Nouveau Document d'Helsinki Watch
TORTURE D'ENFANTS
EN TURQUIE
Helsinki Watch a publié récemment un rapport
intitulé "Rien d'Exceptionnel: Des Enfants Torturés en Turquie."
Le rapport fut établi par une commission d'enquête
dirigée par Lois Whitman, vice-directeur d'Helsinki Watch.
Ci-après nous reproduisons une grande partie du
rapport que Mme Jeri Laber, directrice générale d'Helsinki Watch,
présenta à la presse le 27 janvier 1992 au cours d'une conférence à
Istanbul.
Introduction
"Ce qui s'est passé n'est rien d'exceptionnel pour
moi", déclarait à Helsinki Watch une fille de 16 ans qui avait été
arrêtée, torturée et emprisonnée pendant 75 jours pour avoir affiché
dans son école un poster portant l'inscription "Non à la Guerre". Il
est regrettable de constater que cette affirmation est vraie.
Fin octobre 1991, une mission d'Helsinki Watch
interviewa neuf enfants de 13 à 17 ans à Istanbul. Tous avaient été
appréhendés par la police et soumis à des détentions variant entre 3
jours et 3 mois dans des postes de police ou des prisons où ils
subirent des abus physiques; certains furent soumis à des tortures
vraiment horribles. Dans tous les cas, la police, qui est responsable
de la protection civile a fait du mal de manière intentionnelle et
délibérée à des enfants.
Tous les cas eurent lieu en 1990 et 1991. Trois des
enfants étaient accusés de délits ordinaires; six autres de délits
politiques. Aucun d'entre eux ne fut autorisé à recevoir l'assistance
d'un avocat pendant l'interrogatoire. La police ne communiqua à aucune
des familles l'endroit où étaient détenus les enfants. Tous les enfants
furent interrogés dans des installations pour adultes et ceux qui
furent incarcérés en attendant le procès furent également envoyés dans
des prisons pour adultes.
Malheureusement, ces cas ne sont pas exceptionnels.
En 1990 et 1991, Helsinki Watch reçut des dizaines de rapports
dénonçant des tortures policières infligées à des enfants de moins de
18 ans.
Parmi les techniques utilisées, on peut citer les
gifles, les coups de poing et de matraque, la falaka (frapper la plante
des pieds), le crochet palestinien (ceci consiste à suspendre un enfant
nu par les poignets ou les bras et lui infliger des chocs électriques
dans ses parties génitales ou d'autres parties sensibles du corps), et
l'introduction d'une matraque dans l'anus.
Helsinki Watch contrôle la torture en Turquie depuis
1982. Le gouvernement turc, bien qu'admettant l'existence de la torture
nie que celle-ci soit systématique. Celui-ci affirme que des
interrogateurs trop acharnés peuvent parfois torturer les détenus, mais
soutient que ces actions sont soumises à des investigations et sont
punies. Cependant, les avocats des détenus affirmèrent à Helsinki Watch
que la police torture entre 80 et 90% des suspects politiques et 50%
des délinquants ordinaires, y compris des enfants. Et les tortionnaires
qui sont soumis des enquêtes jugés et condamnés sont très peu nombreux
en comparaison du nombre de cas de torture rapportés.
La juridiction internationale interdit la torture et
les punitions ou les traitements cruels, inhumains et dégradants. Les
accords et les normes internationaux régissant le traitement des
enfants exigent une protection spéciale pour eux.
Six des enfants interviewés par Helsinki Watch ont
été arrêtés pour des délits d'opinion: afficher un poster contre la
guerre, distribuer dans une école des dépliants critiquant
l'administration de celle-ci, prendre part à une manifestation
syndicale légale. Malheureusement, leurs cas ne sont pas uniques. En
Turquie, beaucoup d'enfants sont arrêtés pour des délits d'opinion,
d'association et d'assemblée, bien que ces droits soient garanties par
la législation internationale.
Helsinki Watch lance un appel au Gouvernement turc
pour qu'il mette fin à cette lamentable torture d'enfants, enquête sur
les allégations de torture, poursuive les responsables et garantisse
que ces pratiques ne seront plus jamais utilisées. Helsinki Watch lance
également un appel au Gouvernement turc pour qu'on cesse d'arrêter des
enfants pour des délits d'opinion, d'association et d'assemblée, et se
soumette à la législation internationale concernant le traitement des
enfants.
La Turquie figure en troisième position parmi les
pays les plus favorisés par l'aide américaine. Au cours de l'année
fiscale 1992, l'administration Bush a demandé au congrès d'approuver
une aide militaire et économique de plus de 700 millions de $ pour la
Turquie. Helsinki Watch demande au gouvernement des Etats-Unis de
condamner l'utilisation de la torture en Turquie et, comme le stipule
la Section 502B de l'Acte d'Assistance Etrangère, d'exprimer clairement
quelles circonstances extraordinaires, si elles existent, justifient
l'octroi d'une assistance militaire et économique à la Turquie malgré
ses flagrantes violations des droits de l'homme.
***
C'est le neuvième rapport qu'Helsinki Watch consacre
à la violation des droits de l'homme en Turquie depuis 1982.
Contrairement aux rapports précédants, celui-ci ne concerne pas tous
les aspects des droits de l'homme, mais se concentre sur la torture
d'enfants et leur détention pour des délits d'opinion. Malheureusement,
ces sinistres incidents ne constituent rien de neuf en Turquie, mais
plutôt la continuation de pratiques implantées depuis longtemps.
Lors de la parution de ce rapport, la Turquie avait
un nouveau gouvernement. Le 25 novembre 1991, le Premier Ministre
Süleyman Demirel présentait son programme gouvernemental au Parlement,
et déclarait: "La torture est un délit… c'est notre devoir d'y mettre
fin." Nous espérons que le nouveau gouvernement examinera de près le
problème de la torture des enfants (ainsi que celui de la torture des
adultes) et prendre des mesures pour y mettre fin. Un gouvernement qui
a signé les accords internationaux garantissent le respect des droits
de l'homme et interdisant la torture, peut certainement ordonner
l'abolition de pratiques aussi horribles et inhumaines.
Six victimes de la torture prennent la parole
Six enfants interviewés par la mission d'Helsinki
Watch en octobre 1991 avaient été accusés de délits de politiques;
trois autres furent accusés de délits ordinaires.
Cinq des enfants arrêtés pour des délits politiques
reconnurent avoir distribué des tracts ou avoir affiché des posters.
L'une d'entre eux nia avoir distribué des magazines comme l'indiquait
l'accusation et dit avoir été arrêtée par erreur.
Nermin Alkan* est née le 28 juin 1974. Le 4 octobre
1990, alors qu'elle avait 16 ans, elle fut arrêtée par la police pour
avoir affiché un poster contre la guerre dans son école. La police la
battit et lui donna des coups de pied, elle fut frappée à la tête et au
dos avec une matraque. Elle resta 75 jours en détention avant d'être
relâchée; son cas est en suspens dans les tribunaux, où elle est
accusée d'appartenir à une organisation illégale. Son cas fut largement
couvert par la presse turque. Le 28 octobre 1991, Nermin Alkan
décrivait ces événements à Helsinki Watch:
"Pendant la Crise du Golfe, j'étais très préoccupée.
Je craignais que ce ne soit très dangereux si une guerre éclatait. Je
voulais faire quelque chose. Je me dis que je me devais d'expliquer mes
pensées à mes amis et le 4 octobre 1990, j'ai donc fait un poster
portant une image du massacre d'Halabja (les Kurdes gazés en 1988 au
nord de l'Irak) et une autre d'un enfant en train de mettre des fleurs
dans l'arme d'un soldat nazi. J'ai écrit sur le poster: 'le devoir de
chacun est de dire non à cette guerre injuste,' et j'ai inclus un poème
de Brecht sur la guerre. J'ai mis le poster dans ma classe de l'Ecole
Supérieure de Pendik au cours de la pause. Mes amis m'ont vue le placer.
