13e ASSASSINAT
Les diaboliques manipulations
destinées à réhabiliter l'Armée et le Kémalisme
sont en train de plonger la Turquie dans une dangereuse polarisation
Le journaliste et auteur turc Ugur Mumcu était
assassiné le 24 janvier 1993, lorsqu'une bombe placée dans sa voiture
faisait explosion devant sa maison à Ankara. Contrairement au silence
observé lors des 12 précédents assassinats de journalistes qui se sont
produits l'année dernière, ce meurtre a donné lieu à des actes de
protestation partout dans le pays exigeant au gouvernement qu'il trouve
et punisse les assassins. Cependant, tirant parti de cette réaction
d'une manière diabolique pour réhabiliter le prestige de l'Armée et du
Kémalisme, les militaires et les services secrets qui sont à leur
service sont en train de plonger la Turquie dans une dangereuse
polarisation.
Mumcu, un journaliste du quotidien Cumhuriyet était
connu aussi bien en Turquie qu'à l'étranger pour ses reportages
d'investigation. Il était devenu internationalement célèbre pour son
enquête sur la tentative d'assassinat du Pape Jean-Paul II par le turc
d'extrême-droite Mehmet Ali Agca en 1981. D'autre part, il dénonçait
ouvertement le fondamentalisme islamique.
Mumcu constitue le troisième journaliste important
qui est assassiné en Turquie depuis 1979.
Abdi Ipekci, rédacteur en chef du quotidien Milliyet
était assassiné en 1979 par Mehmet Ali Agca, qui plus tard deviendrait
mondialement connu pour son attentat contre la Pape Jean-Paul II.
Le rédacteur en chef de Hürriyet, Cetin Emec, était
abattu en octobre de 1990 alors qu'il entrait dans sa voiture devant
son domicile. Les assassins n'ont toujours pas été identifiés.
Outre ces trois rédacteurs, 12 autres journalistes
travaillant pour des journaux de gauche ont été assassinés au cours des
dernières années, et aucun des assassins n'a été identifié.
Après l'assassinat de Mumcu, le Premier Ministre
Demirel déclarait qu'il n'y avait que trois meurtres non élucidés dans
les archives de la police. En réponse à ces déclarations, La Fondation
des Droits de l'Homme de Turquie (TIHV) répliquait qu'Ankara avait
devant elle un total de 360 cas de meurtres non résolus, 90% d'entre
eux commis dans la région du Sud-est. Sans compter le cas de Mumcu,
depuis que la coalition dirigée par Demirel a accédé au pouvoir, il y a
un an, 12 journalistes ont été tués. Tous écrivaient des articles ou
des reportages sur l'oppression des Kurdes.
Cette fois-ci, confrontés à une forte réaction
populaire, le Ministre de l'Intérieur Ismet Sezgin et d'autres hauts
fonctionnaires gouvernementaux ont fait la promesse de capturer les
coupables, précisant qu'il s'agissait d'une question d'honneur pour le
gouvernement. Cependant, dans les jours qui suivirent, l'exécutif
faillit une nouvelle fois à sa tâche en ne satisfaisant pas les
attentes du public.
De plus, les questions suivantes sont restées sans
réponse:
• Pourquoi est-ce que le Ministère de l'Intérieur
n'a pas concédé une protection à distance à Mumcu, sachant le nombre de
menaces qu'il avait reçues?
• A-t-on pris des mesures contre les policiers qui
montaient la garde 24 heures sur 24 de l'autre côté de la maison de
Mumcu, à 20 mètres seulement de l'endroit où était garée sa voiture?
• Comment pouvaient-ils ne pas avoir vu les
terroristes placer les explosifs?
Aucune explication n'est fournie!
Si l'on considère ces faits, on peut facilement en
conclure que, indépendamment de l'identité de l'assassin, le meurtre
était bien couvert par d'obscures forces au sein de l'appareil de
l'Etat. Ces forces pourraient bien être l'Organisation Nationale de
Renseignement (MIT) ou l'Organisation Contre-Guérilla.
Le fait que les assassins des 12 autres journalistes
soient toujours en liberté renforce l'hypothèse d'opérations instiguées
et couvertes par des organisations subversives de l'Etat.
Après le meurtre de Mumcu, au lieu de nommer une
personnalité digne de confiance pour mener l'enquête sur l'assassinat
de Mumcu, le gouvernement fit appel au célèbre procureur de la Cour de
la Sûreté de l'Etat (CSE) d'Ankara, Nusret Demiral, connu pour être
l'instrument de l'Organisation Contre-Guérilla. Dans ses articles,
Mumcu réitéra sa méfiance envers Demiral. Pour cette raison, sa femme
précisa qu'elle ne donnerait pas à Demiral les disquettes informatiques
sur lesquelles le journaliste avait enregistré ses découvertes sur la
terreur en Turquie.
La récente augmentation des assassinats politiques
rappelle aux citoyens les coups-d'Etat militaires qui se sont produits
dans le passé, succédant presque toujours à des périodes d'assassinats.
L'on est en droit de se demander: existe-t-il une raison pour un
coup-d'Etat en Turquie puisque c'est en fait l'Armée qui domine le pays
et peut imposer sa volonté au travers du Conseil de Sécurité Nationale?
Bien que l'Armée se trouve toujours dans une
position imposante vis-à-vis du gouvernement, l'opposition populaire
n'a cessé de s'accentuer après que le gouvernement ait failli à ses
promesses. De cette opposition pourraient découler des changements
tellement radicaux au niveau parlementaire que l'Armée ne peut plus
occuper la position de pouvoir suprême.
La croissante opposition de la population à la
politique pro-américaine suivie par le gouvernement dérange également
les Etats-Unis. L'opinion publique turque réagit contre l'attaque menée
sur l'Irak depuis la Base d'Incirlik, alors que les puissances
occidentales demeurent passives devant le drame vécu par la
Bosnie-Herzégovine. Mumcu était un des porte-paroles de cette réaction.
Bien que dans les derniers temps il était en bons
termes avec les militaires et les services de renseignement de l'Etat,
desquels il recevait de l'information confidentielle sur le mouvement
kurde pour le livre qu'il préparait, il se montrait critique à l'égard
de la politique pro-Américaine du gouvernement. Il s'opposait à la
présence de la force "Provide Comfort" à Incirlik et critiquait les
récentes opérations aériennes de cette force contre l'Irak.
Craignant de perdre le soutien de la Turquie dans la
région, Washington pourrait avoir provoqué certains assassinats
spectaculaires pour justifier une intervention militaire et garantir la
sécurité des intérêts américains en Turquie par un régime plus
autoritaire. Il est de notoriété publique que l'Organisation de
Renseignement Nationale et la Contre-Guérilla ont toujours servi les
intérêts des Etats-Unis et collaboré avec les services secrets
américains.
Pour empêcher que ce genre de commentaires
n'acquièrent davantage de crédibilité, les services de sécurité ont
laissé entendre que le PKK ou une organisation fondamentaliste soutenue
par l'Iran pouvait être responsable de cet assassinat.
Bien que Mumcu, écrivain kémaliste et défenseur d'un
"Etat unitaire", avait maintenu récemment une polémique avec certains
dirigeants kurdes et accusait les leaders du PKK de suivre une
politique séparatiste et de collaborer avec le monde du crime, même les
cercles anti-kurdes les plus radicaux n'ont trouvé assez d'éléments
pour démontrer l'existence d'un lien de ce meurtre avec le PKK.
