LE CHOC ELECTORAL
LA PERCEE DE L'EXTREME-DROITE EN
CINQ ANS
1989 1991 1994
DROITE 47,30
51,04 43,42
DYP 25,40 27,03
21,49
ANAP 21,90 24,01
21,02
DP (nouveau, liberal)
0,52
YDP (nouveau, liberal)
0,39
EXTREME-DROITE* 13,90
16,88 28,66
RP (islamiste) 9,90
19,01
MHP (néo-fasciste) 4,00
7,96
BBP (scission du MHP)
1,26
MP (ancien IDP, islamiste)
0,43
GAUCHE 37,30
31,50 27,61
SHP 28,40 20,75
13,61
DSP 8,90 10,75
8,82
CHP (scission du SHP)
4,62
SBP (nouveau, marxiste)
0,28
IP (nouveau, marxiste)
0,28
AUTRES 1,50 0,58
0,31
AU TOTAL 100,00
100,00 100,00
*) RP, MHP et IDP avaient participé aux élections de 1991 avec une
liste commune.
DEUX PARTIS AU POUVOIR SONT LES
PLUS GRANDS PERDANTS
1991 1994
DIFFERENCE
COALITION 47,78
35,10 -12,68
DYP 27,03 21,49
-5,54
SHP 20,75 13,61
-7,14
OPPOSITION 52,22
64,90 12,68
ANAP 24,01 21,02
-2,99
DSP 10,75 8,82
-1,93
RP+MHP+MP+BBP 16,88
28,66 11,78
DP 0,52 0,52
YDP 0,39 0,39
CHP 4,62 4,62
SBP 0,28 0,28
IP 0,28 0,28
AUTRES 0,58 0,31
-0,27
AU TOTAL 100,00
100,00 0,00
L'extrême-droite turque a porté un coup décisif aux
principaux partis laïcs lors des élections du 27 mars 1994, obtenant
une progression considérable, particulièrement importante à Istanbul,
dans les plus grandes villes, et à Ankara, la capitale.
Comme tous les partis traditionnels, principalement
les partenaires de la coalition, ont souffert une perte de crédibilité,
le principal parti islamiste du pays, le Parti de la Juste Voie (RP) de
Necmeddin Erbakan, est passé de 9,90% des votes aux élections locales
de 1989 à 19,01%.
L'autre formation de l'extrême-droite, le Parti
d'Action Nationale (MHP) de l'ancien colonel Alparslan Türkes,
d'idéologie néo-fasciste, a augmenté ses votes de 4% en 1989 à 7,96%.
Si nous considérons les scores des deux autres
partis d'extrême-droite, 1,26% pour le Parti de la Grande Union (BBP),
une scission du MHP, et 0,43 pour la petite formation, le Parti de la
Nation (MP), le bloc d'extrême-droite a augmenté ses votes de 13,9% en
1989 à 28,66% en 1994.
Le 30 mars, The Guardian commentait les résultats
des élections de la manière suivante: "Après les élections locales du
27 mars 1994, la Turquie s'est réveillée avec la nouvelle que ses deux
principales villes, Ankara et Istanbul, avaient élu des maires
islamistes. Ces résultats remettent à jour la dramatique question que
les Turcs se posent souvent: veulent-ils faire partie de l'Europe ou du
monde islamique."
En fait, le RP est un parti anti-sioniste et
anti-occidental qui met en échec les efforts de la Turquie pour
s'intégrer dans l'Union Européenne. Beaucoup d'observateurs pensent que
l'incapacité de l'Europe à protéger les musulmans de Bosnie explique la
victoire du RP. Erbakan se demande souvent si la Turquie, seul membre
islamique de l'OTAN, devrait continuer dans sa trajectoire occidentale
alors que des musulmans sont massacrés en Bosnie. D'une certaine
manière il a combiné les sentiments nationaux avec les sentiments
religieux.
Le RP, qui préconise l'adoption de certains aspects
de la loi Sharia et d'une campagne pour un "ordre juste" et une plate
forme anti-corruption, a obtenu 28 des 76 municipalités du pays. Dans
certaines provinces il a obtenu la majorité avec un pourcentage moyen
de 30 ou encore moins. A Ankara et Istanbul, les votes du RP n'ont pas
dépassé 25 ou 27%, mais la répartition des votes parmi les autres
partis a porté les candidats du RP au pouvoir. Comme le soulignait
Necmeddin Erbakan, leader du RP, le résultat signifie que 66% des 60
millions d'habitants de la Turquie sont gouvernés par des
administrateurs locaux du RP. Selon les experts, le soutien au RP, s'il
se confirme lors des élections générales, garantirait au parti 100 des
450 sièges du Parlement.