"Un étudiant informa le Vice-Directeur, Yavuz Eke,
et celui-ci me convoqua, me demanda pourquoi je l'avais fait et me dit
que je pourrais être renvoyée de l'école pour cela. Je lui fis
connaître mon opinion sur la guerre. Il m'emmena chez le directeur,
Süleyman Yolcu, qui me demanda de dire la vérité, laissant entendre que
je ne l'avais pas fait seule. Je lui rétorquai que je l'avais fait
seule en raison de mon opinion sur la guerre. A cette époque, l'école
venait d'ouvrir et sur ses murs, des gens avaient écrit des slogans
contre la guerre. Le directeur voulait m'imputer la responsabilité de
ces slogans. Il voulait me faire avouer que je travaillais pour une
organisation et me somma de dire la vérité, autrement il appelerait la
police. Je lui répondis qu'il était inutile d'appeler la police puisque
je lui disais la vérité.
"Le directeur appela la police et à environ 11
heures du matin, celle-ci arriva en provenance du Quartier Général de
la Police de Pendik. Trois ou quatre policiers en civil et quatre
autres en uniforme, la police politique je pense, arrivèrent. Dans le
bureau du directeur ils me crièrent: 'Pourquoi as-tu fait ça?' Ils
m'informèrent qu'ils allaient m'emmener à la section politique du
quartier général de la police pour m'y faire avouer la vérité,
c'est-à-dire que d'autres m'avaient aidé.
"Alors, ils m'emmenèrent chez moi et fouillèrent la
maison. Je leur demandai s'ils avait un permis de perquisition. Il
répondirent 'Non… comment sais-tu ces choses?' Ils fouillèrent ma
chambre et prirent quelques magazines que j'avais achetés dans un
kiosque à journaux.
"Ensuite ils m'emmenèrent au quartier général de la
police de Pendik. Puisqu'ils m'avaient amenée là par la force, je
refusai de leur parler. Ils me firent savoir qu'on me forcerait à
parler à la section politique de Gayrettepe [le célèbre poste de police
d'Istanbul où aussi bien les suspects de délits politiques que ceux de
délits ordinaires sont torturés régulièrement].
"La police arriva alors de Gayrettepe. Un des agents
me poussa, et je le poussai à mon tour. Il me dit: 'Ne m'oblige pas à
utiliser la force.' Les yeux bandés avec un morceau de tissu noir, ils
m'emmenèrent à Gayrettepe. Je fus placée dans une pièce bondée —je
pouvais entendre des tas de gens autour de moi. Quelqu'un s'est mis à
me marcher constamment sur les pieds et à me poser des questions sur
les exigences de l'Islam. A chaque fois je répondais que je n'en savais
rien, quelqu'un donnait un grand coup sur ma tête avec un objet.
J'avais mal à la tête.
"Après ils me firent descendre. Des voix se
bousculaient dans la pièce. Elle commencèrent à me poser des questions:
'Qui t'a aidée à poser le poster? Qui sont tes amis? Quel est le nom de
ton organisation? Ils me frappaient et me donnaient des coups de pied
—je pense qu'ils étaient quatre environ. Ils me frappaient à la tête,
au bras, aux jambes. J'avais toujours les yeux bandés.
"Ils continuèrent pendant près d'une demi-heure —ça
devenait insupportable. Finalement, je leur dis que s'ils m'enlevaient
le bandeau des yeux, j'essayerais de leur dire la vérité. Ils
préparèrent un déposition et m'enlevèrent le bandeau. Pour me
débarrasser d'eux, je signai la déposition. Ils m'emmenèrent alors dans
une cellule. Plus personne en m'ennuya jusqu'au matin. Plus tard,
j'apprenais qu'ils avaient arrêté quatre ou cinq de mes camarades
d'école.
"Ma cellule mesurait environ 2 mètres sur 3. Il y
avait une sorte de matelas crasseux sur le sol qui dégageait une odeur
épouvantable. Il n'y avait rien d'autre dans la pièce. Je n'avais pas
de lumière —seulement un petit rayon qui s'infiltrait du couloir par
une petite ouverture sur la porte et qui pouvait être fermée de
l'extérieur. Pour aller aux toilettes, je devais marteler la porte et
demander au gardien de me laisser sortir. J'étais seule dans la cellule.
"Chaque jour, pendant les quatre jours qui
suivirent, on me fit monter pour m'interroger. L'interrogatoire durait
chaque fois environ trois heures et ce parfois plusieurs fois par jour.
Ils me posèrent des questions sur mes amis, et sur une organisation.
Parfois, ils me battaient. Parfois j'avais l'impression de les entendre
amener mes amis —je pense avoir reconnu leurs voix. Après cinq ou six
jours, ils me remirent une autre déposition et je la signai.
"Le 12 octobre, on m'emmena hors de Gayrettepe. Avec
des menottes, ils m'attachèrent à un ami. D'abord nous fûmes amenés au
Département de Médecine Légale. La police conversa avec le docteur
avant que celui-ci ne m'examine. Alors que nous étions dans la salle
d'attente, une femme demanda pourquoi nous portions des menottes, un
policier le desserra un tout petit peu. Une fois chez le docteur, je
lui fis savoir que j'avais été frappée sur le dos avec une matraque.
'Oui,oui' dit-il mais il n'examina pas mon dos.
"Après ça, moi et mes trois amis fûmes amenés à la
Cour de la Sûreté de l'Etat. La police nous précisa que nous devions
admettre ce que nous avions signé, et que si nous ne le faisions pas
ils nous arrêteraient de nouveau et nous ramèneraient au poste de
police. J'ai donc affirmé au procureur que ma déclaration était
correcte. Nous fûmes amenés devant le Juge Osman Sen —je pense qu'il
s'appelait ainsi. Il ordonna notre arrestation et nous fûmes amenés à
la Prison de Sagmalcilar. D'abord on nous plaça en isolement.
"Les trois filles, nous fûmes placées dans la
section politique féminine. Il y avait là trois autres filles de mon
âge, 16 ans, qui s'étaient élevées contre la guerre.
"Avant d'arriver à Sagmalcilar, je n'avais jamais eu
droit à un avocat. C'est alors qu'un grand nombre d'avocats voulurent
me représenter [en Turquie, beaucoup d'avocats ont pour habitude de se
présenter au nom d'un client lors d'affaires très importantes pour
apporter leur soutien moral]. J'avais un total de 38 avocats.
"Le 3 décembre 1990, fut ouvert mon procès.
L'après-midi, moi et mes amis fûmes transférées de Sagmalcilar au
centre de détention de la Cour de la Sûreté de l'Etat. Pendant notre
attente, nous avions les menotte au poing. Plus tard, j'ai appris que
juste devant nous passait en audience une autre affaire exactement
comme le nôtre. En entrant dans la salle du tribunal, celle-ci était
bondée et des gens criaient 'A bas les guerres impérialistes.' Des tas
de journalistes étaient présents et la section des avocats était
pleine. Le procureur dit: 'Je propose que l'audience soit remise.'
