours de l'année dernière, cinq livres du Dr
Besikci furent confisqués pour la même raison. L'auteur risquait un
total de 100 ans de prison pour ces livres.
Théoriquement, toutes ces accusations auraient dû
être abandonnées après l'abrogation de l'Article 142. Cependant,
Besikci et d'autres intellectuels défendant les droits nationaux et
démocratiques du peuple kurde tomberont sous la menace de la nouvelle
Loi Anti-Terreur qui sanctionne tout discours ou écrit dans lequel les
autorités décèleraient du "séparatisme".
Voici d'autres exemples de la pression exercée sur
la vie intellectuelle avant que ne soit adoptée la nouvelle législation:
Le 1.3, le Gouverneur d'Ankara interdit un concert
du groupe Yorum.
Le 2.3, l'auteur de théâtre, Erol Toy, et 22 acteurs
du théâtre Birlik furent arrêtés à Ankara et traduits devant la Cour de
Sûreté de l'Etat pour avoir organisé une marche de protestation entre
Kizilcahamam et la capitale pour protester contre l'interdiction de la
pièce Pir Sultan Abdal.
Le 3.3, les éditions de mars de trois revues,
Özgürlük Dünyasi, Demokrat et Teori furent confisquées par la CSE
d'Istanbul pour propagande communiste et séparatiste.
Le 4.3, fut ouvert à la CSE d'Istanbul, le procès
contre le Professeur Yalçin Küçük pour son livre intitulé Thèse sur les
Kurdes. Accusé de séparatisme, il risque une peine de prison de 7 ans
et 6 mois.
Le 4.3, la dernière édition de l'hebdomadaire Yeni
Ülke fut confisquée par la CSE d'Istanbul pour séparatisme.
Le 7.3, le rédacteur en chef du mensuel Yeryüzü,
Burhan Kavuncu, fut arrêté à Konya.
Le 9.3, à Denizli, Refik Yilmaz, Mustafa Eris et
Ahmet Fuat Özkan furent condamnés par une cour criminelle à 3 mois de
prison chacun pour avoir vendu des cartes postales dédiées au poète
Nazim Hikmet et au cinéaste Yilmaz Güney, tous deux privés de la
nationalité turque et morts en exil.
Le 10.3, à Istanbul, la représentation de la pièce
L'histoire du Feu fut interdite par le Gouverneur.
Le 10.3, la police fit une descente dans le bureau
d'Ankara du bimensuel Mücadele et arrêta trois personnes.
Le 11.3, l'écrivain Musa Anter fut traduit devant la
CSE d'Ankara pour son livre intitulé Mes Réminiscences pour propagande
séparatiste.
Le 11.3, l'édition de mars du mensuel Deng fut
confisqué par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste.
Le 13.3, le numéro 22 de l'hebdomadaire Yeni Ülke
fut confisqué pour propagande séparatiste. Les dix éditions précédentes
de la revue avaient fait l'objet de la même mesure.
Le 13.3, le rédacteur en chef de l'hebdomadaire Yeni
Mücadele, Erdogan Yasar Kopan fut condamné à 7 ans et 6 mois de prison
par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste. Par après, la peine
fut commuée en une amende de 13 millions de LT.
Le 14.3, Nurettin Sirin, journaliste de la revue
Tevhid, fut condamné à 4 ans et 2 mois de prison par la CSE d'Izmir
pour propagande anti-laïque.
Le 14.3, l'éditeur du quotidien Yeni Asya, Mehmet
Kutlular et neuf journalistes du même journal, Osman Ergili, Hilmi
Dogan, Sabahattin Aksakal, Ali Vapur, Mustafa Keloglu, Ahmet Akdag,
Bekir Gönüllü, Mehmet Cevher Ilhan, Imam Cemal et Mehmet Gündogdu
furent mis en accusation par la CSE d'Ankara pour propagande
anti-séculaire.
Le 15.3, le journaliste Hasan Uysal fut mis en
accusation à Akhisar pour avoir insulté le Président de la République
au cours d'un meeting organisé dans cette même ville. Il risque une
peine de prison de trois ans.
Le 18.3, les acteurs du Théâtre Birlik, Gül Göker,
Zeki Göker, Ali Ihsan Özkök, Tuncer Tut, Birol Yilmaz, Necmi Aykar,
Nursel Celebi et Metin Yildirim furent arrêtés à Mugla après la
représentation de la pièce Pir Sultan Abdal. Güney Göker, le fils de
quatre ans de Gül Göker fut arrêté en même temps que les acteurs.