Le RP a réussi à attirer les votes de l'électorat
socio-démocrate déçu de l'attitude de ce mouvement au pouvoir,
notamment dans les grandes villes comme Ankara et Istanbul. A travers
des slogans gauchistes, ils ont donné l'impression qu'ils seraient du
côté du peuple et défendraient ses intérêts au détriment de ceux des
groupes aisés. Ils ont promis au peuple un plus grande sécurité et une
administration transparente. Ils ont réussi à attirer la confiance des
populations kurdes des provinces orientales et des Kurdes qui ont
émigré vers les grandes villes.
Les candidats maires du RP ont promis de mettre fin
à la subornation, à la corruption et au gaspillage dans les
municipalités. L'électorat a voté pour les candidats du RP espérant
qu'ils allaient jouir de certains services sans devoir les payer. Le RP
offrait également une identité à son électorat, qui se sentait de plus
en plus perdu parmi les partis du centre qui allaient de gauche à
droite suivant le sens du vent.
Teyyip Erdogan, nouveau maire RP d'Istanbul, a
promis de construire une mosquée dans la principale place de la ville
et de fermer les bordels. Les habitants d'Istanbul se posent déjà les
questions suivantes: Est-ce que le maire va interdire l'alcool? Le RP
sera-t-il capable de fermer les cinémas et les clubs dans l'intérêt de
la moralité du public?
Au niveau national, les résultats du RP contiennent
quelques distorsions dues au retrait du Parti de la Démocratie (DEP),
fondamentalement kurde, qui a permis au RP d'avancer librement parmi
les populations de langue kurde du Sud-est.
Cependant, le parti a opéré une avance écrasante
dans d'autres régions. A Trabzon, par exemple, il aurait conquis la
population féminine en promettant le renvoi chez elles des "Natashas",
prostituées russes et géorgiennes qui ont fait de l'ancienne cité
portuaire le Bangkok de la Mer Noire.
Pour ce qui est du MHP, il a doublé ses voix en se
présentant comme le champion des politiques chauvinistes contre le
mouvement national kurde et des politiques expansionnistes destinées à
faire de la Turquie le "grand frère" de toutes le populations de langue
kurde du monde.
Outre les facteurs déjà mentionnés, le véritable
avantage des deux partis d'extrême-droite réside dans le fait qu'ils
sont les seuls mouvements populaires du pays. Alors que les autres
partis ont basé leur campagne sur des figures de proue comme des hauts
bureaucrates ou des artistes, les candidats inconnus du RP et du MHP
ont mené une brillante campagne de porte à porte grâce à la discipline
de leurs militants.
Le grand perdant des élections est sans doute le
tandem au pouvoir DYP-SHP. Alors qu'en 1981 il avait obtenu 53,80% des
votes et 47,78% en 1991, il n'a pu obtenir que 35,10% en 1994. C'est le
SHP, partenaire minoritaire, qui a subi la défaite la plus
spectaculaire. Son résultat est tombé à 13,61% des votes en 1994 alors
qu'il était de 28,4% en 1989 et de 20,75% en 1991.
Quant au Parti de la Juste Voie (DYP), la Premier
Ministre Tansu Ciller annonçait dans son premier discours
post-électoral que son parti en était sorti vainqueur et la presse
européenne avait vu en elle un brillant leader. Cependant, les
résultats finaux ont montré que le DYP était le deuxième perdant des
élections. En fait, ce parti a obtenu 21,49% des votes alors qu'il en
avait enregistré 25,40% en 1989 et 27,02% en 1991.
Il est clair que les deux partenaires du
gouvernement de coalition ont été punis par l'électorat pour
avoir totalement oublié leurs promesses électorales de justice sociale
et de démocratisation.
De nombreux commentateurs ont rendu responsable le
partenaire minoritaire, le Parti Populiste Social Démocrate, de la
victoire du RP. Il a perdu le contrôle d'Ankara et d'Istanbul en raison
d'un scandale de corruption.
Le principal parti de l'opposition, le Parti de la
Juste Voie (ANAP) de Mesut Yilmaz, a également souffert une défaite
électorale parce que ses leaders n'ont pas su inspirer un nouvel élan
de confiance parmi les masses en tant qu'alternative valable au
gouvernement existant dans un pays plongé dans l'agitation économique
et sociale. Après un score dérisoire de 21,90% des votes aux élections
de 1989, l'ANAP a atteint les 24,01% en 1991 mais est tombé à 21,02%,
son niveau le plus bas, lors des dernières élections.