Sur ce, les forces de sécurité et les médias
pro-gouvernementaux ont lancé une campagne savamment orchestrée contre
l'Iran, accusant Téhéran d'envoyer des terroristes en Turquie pour
déstabiliser l'Etat kémaliste. C'est dans cette atmosphère que quelque
200.000 personnes suivant le cortège des funérailles de Mumcu le 27
janvier à Ankara, chantèrent des slogans du genre "la Turquie ne
deviendra pas un second Iran", "Non à la Shariah", "La Turquie est un
pays séculaire et le restera" et "Que les Mullahs retournent en Iran."
La présence du Chef d'Etat-Major Dogan Güres et
d'autres commandants de l'armée aux funérailles avaient but purement
médiatique et de nombreux journaux ont attribué à l'armée, qui perdit
toute sa crédibilité auprès de l'opinion publique après le coup-d'Etat
de 1980, la mission de "protecteur suprême de la stabilité".
Juste avant les funérailles, le général Güres rendit
une visite au Juge Suprême de la Cour Constitutionnelle, Yekta Güngör
Özden, et fit la déclaration suivante: "Ceci n'est pas seulement une
visite de courtoisie car cette institution [la Cour Constitutionelle] a
subi différentes attaques. En Turquie, les intellectuels, les jeunes et
les militaires sont tous forts, et soutiennent le principe séculaire."
S'adressant à Özden, Güres ajouta: "L'Armée est derrière toi".
Özden, en tant qu'ultra-kémaliste et ardent partisan
du coup-d'Etat de 1980, a toujours été au service des militaires et
obéi aux directives du Conseil de Sécurité Nationale pour ce qui est
des mouvements des socialistes et des Kurdes.
Juste après les funérailles, l'arrestation de 19
suspects en relation avec un attentat frustré contre la vie de l'homme
d'affaires turco-juif, Jak Kamhi, le 28 janvier, ne fit qu'amplifier la
campagne contre l'Iran comme si Téhéran était le seul responsable de la
montée du fondamentalisme islamique en Turquie. Si aujourd'hui, le
caractère séculaire de la Turquie se trouve menacé par le
fondamentalisme islamique, ce processus n'a pas été introduit
maintenant par l'Iran, mais par l'Arabie Saoudite il y à 35 ans sous
l'instigation des Etats-Unis.
C'est l'Arabie Saoudite qui contrôle vraiment les
institutions religieuses et une part importante des secteurs
économiques et financiers de la Turquie. Il se peut que l'Iran ait
introduit récemment quelques éléments subversifs en Turquie, mais c'est
l'Arabie Saoudite, avec le concours des Etats-Unis, la complicité des
gouvernements soi-disant "séculaires" et l'Armée, qui a préparé le
terrain au fondamentalisme islamique dans ce pays. (Voir Extreme Right
in Turkey, Info-Türk, 1988).
Sans citer une seule fois le nom de l'Arabie
Saoudite et de ses puissants collaborateurs en Turquie, tous les
scénarios possibles sur "la connexion iranienne" ont été développés
pour la défense du Kémalisme et de la Sécularisation.
A la fin du mois de janvier de cette année, la
Turquie sombra rapidement dans une polarisation entre la majorité
musulmane et les couches séculaires urbaines d'une part, et entre les
sections kurde et turque de la population, d'autre part.
Exploitant la réputation kémaliste et unitariste de
Mumcu, l'Armée et les écrivains ultra-kémalistes, dans les médias,
provoquaient systématiquement cette polarisation.
Ce sont ces polarisations qui, comme on l'a vu par
le passé, peuvent facilement justifier une intervention de l'Armée sous
prétexte de défendre les principes kémalistes et les intérêts nationaux
de la Turquie et garantir la stabilité dans le Moyen-Orient.
LES ASSYRIENS DE TURQUIE MENACES
Un minibus qui transportait un groupe d'Assyriens de
Midyat au village de Cayirli, le 13 janvier denier, fut attaqué par des
protecteurs de village et par un commando du Hezbollah. Les assaillants
tuèrent cinq Assyriens: Aziz Kalayci, Yusuf Özbakir, Aydin Aydin, Isa
Koc et Gevriye Durmaz et blessèrent plusieurs autres.
Bien que les services de sécurité aient attribué ce
meurtre au PKK, le Centre Culturel de la Mésopotamie à Bruxelles accusa
les militaires turcs et les groupes paramilitaires, et lança un appel
aux organisations internationales, en particulier le Parlement Européen
et le Conseil de l'Europe, pour qu'ils garantissent la sécurité de la
population assyrienne à Tur Abdin (dans le sud-est de la Turquie).
(Pour de plus amples informations, s'adresser au
Centre Culturel de Mésopotamie - Rue des Eburons 12 - 1040 Bruxelles,
Tél: 32-2-230 71 89).
GREVE DE LA FAIM DES DEPUTES KURDES
Pour faire face aux pressions que subissent les
députés kurdes de l'Assemblée Nationale Kurde, le mouvement national
kurde a lancé une campagne pour constituer une Assemblée Nationale
Kurde.
La première partie de l'élection eut lieu en Europe
en novembre et décembre 1992. 87.720 immigrants et réfugiés kurdes
élurent leurs représentants à l'Assemblée Nationale Kurde. Dans les
quatre parties du Kurdistan, divisées entre la Turquie, l'Irak, la
Syrie et l'Iran, ainsi que dans les républiques de l'ancienne Union
Soviétique, les Kurdes continuent de voter pour élire leurs députés.
La première action publique des 15 députés kurdes
élus en Europe fut le commencement, le 24 janvier dernier, d'une grève
de la faim, en compagnie de 700 Kurdes, à Bruxelles.
Lors d'une conférence de presse, le 26 janvier dans
la Salle de Saint-Géry, 15 députés kurdes ont expliqué l'objectif de
leur action de la manière suivante:
"Au Kurdistan, les mesures inhumaines adoptées par
l'Etat turc au début de l'année 1992 ont atteint des niveaux sans
précédents.
"Des villes sont bombardées, des villages sont
brûlés et détruits, des personnes sont assassinées dans les rues et la
population civile est obligée d'émigrer. Ils veulent dépeupler notre
pays.
"Presque quotidiennement, des fonctionnaires
publics, des travailleurs, des écrivains, des activistes politiques et
des citoyens à tous les échelons de la vie sociale sont tués par les
forces paramilitaires, ce que l'Etat qualifie "d'assassinats par des
personnes inconnues." En Turquie, tout le monde sait que ces forces
bénéficient du soutien et de la protection de l'Etat.
"Ce n'est pas un hasard si les mesures les plus
sanglantes de l'Etat turc dans le Kurdistan depuis 50 ans, ont été
adoptées sous le gouvernement de la coalition DYP-SHP. Les masques
libéral et socio-démocrate respectifs que portent ces partis ne servent
qu'à tromper les gouvernements occidentaux et l'opinion publique.
"Nous sommes très préoccupés par le profit que
pourrait tirer la Turquie du silence de l'opinion publique occidentale
et de la passivité générale devant massacres perpétrés dans notre pays
pour commettre un génocide kurde au cas où elle n'arriverait pas à
dépeupler le Kurdistan. Les mesures adoptées jusqu'à présent par la
coalition gouvernementale ne font qu'accentuer nos craintes.