Le 19.3, les derniers numéros de quatre revues,
Özgür Halk, Yeni Ülke, Devrimci Emek et Mücadele, furent confisqués par
la CSE d'Istanbul.
Le 19.3, le rédacteur en chef de l'hebdomadaire
Yüzyil, Adnan Akfirat, fut traduit devant une cour criminelle
d'Istanbul pour avoir insulté le Président de la République.
Le 24.3, l'édition de mars du mensuel Toplumsal
Kurtulus fut confisquée par la CSE d'Istanbul pour propagande
communiste.
Le 26.3, les derniers numéros des hebdomadaires
Yüzyil et Yeni Ülke ainsi que du mensuel Özgür Halk, furent confisqués
par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste.
Le 31.3, un livre intitulé Hemana Rezimane Kurdi
(Les Lignes Directrices de la Langue Kurde), écrit par Feqi Hüseyin
Sagnic et édité par la Maison d'Edition Melsa, fut confisqué par la CSE
d'Istanbul pour propagande séparatiste.
Le 1.4, les derniers numéros des hebdomadaires
Yüzyil et Yeni Ülke, du bimensuel Mücadele et du mensuel Demokrat
furent confisqués par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste.
Le 5.4, l'édition d'avril du mensuel Özgürlük
Dünyasi fut confisqué par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste.
Le 5.4, la représentation de la pièce Pir Sultan
Abdal fut interdite à Kayseri. A cette date, les gouverneurs de dix
provinces ont déjà interdit la représentation de cette pièce par le
Théâtre Birlik.
Le 7,4, la représentation de Pir Sultan Abdal fut
interdite à Nigde.
Le 8.4, le dernier numéro de Yeni Ülke fut confisqué
par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste.
Le 8.4, le rédacteur en chef du journal Zaman,
Servet Engin, et le correspondant, Elvan Dündar, furent condamnés à
trois mois et quinze jours de prison chacun pour avoir insulté un
sous-préfet à Amasya.
Le 9.4, deux journalistes du mensuel Yeni Demokrasi,
le rédacteur en chef, Mehmet Ali Eser et le directeur, Tuncer
Dilaveroglu, furent arrêtés à Istanbul.
Le 10.4, un livre intitulé Les Réminiscences du
Président Nain, publié par la Maison d'Edition Habora, fut confisqué
par une cour criminelle d'Istanbul pour avoir insulté le Président de
la République.
Le 10.4, l'hebdomadaire 2000e Dogru fut condamné à
payer une amende de 15 millions de LT (4.050$) pour avoir insulté le
Président de la République et son épouse.
LES KURDES
Les revendications de la Conférence de Stockholm et
la Résolution du Parlement européen
La nouvelle loi anti-terreur maintient
l'interdiction des organisations, des publications et de l'éducation
kurdes bien qu'elle reconnaisse l'existence de la langue kurde. De
plus, elle discrimine les dirigeants et militants kurdes dans
l'application de la mise en liberté surveillée des prisonniers.
L'état dramatique des Kurdes, aussi bien en Irak
qu'en Turquie suscite des réactions de la part des organisations
démocratiques internationales.
Tout récemment, le 18 avril 1991, le Parlement
européen a adopté une résolution sur la situation des Kurdes dans
laquelle les parlementaires européens demandent à l'unanimité que dans
le cadre d'une conférence de la paix au Moyen-Orient, le problème
kurde soit abordé avec la participation de tous les Etats concernés et
des représentants kurdes, afin de reconnaître le droit à l'existence et
à l'autonomie des Kurdes dans tous les Etats où ils se trouvent.
D'autre part, la Conférence Internationale
"Reconnaissance des Droits Kurdes", tenue du 15 au 17 mars 1991 à
Stockholm, a adopté une déclaration qui regroupe les revendications
communes des Kurdes de la Turquie, de l'Irak, de l'Iran, de la Syrie et
de l'Union soviétique.