Brièvement:
° Le seul vainqueur de dernières élections est le
bloc d'extrême-droite, qui a augmenté ses votes de 13,90% à 28,66% en
cinq ans.
° L'ensemble des parties de gauche sont passés de
37,30% à27,61% au cours de la même période.
° Ensemble, les partis de la coalition sont passés
de 47,78% à 31,10% des votes en trois ans.
° Tous ensemble, les partis de l'opposition ont
grimpé de 52,22% à 64,90% des voix au cours de la même période.
LES MANOEUVRES DE TANSU CILLER
La nuit des élections, la presse turque, ainsi que
les médias du monde entier, se sont empressés de féliciter la Premier
Ministre Ciller comme seule gagnante des élections. Lorsque les premier
résultats ont commencé à affluer, la radio et télévision d'Etat, seul
média représentatif à donner les résultats officiels a communiqué en
premier que le DYP avait remporté 27% des votes. Ce média, prétendument
indépendant et soutenu financièrement par Ciller, n'a pas manqué de
profiter de l'occasion. Les commentateurs proches de Ciller n'ont pas
hésité à dire qu'elle avait gagné malgré tous les obstacles qu'elle
avait rencontrés, même au sein du DYP.
Cinq jours après, il devenait clair que le DYP
n'avait remporté que 21,5% des votes et que le Parti de la Mère Patrie
en avait gagné 21%. Il était également évident que le DYP avait perdu
la plupart de ses places fortes comme Bursa, Samsun et Aydin et tout un
tas d'autres encore. Bien que le DYP a gagné à Izmir, la plus grande
ville du pays, son candidat, Burhan Özfatura, est une figure connue du
mouvement islamiste transférée au DYP au dernier moment par Ciller pour
vaincre le candidat du SHP. Le RP s'est même réjoui du résultat à Izmir
car selon Erbakan, Özfatura es un "croyant" et l'électorat du Parti du
Bien-être a voté pour lui.
Après avoir réalisé les résultats finaux des
élections et l'échec de son parti, le Premier Ministre Ciller a
déclaré, "le message de la population est que la droite doit s'unir."
S'affirmant comme la garantie d'un Etat laïc en Turquie, elle a précisé
que la seule alternative à la montée du parti islamiste en Turquie
serait une union des partis de droite sous son leadership.
Cependant, la montée de l'extrême-droite en Turquie
est le résultat de sa désastreuse politique économique et du terrorisme
d'Etat. Par ailleurs, la montée du mouvement islamiste n'est pas le
résultat des efforts du seul RP.
Bien que s'affirmant attachés à la laïcité de la
Turquie, tous les partis de droite et la junte militaire de 1980 ont
largement contribué au développement des mouvement islamistes et
ultra-nationalistes en Turquie.
Le DYP, parti de Ciller, aussi bien que son
prédécesseur, le disparu Parti de la Justice (AP), avaient fait tout
leur possible sous le leadership de Süleyman Demirel pour encourager la
montée du mouvement islamiste dans le pays.
Quant à Ciller, depuis qu'elle a décidé de se mettre
à la tête du gouvernement, elle a toujours fait le jeu de l'islamisme
et de l'ultra-nationalisme.
Lors du congrès du DYP du 13 juin 1993, outre son
show à l'américaine et considérant les engagements conservateurs,
nationalistes et religieux des délégués du DYP, elle a souvent déclaré
son attachement à la musique d'Ezan (appel à la prière), à l'image du
drapeau turc et aux valeurs traditionnelles de la famille. Plus encore,
pendant la convention, elle était entourée de délégués de
l'extrême-droite qui n'ont pas hésité à saluer les autres délégués du
signe des "Loups Gris", un geste particulier au mouvement néo-fasciste
Parti d'Action Nationaliste (MHP).
Sa nomination comme Premier Ministre coïncide avec
le massacre de Sivas, au cours duquel 37 intellectuels de gauche et
alevis sont morts brûlés par une masse dirigée par le RP. En tant que
Premier Ministre, elle a accusé les victimes au lieu des assaillants et
a refusé d'assister aux funérailles.
En août 1993, le gouvernement de Ciller adoptait un
décret avec force de loi pour la création d'une armée professionnelle,
remplaçant l'armée obligatoire, pour combattre le PKK. Selon le décret,
tous les soldats de commandos volontaires peuvent demander, au moins 18
mois après la fin de leur service, à entrer dans cette force. Dans la
pratique, les premières 5.000 personnes qui ont annoncé leur intention
de rejoindre la nouvelle force proviennent des rangs du Parti d'Action
Nationaliste (MHP). De nombreux cercles y ont vu une manoeuvre pour la
création d'une armée de Loups Gris qui peut aggraver le conflit entre
les Turcs et les Kurdes. En octobre 1993, le gouvernement de Ciller a
commencé à armer les paysans sunnis pour combattre les Alevis et les
Kurdes.