"Nous, les 15 membres du Parlement National du
Kurdistan, élu en Europe, avons lancé une grève de la faim indéfinie le
24 janvier dernier pour protester contre les politiques suivies par
l'Etat turc, pour faire connaître au monde la situation tragique que
vit notre peuple et pour que l'opinion publique occidentale prenne
conscience du génocide qui se prépare et ainsi pouvoir l'éviter.
"Nos pétitions:
"Nous demandons aux gouvernements, organisations des
droits de l'homme, syndicats, partis politiques, moyens de
communication internationaux et à l'opinion publique:
"- De condamner les tortures et massacres de l'Etat
turc sur la population civile et les personnes sans défense, ainsi que
l'assassinat par la contre-guérilla de journalistes et personnes
démocratiques et patriotiques.
"- De faire pression sur l'Etat turc pour trouver
une solution démocratique au désir de liberté du peuple du Kurdistan.
"- De demander la fin de l'aide militaire à l'Etat
turc.
"- De mettre fin à la sale guerre que mène la
Turquie contre notre population.
"- De solliciter du Parlement Européen et des
Parlements nationaux qu'ils envoient des délégations au Kurdistan pour
enquêter sur place."
TERRORISME D'ETAT EN JANVIER
Le 5.1, l'avocat Hasan Güler affirmait une fois en
liberté avoir subi des tortures pendant les 6 jours de détention
policière qu'il subit.
Le 6.1, le Procureur Principal ouvrait un procès à
la Cour Constitutionnelle contre le Parti des Verts (YP) pour avoir
omis de soumettre la comptabilité de 1988 au contrôle de l'Etat.
Le 4.1, à Ankara, 30 personnes étaient arrêtées au
cours d'une série d'opérations policières.
Le 4.1, à Istanbul, l'Association Culturelle de
Recherche et de Solidarité de Baykoz était fermée parce qu'elle
possédait plusieurs publications interdites.
Le 6.1, à Elazig, l'Association pour la Solidarité
et la Culture (EHADKAD) était fermée par le gouverneur.
Le 7.1, à Hazro, sept personnes étaient arrêtées au
cours d'une série d'opérations policières menées dans différents
villages.
Le 9.1, le vice-président du IHD Yavuz Binbay était
arrêté à l'aéroport d'Istanbul alors qu'il quittait la Turquie pour
participer à une conférence internationale au Danemark.
Le 9.1, le Ministre de l'Intérieur, Ismet Sezgin,
révélait que 1.300.000 personnes considérées "suspectes" avaient été
fouillées par les services de sécurité et ne peuvent plus voyager à
l'étranger. Parmi elles, 300.000 personnes ont été fichées pour des
raisons politiques. D'après Sezgin, si un "suspect" politique n'a
commis aucun délit politique pendant les cinq dernières années, leur
"carte de suspect" sera détruite.
Le 9.1, 63 détenus politiques étaient battus et
blessés par des gendarmes et des gardiens à la prison de Malatya.
Le 11.1, le président de la Maison du Peuple de
Trabzon et 12 autres personnes arrêtées alors qu'elles revenaient de
Cizre où ils avaient célébré le Nouvel An, affirmaient avoir été
torturées par la police.
Le 11.1, plus de 50 personnes étaient arrêtées à
Adiyaman au cours d'une série d'opérations policières.
Le 12.1, à Adana, une femme enceinte de 2 mois et
demi, Dilek Onat, rapportait une fois en liberté qu'elle avait été
victime d'une fausse couche en raison des tortures subies en détention
policière. Elle avait été arrêtée en janvier en compagnie de 16 autres
personnes.
Le 12.1, le procureur de la CSE d'Istanbul intentait
une action en justice contre 30 militants présumés du Dev-Sol et
demandait la peine capitale pour 16 d'entre eux et des peines de prison
de pas moins de 10 ans pour les autres.
Le 12.1, la police annonçait l'arrestation au début
du mois de janvier de 16 militants présumés du PKK à Istanbul.
Le 14.1, le procureur de la CSE d'Istanbul intentait
une nouvelle action en justice contre 18 militants présumés du Dev-Sol
et demandait la peine capital pour 16 d'entre eux et pas moins de 10
ans de prison pour deux autres.
Le 15.1, à Istanbul, au cours d'une manifestation de
travailleurs pour protester contre les licenciements, la police
arrêtait Ömer Ergül, vice-président du Syndicat des Travailleurs du
Cuir (Deri-Is) et cinq autres travailleurs.
Le 16.1, à Mugla, Serif Celik et Ekrem Ograk
rapportaient, une fois relâchés, avoir été torturés dans un poste de
police après avoir été arrêtés en compagnie de 34 personnes.
Le 17.1, à Istanbul, la police annonçait
l'arrestation de 35 personnes depuis le 8 janvier, accusées d'avoir
pris part aux activités du Parti Communiste Révolutionnaire de Turquie
(TDKP).
Le 20.1, à Istanbul, la police intervenait dans une
manifestation et blessait le représentant syndical Hasan Gülüm et Serap
Uzuncayir, âgé de 7 ans.
Le 21.1, les forces de sécurité arrêtaient 27
personnes à Nusaybin et 31 à Gaziantep, accusées d'activités
séparatistes.
Le 22.1, l'ancien président du HEP à Istanbul, Osman
Özcelik était arrêté alors qu'il se rendait à son travail à Istanbul.
Le 22.1, à Eskisehir, 18 étudiants universitaires
étaient arrêtés pour propagande séparatiste au cours d'un concert de
musique.
Le 27.1, le membre du IHD Gülseren Baysungur
affirmait avoir été torturée après son arrestation par la police le 15
janvier.
Le 29.1, un rassemblement de protestation de 350
familles de travailleurs licenciés à Istanbul était interrompu de force
par la police. 30 personnes, dont un garçon de 10 ans, furent blessés
et 25 autres arrêtées.
Le 29.1, le Procureur Principal introduisait une
action en justice contre le Parti pour la Liberté et la Démocratie
(ÖZDEP) et demandait à la Cour Constitutionnelle de l'interdire pour
activités séparatistes.
Le 30.1, un missile lancé par un avion militaire
turc percutait une maison dans le hameau de Ciftekavak, à Sirnak, et
tuait deux femmes, Hatice Ekici, de 80 ans, et Ayse Ekici, de 35 ans,
ainsi que trois enfants, Naze Ekici, de 12 ans, Hamza Ekici, de 6 ans
et Semsi Ekici, de 4 ans.
Le 31.1, la section d'Istanbul de l'Association des
Travailleurs de la Construction (YITED) était fermée par le gouverneur
pour possession de publications interdites.
Le 31.1, l'Association de la Culture et la Recherche
de Sultandag (SULKAD) faisait l'objet d'une perquisition policière au
cours de laquelle des documents étaient confisqués et quatre membres
étaient arrêtés.
LES INCESSANTS PROCES CONTRE LA PRESSE
Le quotidien Cumhuriyet du 24 janvier 1993 rapporte
la condamnation de 14 journalistes à un total de 228 ans et 5 mois de
prison et à des amendes pour un total de 4.756.775 LT (594.500$). 341
actions en justice son toujours en cours contre 31 journalistes en
vertu de la Loi Anti-Terreur.