"C'est alors qu'un grand nombre de policiers pénétra
dans la salle et commença à battre les gens. Une des personnes frappées
était mon père. La police frappait également les journalistes et les
avocats. Sans que le juge réponde au procureur, la police nous poussa
hors de la salle tout en nous donnant des coups de pied. Ils nous
remirent les menottes (ils nous les avaient enlevées avant d'entrer au
tribunal) et nous ramenèrent à la Prison de Sagmalcilar. Le lendemain,
il y avait des tas de photos de l'incident dans le journaux et c'est
par eux que j'ai appris que mon père avait été arrêté. D'autres membres
de ma famille —des cousins et ma sœur- ainsi que des membres des
familles de mes amis furent également arrêtés. Par la suite, j'ai su
qu'ils avaient roué mon père de coups tandis qu'ils lui demandaient:
'Quelle sorte d'enfant avez-vous élevé?' Il fut retenu pendant un jour
et puis il fut relâché. J'ai également appris qu'il y avait une
manifestation dehors où neuf personnes furent arrêtées.
"Le 25 décembre, s'est tenue une deuxième audience.
Ce jour-là tout était très calme. Les juges étaient très polis, et ne
nous interrompirent pas. J'ai lu une déclaration de huit pages. Et je
fus relâchée —la police m'emmena à Sagmalcilar pour récupérer mes
objets personnels, et je rentrai à la maison. En tout je fus détenue
pendant 75 jours, en comptant le temps passé à Gayrettepe et à
Sagmalcilar. Mon affaire est toujours en suspens à la Cour de la Sûreté
de l'Etat; je ne sais pas quand reprendra l'audience.
"En sortant de prison, j'ai essayé de retourner à
l'école, mais on me fit savoir que j'avais été renvoyée. J'ai
finalement trouvé une autre école acceptant de me prendre et je vais
donc à l'école maintenant. Avant ça, je voulais étudier l'histoire mais
maintenant je veux devenir pénaliste. Ce qui m'est arrivé n'est rien
d'exceptionnel en Turquie. Le gouvernement prétend que la Turquie est
une démocratie, mais elle ne l'est pas du tout."
Mustafa Günes est né en 1974. Le 19 avril 1990,
alors qu'il avait 16 ans, il fut arrêté par la police pour avoir
distribué des tracts dans un café où il demandait aux gens de se rendre
le 1er mai à la Place Taksim pour y manifester. Au poste de police
local, il fut frappé avec des bâtons et des matraques, ses testicules
furent écrasés, il reçut un coup de walkie-talkie sur l'oreille et ses
dents antérieures furent tordues. Il resta quatre jours à Gayrettepe où
il endura la falaka, reçut des coups de pied et fut menacé de mort. Le
23 avril, il fut amené devant la Cour de la Sûreté de l'Etat où un juge
ordonna qu'il soit transféré à la prison de Sagmalcilar en attendant
d'être jugé pour appartenance à une organisation illégale. Après trois
mois d'incarcération il fut relâché. En juillet 1991, il fut acquitté
après que le Parlement ait aboli l'article du Code Pénal en vertu
duquel il avait été inculpé.
Mustafa décrit son supplice à Helsinki Watch:
"Le 14 avril 1990, j'étais en train de distribuer
des tracts dans un café du côté asiatique du Bosphore. Les tracts
appelaient à un rassemblement dans la Place de Taksim le 1er mai. Cinq
policiers en civil se trouvaient dans le café. Ils m'emmenèrent au
poste de police local. Pendant quatre heures et demie il me maudirent,
me battirent avec leurs mains, leurs poings, des bâtons et des
matraques. De nombreux policiers me battaient en même temps. J'étais
frappé à la tête, dans les parties génitales (ils me donnaient des
coups de pied et me serraient très fort), et dans les dents. Je fus
alors frappé dans une oreille avec un walkie-talkie; ma chemise était
trempée par le sang qui coulait de mon oreille [il montra à Helsinki
Watch une cicatrice dans son oreille]. Mes dents ont été tordues —les
dents antérieures furent inclinées vers l'arrière de ma bouche.
"Je fus alors amené à Gayrettepe car je refusais de
leur dire quoi que ce soit. Là, je restai un jour et demi. Ils me
bandèrent les yeux, m'attachèrent les chevilles et je restai sur le
sol. Ils m'infligèrent alors la falaka, frappant fortement sur la
plante de mes pieds. En même temps d'autres me donnaient des coups de
pied partout dans le corps. L'un d'eux dit, 'C'est ainsi que nous
tuons, ta vie est donc en jeu. Si tu essaies de t'enfuir, nous
t'abattrons.' Ils continuèrent à me frapper pendant environ une heure
et demie. Après ils me ramenèrent dans ma cellule. Pendant 36 heures,
il allaient me faire sortir de la cellule, me battre, me fouiller, me
poser des questions, et finalement me remettre en cellule. Ce fut un
moment pénible, 36 heures d'angoisse.
"Après ces 36 heurs, ils me ramenèrent au poste de
police local et tout redevint plus calme. Le 23 avril, ils m'amenèrent
devant le procureur local; avant ils enlevèrent ma chemise ensanglantée
et me donnèrent une autre propre.
"Le procureur décida qu'il n'était pas compétent et
le 24 avril, je fus amené à la Cour de la Sûreté de d'Istanbul en
compagnie de quatre autres personnes. On nous envoya tous à la Prison
de Sagmalcilar; j'y fus accusé d'appartenir à une organisation
illégale. Le 25 juillet, lors de la première audience, nous fûmes tous
relâchés. J'étais resté trois mois à Sagmalcilar. Le 20 juillet 1991,
une fois l'Article 141 du Code Pénal fut supprimé, je fus acquitté.
"Avant d'être à Sagmalcilar, je n'ai jamais eu le
droit de voir un avocat; l'Association des Droits de l'Homme d'Istanbul
m'en procura un. Ma famille ne sut jamais où j'étais avant mon arrivée
à Sagmalcilar. Celle-ci s'est même rendue au poste de police local où
on lui dit que je n'étais pas là alors que je m'y trouvais.
"La torture psychologique n'a pas encore cessé; si
quelque chose se produit à l'école, ils me harcèlent. Par exemple,
quelqu'un mit un poster sur un mur de l'école. Le directeur me
convoqua dans son bureau —le chef de la police se trouvait là. Il me
gifla et m'accusa d'avoir mis le poster. Plus jamais je ne fera
confiance à un policier; j'ai le sentiment qu'ils peuvent me tuer à
tout moment. Si la police peut vous prendre dans une classe et vous
frapper, comment pourrions-nous nous sentir en sécurité?
"Toute cette affaire a vraiment changé ma vie. J'ai
perdu une année complète à l'école, et plusieurs de mes amis. Et
maintenant, j'ai un casier, même si j'ai été acquitté. Je voulais être
capitaine de marine, comme mon cousin, mais à présent, je ne peux plus
aller à l'école navale; ils ne prendront pas quelqu'un avec un casier,
même s'il a été acquitté.
"Je vais devoir changer d'école, les gens s'écartent
de vous si vous avez été en prison. Devant tout le monde, mon
professeur m'a dit, 'Qu'est-ce qui vous est arrivé, vous êtes resté un
an en prison?' De nombreux camarades de classe ne m'ont plus adressé la
parole. Les places à côté de moi sont restées vides."
Sevinc Ekinci est une fille de 17 ans arrêtée par la
police le 17 septembre 1991 pour avoir distribué des magazines
politiques, une accusation qu'elle rejette. Elle est restée un jour au
poste de police locale, cinq jours à Gayrettepe et 3 jours à la Prison
de Sagmalcilar.
Elle fut accusée "d'avoir aidé une organisation
terroriste et d'avoir distribué de la propagande kurde." La police l'a
giflée, a frappé sa tête contre un mur, a tiré sur ses cheveux, lui a
donné des coups de poing dans le dos et la poitrine et l'a menacée de
lui faire subir le Crochet Palestinien. Les yeux bandés, elle signa une
déposition. Lors du trajet jusqu'au tribunal elle portait les menottes.