Pendant ce temps, elle a fait tout son possible pour
amplifier son image de "croyante", assistant à de nombreuses cérémonies
la tête couverte et prononçant des vers du Coran.
Même pendant sa visite à Bruxelles en janvier 1994,
oubliant qu'elle était le Premier Ministre d'un Etat laïc, Ciller a
choisi la mosquée turque pour rencontrer les populations turques.
Pendant son mandat, de nombreuses personnes avec des
opinions fondamentalistes se sont portées candidates à des postes clés
de l'administration de l'Etat.
ARRESTATION SCANDALEUSE DES DEPUTES DU DEP
Avant les élections locales, la Turquie a assisté à
un énorme scandale après que le Parlement ait décidé de lever
l'immunité législative à huit députés.
Lors des sessions plénières des 2 et 3 mars le
Parlement a voté majoritairement pour la levée de l'immunité des
députés du DEP, Mahmut Alniak, Hatip Dicle, Orhan Dogan, Selim Sadak,
Sirri Sakik, Ahmet Türk et Mme Leyla Zana, accusés de haute trahison,
et l'ancien membre du RP, Hasan Mezarci, pour "insulte à Atatürk."
Juste après le vote, sans même attendre la
publication de la décision dans la Gazette Officielle, le procureur de
la CSE d'Ankara, Nusret Demiral, a ordonné aux forces de sécurité
d'encercler le bâtiment du parlement et d'arrêter les députés accusés
lors de leur sortie. De manière scandaleuse, une équipe anti-terroriste
a tout d'abord arrêté Hatip Dicle et Orhan Dogan aux portes du
Parlement tandis que les autres demeuraient à l'intérieur pour éviter
l'arrestation. Hasan Mezarci fut arrêté à Istanbul et les autres se
sont rendus au Bureau du Procureur quelques jours plus tard.
La levée de l'immunité parlementaire et
l'arrestation des députés a soulevé un tolet en Turquie et à l'étranger.
La demande de levée d'immunité de 22 députés kurdes
avait été déposée au Parlement par une lettre du procureur juste après
les élections du 20 octobre 1991, sur base de l'article 125 du Code
Pénal (pour haute trahison, punissable seulement de la peine de mort).
Ces députés étaient membres du Parti Travailleur du
Peuple (HEP), qui a passé un pacte électoral avec le SHP en 1991 et
appartenait donc au groupe parlementaire de ce parti. En mars 1992,
dix-huit de ces députés avaient quitté le SHP et étaient retournés au
HEP. Le 12 juillet 1993, un nouveau parti, le Parti de la Démocratie
(DEP), était fondé et accueillait ces députés en tant que membres. Le
DEP succédait au HEP, banni par le Tribunal Constitutionnel le 14 août
1993.
Entre novembre 1991 et août 1993 aucune décision
n'était prise quant à la demande de levée des immunités.
Cependant, le 2 décembre 1993 le Procureur Demiral
introduisait une demande auprès du Tribunal Constitutionnel pour la
fermeture du DEP en tant que parti pour cause de séparatisme. Celle-ci
donna lieu à la fermeture du HEP en août 1993. L'affaire est en suspens
devant le Tribunal Constitutionnel et on attend une décision aux
alentours du 1er juin 1994.
Après la levée de l'immunité parlementaire, Selim
Sadak a introduit un appel auprès du Tribunal Constitutionnel et son
immunité fut rétablie par décision du tribunal.
Les six autres députés du DEP sont restés sous
détention pendant la campagne électorale. Par ailleurs, de nombreux
représentants du DEP ont été victimes d'assassinats politiques ou de
harcèlements policiers partout en Turquie.
Face à cette pression croissante, le DEP a décidé de
ne pas participer aux élections du 27 mars 1994.
LA CONFERENCE DE BRUXELLES SUR LE KURDISTAN
Le Conférence Internationale sur le nord-ouest du
Kurdistan (sud-est de la Turquie) organisée par le Projet des Droits de
l'Homme du Kurdistan et Medico International se déroulait les 12 et 13
mars 1994 à Bruxelles malgré tous obstacles posés par le régime
d'Ankara.