LA RESOLUTION DU PARLEMENT EUROPEEN
Le Parlement européen,
- vu les résolutions pertinentes du Conseil de
sécurité de l'ONU,
- vu ses précédentes résolutions sur la situation
des Kurdes,
- vu les résultats du Conseil européen qui s'est
tenu à Luxembourg le 8 avril 1991,
A. considérant que les forces sous le commandement
de Saddam Hussein tentent de commettre un génocide contre les Kurdes,
B. considérant les actes de tyrannie, en général, et
le recours fréquent à la torture dont Saddam Hussein et ses forces
armées se sont rendus coupables à l'égard de la population irakienne et
notamment, contre les enfants de ce pays,
C. considérant que des milliers de personnes meurent
sous les bombardements et que le pilonnage des régions kurdes n'a
toujours pas cessé,
D profondément touché par les souffrances terribles
subies par des milliers de réfugiés kurdes s'échappant à travers les
zones montagneuses, se retrouvant sans abri et dans des conditions de
dénuement absolu et alarmé par les informations dramatiques qui
parviennent des organisations humanitaires, sur place, selon lesquelles
des milliers de réfugiés, principalement des enfants, sont morts sur
les routes, de faim, de froid, de maladies et des suites de leurs
blessures, et que selon les médecins, des centaines d'autres meurent
encore chaque jour,
E. soulignant que l'armée irakienne se livre à des
exécutions contre la population chiite du sud du pays,
F considérant que les membres de la coalition ont
incité l'opposition irakienne à penser que des manoeuvres d'éviction de
Saddam Hussein seraient favorablement accueillies et susciteraient
l'adhésion,
G. conscient du fait que tant que le problème kurde
n'est pas résolu politiquement en tant que tel, il constitue une menace
pour la paix et la sécurité dans la région,
1. condamne fermement la tentative de génocide
contre le peuple kurde par le régime de Saddam Hussein et la répression
de l'ensemble de la population irakienne;
2. exige l'arrêt immédiat des attaques contre la
population et réaffirme la nécessité du maintien total de l'embargo
décrété par les Nations Unies, tant que se poursuit la répression
contre le peuple kurde et l'ensemble de la population irakienne;
3. appuie la proposition présentée au Conseil
européen visant la création d'une zone protégée temporaire pour assurer
la sécurité des Kurdes et des autres personnes déplacées en Irak, mais
s'inquiète des conséquences de la pérennisation d'une telle situation;
appuie la décision déjà prise de efficace; se félicite par conséquent
de la décision des gouvernements américain, britannique et français
d'envoyer des troupes en Irak pour préserver la sécurité de ces zones;
4. demande aux gouvernements de l'Iran et de la
Turquie de faciliter l'oeuvre de secours aux populations kurdes et
d'ouvrir les frontières nationales aux réfugiés et aux organisations
humanitaires internationales non-gouvernementales; invite la communauté
internationale, agissant sous les auspices des Nations Unies, à
soutenir les efforts qui vont dans cette direction;
5. souligne le devoir moral qui incombe aux Nations
Unies, lesquelles devraient au besoin amender leur Charte pour y
parvenir, d'aller au-delà du simple respect des frontières nationales
pour concevoir des moyens visant à empêcher les régimes totalitaires de
commettre des génocides;
6. constate que le sort réservé au peuple kurde
constitue un crime de génocide au sens de la Convention de 1948, comme
l'ont noté les ministres des Affaires étrangères agissant dans le cadre
de la coopération politique; demande aux gouvernements des Etats
membres de saisir la Cour internationale de justice pour faire
reconnaître et condamner ce génocide en application de ladite
Convention;
7. souhaite que dans le cadre d'une conférence de la
paix au Moyen-Orient, le problème kurde soit abordé avec la
participation de tous les états concernés et des représentants kurdes,
afin de reconnaître le droit à l'existence et à l'autonomie des Kurdes
dans tous les Etats où ils se trouvent;
8. accueille favorablement la résolution 688 du
Conseil de sécurité des Nations Unies sur la situation des Kurdes en
Irak et espère que le Conseil de sécurité va prendre toutes les mesures
nécessaires afin de garantir la sécurité de la population kurde et de
permettre aux réfugiés kurdes de retourner dans leurs foyers, avec la
garantie qu'aucune persécution ne sera menée à leur égard;
9. insiste pour qu'aucun réfugié fuyant le régime
irakien ne soit contraint de réintégrer l'Irak contre sa volonté et
demande aux états membres de la Communauté de faciliter l'accueil des
demandeurs d'asile kurdes;
10. estime que la mise en oeuvre de la résolution
688 exigera la présence d'une force adéquate des Nations Unies, chargée
du maintien de la paix;
11. invite le bureau élargi à examiner l'opportunité
de l'envoie d'une délégation parlementaire représentative dans la
région;
12. charge son Président de transmettre la présente
résolution au Conseil, à la Commission, aux Nations Unies ainsi qu'aux
gouvernements de Turquie, d'Iran, de Syrie et d'Irak.