Bien que les articles 141 et 142 du Code Pénal Turc
aient été supprimés il y a deux ans, la Loi Anti-Terreur, adoptée le
même jour, menace sérieusement la liberté d'expression.
Tous les journalistes condamnés ou jugés sont
accusés de révéler les noms des membres de la sécurité qui poursuivent
les organisations terroristes (Article 6), de faire l'éloge des
organisations terroristes (Article 7), ou de faire de la propagande
séparatiste (Article 8).
Ci-après figurent les noms des publications et le
nombre de procès qu'elles ont subis:
Azadi 6, Barikat 3, Deng 7, Devrim 1, Devrimci Emek
11, Devrimci Genclik 13, Devrimci Yurtsever Genclik 7, Direnis 3,
Emegin Bayragi 32, Gercek 7, Halkin Gücü 3, Hedef 1, 2000e Dogru 1,
Iktidar 1, Iscilerin Sesi 3, Iscinin Yolu 6, Komün 3, Kurtulus 28,
Medya Günesi 4, Mücadele 27, Newroz 15, Newroz Atesi 4, Odak 3, Özgür
Halk 9, Özgürlük Dünyasi 2, Partizan 6, Serketin 9, Toplumsal Kurtulus
8, Vatan Günesi 3, Yeni Ülke 115.
Les noms des éditeurs responsables condamnés à des
peines de prison sont les suivants:
Zekeriya Özdinc (Barikat) 10 mois, Kamil Ermis
(Deng) 16 mois, Hüseyin Durmaz (Devrimci Emek) 22 mois et 15 jours,
Tayfun Yüksekbas (Devrimci Genclik) 9 mois, Naile Tuncer (Devrimci
Proletarya) 11 mois, Mustafa Kemal Begün (Devrimci Yurtsever Genclik) 6
mois, Dursun Ali Kücük (Devrimci Yurtsever Genclik) 24 mois, Özer
Degistirici (Direnis) 5 mois, Nazim Taban (Emegin Bayragi) 71 mois,
Güngor Ilhan (Iscilerin Sesi) 20 mois, Fethi Özdemir (Komün) 5 mois,
Cemal Turan (Kurtulus) 6 mois, Nejdet Kanbir (Toplumsal Kurtulus) 10
mois, Riza Erdogan (Özgür Halk) 5 mois et Süleyman Altin (Özgür Halk) 5
mois.
En outre, ils ont écopé d'une série d'amendes
équivalant à un total de 4.756.775 LT (594.500 $).
CONFISCATIONS ET INTERDICTIONS
D'après le quotidien Cumhuriyet du 5 janvier, 546
des 1454 éditions de 39 journaux et magazines qui poursuivent leurs
publications ont été confisquées par décision des Cours de Sécurité de
l'Etat.
Ci-après figure la liste des éditions confisquées de
39 journaux et magazines:
Ak Zuhur 4, Azadi 11, Barikat 3, Deng 13, Devrim 1,
Devrimci Emek 25, Devrimci Genclik 19, Emperyalizme Karsi Devrimci
Genclik 2, Devrimci Proletarya 11, Devrimci Yurtsever Genclik 6,
Direnis 6, Dogru Secenek 6, Ekimler 2, Emegin Bayragi 58, Emek 22,
Genclik Yildizi 4, Gercek 4, Halkin Gücü 3, Hedef 14, 2000e Dogru 32,
Iktidar 2, Iscilerin Sesi 5, Iscinin Yolu 4, Komün 6, Kurtulus 19,
Medya Günesi 21, Mücadele 40, Newroz Atesi 4, Odak 4, Özgür Gündem 32,
Özgür Halk 18, Özgürlük Dünyasi 24, Partizan 3, Serketin 4, Taraf 22,
Toplumsal Kurtulus 26, Vatan Günesi 7 et Yeni Ülke 50.
PERINCEK CONDAMNE A DEUX ANS DE PRISON
Le président du Parti Ouvrier (IP) Dogu Perincek
s'est vu infliger une peine de prison de deux ans et une amende de 50
millions de LT (6.097 $) par la CSE d'Ankara sous prétexte qu'il
soutenait le séparatisme dans ses discours électoraux et dans ses
brochures.
L'Article 8 de la Loi Anti-Terreur, en vertu duquel
Perincek fut condamné, stipule:
"Indépendamment des méthodes, des buts et des
opinions, il n'est autorisé aucune propagande écrite ou verbale, aucun
meeting, manifestation ou marche destinés à détruire l'intégrité du
territoire de la République de la Turquie et de sa nation. Ceux qui
s'adonnent à ces activités seront condamnés à une peine de prison de
deux à cinq ans et à verser une amende de 50 à 100 millions de LT."
LE PORT D'UN BADGE DE LENINE SANCTIONNE
Un étudiant d'une école secondaire âgé de 16 ans,
Serkan Koc, fut exclu de son école pendant un an académique pour avoir
acheté un badge de Lénine, vendu librement partout en Turquie.
L'Ecole Secondaire de Naci Eksi, à Istanbul, est
régie par une administration fondamentaliste aux pratiques ancestrales,
causant des problèmes à des centaines d'étudiants dans l'école.
La famille Koc précisa que les professeurs
recherchaient des cigarettes mais sont tombés sur le badge acheté par
Koc dans sa ville natale de Tokat, une des nombreuses villes où se
rassemblent les Russes pour vendre leurs articles.
ÖZGÜR GÜNDEM SUSPENDU
Le quotidien Özgür Gündem dut suspendre la
publication de son édition du 15 janvier 1993 en raison des pressions
subies et des difficultés financières.
L'éditeur du quotidien, Yasar Kaya, dans une
déclaration publique, affirmait: "Ils nous ont attaqués sur quatre
fronts. Récemment, la compagnie qui distribuait nos journaux à
Diyarbakir, Urfa, Mardin, Elazig et Van refusait de continuer à le
faire. Nous avons essayé de les distribuer par nos propres moyens. Los
volontaires qui ont bien voulu distribuer notre journal ont reçu des
menaces, ont été attaqués et même assassinés. Cela faisait part d'un
plan d'ensemble destiné à nous détruire. Nos pertes financières
s'élèvent à 30 millions de LT (3.750$). En outre, plusieurs de nos
rédacteurs et correspondants ont été assassinés par des forces
obscures. Dans ces conditions, il nous était impossible de poursuivre
la publication du quotidien."
UN JOURNALISTE ALLEMAND CONDAMNE
Le 22 janvier, la CSE de Diyarbakir condamnait un
journaliste indépendant allemand, Stephan Waldberg, à trois ans et neuf
mois de prison. Il a été déclaré coupable de servir de courrier pour le
PKK.
La police des douanes arrêta Waldberg en novembre
1992, lorsqu'il s'apprêtait à entrer en Turquie pour y faire des
investigations générales qui devaient être diffusées sur Radio
Dreyeckland. "Dans le nord de l'Irak, mon but était de vérifier si
l'aide apportée par plusieurs organisations était bel et bien utilisée
sur place. Je ne connais pas les représentants du PKK en Allemagne,"
déclara-t-il.
En outre, il révéla qu'il avait été menacé de
torture à Cizre et Silopi pendant sa détention policière.