Dans la conférence, qui a rassemblé 219 participants
de 26 pays, on a entendu 41 orateurs, y compris ceux de tous les grands
groupes politiques kurdes, des membres du parlement turc, des grands
intellectuels turcs et kurdes et des activistes des droits de l'homme.
Tous ont demandé à l'Etat turc de reconnaître explicitement tous ses
peuples et leur pleine participation démocratique à l'avenir.
Le leader du Parti des Travailleurs de Turquie
(PKK), Abdullah Öcalan, dans un message adressé à la réunion, affirmait
qu'il accepterait toutes les recommandations de la conférence sur la
nécessité de trouver des solutions démocratiques à la situation
critique de la population kurde dans le sud-est de la
Turquie.
Öcalan a clarifié la position de son parti en les
termes suivants:
"Nous sommes ouverts à toutes les propositions et à
toutes les initiatives sur la question provenant de n'importe quel pays
ou organisation internationale.
"Nous n'insistons pas sur la division de la Turquie.
Cette propagande ne reflète pas notre approche de la question.
"Je suis prêt à m'asseoir avec le gouvernement turc
pour débattre ces problèmes si ces discussions sont basées sur un
dialogue et s'inscrivent dans un cadre démocratique où nous puissions
exprimer les demandes légitimes de notre peuple. Nous ne nous sommes
jamais opposés aux propositions de solutions tangibles. Nous sommes
prêts à étudier toute alternative, y compris la fédération.
"Si un cessez-le-feu bilatéral est décrété sous
supervision internationale, et des pourparlers sont amorcés, nous
n'essaierons pas d'éluder ou d'obstruer ce processus.
"Nous ne cherchons pas une solution seulement dans
le contexte de la guerre. Cette lutte ce n'est pas nous qui l'avons
choisie. C'est l'Etat turc qui nous a obligés à défendre notre identité
nationale, avec sa détermination intransigeante de mener une sale
guerre contre notre peuple, convaincus de pouvoir trouver une solution
militaire à travers la terreur d'Etat."
La conférence a fait ressortir le besoin immédiat
d'un débat démocratique auquel participeraient réellement tous les
partis et a demandé une réponse urgente du gouvernement turc aux
recommandations de cessez-le-feu sous supervision internationale.
La conférence a également reconnu la responsabilité
historique des états européens dans la crise des droits de l'homme que
vit la population turque et en a appelé aux gouvernements européens et
aux Etats-Unis pour qu'ils mettent fin à toute aide économique et
militaire et appliquent et supervisent un embargo militaire jusqu'à ce
que la Turquie satisfasse ses engagements relatifs aux droits de
l'homme.
Le point 31 du document de la conférence spécifie
les obligations internationales de la Turquie et définit les rôles de
la CSECE et des Nations Unies.
La conférence demande à l'Etat turc de mettre fin à
la censure par des moyens légaux et à l'assassinat de journalistes, et
a appelé à tous les média, turcs, kurdes et internationaux, pour qu'ils
continuent à jouer un rôle important en rapportant la situation exacte
dans le Kurdistan.
Parmi d'autres recommandations spécifiques il faut
signaler le rétablissement de l'immunité parlementaire retirée
récemment à huit députés du Parlement turc et la remise en liberté des
députés actuellement en détention.
Suite à la conférence, 27 parlementaires du monde
entier, y compris la Turquie, ont émis une déclaration en huit points
demandant une solution démocratique au problème kurde en Turquie.
Pression turque en Belgique
Pour la célébration de la Conférence Internationale
du nord-ouest du Kurdistan, les organisateurs ont tout d'abord réservé
l'Hôtel Sheraton dans le quartier bruxellois de Saint-Josse. Mais dans
une nouvelle manoeuvre anti-kurde, les missions diplomatiques turques
se sont immédiatement mobilisées pour faire du chantage aux autorités
belges et ont averti que cette conférence pourrait provoquer de
nouveaux incidents dans ce quartier habité par des immigrants turcs.
Soumis à cette pression, les Ministères des affaires
extérieures et de l'intérieur ainsi que le bourgmestre de Saint-Josse
ont déclaré qu'ils ne pouvaient autoriser cette conférence pour le bien
de la loi et de l'ordre à Bruxelles et ont forcé les responsables à
organiser leur meeting hors de la ville, dans un autre hôtel situé près
de l'aéroport de Zaventem.
Le 1er janvier, on s'en souvient, un autre meeting
d'activistes kurdes à Saint-Josse avait subi les attaques de quelques
groupes turcs provoqués par les missions diplomatiques turques et les
Loups Gris d'extrême-droite. Pendant les manifestations un certain
nombre de magasins et de bureaux turcs ont été détruits.