LA DECLARATION DE STOCKHOLM SUR LES KURDES
La Conférence internationale "Reconnaissance des
Droits Kurdes" s'est déroulée du 15 u 17 mars 1991 à Stockholm.
Parmi les 240 participants provenant de 20 pays
figuraient les représentants des partis politiques kurdes et des
institutions culturelles, ainsi que des personnalités kurdes en exil.
Des comité de solidarité de plusieurs pays participèrent également à la
conférence. Etaient également présents des représentants, des
parlementaires et autres de divers partis politiques européens.
Participaient aussi, des officiels des organisations politiques et
humanitaires internationales, certains d'entre eux, à titre
d'observateurs. Les médias, quant à elles, étaient invitées.
La conférence reçut et analysa des rapports
concernant la situation des droits de l'homme dans les régions kurdes
de l'Iran, de l'Irak, de la Syrie, de la Turquie et de l'Union
Soviétique. Elle débattit des remèdes à adopter face à l'actuelle
situation dans le Moyen-Orient. Elle adopta la Déclaration de Stockholm
sur les Droits de l'Homme du Peuple Kurde que nous reproduisons
ci-après:
"La communauté mondiale ne devrait tolérer plus
longtemps l'oppression dont sont victimes plus de 20 millions de
Kurdes. Elle constitue une menace pour la paix et la stabilité du
Moyen-Orient et une violation des droits de l'homme internationalement
reconnus.
"Dans le Kurdistan, les droits de l'homme sont
violés depuis bon nombre d'années et continuent de l'être
systématiquement et à grande échelle: arrestations arbitraires,
tortures, dures peines infligées après des parodies de procès ou même
sans procès, 'disparitions', exécutions extra-judiciaires, guerre
chimique, déportations et destruction de l'habitat, du bétail et des
moyens de subsistance, privation du droit à la langue, à la
littérature, à la musique et à l'enseignement de leur propre histoire,
conditions cruelles et inhumaines dans les camps de réfugiés.
"Le peuple kurde n'a jamais joui de la démocratie,
et encore moins du moindre droit à l'autodétermination. L'Irak —un des
pays à lui garantir une certaine autonomie théorique— transgressa son
propre accord en les opprimant et en leur imposant des pantins en guise
d'administrateurs.
"L'Iran, l'Irak, la Syrie, la Turquie et l'URSS ont
tous, à divers moments, délibérément tenté de dissoudre l'identité
nationale kurde en essayant de modifier l'équilibre démographique des
régions kurdes.
"Aussi longtemps que persisteront ces injustices, il
n'y aura pas de véritable paix au Moyen-Orient.