Sevinc décrit les événements à Helsinki Watch:
"Tout commença à environ neuf heures du soir. Je me
promenais dans la rue avec un ami, un garçon de 17 ans. La police nous
interpella et nous demanda nos cartes d'identité. Ils nous emmenèrent
au poste de police. Dans la voiture, ils nous demandèrent où nous
vivions et pourquoi nous marchions dans la rue. Au poste, ils nous
fouillèrent.
"Ils nous mirent alors dans des endroits différents.
Ils me prirent par les cheveux et frappèrent ma tête contre le mur.
Avec leurs poings ils me frappèrent sur le dos et la poitrine. Ils
continuèrent pendant une heure environ. Neuf ou dix policiers se sont
relayés pour me frapper. Ensuite, ils m'ont mise dans une cellule
jusqu'au matin.
"A quatre ou cinq heures de l'après-midi, ils me
bandèrent les yeux et avec à l'aide de menottes, ils m'attachèrent à
quelqu'un d'autre. Ils m'emmenèrent à Gayrettepe. Les policiers me
giflèrent, me frappèrent avec les mains et les poings sur mon visage et
mon dos et ils me donnèrent également des coups de pied. Ils menacèrent
de me faire subir le Crochet Palestinien et de m'appliquer des chocs
électriques. Ils ne cessèrent de me poser des questions et de me dire,
'Vous mentez, vous avez distribué ces magazines.'
"Ils me placèrent dans une cellule d'isolement. J'y
suis restée pendant 5 jours. Chaque jour, ils me faisaient sortir pour
m'interroger; j'avais les yeux bandés.
"Les gardes ne nous donnaient qu'un seul lit. Il y
en avait un en métal avec un matelas en mousse nauséabond, et deux
couvertures. La cellule n'avait ni fenêtre ni lumière. La porte
métallique avait une petite ouverture qui laissait filtrer un peu de
lumière.
"Les gardes ne nous donnaient pas de nourriture. Si
on en voulait, il fallait la leur acheter. Ils vous demandaient 10.000
lires turques (environ 2$), achetaient du pain et du lait pour environ
2.000 lires et gardaient les 8.000 autres pour eux. Si vous n'aviez pas
d'argent, vous ne mangiez pas.
"Après cinq jours, j'ai signé une déposition.
Lorsque je l'ai signée, j'avais les yeux bandés.
"La police n'a pas indiqué à ma famille où je me
trouvais, mais le deuxième jour, le 2 septembre, ils m'emmenèrent chez
moi et fouillèrent ma maison et c'est là que ma famille apprit où
j'étais.
"Ils contactèrent un avocat, qui appela Gayrettepe,
mais la police lui répondit que je n'étais pas à cet endroit.
"Mon affaire est toujours en cours; la prochaine
audience aura lieu le 26 novembre. Je suis accusée, en vertu de la Loi
Anti-Terreur, d'avoir aidé une organisation terroriste et d'avoir fit
de la propagande kurde. Pour la première accusation, je pourrais écoper
d'une peine de prison d'un à trois ans de prison et pour la deuxième de
trois à cinq ans, ainsi que de très lourdes amendes. Si je ne peux pas
les payer, et que ma famille ne dispose pas de l'argent nécessaire, je
devais purger une autre peine de trois ans de prison.
"J'ai très peur. Je ne comprends pas comment de
telles choses peuvent arriver. Lorsqu'une voiture s'arrête devant chez
moi, je crains toujours que ce ne soit la police."
L'oncle de Sevinc déclara à Helsinki Watch que cette
expérience pouvait avoir des conséquences très néfastes sur l'avenir de
la jeune fille:
"Dans notre société, la virginité et la pureté sont
très importantes. Si une jeune fille est arrêtée par la police, il
existe toujours la possibilité qu'elle ai subi des abus sexuels —le
soupçon existe toujours. Et bien que ses parents soient désolés pour
elle, ils sont également très en colère —pourquoi se promenait-elle
avec un jeune homme à 9 heures du soir? La société ne peut pas admettre
ça. Maintenant sa famille lui interdit de sortir de chez elle."
Orhan et Fatma Öztürk. Orhan Öztürk est né en 1974,
sa sœur Fatma est née en 1978. Le 18 mars 1990, alors qu'elle avait 12
ans et lui 16, les deux enfants furent arrêtés au cours d'une
manifestation syndicale. Ils furent amenés à Gayrettepe, et de là au
poste de police local. Tous deux reçurent des gifles, des coups de
matraque et des coups de pied. Les policiers ont délibérément donné des
coups de pied dans une plaie ouverte sur la jambe d'Orhan. Après trois
jours, les deux enfants furent relâchés sans aucune charge. Tous deux
sont à présent fichés par la police.
Fatma déclara à Helsinki Watch:
"Lorsque la police nous arrêta, ils nous placèrent
dans un de leurs fourgons et nous emmenèrent à Gayrettepe. Ils
commencèrent à nous frapper dans le fourgon; ils me frappèrent à la
tête avec une matraque. Je suis restée une heure et demie à Gayrettepe;
j'ai dû m'agenouiller et ils m'ont donné des coups de pied dans le dos.
Ensuite j'ai été emmenée à notre poste de police local où je suis
restée pendant trois jours.
"Je fus placée dans une petite cellule vide, sans
lits ni rien. J'avais vraiment mal au dos, mais la police ne m'a pas
permis d'aller voir un docteur. J'ai donc commencé une grève de la faim
en compagnie d'autres personnes qui avaient été arrêtées en même temps
que moi; elle a duré deux jours et demi.
"Après trois jours, la police me fit signer une
déposition. Elle disait que je n'appartenait à aucune organisation et
que je n'étais affiliée à aucune réunion, j'avais été arrêtée par
erreur et j'était trop jeune. Je fus alors relâchée.
"La police ne communiqua jamais l'endroit où je me
trouvais à ma famille, mais certains manifestants indiquèrent à ma mère
qu'ils m'avaient emmené à Gayrettepe. Pendant ma détention policière,
je n'ai jamais eu droit à un avocat.
Le rapport d'Orhan:
"Je suis étudiant de dernière année dans une école
de commerce. Le 18 mars de l'année dernière il y eut une grande
manifestation organisée par le syndicat Otomobil-Is. C'était un
rassemblement légal; le gouvernement d'Istanbul l'avait approuvé. Au
cours du défilé, quelqu'un voulut marcher avec une bannière, mais la
police voulut l'en empêcher. La police commença à frapper les gens à
coups de matraque. De nombreuses personnes furent gravement blessés.
Plus tard, j'ai appris que 55 personnes avaient été arrêtées par la
police.
"Fatma et moi fûmes arrêtés par la police. J'avais
reçu un coup de matraque dans une jambe et j'avais une plaie ouverte
qui saignait. Premièrement, la police nous emmena à Gayrettepe, à la
section politique, afin de vérifier si nous avions des casiers. A
Gayrettepe je fus giflé et battu. La police s'aperçut de la plaie que
j'avais à la jambe droite, en dessous du genou, et me frappa à cet
endroit de manière délibérée. Ils disaient, 'Que faisaient des enfants
jeunes comme vous dans cette manifestation?' Au bureau des registres,
on nous força à nous agenouiller face au mur, et les policiers
marchaient d'un endroit à l'autre et nous donnaient des coups de pied
dans le dos.
"Ils nous emmenèrent alors au centre de police. Ma
jambe me faisait très mal et je voulais voir un docteur, mais je n'y
fus pas autorisé. Finalement, au troisième jour, on m'autorisa à voir
un docteur. Il demanda que soit faite une radiographie de ma jambe,
mais la police refusa.