Pendant les pourparlers entre les organisateurs de
la conférence et les autorités belges, ces dernières ont exprimé leur
crainte suite à l'incident intervenu avant la visite du Ministre des
affaires extérieures, Willy Claes, en Turquie à la fin du mois de mars.
Finalement, les organisateurs ont accepté de changer le lieu de la
conférence.
Ce résultat fut considéré par la presse turque comme
une "victoire diplomatique" du gouvernement turc.
En fait, les autorités belges, qui avaient
préalablement accusé les missions diplomatiques turques d'avoir
provoqué les accidents de Nouvel An, ont cette fois-ci cédé au chantage
d'Ankara. L'interdiction de la conférence kurde à Bruxelles parce que
celle-ci pouvait provoquer de nouveaux incidents était tout à fait
infondée. Juste après les incidents du Nouvel An, l'ancien colonel
Alparslan Türkes, leader du Parti d'Action Nationaliste (MHP), est venu
à Bruxelles et a organisé un meeting avec les Loups Gris et d'autres
activistes d'extrême-droite à l'hôtel Sheraton. Les autorités belges
n'ont nullement réagi contre ce meeting et ont autorisé le leader
fasciste turc à prononcer un discours plein provocations dirigées
contre les Kurdes et les Arméniens.
Willy Claes en Turquie
Le 29 mars, au cours de sa visite en Turquie, le
Ministre belge des affaires extérieures, Willy Claes, promettait que
son pays soutiendrait "l'intégration de la Turquie dans les
institutions européennes."
En réponse à la demande turque de renforcement des
liens entre la Turquie et l'Union Européenne, Claes a promis le soutien
de son pays et a déclaré: "Ne me demandez pas comment cela se fera.
J'espère qu'on trouvera une solution définitive au cours du conseil des
ministres des affaires extérieures des 9 et 10 mai.
La demande du soutien belge par Ankara s'inscrit
dans une initiative plus large, pour laquelle la Turquie a contacté la
Grande Bretagne, la France et l'Allemagne.
Pour ce qui est de la position belge sur la question
kurde, Willy Claes n'a pas changé la position initiale de la Belgique
selon laquelle l'interdiction du PKK serait "contre-productive."
"Si nous fermons les organisations actuelles,
d'autres seront ouvertes. Ou elles deviendront illégales, ce qui
rendrait leur contrôle plus difficile", a-t-il déclaré. "Mais
s'ils vont à l'encontre de la loi belge, ils seront sévèrement
punis."
Après cette conversation avec le Ministre turc des
affaires extérieures, Hikmet Cetin, Claes a déclaré: "Nous soutenons
fermement l'intégrité territoriale turque et nous opposons au
terrorisme, mais nous croyons également à une solution politique des
problèmes de la Turquie. Le violence engendre plus de violence."
Le gouvernement belge agit avec prudence dans ses
relations avec le gouvernement turc mais des membres du parlement belge
ont entrepris une initiative pour cesser de vendre des armes à la
Turquie.
Une loi votée en avril 1993 stipule qu'on ne vendra
plus d'armes à un pays où se déroule une guerre civile ou qui viole
continuellement les droits de l'homme. Le président de la Volksunie,
Bert Anciaux, et deux sénateurs, Nelly Maes et Willie Kuijpers, ont
dénoncé la vente par la Belgique à la Turquie de 51 avions, 2 bateaux
et 808.235 kilos d'équipement militaire entre le 9 février 1991 et le
27 mars 1993 et ont demandé au gouvernement d'interrompre immédiatement
les ventes à ce pays.
LE SUICIDE DE DEUX FEMMES KURDES EN ALLEMAGNE
Deux femmes kurdes sont mortes après s'être immolées
par le feu, le 21 mars, près d'un fleuve en Allemagne, pour protester
contre la vente d'armes de l'Allemagne à la Turquie.
Les blocages d'autoroutes par des immigrants kurdes
ont commencé le 19 mars et ont atteint le point culminant le 22 mars
avec un certain nombre d'immolations. Au moins sept autres Kurdes ont
été gravement blessés après s'être arrosés d'essence sous les yeux de
policiers horrifiés, devant des barricades de pneus en flammes.
L'Allemagne est le plus grand fournisseur européen
d'armes à la Turquie. Les ventes entre 1988 et 1992 s'élèvent à 1.800
millions de dollars. Bien que les contrats interdisent d'utiliser ces
armes pour combattre les Kurdes, des véhicules blindés de transport de
soldats de construction allemande ont été vus dans les régions kurdes.