"La Conférence:
"demande que les gouvernements de l'Iran, de l'Irak,
de la Syrie, de la Turquie et de l'Union Soviétique respectent la
déclaration Universelle et les traités sur les Droits de l'Homme et les
appliquent dans leur totalité, aussi bien dans le Kurdistan que dans
d'autres régions à population kurde;
"demande, en particulier, que ces cinq gouvernements:
"- cessent immédiatement toute déportation des
Kurdes et mettent fin à la destruction de leur habitat, de leur bétail
et de leurs moyens de subsistance;
"- relâchent tout de suite tous les prisonniers de
conscience kurdes et mettent fin aux tortures et aux exécutions;
"- permettent le retour des réfugiés politiques en
exil et leur reconnaissent tous leurs droits légitimes en tant que
citoyens;
"- démantèlent les structures qui, au sein de la
police, les forces de sécurité et militaires, furent utilisés pour
maltraiter le peuple kurde;
"- réforment leurs systèmes législatifs et
judiciaires pour les conformer aux normes internationales des droits de
l'homme;
"- dédommagent les victimes des violations des
droits de l'homme perpétrées dans le passé;
"- respectent les droits de la langue et la culture
kurde, y compris le droit de publier et émettre en kurde et le droit
pour les enfants et les jeunes kurdes de recevoir une éducation dans
leur propre langue;
"- donnent un traitement humain aux réfugiés, en
accord avec la loi internationale sur les droits de l'homme et des
réfugiés;
"- cessent d'empêcher —et commencent à faciliter—
les contacts entre Kurdes à travers les frontières internationales;
"- demande que ces mêmes gouvernements reconnaissent
t le droit à l'autodétermination du peuple kurde et encouragent des
discussions dans ce sens, de manière à établir des relations pacifiques
et mutuellement bénéfiques entre les Kurdes et les communautés
avoisinantes;
"- appelle à tous les gouvernements pour qu'ils, au
sein de la Commission des Nations-Unies pour les Droits de l'Homme,
relèvent les graves violations dont ont souffert, et souffrent encore,
les Kurdes dans tous les pays où ils résident;
"- appelle à tous les gouvernements pour qu'ils
travaillent sans relâche pour appliquer les normes internationales qui
interdisent l'usage d'armes chimiques;
"- appelle à tous les gouvernement pour qu'ils
soulèvent le problème kurde et revendiquent le droit des personnes
kurdes ainsi que le droit à l'auto-détermination du peuple kurde et ce
dans le cadre des initiatives de paix destinées à pallier les retombées
de la Guerre du Golfe dans le Moyen-Orient;
"- demande au Secrétaire Général des Nations-Unies
qu'il inclue la question kurde s'il organise une conférence
internationale pour la paix au Moyen-Orient;
"- demande au Secrétaire Général qu'il examine et
recommande un moyen de représenter les Kurdes et d'autres communautés
sans état au sein des Nations-Unies;
"- demande à tous les gouvernements de donner un
traitement humain aux réfugiés kurdes et de leur accorder les mêmes
droits d'asile qu'aux autres groupes de réfugiés —prenant ainsi en
compte la gravité des persécutions dont sont victimes les Kurdes dans
leurs pays d'origine;
"- demande au Haut Commissaire des Nations-Unies
pour les Réfugiés qu'il donne toute priorité à la protection et à
l'aide des réfugiés kurdes dans le Moyen-Orient, particulièrement en
Turquie, en Irak et en Iran, et demande à tous les gouvernements qu'à
cet égard, ils soutiennent le HCNUR.
Actions concrètes
"Au cours de la conférence, il fut débattu du moyen
de soutenir la lutte des Kurdes pour les droits de leur peuple, y
compris le droit à l'autodétermination.
"La déclaration suivante était adressée à tous les
amis et adeptes des Kurdes dans leur lutte. La communauté mondiale a,
pendant trop longtemps, ignoré le problème kurde et l'oppression dont
ce peuple était victime. A présent, cette négligence devrait être
réparée.
Principes
"1. Les gens du monde entier doivent être informés
du problème kurde, de son contexte et de sa situation actuelle ainsi
que des questions qu'il soulève sur le respect des droits de l'homme.
"2. Il faut présenter un plaidoyer énergique et en
pleine connaissance de cause pour les droits des Kurdes, aussi bien au
niveau national qu'international. En retour, ceci exige un récollection
systématique d'informations dignes de foi sur la situation des droits
de l'homme dans les régions kurdes.
"3. Les populations kurdes, dans leur situation
actuelle, ont besoin d'une assistance et d'un soutien financier
concrets.
"4. Toutes les actions de solidarité envers les
Kurdes devraient être coordonnées avec les organisations kurdes. Il
faudrait essayer d'aider les Kurdes à établir et a affirmer leurs
propres droits.
"5. Pour une meilleure efficacité, le soutien
devrait, dans la mesure du possible, s'inscrire dans le cadre des
normes des droits de l'homme internationelement reconnues.
"6. Les normes internationales sur les droits
économiques, sociaux et culturels, sans oublier les droits des enfants
et des femmes, sont également primordiales.
"7. En raison des procédures établies dans plusieurs
organes internationaux, il pourrait s'avérer impossible de relever les
violations contre les Kurdes dans tout le Kurdistan au même moment; une
approche sur base du pays sera donc parfois nécessaire. Cependant, même
avec cet handicap, il est urgent de profiter de la moindre possibilité
pour relever et condamner les violations.
"8. Les gouvernement du monde entier constituent un
élément important dans la lutte pour les droits de l'homme des Kurdes.