"On nous emmena alors au Département de Médecine
Générale. Je n'ai jamais vu aucun rapport provenant de ce département.
On nous ramena ensuite au centre de police et nous fûmes relâchés. Nous
n'avons jamais vu le moindre procureur. Aucune charge ne fut retenue
contre nous, mais nous avons encore des casiers; la police peut donc
nous arrêter à tout moment.
"Après notre mise en liberté, j'ai été examiné par
un docteur qui me remit un rapport indiquant que je devrais manquer
l'école pendant 7 jours en raisons de mes blessures —la plaie ouverte
de ma jambe, il disait également qu'il y avait des traces de coups sur
ma poitrine, mon visage et mes jambes."
L'avocat des enfants, Kamil Tekin Sürek, déclara à
Helsinki Watch que juste après la libération des enfants, il avait
essayé d'intenter une action contre la police pour avoir abusé d'eux.
Malheureusement, ils ne purent préciser quels policiers les avaient
battus. L'avocat souligna cependant que le procureur devrait inculper
tous les policiers qui étaient en service à ce moment-là au poste de
police local de Gayrettepe. Le 24 octobre 1990, l'avocat reçut comme
réponse que les responsables du délit restaient introuvables, et que
l'affaire devait donc être classée par manque de preuves.
Nilay Küçük, née en 1974, fut arrêtée dans sa classe
le 20 avril 1990, alors qu'elle avait 16 ans, pour avoir distribué de
pamphlets politiques. Elle resta quatre jours au poste de police local,
un jour et une nuit à Gayrettepe, et deux mois à la Prison de
Sagmalcilar, après avoir été accusée d'appartenir à une organisation
illégale. Le 25 juillet 1990, elle était relâchée et en juillet 1991
elle était acquittée. Pendant sa détention, elle fut sévèrement giflée,
bousculée, poussée et menacée de torture. Après avoir découvert où elle
était, ses parents lui apportèrent sa poupée préférée qu'elle garda
avec elle en prison. Nilay fit part de son expérience à Helsinki Watch:
"La police m'emmena au poste; où je suis restée
pendant quatre jours. J'y fus battue et giflée. La police me demanda
qui m'avait donné les pamphlets. Je ne voulais pas le dire. L'un deux
retroussa ses manches et menaça de me battre. Il me dit que si je
parlais, je ne devrais pas aller à Gayrettepe. Comme je ne répondais
pas, il me gifla plusieurs fois très fort. Il me faisait vraiment mal.
J'étais sidérée.
"Il me demanda alors de devenir une informatrice
pour la police. J'étais supposée apporter des information sur mes amis.
Il me remit alors des livres sur l'Islam.
"Je fus placée dans une chambre avec mon ami.
C'était une chambre rectangulaire d'environ 1,5 mètres sur 2
complètement vide —pas de lits, pas de chaises, pas de fenêtre. La
porte avait des barreaux en métal à travers desquels nous pouvions voir
le couloir.
"A Gayrettepe, six d'entre nous fûmes mis ensemble
dans une pièce qui ressemblait à un garage. Nous sommes restés pendant
environ une demi-heure face à un mur. Un des garçons avait 13 ans. La
police lui demanda d'où provenait sa famille. 'Tunceli', répondit-il
[une région peuplée d'activistes kurdes]. Dès qu'il prononça ce nom, la
police commença à lui donner des coups de pied dans les jambes et des
coups de poing sur la tête. Il était juste à côté de moi.
"Ensuite, on nous banda les yeux et on nous fit
monter. En montant ils me bousculèrent et me poussèrent. Ensuite, nous
entrâmes dans une pièce et ils m'enlevèrent le bandeau. Nous avons dû
décrire les faits marquants de nos vies, copier des lettres , des
phrases et des nombres. Nous pouvions entendre les cris de gens qu'on
torturait. Ils nous menaçaient, 'On peut vous torturer aussi.' Ils
voulaient qu'on admette leurs accusations et qu'on leur dise qui nous
avait remis les tracts. Nous ne voulions pas le faire.
"Alors ils nous mirent dans des cellules. La mienne
était une pièce nauséabonde avec des taches de sang sur les murs et une
porte métallique avec une ouverture minuscule. Je ne pouvais rien voir.
Nous avions accès à une salle de bains le matin ou pendant la nuit mais
jamais à un autre moment. Nous leur donnions de l'argent pour qu'ils
nous achètent des biscuits et du lait. Si vous n'aviez pas d'argent,
vous ne mangiez pas. Ils nous disaient que nous resterions là longtemps
—15 jours. 'Tous ceux qui viennent ici, y restent,' disaient-ils.
" A Gayrettepe, je ne suis restée qu'un jour et une
nuit. Le lendemain je fus amenée devant la Cour de la Sûreté de l'Etat
et accusée d'appartenir à une organisation secrète et d'exercer des
activités politiques pour son compte. Quatre de mes amis eurent la même
inculpation. L'un d'entre eux a 13 ans, deux autres 16 ans et le
quatrième 18 ans. Ensuite, je fus transférée à la Prison de
Sagmalcilar, où je restai pendait deux mois avec des adultes dans la
section politique.
"J'ai reçu la visite de mes parents qui m'ont
apporté un peu d'argent et ma poupée favorite. Je l'ai gardée avec moi
au poste de police et à la Prison de Sagmalcilar après la première
audience. Il y a trois mois, je fus acquittée.
Rapports des avocats
Parmi les avocat qui se sont adressés à Helsinki
Watch en octobre 1991, nombreux sont ceux qui ont décrit des affaires
dans lesquelles les enfants qu'ils représentaient se plaignaient
d'avoir été torturés.
Aynur Tuncel soulignait que tous les enfants
inculpés de délits ordinaires sont battus. Certains de leurs clients
avaient subi la falaka, les garçons plus souvent que les filles. Les
filles sont souvent menacées d'abus sexuels, et les garçons, on les
menacent d'introduire une matraque dans leurs rectums.
Tülay Ates déclarait avoir représenté des enfants
ayant été soumis à des chocs électriques et au crochet palestinien
pendant leur interrogatoire.
Nuran Yavuz prétendait qu'un enfant représenté par
lui avait déclaré avoir été frappé à la tête avec une pièce en bois de
60 cm. Tous ces incidents ont eu lieu l'année dernière.
Tülay Ates parla d'une affaire récente dans laquelle
trois de ses clients, un de 16 ans, avaient été inculpés de vol. Ils
furent tous les trois emmenés à Gayrettepe où, selon les deux garçons
de 18 ans, ils ont été battus, ont subi des chocs électriques et le
crochet palestinien. Celui de 16 ans déclara avoir été battu mais n'eut
pas à subir les chocs électriques ou le crochet palestinien. Tous les
trois restèrent cinq jours en détention et un mois à la Prison de
Sagmalcilar avant d'être acquittés en février 1991.
Nuran Yavuz représentait un garçon de 12 ans arrêté
par la police le 19 juin 1991 et soupçonné d'avoir jeté des pierres sur
le toit d'un lavoir de voitures. Un gardien appela la police et
rapporta les faits. La police arriva dans la rue où l'enfant de 12 ans,
fils de concierge, se trouvait assis devant la porte de chez lui. La
police l'emmena au poste local et là, elle lui dit: "Tu connais ceux
qui ont jeté les pierres et tu dois nous dire qui ils sont." L'enfant
confia à Mme Yavuz que les policiers avaient pointé une arme sur son
cou et l'avaient menacé de tirer et qu'ensuite ils l'avaient mis sur
une fenêtre et l'avaient menacé de le jeter dans le vide. Mme Yavuz
habite près de là; elle entendit la mère de l'enfant pleurer et
demander ce qui s'était passé. Après avoir entendu l'histoire, elle
appela le poste de police et leur fit savoir qu'ils ne pouvaient garder
son enfant. La police le relâcha alors sans aucune charge.