Le 21 janvier, l'Union des Journalistes Allemands
émit une déclaration écrite demandant au gouvernement turc de relâcher
Waldberg, ajoutant qu'en Turquie il était impossible de juger
équitablement un journaliste indépendant.
Avant la sentence, l'avocat turc de Waldberg plaida
non coupable, expliquant qu'il s'était rendu aux camps du PKK dans le
nord de l'Irak uniquement pour y réaliser des interviews et qu'en aucun
cas il n'était le messager du PKK.
PRESSIONS SUR EXILES POLITIQUES
Deux hommes politiques exilés ont été victimes de
répressions après leur retour en Turquie et ne sont plus autorisés à
quitter le pays.
Gönül Baki, qui vivait en Allemagne depuis plus de
12 ans et avait été privé de sa nationalité en 1984, retournait en
Turquie au début de cette année, après que le gouvernement ait déclaré
que les exilés politiques pouvaient rentrer en Turquie sans aucune
crainte. A son arrivée, il était interpellé par la police pour répondre
de plusieurs inculpations politiques. Baki n'est plus autorisé à
rentrer en Allemagne où il est naturalisé et travaille comme
enseignant. Cette mesure fut critiquée par l'Union des Professeurs de
Brème.
L'écrivain kurde, Mahmut Baksi, rentrait en Turquie
après 22 ans d'exil, trompé par la même promesse. Après un court
séjour, il fut empêché de quitter le pays alors qu'il traversait la
frontière de Kapikule. La police des douanes lui notifia qu'il devait
se rendre à Diyarbakir pour une enquête.
Par la suite, Baksi déclarait au quotidien suédois
Dagens Nyether que, craignant de subir des mauvais traitements, il il
se cachait à Istanbul.
Le Syndicat des Journalistes Suédois et
l'Association des Ecrivains Suédois se sont insurgés contre l'attitude
des autorités turques et ont demandé la libération immédiate du citoyen
suédois Baksi.
PRESSIONS SUR LES MEDIAS EN JANVIER
Le 3.1, le quotidien Özgür Gündem (N°214) et les
hebdomadaires Yeni Ülke (N°115) et Mücadele (N°27) étaient confisqués
par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste.
Le 5.1, un distributeur du quotidien Özgür Gündem,
Ali Ihsan Kaya, de 19 ans, était poignardé à Diyarbakir par six
assaillants inconnus. Par ailleurs, dans la même ville, deux enfants
qui vendaient ce même journal, Enver Yakut, de 15 ans, et Hamit Yakut,
de 13 ans, étaient battus par des policiers.
Le 6.1, le mensuel Partizan (N°7) était confisqué
par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste.
Le 7.1, les éditions N_ 218 et 219 du quotidien
Özgür Gündem étaient confisquées par la CSE d'Istanbul pour propagande
séparatiste.
Le 7.1, l'éditeur responsable du quotidien Emegin
Bayragi, Nazim Taban, était condamné par la CSE d'Istanbul à deux ans
et six mois de prison et à payer une amende de 153 millions de LT
(18.658 $) pour propagande séparatiste.
Le 8.1, les propriétaires d'un cinéma, Irfan
Demirkol et Fatih Cilkadiroglu, ainsi que leur deux techniciens, Saban
Sondül et Mustafa Altiparmak, écopaient d'une amende de 30 millions de
LT (3.658 $) pour avoir projeté Basic Instinct, violant l'interdiction
imposée par les procureurs.
Le 8.1, le bureau de Van du quotidien Özgür Gündem
subissait une descente de police, le distributeur Orhan Karaagar était
arrêté et de nombreuses publications y étaient confisquées.
Le 9.1, le correspondant du Meydan, Bahri Kayaoglu
et du Milliyet, Torun Dede, étaient harcelés par la police alors qu'ils
couvraient une visite du président Özal à Istanbul.
Le 9.1, le correspondant à Van du quotidien Özgür
Gündem, Sadun Keve, était arrêté par un tribunal.
Le 10.1, les dernières éditions de l'hebdomadaire
Yeni Ülke et du mensuel Newroz étaient confisquées par la CSE
d'Istanbul pour propagande séparatiste.
Le 11.1, l'hebdomadaire Azadi (N°35) et le mensuel
Devrimci Emek (N°17) étaient confisqués par la CSE d'Istanbul pour
propagande séparatiste.
Le 11.1, la Cour de Cassation approuvait une
sentence contre Mustafa Kaplan, journaliste du quotidien Yeni Asya. Il
fut condamné à un an de prison par une cour pénale à Usak pour avoir
insulté Atatürk pendant un meeting public.
Le 13.1, une édition récente de l'hebdomadaire
Gercek était confisquée par la CSE d'Istanbul pour propagande
séparatiste.
Le 16.1, une cour d'Istanbul rejetait une demande
pour installer une Fondation Culturelle kurde destinée à faire des
recherches sur la langue, la littérature, l'histoire, la géographie, le
folklore, la musique, la sociologie et les arts kurdes.
Le 18.1, des éditions récentes de cinq magazines,
Yeni Ülke, Azadi, Medya Günesi, Emegin Bayragi et Özgür Halk étaient
confisquées par la CSE d'Istanbul en vertu de la Loi Anti-Terreur.
Le 19.1, un distributeur d'Özgür Gündem, Orhan
Karaagar était assassiné à Van par des personnes non identifiées.
Le 20.1, le propriétaire de la Maison d'Edition
Dönüsüm était condamné à payer une amende de 1.503.076.000 LT
(187.884$) par la CSE d'Istanbul pour avoir imprimé un livre intitulé
La situation dans le monde et dans notre pays.
Le 20.1, était intentée une action en justice contre
le correspondant à Urfa du quotidien Özgür Gündem pour avoir critiqué
les pratiques utilisées par le gouverneur d'Urfa, Ziyaeddin Akbulut,
contre la presse.
Le 21.1, le correspondant de Devrimci Proletarya,
Ecman Sisman était assailli par trois policiers alors qu'il portait
plusieurs articles à une imprimerie d'Istanbul.
Le 22.1, l'éditeur responsable du mensuel Devrimci
Emek, Hüseyin Durmaz était condamné par la CSE d'Istanbul à une peine
de prison de 20 mois et à payer une amende de 41.666.000 LT (5.081$) en
vertu de la Loi Anti-Terreur.
Le 22.1, la CSE d'Istanbul condamnait deux
journalistes de l'hebdomadaire 2000e Dogru, le propriétaire Mehmet
Sabuncu et l'éditeur responsable Hale Soysü, à des amendes respectives
de 41.666.000 LT (5.081 $) et 20.833.000 LT (2.540 $) en vertu de la
Loi Anti-Terreur.
Le 22.1, Cüneyt Can Oguzer, éditeur de l'édition
turque de Penthouse, était condamné à un total de 8.099.838.000 LT
(987.785 $) pour quatre éditions différentes du magazine qualifiées de
publications obscènes.
Le 24.1, l'éditeur du bimensuel Medya Günesi, Osman
Aytar, était arrêté par la CSE d'Istanbul en vertu de la Loi
Anti-Terreur.
Le 28.1, commençait dans un cour pénale d'Istanbul
le procès de quatre journalistes du quotidien Zaman, Ahmet Yusuf
Gencer, Mehmet Yale, Ilhan Bardakci, Servet Engin et Ismail Okcu. Ils
risquent diverses peines de prison ainsi que des amendes.