Ils peuvent influencer les organes intergouvernementaux. Parmi les
autres groupes fondamentaux de cette lutte, figurent les
parlementaires, les structures parlementaires, ainsi que les
organisations non-gouvernementales et les médias.
Coordination
"1. Les comités et les groupes de divers pays qui
travaillent pour la défense des droits de l'homme du peuple kurde,
devraient s'efforcer d'échanger leurs informations et de coordonner
leurs actions. Les conférences devaient être planifiées dans la
continuité des conférences précédentes. L'assistance humanitaire
devrait également être coordonnée.
"2. Pour ce faire, un réseau de groupes de soutien
devrait être mis en place. Ce réseau devrait, bien sûr, coordonner le
travail accompli avec les principales organisations et institutions
kurdes.
"3. Le réseau devrait s'employer à appliquer la
Déclaration de Stockholm. Il devrait tenir ses membres informés des
initiatives de portée internationale. ses membres devraient diffuser
des informations sur la situation des droits de l'homme dans le
Kurdistan et encourager des recherches approfondies dans divers aspects
de la société kurde."
LES CHRETIENS
Le colloque de Bruxelles attire l'attention sur la situation alarmante
des minorités chrétiennes du Sud-Est de la Turquie
Quel que soit le progrès sur le plan politique en
Turquie, la situation des minorité chrétiennes du Sud-Est de ce pays
reste toujours très alarmante.
Les 16 et 17 mars 1991, un colloque international
sur la situation de ces minorités s'est tenu à Bruxelles. Au cours de
cette réunion, les représentants de différentes composantes de cette
minorité ont préparé un rapport destiné aux instances européennes
concernées.
Nous reproduisons le texte intégral du communiqué
final de ce colloque:
***
Parmi tous les peuples sans terre qui ont dû faire
de la diaspora leur séjour mouvant, l'histoire risque d'oublier ces
chrétiens du Sud-Est de la Turquie qui se disputent les appellations,
toutes aussi vénérables, d'Araméens, de Chaldéens, d'Assyriens, de
Syriaques.
Ils appartiennent à diverses églises chrétiennes de
langue araméenne ou syriaque, à de riches traditions séculaires, mais
depuis l'occupation de leurs terres par d'autres peuples, ne sont plus
reconnus dans les lieux natifs de leur foi et de leurs appartenances
culturelles. C'est là leur drame et la raison profonde de leur exode.
Les nations occidentales, soucieuses de démanteler
l'empire ottoman, ont concouru à l'extermination de ces peuples en
traçant des frontières arbitraires au travers des régions où ils
vivaient depuis des milliers d'années. C'est ainsi que le Bohtan, le
Hakkari et le Tur Abdin se virent enclavés dans la Turquie dite laïque
de Mustapha Kemal Atatürk. Cela devait donner à l'histoire récente des
"minorités chrétiennes du Sud-Est de la Turquie" une colorations
particulière. C'est elle qui a fait l'objet du colloque qui s'est
déroulé à Bruxelles ces 16 et 17 mars dans les locaux du Comité des
Eglises pour les Migrants en Europe. Les travaux ont rassemblé pendant
deux jours plus d'une vingtaine d'experts venus d'Allemagne, de
Belgique, de France, des Pays-Bas et de Suède.
Jusqu'au 19ème siècle, la conscience ethnique de ces
minorités a été plus ou moins voilée bien que l'identité ethnique et
territoriale se soit maintenue à travers l'histoire, malgré les
divisions confessionnelles. Au cours du 19ème siècle, leur vie a repris
le rythme, déjà connu, des massacres et génocides. Ceux-ci ont culminé
dans le génocide de 1915 qui, proportionnellement, a frappé ces
minorités aussi fortement que les Arméniens. Ils se sont poursuivis
jusqu'en 1923, relayés jusqu'à nos jours par des multiples exactions.
La responsabilité de ces forfaits incombe, suivant le cas, soit
directement, soit indirectement, aux autorités ottomanes et turques,
avec la complicités active de certains éléments kurdes.
En ce qui concerne la protection juridique par les
autorités nationales et internationales, la protection des minorités
non musulmanes a été prévue par les articles 37 à 44 du Traité de paix
avec la Turquie signé à Lausanne le 24 juillet 1923.