L'avocat Kamil Tekin Sürek, qui a assuré la défense
de nombreux clients accusés de délits politiques à la Cour de la Sûreté
de l'Etat, fit savoir à Helsinki Watch qu'entre 80 et 90% de ses
clients, y compris des enfants, ont été torturés. Il a essayé
d'intenter des actions contre la police, mais il est très difficile d'y
parvenir, puisque les personnes torturées ont généralement les yeux
bandés et ne peuvent identifier les policiers responsables des tortures.
Ercan Kanar, qui est avocat et président de la
section d'Istanbul de l'Association des Droits de l'Homme (IHD),
communiqua à Helsinki Watch que depuis janvier 1991, l'IHD d'Istanbul
avait eu affaire à des cas où 75 enfants avaient subi des abus
physiques de la part de la police. Les trois quarts des affaires sont
politiques. Cependant, il pense que ce chiffre n'est pas représentatif
puisque généralement, les enfants accusés de délits criminels ne savent
pas qu'ils peuvent se plaindre d'avoir été torturés et ne sollicitent
pas l'aide de l'IHD.
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*Nermin Alkan est le vrai nom de cette jeune fille qui avait décidé de
rendre son affaire public. Les noms des huit autres enfants interviewés
par Helsinki Watch sont des pseudonymes; les détails pouvant servir à
les identifier ont également été modifiés afin de protéger l'identité
de ces enfants. Les noms des fonctionnaires mentionnés dans ces récits
sont réels.
DÉMOCRATISATION!
DES PARTIS SONT INTERDITS; ARRESTATIONS, TORTURES ET CHASSES À L'HOMME
SE POURSUIVENT
Fin janvier 1992... Le nouveau gouvernement Demirel,
qui avait promis de mettre un terme à toutes les pratiques
anti-démocratiques en Turquie, est au pouvoir depuis soixante jours.
C'est grâce à ces promesses que toutes les institutions et les groupes
démocratiques ont donné à ce gouvernement un crédit majeur, tant à
l'intérieur du pays qu'à l'étranger.
Bien que quelques pas timides aient été effectués en
deux mois, la constitution de la "démocratie" militariste, toutes les
instances répressives mises en place par les militaires continuent de
fonctionner comme avant, sans tenir compte des voeux de la population.
Au soixantième jour de l'existence de ce
gouvernement, la Cour Constitutionnelle a décidé l'interdiction du
Parti Communiste Unifié de Turquie (TBKP), alléguant que son nom
contient le mot "communiste" et que sa politique prônerait le
séparatisme. Cette cour suprême a également décidé de transférer tous
les avoirs du TBKP au Trésor de l'Etat.
Le procureur de la République serait également
occupé à préparer des dossiers pour obtenir l'interdiction de deux
autres partis légaux de gauche : le Parti Socialiste (SP) et le
Parti Travailliste du Peuple (HEP). Plusieurs leaders de ces deux
partis sont déjà inculpés par la Cour de Sûreté de l'Etat et ils
risquent des peines de prison ou même la peine capitale.
Des chasses à l'homme sont toujours en cours non
seulement au Kurdistan turc, mais à travers toute la Turquie.
Arrestations, tortures, condamnations, elles n'ont pas encore cessées.
Des journaux et livres sont toujours confisqués et des intellectuels
traduits devant la cour de sûreté de l'Etat.
Pour suivre le développement de ces événements il
suffit de se reporter aux notes chronologiques de janvier 1992, en page
6 .
Tandis que la terreur d'Etat se renforce contre les
partis de gauche et le mouvement kurde, les partis d'extrême droite et
fondamentalistes se préparent, avec tout le soutien de l'Etat, à
conquérir les républiques turco-musulmanes de l'ancienne Union
Soviétique.
Le colonel Alparslan Türkes, leader du mouvement
néo-fasciste "Loups gris" affirme qu'il est grand temps de réaliser le
vieux rêve du mouvement d'extrême-droite: unifier tous les Turcs du
monde, des Balkans à l'Extrême-Orient, sous la bannière de l'empire
Turc:le Touran.
Fin janvier, Ankara est en train de se soumettre à
la folie d'une "Reconquête" au détriment de la démocratisation.
TERRORISME D'ETAT EN JANVIER
Le 2.1, à Istanbul, la police ouvrait le feu sur un
groupe de personnes qui manifestaient en faveur des soins médicaux
gratuits. Ils blessaient Ismet Sinag, qu'ils arrêtaient par la suite en
compagnie de 14 autres manifestants.
Le 3.1, à Istanbul, au cours de deux manifestations
de protestation contre l'insuffisance des hausses salariales, la police
arrêta un total de 40 fonctionnaires.
Le 4.1, à Istanbul, la police arrêta 15 personnes et
blessa un médecin au cours d'une manifestation de fonctionnaires.
Le 4.1, dans le district de Kurtalan, province de
Siirt, cinq personnes furent placées en détention par un tribunal pour
séparatisme.
Le 5.1, trois militants supposés d'une organisation
illégale furent mis en détention par la Cour de la Sûreté de l'Etat
d'Istanbul.
Le 5.1, la police arrêta 10 personnes au cours d'une
manifestation contre la torture dans le Parc de la Liberté à Istanbul.
Le 6.1, selon Yeni Ülke, un membre de l'Association
des Droits de l'Homme (IHD), Riza Tan, qui avait été arrêté le 16
décembre 1991, à Bitlis, fut torturée pendant son interrogatoire et
après elle fut blessée à une jambe.
Le 6.1, la CSE de Diyarbakir mit en détention 17 des
67 personnes arrêtées au cours des incidents du 23 et du 24 décembre
1991 dans le district de Kulp. La même cour ordonna la détention de 8
des 100 étudiants qui avaient été arrêtés pour avoir boycotté les cours
de l'Université de Dicle en décembre.
Le 6.1, deux étudiants d'une école supérieure furent
mis en détention par la CSE de Konya pour avoir écrit des slogans
"séparatistes" sur les murs.
Le 6.1, la police dispersa à coups de feu une
manifestation de protestation contre la démolition des bidonvilles des
quartiers populaires d'Istanbul et arrêta 15 personnes.
Le 8.1, le quotidien Zaman rapportait que 12
sous-officiers avaient été arrêtés dans différentes unités militaires
pour avoir fait de la propagande contraire au système séculaire de
l'Etat.
Le 8.1, à Istanbul, six personnes, deux d'entre
elles handicapées et immobilisées sur des chaises roulantes, furent
arrêtée au cours d'une manifestation de protestation contre la Loi
Anti-Terreur, devant le Palais de Justice.
Le 8.1, à Istanbul, un représentant du Parti
Travailliste du Peuple (HEP), Cabbar Gezici, fut arrêté par la police.
Le 8.1, à Urfa, un étudiant d'une école supérieure,
Salih Tatli, fut abattu dans la place du marché par des personnes
inconnues. Ses parents accusent l'Organisation Contre-Guérilla d'avoir
assassiné Tatli.
Le 9.1, à Istanbul, la police tira et blessa aux
jambes un jeune sourd de 17 ans, Ahmet Cinar, qui n'entendit pas
l'ordre de s'arrêter.
Le 9.1, à Istanbul, une manifestation des
travailleurs du secteur des transports fut dispersée par la police et
38 personnes furent arrêtées.
Le 9.1, dans le district de Dargecit, province de
Mardin, un Kurde de 32 ans, Hüseyin Gezici fut gravement blessé par des
personnes inconnues. Mettant en cause l'Organisation de la
Contre-Guérilla, les commerçants décidèrent de fermer leurs magasins en
signe de protestation contre cette agression.