Le 29.1, le correspondant à Diyarbakir du quotidien
Özgür Gündem, Mehmet Senol était arrêté par la police.
Le 30.1, l'édition N°37 de l'hebdomadaire Azadi
était confisquée par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatistes.
LE RAPPORT DU COMITE EUROPEEN POUR LA PREVENTION DE LA TORTURE SUR LA
TURQUIE
Comme il était précisé dans la dernière édition, le
21 décembre 1992 le Comité Européen pour la Prévention de la Torture et
des Traitements ou Punitions Inhumaines ou Dégradantes publiait un
rapport très critique à propos de la pratique de la torture par la
police turque.
Le rapport, qui s'est avéré particulièrement
embarrassant pour le gouvernement turc qui venait de fêter six mois à
la présidence du Conseil, concluait que "la pratique de la torture et
autres formes de mauvais traitements graves sur des personnes détenues
par la police continue sont toujours largement utilisés en Turquie et
que ces méthodes sont appliquées aussi bien aux suspects de délits
ordinaires qu'aux personnes détenues en vertu de clauses
anti-terrorisme."
Voici plusieurs extraits du rapport:
Introduction
1. Le Comité européen pour la prévention de la
torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) a
organisé, à ce jour, trois visites en Turquie. Les deux premières
visites, effectuées du 9 au 21 septembre 1990 et du 29 septembre au 7
octobre 1991, étaient des visites ad hoc, c'est-à-dire des visites qui
ont paru au Comité "exigées par les circonstances'' (article 7,
paragraphe 1, de la Convention européenne pour la prévention de la
torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants). Ces
circonstances résultaient essentiellement du nombre considérable de
rapports reçus par le Comité, de sources différentes, comportant des
allégations de torture ou d'autres formes de mauvais traitements de
personnes privées de liberté en Turquie. Ces rapports concernaient, en
particulier, des personnes détenues par la police. La troisième visite
s'est déroulée du 22 novembre au 3 décembre 1992 et faisait partie du
programme de visites à caractère périodique pour cette année.
2. Tout au long des années 1991 et 1992, les
autorités turques et le CPT ont dialogué de façon continue sur les
sources de préoccupation de ce dernier. Ce dialogue s'est établi à
partir des rapports que le Comité avait élaborés après ses première et
deuxième visites et des rapports fournis en réponse par les autorités
turques. Le dialogue a atteint son point culminant lors de réunions
entre les autorités turques et une délégation du CPT, qui se sont
tenues du 22 au 24 septembre 1992 à Ankara.
Lors de sa 14e réunion (28 septembre au 2 octobre
1992), le CPT a réexaminé les mesures prises par les autorités turques
suite aux recommandations formulées par le Comité dans ses rapports de
visite. Le Comité a conclu que les autorités turques ont manqué de
façon continue d'améliorer la situation à la lumière de ses
recommandations relatives (i) au renforcement des garanties juridiques
contre la torture et les autres formes de mauvais traitements dans les
établissements de police (et de gendarmerie) et (ii) aux activités des
départements de lutte contre le terrorisme de la police d'Ankara et de
Diyarbakir, et que ce manquement justifiait le recours à l'article 10,
paragraphe 2, de la Convention.
3. Les autorités turques ont été informées des
conclusions du CPT et, conformément à la Convention, ont été invitées à
s'expliquer. Les observations des autorités turques sont parvenues au
Comité le 16 novembre 1992. Le CPT les a étudiées lors de sa 15e
réunion, qui s'est tenue du 14 au 17 décembre 1992. A cette même
réunion, le Comité a pris en considération les faits constatés par la
délégation qui a effectué la visite à caractère périodique en
novembre/décembre 1992, en particulier ceux qui concernaient les
questions de détention par la police et la gendarmerie. A la majorité
requise des deux tiers de ses membres, le Comité a décidé de faire une
déclaration publique.
Les visites ad hoc
a) Première visite
4. Dans le rapport élaboré suite à sa première
visite en Turquie en 1990, le CPT parvenait-à la conclusion que la
torture et d'autres formes de mauvais traitements graves constituaient
des caractéristiques importantes de la détention policière dans ce
pays. Plus particulièrement, à la lumière de toutes les informations
recueillies au sujet des départements de lutte contre le terrorisme de
la police d'Ankara et de Diyarbakir, le CPT concluait que, dans ces
départements, les fonctionnaires de police avaient fréquemment recours
à la torture et/ou d'autres formes de mauvais traitements graves, tant
de nature physique que psychologique, lors de la détention et de
l'interrogatoire des suspects. Le Comité a été conduit à ces
conclusions par une série d'éléments distincts.
5. En premier lieu, le CPT a été frappé par le
nombre extrêmement important d'allégations de torture et d'autres
formes de mauvais traitements par la police, qu'il a reçues lors de la
visite, et par le large éventail de personnes qui ont formulé ces
allégations. Il a également été frappé par la concordance des
descriptions des types particuliers de torture et de mauvais
traitements allégués. Il est à noter que les allégations émanaient de
personnes soupçonnées ou reconnues coupables d'infractions à la
législation contre le terrorisme, ainsi que de personnes soupçonnées ou
reconnues coupables d'infractions de droit commun. S'agissant de ces
dernières, le nombre des allégations était particulièrement élevé parmi
les personnes détenues du chef d'infractions relatives aux stupéfiants,
d'infractions relatives à des atteintes aux biens (cambriolage, vol
avec violence, vol) et d'infractions à caractère sexuel. S'agissant des
types de mauvais traitements, les formes suivantes ont été à maintes et
maintes reprises alléguées: suspension par les bras; suspension par les
poignets, attachés dans le dos de la victime (dite "palestinian
hanging"; technique, semble-t-il, employée surtout dans les
départements de lutte contre le terrorisme); chocs électriques
appliqués sur les parties sensibles du corps (y compris les organes
génitaux); compression des testicules; coups assenés sur la plante des
pieds ("falaka"); arrosage à l'eau froide sous pression; détention
pendant des périodes prolongées dans des cellules très étroites,
obscures et non aérées; menaces de torture ou d'autres formes de
mauvais traitements graves proférées à l'encontre de la personne
détenue ou de tiers; humiliations psychologiques profondes.
6. Il convient aussi de mettre l'accent sur les
données médicales rassemblées par le CPT. En effet, un nombre
considérable de personnes examinées par les médecins de la délégation
du CPT ayant effectué la visite, présentaient des lésions physiques ou
d'autres signes médicaux compatibles avec leurs allégations de torture
ou de mauvais traitements par la police. La délégation a aussi
rencontré plusieurs personnes détenues par la police qui, sans dire
ouvertement qu'elles avaient été maltraitées, présentaient des signes
médicaux évidents compatibles avec des actes très récents de torture ou
d'autres mauvais traitements graves, tant de nature physique que
psychologique. Certains cas spécifiques ont été décrits dans le rapport
du Comité.
7. D'autres observations faites sur le terrain dans
les établissements de police visités (relatives, en particulier, aux
conditions matérielles de détention souvent extrêmement médiocres, aux
installations prévues pour les interrogatoires et à l'attitude et
allure générales des fonctionnaires de police) n'ont, de loin, pas été
de nature à rassurer la délégation du CPT sur le sort des personnes
placées en détention. Cela vaut aussi pour les circonstances dans
lesquelles certaines visites se sont déroulées, notamment à la
direction de la police d'Ankara, où la délégation a été confrontée à
une série-de retards et de diversions (et, où à plusieurs reprises,
elle a reçu des informations fausses) et où des détenus ont été
déplacés pour empêcher la délégation de les rencontrer.