Il a été démontré que la Turquie n'a pas respecté
les dispositions du Traité et que ni les puissances signataires
(notamment la France, les Etats-Unis, le Royaume-Uni) ni d'autres Etats
membres de la Société des Nations n'ont pris de mesures efficaces pour
faire respecter ces dispositions.
La Turquie a ratifié la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4
novembre 1950 mais sa non application par la Turquie est régulièrement
dénoncé"e par des institutions officielles (Conseil de l'Europe,
Parlement Européen, Chambre des Représentants du Parlement belge) et
des associations de défenses des droits de l'homme (notamment Amnistie
International).
Bien que la Turquie ait accepté le droit de recours
individuel auprès de la Commission européenne des droits de l'homme, à
Strasbourg, les conditions d'oppressions sociale, politique et
militaire dans lesquelles vivent les minorités en Turquie ne permettent
pas à ces populations d'user de ce droit en fait.
La Turquie a signé la Charte de Paris pour une
nouvelle Europe du 21 novembre 1990 et les déclarations précédentes de
la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE) mais
il est difficile d'escompter un effet pratique de déclarations sans
caractère obligatoire alors que la Turquie ne respecte pas de véritable
obligations conventionnelles.
En dépit du bilan négatif de la République turque en
matière d'obligations internationales, le Colloque souhaite que les
travaux du Conseil de l'Europe devant mener à une Convention de
protection des droits des minorités aboutissent dans les meilleurs
délais.
A l'extérieur de la Turquie, les réfugiés chrétiens
de Turquie sont protégés depuis quelque 70 ans par les traités conclus
dans le cadre de la Société des Nations et notamment par les
Arrangements des 31 mai 1924 et 30 juin 1928 et, plus récemment, dans
le cadre des Nations Unies, par la Convention du 28 juillet 1951
relative au statut des réfugiés.
De façon générale, les Etats reconnaissent
formellement la qualité de réfugié des chrétiens de Turquie. Toutefois,
il faut déplorer que dans certains pays, le manque d'information des
fonctionnaires chargés de reconnaître la qualité de réfugié aboutisse
parfois à de regrettables erreurs, voire au déni de justice.
Il convient aussi de déplorer que dans certains
pays, notamment en Belgique, l'administration refuse de reconnaître sur
les documents d'identité qu'elle délivre, l'origine ethnique de ces
réfugiés en leur reconnaissant uniquement la nationalité juridique
attribuée par l'Etat occupant, alors que sous la Société des Nations
l'origine ethnique assyro-chaldéenne figurait sur leur carte de réfugié.
Pendant ce temps l'histoire poursuit son cours
impitoyable. Au cours de l'année 1990, dix personnes ont été
assassinées dans le Sud-Est, dans les villages de Aksu, Yemisli, Bülbül
et à Midyat et plusieurs autres blessées ou victimes de diverses
exactions. Parallèlement, l'accueil en Europe se fait de plus en plus
précaire. Les différents Etats adoptent des politiques chaque fois plus
restrictives, refusant l'octroi de visas et jetant les candidats à
l'exil en pâture aux passeurs clandestins. Dans le même temps, ceux qui
ont trouvé une terre d'accueil en Europe depuis cinq, dix ou vingt ans,
se sont fixés définitivement, sans espoir de retour. Ils s'organisent
pour assurer la survie de leur langue, de leur patrimoine religieux et
culturel en Europe. Ils ne trouvent pas dans tous les Etats l'appui
dont ils auraient besoin. Qu'en sera-t-il demain de ce patrimoine
multiséculaire de l'humanité?
L'Europe sera-t-elle à la hauteur de ses
responsabilités face à l'Histoire, tant dans sa politique intérieure
qu'extérieure? Des communautés profondément blessées pourront-elles,
sur leurs terres, renouer avec la richesse de leur tradition de
dialogue avec les autres composantes de la populations, par le refus de
la méfiance systématique et des anathèmes réciproques? Les communautés
de la diaspora pourront-elles relever les défis qui se présentes à
elles?