Le 10.1, le quotidien Cumhuriyet rapportait que la
Cour de Sûreté de l'Etat de Diyarbakir avait traité 2.813 affaires en
1991. Elle traita 796 en 1987, 1.278 en 1988, 1.538 en 1989 et 2.010 en
1990.
Le 12.1, à Diyarbakir, un étudiant de 20 ans de
l'Université de Dicle, Abdülmecit Cetin, fut abattu par des personnes
inconnues. A ses funérailles, à Nusaybin assistèrent 7.000 personnes
qui scandaient des slogans contre l'Organisation Contre-Guérilla. La
police utilisa des armes à feu pour disperser les manifestants, blessa
quatre personnes et en arrêta 167 autres au cours des incidents. Les
commerçants des districts de Nusaybin, Derik, Midyat et Silvan
fermèrent leurs magasins en signe de protestation pour l'assassinat de
Cetin. En outre, les étudiants des écoles supérieures boycottèrent les
cours.
Le 12.1, dans le village de Kelbasan, district de
Sason, un paysan kurde, Mehmet Onar, fut enlevé par des personnes
inconnues.
Le 12.1, dans le district de Karakocan, province
d'Elazig, les forces de sécurité arrêtèrent sept personnes pour avoir
aidé le PKK.
Le 13.1, le Hürriyet rapportait qu'on était sans
nouvelles du président du HEP de Siirt, Mehmet Demir, depuis le 10
janvier et que ses parents prétendaient qu'il se pourrait qu'il soit
kidnappé par la police. Le même jour, Adil Bayik était assassiné dans
le district de Nusaybin par des personnes inconnues.
Le 13.1, un étudiant de 16 ans d'une école
supérieure, Ugras Ak, déclara après sa mise en liberté qu'il avait été
arrêté le 3 janvier et avait été torturé pendant 10 jours.
Le 13.1, Milliyet rapportait que la CSE d'Istanbul
avait traité 1.577 affaires l'année dernière et 272 avaient donné lieu
à différentes peines de prison.
Le 14.1, au cours des quatre derniers jours, la
police avait arrêté 15 personnes pour avoir participé aux actions du
TIKKO (Armée de Libération des Travailleurs-Paysans de Turquie).
Le 14.1, à Ankara, les forces de sécurité arrêtèrent
78 étudiants qui protestaient contre l'augmentation des tarifs des bus
dans l'Université d'Hacettepe.
Le 15.1, la section d'Antalya du Syndicat des
Travailleurs des Services Sanitaires (Tüm-Saglik-Sen) fut fermée par le
gouverneur sous prétexte que les fonctionnaires n'ont pas droit à la
syndicalisation.
Le 16.1, à Istanbul, la police abattait un étudiant
universitaire de 23 ans, Engin Egeli, au cours d'une manifestation de
20 personnes contre la hausse des prix. Cet assassinat souleva les
protestations. Le lendemain, une marche de protestation organisée par
des étudiants était dispersée par la police et 28 manifestants furent
arrêtés. Au cours de l'incident, la police harcela également les
journalistes. En outre, un étudiant de 20 ans, Özgür Durmaz, fut blessé
par la police alors qu'il écrivait sur les murs des slogans de
protestation contre l'assassinat d'Egeli.
Le 18.1, à Nusaybin, le dirigeant du HEP,
Abdurrahman Sögüt, fut abattu par des personnes inconnues. Plus de
3.000 personnes assistèrent aux funérailles de Sögüt.
Le 19.1, le président du Parti Socialiste (SP), Dogu
Perincek, fut inculpé par le procureur de la CSE d'Ankara, mettant en
cause ses discours électoraux et ses déclarations. Accusé de faire de
la propagande séparatiste, il risque une peine de prison allant de 18 à
40 ans.
Le 19.1, un meeting de revendication des droits aux
négociations collectives et à la grève organisé à Izmir par différents
syndicats de fonctionnaires, fut interdit par le gouverneur sous
prétexte que les fonctionnaires publics n'ont pas de droits syndicaux.
Le 19.1, Yeni Ülke rapportait qu'au cours des
15 derniers jours, le forces de sécurité avaient arrêté 25 personnes
dans le district de Kozluk, province de Batman, deux à Hazro, trois à
Urfa et trois à Adiyaman.
Le 20.1, les forces de sécurité arrêtaient 13
personnes dans le provinces d'Hatay et Gaziantep pour avoir donné
refuge à des militants du PKK. Dans les districts de Bulanik et
Malazgirt, province de Mus, quelque 100 personnes furent arrêtées pour
avoir pris part à une manifestation contre les opération de la
Contre-Guérilla.
Le 20.1, un membre du HEP, Arbi Arman, de 31 ans,
fut trouvé mort avec les yeux bandés près du Barrage de Devegeciti à
Diyarbakir. Il avait été arrêté huit jours auparavant par des policiers
en civil sous prétexte qu'il était convoqué pour un procès à la CSE de
Diyarbakir. Ses funérailles furent célébrées au village de Karadag en
présence d'une grande foule. En signe de protestation, les commerçants
du district de Malazgirt fermèrent leurs magasins.
Le 21.1, sept prisonniers politiques commençaient
une grève de la faim pour protester contre les conditions dans les
pénitentiaires.
Le 21.1, le gouverneur d'Izmir interdit une soirée
d'amitié et solidarité, organisée par le Tüm-Saglik-Sen pour son
septième anniversaire.
Le 22.1, à Istanbul, un groupe d'étudiants d'une
école supérieure de 15 à 17 ans furent dispersés de force par la police
alors qu'ils manifestaient devant le Conseil de l'Education Nationale
pour qu'on cesse de frapper les élèves dans les écoles. Par la suite,
quinze de ces jeunes furent arrêtés.
Le 22.1, les forces de sécurités auraient arrêté 36
personnes à Diyarbakir et 13 à Mardin pour avoir soutenu le PKK.
Le 23.1, à Ankara, la police arrêta sept membres
présumés du Dev-Sol.
Le 23.1, dans le district de Silopi, province de
Sirnak, les forces de sécurité ouvrirent le feu sur des villageois qui
tentaient d'empêcher un raid contre le hameau de Serebiye. De nombreux
villageois furent blessés et le neveu du maire de Silopi, Hüseyin
Tayfun, fut abattu. Le lendemain, plus de 20.000 personnes assistèrent
aux funérailles de Tayfun à Silopi. Par ailleurs, les commerçants de
Sirnak, Idil et Silopi fermèrent leurs magasins pour protester contre
cet assassinat.
Le 24.1, les forces de sécurité arrêtèrent 13
personnes à Gaziantep et 16 à Ankara au cours d'une série d'opérations.
Le 24.1, à Ankara, une manifestation estudiantine
contre le Conseil de l'Education Supérieure (YÖK) fut dispersée de
force par la police et environ 96 étudiants furent arrêtés. Au cours de
l'incident, la police harcela également les journalistes. Par la suite,
les étudiants arrêtés furent amenés devant la Cour de la Sûreté de
l'Etat.
Le 25.1, à Nusaybin, le réparateur Seyfettin Aktas
fut abattu par des inconnus. Le nombre de personnes tuées de cette
manière s'élève donc à quatre en l'espace d'un mois.
Le 26.1, deux sections du syndicat des enseignants
Egit-Sen, situées à Sivas et Bismil, furent fermées par les gouverneurs
sous prétexte que les enseignants n'ont pas droit à la syndicalisation.
Le 26.1, la CSE d'Izmir plaça quatre étudiants d'une
école supérieure en état d'arrestation pour avoir participé à une
manifestation non-autorisée. A Ankara, six étudiants furent arrêtés
pour la même raison.