Un porte-parole du Bureau d'Information du Kurdistan
à Cologne a affirmé que les Kurdes s'étaient immolés par désespoir.
"Que peuvent-ils faire d'autre? Pendant des années nous avons organisé
des actes de protestation pacifiques et les choses n'ont fait
qu'empirer", a-t-il ajouté.
Les morts de Bedriye Tas (Ronahi), 24, et Nilgun
Yildrim (Bêrîvan), 25, ont déjà amené les autorités allemandes à
considérer une possible interdiction des ventes d'armes allemandes à la
Turquie.
EUROPALIA 96 - TURQUIE
"Le drapeau turc flottera fièrement à Bruxelles
pendant le Festival Europalia 96 - Turquie, offrant à notre nation une
excellent et unique occasion de promouvoir son potentiel économique, sa
singulière culture, sa riche histoire et son attrait touristique."
Le choix de la Turquie pour l'Europalia 96 fut
annoncé en ces termes par les média turcs et fut considéré comme une
nouvelle victoire de sa diplomatie.
L'accord fondamental en vertu duquel Europalia
96-Turquie sera organisé fut signé le 31 janvier 1994 au cours d'une
cérémonie organisée à Istanbul et à laquelle ont assisté le Ministre
des affaires extérieures turc, Hikmet Cetin, le Ministre de la culture,
Fikri Saglar et le Président de la Fondation Internationale Europalia,
Barn Jean Godaux.
Sous le patronage du Président turc Demirel et du
Roi des Belges Albert II, le festival aura lieu entre septembre et
décembre 1996, non seulement à Bruxelles, mais également dans d'autres
villes d'Allemagne, Hollande, Luxembourg et France.
Lors de la cérémonie de signature, le Ministre des
affaires extérieures turc, Cetin, a souligné que le festival serait une
plate-forme idéale pour transmettre toutes sortes de messages au public
européen afin que celui-ci comprenne mieux la Turquie.
Dans une rencontre préalable avec les industriels
turcs, Cetin leur avait demandé de contribuer de toutes leurs forces à
l'organisation du festival pour laver la mauvaise image de la Turquie
dans les pays occidentaux. Un homme d'affaires turc, Bülent Eczacibasi,
fut nommé commissaire général turc du Festival Europalia 96-Turquie en
tant qu'homologue du commissaire belge Marcel van de Kerckhove.
Par ailleurs, un projet de loi a été soumis au
Parlement pour la création d'une Organisation Nationale Europalia
dépendant directement du Bureau du Premier Ministre.
La Turquie reste un pays qui viole constamment les
droits de l'homme et ne reconnaît pas les valeurs culturelles des
populations natives autres que les Turques, à savoir les Arméniens, les
Assyriens et les Grecs. Cette sélection fait déjà l'objet de certaines
critiques.
Le Festival Europalia 93-Mexico avait déjà été un
véritable cauchemar pour les autorités belges pour les mêmes raisons.
Dans Le Soir du 29 janvier, à une question
concernant la présence de la culture kurde dans la prochaine Europalia,
Baron Godaux, président de la Fondation Europalia, répondit: "On nous
reproche l'unique représentation de la culture d'Etat. A de nombreuses
reprises nous avons cherché d'autres formules, mais sans l'aide des
Etats, toute l'organisation reposera sur nos seules épaules, ce qui est
impensable du point de vue financier."
D'autre part, au cours d'une conférence de presse
convoquée le 31 mars à Bruxelles avec la participation d'Info-Türk, de
l'Institut Kurde, de l'Association d'Arméniens Démocrates et du Centre
Culturel de Mésopotamie, la Ligue des Droits de l'Homme de Belgique a
annoncé qu'ils organiseraient des événements alternatifs au Festival de
l'Europalia-96 pour attirer l'attention sur la situation des droits de
l'homme en Turquie si cette dernière ne met pas fin aux pratiques
anti-démocratiques avant 1996.
TERRORISME D'ETAT EN MARS
Un rapport publié à la fin du mois de mars 1994 par
l'Association des Droits de l'Homme (IHD) fait état d'un nombre
croissant de violations de droits de l'homme en Turquie, surtout dans
la région du sud-est. Dans les 30 pages du rapport on peut lire qu'en
mars un total de 102 civils ont été tués et 106 autres ont été blessés
au cours "d'attaques contre des civils."
Selon le rapport du IHD, en mars:
° Un total de 34 "assassinats mystérieux" ont été
rapportés.
° Vingt agglomérations kurdes ont été évacués de
force et/ou incendiés.