8. Dans son rapport, le CPT a recommandé aux
autorités turques diverses mesures pour lutter contre la torture et les
autres formes de mauvais traitements. Ces mesures concernaient, pour
partie, la mise en place ou le renforcement des garanties formelles
contre de telles méthodes (réduction des périodes maximales de
détention par la police ou la gendarmerie; information d'un proche ou
d'un tiers choisi par la personne détenue, de la détention de cette
dernière; accès à un avocat; examen médical des personnes détenues;
code de conduite des interrogatoires).
Le Comité a aussi insisté sur la nécessité d'un
effort majeur et soutenu de la part des autorités turques dans les
domaines de l'enseignement des droits de l'homme et de la formation
professionnelle des responsables de l'application des lois. A
l'évidence, la meilleure garantie possible contre les mauvais
traitements de personnes privées de liberté est que ces responsables
rejettent, sans équivoque, le recours à de telles pratiques.
Pour ce qui concerne les départements de lutte
contre le terrorisme de la police d'Ankara et de Diyarbakir, le Comité
a recommandé que des mesures appropriées soient immédiatement prises
pour remédier à la situation constatée dans ces services.
9. La mise en oeuvre de ces recommandations a été
l'objet, en 1991, de nombreux échanges entre les autorités turques et
le CPT. Toutefois, au moment de la deuxième visite du Comité, il y
avait peu de résultats tangibles, à l'exception de l'élaboration et de
la modification subséquente de règles pour la conduite des
interrogatoires.
b) Deuxième visite
10. Lors de sa deuxième visite en Turquie, à
l'automne 1991, le Comité a constaté qu'aucun progrès n'avait été
réalisé dans l'élimination de la torture et des mauvais traitements par
la police. De nombreuses personnes ont allégué avoir subi de tels
traitements au cours des douze mois précédents. Les types de traitement
allégués n'avaient guère changé. Toutefois, un nombre croissant
d'allégations concernaient l'introduction par la force d'un bâton ou
d'une matraque dans les orifices naturels. ne fois de plus, un certain
nombre de personnes qui déclaraient avoir été maltraitées, présentaient
à l'examen médical des lésions ou d'autres signes médicaux compatibles
avec leurs allégations. La délégation a également eu accès à beaucoup
de rapports établis au cours des douze derniers mois, à l'issue de
périodes de détention par la police, par des médecins des instituts de
médecine légale. Nombre de ces rapports contenaient des constatations
compatibles avec des formes particulières de torture ou de mauvais
traitements graves. Pour ce qui est plus précisément des départements
de lutte contre le terrorisme de la police d'Ankara et de Diyarbakir,
la seule conclusion qui a pu être tirée de toutes les informations
recueillies, était que la torture et d'autres formes de mauvais
traitements graves continuaient à être infligés. au même rythme, dans
ces services.
11. Dans le rapport relatif à sa deuxième visite en
Turquie, le Comité a réitéré les recommandations antérieurement
formulées pour prévenir la torture et les autres formes de mauvais
traitements. De plus, le Comité a recommandé qu'un organe composé de
personnes indépendantes soit immédiatement mis en place, avec pour
mandat d'effectuer une enquête approfondie sur les méthodes utilisées
par les fonctionnaires de police des départements de lutte contre le
terrorisme de la police d'Ankara et de Diyarbakir lors de la détention
et l'interrogatoire des suspects. A la lumière des informations
recueillies au cours de la deuxième visite du CPT, il a aussi été
souligné qu'il conviendrait que le mandat de cet organe englobe le
département de lutte contre le terrorisme de la police d'lstanbul.
Examen des mesures prises suite aux rapports
relatifs aux visites ad hoc
12. Un an après la transmission de son deuxième
rapport, le Comité a fait le point sur les mesures prises par les
autorités turques au sujet de l'intégralité des recommandations
formulées dans les rapports élaborés suite à ses deux visites. Il a
relevé que des progrès avaient été réalisés sur certains points. Des
mesures, à la fois d'ordre juridique et pratique, avaient été prises en
réponse aux recommandations du CPT sur les conditions matérielles de
détention dans les établissements de police et de gendarmerie. Le
dialogue entre les autorités turques et le Comité sur des questions
concernant les prisons paraissait commencer à porter ses fruits. A
l'inverse, aucun progrès concret n'a été enregistré dans la mise en
oeuvre des recommandations majeures ayant trait à la torture et aux
autres formes de mauvais traitements dans les établissements de police.
13. Une législation, allant dans le sens des
recommandations formulées par le CPT au sujet du renforcement des
garanties juridiques contre la torture et les autres formes de mauvais
traitements, a été adoptée par la Grande Assemblée Nationale de
Turquie, le 21 mai 1992. Toutefois, la loi a été renvoyée à l'Assemblée
pour réexamen par le Président de la République, et au moment où le
Comité revoyait la situation, on se perdait en conjectures quant au
sort de la loi.
14. De plus, aucune mesure satisfaisante n'avait été
prise au sujet de la recommandation du CPT concernant les départements
de lutte contre le terrorisme de la police d'Ankara et de Diyarbakir.
La Commission d'Enquête sur les Droits de l'Homme de la Grande
Assemblée Nationale - à laquelle avait été confiée la tâche d'effectuer
l'enquête recommandée par le Comité - a manqué de célérité. Ce n'est
que le 29 juin 1992 que le Sous-Comité compétent de la Commission a
effectué, pour la première fois, une visite à la direction de la police
d'Ankara (une deuxième visite aurait, apparemment, été effectuée le 7
juillet 1992). Par ailleurs, au moment des réunions entre les autorités
turques et une délégation du CPT, qui se sont déroulées à Ankara vers
la fin septembre 1992, le Sous-Comité n'avait toujours pas communiqué
ses constatations à la Commission d'Enquête sur les Droits de l'Homme.
Le Sous-Comité n'avait, pas davantage, effectué de visites au
département de lutte contre le terrorisme de la police de Diyarbakir
(ni d'ailleurs, au département de lutte contre le terrorisme de la
police d'lstanbul). En outre, il ressortait manifestement des
informations fournies par un membre du Sous-Comité à la délégation du
CPT que les visites effectuées à la direction générale de la police
d'Ankara avaient été superficielles. De plus, il était aussi clair que
le Sous-Comité ne possédait ni les pouvoirs nécessaires. ni la
compétence professionnelle requise pour mener l"'enquête approfondie
préconisée dans la recommandation formulée par le CPT dans son deuxième
rapport.
15. Il convient d'ajouter que les informations,
reçues de la part de représentants du Ministère de l'Intérieur lors des
réunions précitées en septembre 1992, montraient qu'aucune mesure
crédible n'avait été prise au niveau administratif en réponse aux
recommandations successives du CPT concernant les départements de lutte
contre le terrorisme de la police d'Ankara et de Diyarbakir. Les seules
enquêtes mises en oeuvre avaient été confiées aux mêmes forces de
police pour lesquelles le Comité était arrivé à la conclusion qu'elles
avaient recours à la torture. Il n'est, dès lors, guère surprenant
qu'elles n'aient pas abouti.