A l'Europe qui se construit toujours et qui se voit
aujourd'hui saisie de la demande d'admission d'un nouveau partenaire,
nous n'"avons pas voulu faire une leçon d'histoire. Il nous importe
bien davantage de dégager les valeurs morales, sociales et culturelles
de ces peuples et de ces églises qui peuvent apporter un "plus" aux
différents pays de la Communauté où ils ont "planté leur tente". Nous
avons voulu interpeller les responsables européens sur la présence
spécifique de ces réfugiés chrétiens orientaux qui ont opté pour la vie
en diaspora au sien des nations européennes et qui nous rappellent la
voix de ceux qui sont restés sur les terres ancestrales. Il importe que
non seulement les dirigeants, mais aussi les populations des pays
d'accueil sachent reconnaître dans la masse anonyme des réfugiés et
migrants de toute origine. Il faudrait que, les ayant reconnus, ces
pays accueillent le patrimoine intellectuel et spirituel, ainsi que la
merveilleuse vitalité de ces familles que nous avons tant d'intérêt à
intégrer dans nos devenirs nationaux et dans l'édification d'une Europe
multiculturelle.
Précisions sur l'oppression
- Peuple oublié de l'histoire, disséminé dans de
nombreux pays du Moyen-Orient, les Assyro-chaldéo-syriaques n'ont
jamais été à l'abri des persécutions et des atteintes à leurs droits
fondamentaux depuis la chute de Ninive, de Babylone et des Royaume
Araméens de Mésopotamie;
- Victimes d'un génocide et d'un ethnocide en
1915-1918 sous l'Empire Ottoman où la moitié de la population périt,
les Assyro-chaldéo-syriaques de Turquie voient aujourd'hui leur
existence-même en péril;
- A présent comme jadis, la pression assimilatrice
pèse sur les Assyro-chaldéo-syriaques, sur l'ensemble des minorités et
se fait sans cesse plus forte;
- La politique de turquisation touche tous les
aspects de la vie, de l'identité ethnique aux noms patronymiques;
- Sur le plan religieux, les libertés sont sans
cesse comprimées et l'instruction religieuse musulmane —en dépit de la
laïcité e l'Etat— est obligatoire pour les chrétiens. Dans les
monastères, les activités sont réduites et soumises au contrôle
préalable des autorités. De fait, on n'a pas le droit de construire de
nouvelles églises;
- Au niveau linguistique, la situation est encore
plus mauvaise. A cet égard, les autorités font preuve d'une négation
totale de toute langue, à l'exclusion, bien entendu, du turc;
- Sur le plan scolaire, les Assyro-chaldéo-syriaques
se trouvent totalement démunis: pas d'écoles, même pas élémentaires, ni
d'institutions sociales. Il leur est interdit d'ouvrir des
établissements scolaires;
- On assiste à une politique de turquisation des
noms patronymiques et toponymiques. Tous les lieux d'habitat
Assyro-chaldéo-syriaques sont touchés par cette politique ethnocidaire
et écocidaire. Des œuvres culturelles et architecturales, il ne
subsiste que ruines, dévastations, lieux de cultes abandonnés et
dépeuplés et monuments en péril. L'aliénation qui conduit à la
dépossession de soi touche les prénoms et les noms des personnes;
- Depuis 1975, l'émigration des
Assyro-chaldéo-syriaques s'est considérablement développée en direction
de l'Europe occidentale. Plus de 100.000 personnes sont venues trouver
refuge en France, en Belgique, en Allemagne, en Hollande, en Suède, en
Suisse, en Autriche et dans les pays scandinaves;
- Aujourd'hui estimés à 30.000 en Turquie contre un
demi-million au début du siècle, leur nombre ne cesse de décroître au
fil des années.
Revendications en application des conventions
- La reconnaissance de l'Ethnie
Assyro-chaldéo-syriaques selon l'article 14 de la Convention européenne
des droits de l'homme, qui reconnaît l'existence des minorités
nationales;
- La restauration des monuments architecturaux et
des lieux de culte des différentes confessions religieuses de la
communauté Assyro-chaldéo-syriaques, ainsi que l'autorisation de
construire des églises;
- La reconnaissance de la langue araméenne (ou
syriaque), conformément aux instruments diplomatiques internationaux
signés et ratifiés par la Turquie;
- Le droit de création d'établissements scolaires à
tous les niveaux de l'enseignement;
- Le droit d'ouvrir des institutions sociales
(centres sociaux, dispensaires, etc) et des associations
socio-culturelles;
- La cessations de la politique de turquisation des
noms des lieux et des noms des personnes Assyro-chaldéo-syriaques;
- L'arrêt de la politique d'exactions de toutes
sortes, dont sont victimes les Assyro-chaldéo-syriaques, qui les
conduit à s'exiler.