Le 26.1, la CSE de Diyarbakir mit en état
d'arrestation 20 personnes qui, pendant un mois, étaient restées en
détention policière.
Le 27.1, Yeni Ülke rapportait que le chef du village
de Sayar, dans la province de Mardin, Hasan Ergin, et son fils de 17
ans furent torturés pendant leur détention à l'Unité de Commando de
Nusaybin.
Le 27.1, au cours d'opérations de sûreté, onze
personnes auraient été arrêtées en janvier pour avoir aidé le PKK.
Le 27.1, à Istanbul, la police abattit trois jeunes
au cours d'un raid mené contre une maison prétendument occupée par le
TKP-K (Parti communiste de Turquie- Etincelle). Une des victimes,
Servet Sahin, de 19 ans, était champion de karaté et avait représenté
la Turquie à trois reprises dans des compétitions internationales.
Le 28.1, huit personnes furent arrêtées pour avoir
écrit des slogans politiques sur les murs, dans la ville de Tarsus.
Le 29.1, à Izmir, la police arrêta sept militants
présumés du Dev-Sol et les emmena à la Cour de la Sûreté de l'Etat.
LE PROCES DE LA JOURNALISTE TEZTEL
Le 17 janvier 1992, commençait à la CSE d'Ankara le
procès de la journaliste Deniz Teztel et des avocats Bedii Yarayici,
Murat Demir et Fethiye Peksen.
Ils sont accusés, ainsi que 25 autres personnes,
d'avoir pris part aux actions de la Gauche Révolutionnaire (Dev-Sol).
Le procureur demande des peines de prison de 15 ans pour la
journaliste, les trois avocats et 20 autres défendeurs en vertu de
l'Article 168/1 du Code Pénal et la peine capitale pour les quatre
autres en vertu de l'Article 146/1. A la fin du premier procès, la cour
décida de relâcher Teztel, Demir, Yarayici et trois autres défendeurs.
De nombreux groupes de défense des droits de l'homme
nationaux et internationaux dénoncèrent les poursuite contre Teztel.
Le Secrétaire Général de la Fédération
Internationale des Journalistes (FIJ), Aidan White, envoya le message
suivant au Premier Ministre turc, Demirel:
"Respectueusement, la FIJ demande à votre
gouvernement de considérer le cas de la journaliste du Günes, Deniz
Teztel, arrêtée le 14 juin 1991. Elle passa 14 jours dans une prison
où, selon elle, des 'tortures mentales' lui furent infligées. On lui
aurait offert la liberté si en échange elle modifiait ses activités
journalistiques.
"Officiellement, elle est accusée de servir de
messagère pour l'organisation terroriste Dev-Sol. La FIJ pressent que
les délits imputés à Teztel, journaliste et surtout correspondante des
droits de l'homme, sont justifiés par les contacts qu'elle eut avec les
prisonniers. Ces contacts sont inhérents à son activité professionnelle.
"Il semble que ses droits civils n'aient pas été
respectés. Personne parmi ses trois avocats ou ses collègues n'ont vu
la moindre mise en accusation écrite officielle contre elle lorsqu'elle
fut transférée à la prison de Cankiri le 28 juin dernier.
"Début novembre 1991, après avoir été détenue
pendant plusieurs mois, Teztel fut transférée, avec beaucoup d'autres
prisonniers, à la prison spéciale d'Eskisehir. A leur arrivée en
prison, de nombreux prisonniers, parmi eux Teztel, avaient les
vêtements déchirés et furent accueillis brutalement.
"Nous pensons que comme Teztel a écrit des articles
sur le violations des droits de l'homme perpétrées par le personnel
civil et militaire du gouvernement, il est à craindre que ceux mis en
cause peuvent chercher à se venger.
"La FIJ, qui comprend 67 organisations nationales de
journalistes dans 54 pays de par le monde, y compris les journalistes
regroupés sous le Syndicat des Journalistes de Turquie, proteste
énergiquement contre ces violation des droits civils et professionnels
de Teztel. Un tel harcèlement, et ce qui semble être de l'intimidation,
constitue un affront pour les journalistes turcs et la communauté
internationale des journalistes.
"La FIJ, suivra cette affaire avec grande attention
et continuera à informer de tout nouveau développement les
organisations non-gouvernementales, gouvernementales et
supranationales."
D'autre part, la FIJ appelle aux syndicats membres à
s'élever contre la tendance anti-syndicaliste qui se développe dans la
presse turque sous la forme d'une bruyante campagne publique contre les
journalistes organisés menée par le quotidien Milliyet, un des premiers
journaux nationaux de Turquie.
D'AUTRES PERSECUTION CONTRE LES MEDIAS EN JANVIER
Le 7.1, l'édition de janvier du mensuel Demokrat fut
confisqué par la CSE d'Istanbul en raison d'un article du Dr Besikci
intitulé Les Kurdes devaient constituer leur assemblée nationale.
Le 7.1, le livre d'Edit Polat , intitulé Nous avons
transformé les aubes en Newroz fut confisqué par la CSE d'Ankara
en vertu de la Loi Anti-Terreur pour propagande séparatiste. En outre,
l'éditeur du livre, Hikmet Kocak, fut interrogé par le procureur public.
Le 14.1, Le Cumhuriyet rapportait qu'au cours de
l'année dernière, 14 journaux et 4 magazines hebdomadaires avaient fait
l'objet de 338 actions en justice. En tout, les procureurs ont demandé
des peines de prison de 961 ans au total et des amendes pour une valeur
de 2 milliards 150 millions de lires turques.
Le 14.1, la 4ème édition du mensuel Newroz fut
confisquée par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste en vertu
de la Loi Anti-Terreur. Les trois éditions précédentes de cette revue
avaient également été confisquées pour le même motif.
Le 18.1, le rédacteur en chef du mensuel Newroz,
Remzi Bilget, fut arrêté par une cour pénale d'Istanbul pour avoir fait
de la propagande séparatiste au cours d'un message qu'il avait préparé
pour une soirée de solidarité envers la revue mensuelle Deng.
Le 20.1, deux correspondants de l'hebdomadaire Yeni
Ülke, Ali Cihat Ünlü et Rifki Turan, furent arrêtées à Mus pour avoir
été mêlés à la manifestation de protestation contre la terreur semée
par la Contre-Guérilla.
Le 21.1, 3.000 fondamentalistes firent un raid et
jetèrent des pierres contre le bureau du quotidien Hürriyet à Erzurum.
La police tarda à intervenir et arrêta 50 des agresseurs. Une
publication du groupe Hürriyet, l'hebdomadaire Tempo avait publié une
illustration du Prophète Mohamed. Selon les fondamentalistes, le Livre
Saint (Coran) interdit toute illustration du Prophète.
Le 22.1, commençait à la CSE d'Istanbul, le procès
contre le journaliste Rafet Balli, de l'ex-ministre Serafettin Elci et
de l'éditeur Mehmet Ali Ugur pour le livre intitulé Le Dossier Kurde.
L'année dernière, cette même cour avait ordonné la confiscation du
livre, qui comprenait une série d'interviews faites par Rafet Balli à
des intellectuels kurdes, pour propagande séparatiste. Elci est une des
personnes interviewées. En vertu de l'Article 8 de la Loi Anti-Terreur,
le procureur demande une peine de prison de 5 ans et une amende de 100
millions de LT pour chaque défendeur.
Le 28.1, l'édition du 26 janvier de l'hebdomadaire
Yeni Ülke fut confisquée par la CSE d'Istanbul. Le procureur prétend
qu'une annonce nécrologique du journal contient de la propagande
séparatiste.