16. Bref, plus de deux ans après la première visite
du Comité, très peu avait été fait pour renforcer les garanties légales
contre la torture et les mauvais traitements, et aucune mesure concrète
de nature à porter remède à la situation constatée par le Comité dans
les départements de lutte contre le terrorisme de la police d'Ankara et
de Diyarbakir n'avait été prise. En même temps, le Comité a continué de
recevoir des rapports de torture et d'autres formes de mauvais
traitements graves dans ces départements, tout comme dans de nombreux
autres établissements de la police en Turquie.
C'est dans ces conditions que le Comité a décidé, le
2 octobre 1992, de mettre en oeuvre la procédure prévue à l'article 10,
paragraphe 2, de la Convention européenne pour la prévention de la
torture.
La visite à caractère périodique
17. Les informations recueillies au cours de la
visite à caractère périodique du CPT en Turquie, qui s'est déroulée du
22 novembre au 3 décembre 1992, montrent que la question de la torture
et d'autres mauvais traitements infligés aux personnes détenues par la
police n'a pas été résolue, en dépit de l'importance que lui avait
accordée le gouvernement actuel, lorsqu'il était entré en fonctions fin
1991. La délégation du Comité a été submergée d'allégations de tels
traitements, émanant tant de suspects de droit commun que de personnes
détenues en vertu de la législation contre le terrorisme. De plus, de
nombreuses personnes examinées par les médecins de la délégation
présentaient des lésions ou des signes médicaux compatibles avec leurs
allégations.
18. A titre d'illustration, on peut faire mention
des cas suivants:
- plusieurs prisonniers inculpés d'atteintes aux
biens, rencontrés à l'unité de réception de la prison de
Bayrampasa, (à Istanbul), présentaient des hématomes frais,
compatibles avec leurs allégations selon lesquelles ils
avaient récemment subi la "falaka" et avaient été frappés
sur la paume des mains et sur la partie antérieure des poignets;
- un prisonnier, inculpé d'une infraction relative
aux stupéfiants, placé en observation dans une section
médico-légale de l'hôpital Bakirköy (Istanbul), avait une
lésion arrondie sur le pénis (brune-rougeâtre, légèrement
tuméfiée à la périphérie avec un centre blanchâtre sans
induration), compatible avec son allégation selon laquelle
une électrode avait été placée sur cette partie de son
corps lorsque la police lui avait infligé des chocs
électriques, environ cinq jours auparavant;
- un prisonnier inculpé de contrebande, examiné à la
prison d'Adana, avait des hématomes sur la plante des pieds
et une série de stries violacées verticales (d'environ 10
cm de long/ 2 cm de large) sur la partie supérieure du dos,
compatibles avec son allégation selon laquelle il avait
récemment subi la "falaka" et avait été frappé dans le dos avec une
matraque pendant qu'il était détenu par la police.
19. Des cas comparables. à Ankara et Diyarbakir,
auraient aussi pu être décrits, incluant ceux de personnes qui avaient
été détenues dans les départements de lutte contre le terrorisme de la
police d'Ankara et de Diyarbakir (en particulier. des cas de paralysie
motrice au niveau des bras accompagnée de déficits sensoriels
importants compatibles avec des allégations de suspension).
Toutefois, le CPT appelera plutôt l'attention sur
des preuves matérielles extrêmement compromettantes trouvées dans des
établissements de police de ces villes.
20. Agissant dans chacun des cas en fonction
d'informations concordantes, reçues séparément de plusieurs sources
différentes, la délégation du Comité a visité de manière inopinée deux
pièces spécifiques, situées au dernier étage des directions de la
police d'Ankara (nouveau bâtiment) et de Diyarbakir. Les pièces en
question se trouvaient dans les locaux des départements "de la loi et
de l'ordre", qui sont chargés des suspects de droit commun. Dans la
pièce à la direction de la police d'Ankara, la délégation a découvert
un lit bas, de type civière, équipé de huit sangles (quatre de chaque
côté) correspondant parfaitement à la description faite par des
personnes, du meuble auquel elles auraient été attachées quand on leur
infligeait des chocs électriques. Aucune explication crédible n'a pu
être donnée à la présence de ce lit dans cet endroit qualifié de
"bureau d'interrogatoires" par un écriteau.
A Diyarbakir, la délégation a trouvé en place, prêt
à être utilisé, I'équipement nécessaire pour suspendre une personne par
les bras (à savoir, une poutre, de trois mètres de long, montée sur des
armoires de classement chargées d'objets lourds, placées de part et
d'autre de la pièce et à laquelle était fixée, en son milieu, une
sangle faite d'un matériau solide). Dans les deux cas, les découvertes
de la délégation ont provoqué une vive consternation parmi les
fonctionnaires présents: certains ont exprimé des regrets, d'autres ont
adopté une attitude de défi.
Conclusions fondées sur les visites ad hoc et à
caractère périodique
21. A la lumière de toutes les informations en sa
possession, le CPT ne peut que conclure que la pratique de la torture
et d'autres formes de mauvais traitements graves de personnes détenues
par la police reste largement répandue en Turquie et qu'il en est fait
usage à la fois à l'égard de suspects de droit commun et de personnes
détenues en vertu de la législation contre le terrorisme. Les mots
"personnes détenues par la police" méritent d'être soulignés.
22. Le Comité a entendu très peu d'allégations de
mauvais traitements commis par des fonctionnaires pénitentiaires dans
les différentes prisons visitées ces deux dernières années et
pratiquement aucune allégation de torture. Il y a, sans doute, des
problèmes qui doivent être traités dans les prisons turques, mais le
phénomène de la torture n'en fait pas partie. Comme indiqué plus haut,
le dialogue que le CPT entretient avec les autorités turques sur les
questions pénitentiaires progresse, dans l'ensemble, de manière
satisfaisante.
23. Par ailleurs, lors de son troisième séjour en
Turquie. le CPT a visité le plus grand établissement psychiatrique du
pays à savoir l'hôpital pour maladies mentales de Bakirköy. La
délégation du CPT n'a entendu au cours de cette visite aucune
allégation de torture ou d'autres formes de mauvais traitements qui
auraient été infligés par le personnel de l'hôpital et n'a pas trouvé
d'autre indication en ce sens. La délégation a eu une impression
favorable des relations personnel-patients.
24. Pour ce qui est de la gendarmerie (qui assure
les fonctions de police dans les zones rurales), le CPT a entendu des
allégations selon lesquelles des suspects étaient fréquemment traités
avec rudesse - voire parfois battus - par des membres de la
gendarmerie, en particulier, lors de leur appréhension. De plus, le CPT
a des raisons de croire que, de temps en temps, des mauvais traitements
sont infligés lors du transport des prisonniers (tâche également
dévolue à la gendarmerie). Cependant, le CPT a entendu moins
d'allégations - et mis en évidence moins de données médicales - en
relation avec des tortures ou d'autres formes de mauvais traitements
graves prémédités par des membres de la gendarmerie.
25. En résumé, pour autant que le CPT puisse en
juger, le phénomène de la torture et d'autres formes de mauvais
traitements des personnes privées de liberté en Turquie concerne, à
l'heure actuelle, principalement la police (et, dans une moindre
mesure, la gendarmerie). Il y a tout lieu de croire que c'est là un
problème profondément enraciné.