° Pendant les affrontements entre les guérillas
kurdes et les forces de l'Etat 500 personnes ont perdu la vie.
° 2.198 personnes ont été arrêtées dans tout le pays
et 124 d'entre elles ont été placées en détention par mandat judiciaire.
° Des écrivains et des éditeurs ont été condamnés à
un total de 12.326 mois de prison et à des amendes pour un total de 3,4
billions de TL. 64 journalistes sont toujours en prison.
° Les procureurs ont demandé un total de 567 mois de
prison et 2,5 milliards d'amendes pour des journalistes et écrivains.
Parmi les incidents cités dans le rapport il y en an
deux où les forces gouvernementales seraient impliquées dans
l'assassinat de 55 civils et auraient blessé huit autres.
Le 2 mars, la CSE d'Istanbul condamne le membre du
PKK Abdullah Kanat à la peine capitale et sept autres défendeurs à des
peines de prison allant jusqu'à 20 ans.
PRESSIONS SUR LES MEDIAS EN MARS
Le 1.3, la CSE d'Istanbul émet un mandat d'arrêt
contre Yasar Kaya, éditeur du quotidien Özgür Gündem et ancien
président du DEP, et l'écrivain Abdurrahman Düre. Ils sont accusés
d'avoir fait de la propagande séparatiste dans quatre éditions
différentes du journal.
Le 2.3, le rédacteur responsable du nouveau journal
kurde Newroz, Müslüm Celik est arrêté par la CSE d'Istanbul pour avoir
fait de la propagande séparatiste dans 15 articles différents publiés
dans la première édition.
Le 2.3, le quotidien Aydinlik es confisqué par la
CSE d'Istanbul pour un rapport concernant le boycott kurde aux
élections.
Le 3.3, six journalistes du quotidien Özgür Gündem,
Serdar Karakoc, Riza Zingal, Namik Alkan, Senol Karaaslan, Ozguhan
Ögrük et Emin Ünay, sont traduits devant la CSE d'Izmir pour avoir
soutenu le PKK. Le journaliste allemand Sven Grienmert est harcelé par
la police alors qu'il couvre le procès.
Le 5.3, trois livres publiés par la Maison d'Edition
Dilan, l'Histoire contemporaine du Kurdistan, Processus éducatif au
Kurdistan et Interrogation, prison, résistance et vie sont confisqués
par la CSE de Diyarbakir.
Le 6.3, l'hebdomadaire Azadi N˚ 95 est confisqué par
la CSE d'Istanbul.
Le 7.3, la CSE d'Istanbul confisque le N˚ 45 de la
revue Medya Günesi pour propagande séparatiste.
Le 8.3, l'écrivain Mehmet Bayrak est condamné à deux
mois de prison et à payer une amende de 50 millions de TL pour son
livre Chansons populaires kurdes.
Le 8.3, commence à la CSE d'Istanbul le procès de
deux journalistes du quotidien Cumhuriyet, de l'éditeur Berin Nadi et
du rédacteur Aydin Engin, pour avoir publié le communiqué d'une
organisation illégale. Chacun d'eux risque une peine de prison de 6
mois et une amende de 50 millions de TL.
Le 8.3, le distributeur du quotidien Özgür Gündem à
Diyarbakir, Yilmaz Yakut, est arrêté par la police.
Le 9.3, la CSE d'Istanbul émet quatre autres mandats
d'arrêt contre Yasar Kaya, éditeur d'Özgür Gündem. Le nombre des
mandats d'arrêt contre lui s'élève donc à neuf.
Le 10.3, l'ancien Secrétaire général du DEP, Ibrahim
Aksoy est condamné par la CSE de Konya à 230 mois de prison et à payer
une amende de 41 millions de TL pour une déclaration faite à Konya en
1991.
Le 10.3, les dernières éditions de deux revues,
Alinteri et Devrimci Proleter Genclik, sont confisquées par la CSE
d'Istanbul pour propagande séparatiste.
Le 11.3, deux écrivains, Osman Aytar et Recep
Marasli sont condamnés par la CSE d'Istanbul à deux ans de prison et à
payer une amende de 100 millions de TL chacun pour les déclarations
faites pendant le meeting de l'IHD à Istanbul.
Le 11.3, la CSE d'Istanbul condamne l'écologiste
Ismail Besikci à 2 ans de prison et à une amende de 250 millions de TL
pour son livre La voie ouverte par les tribunaux. Par ailleurs, le
procureur a intenté une nouvelle action contre le directeur de la
Maison d'Edition Yurt, Ünsal Öztürk, qui publia son livre.
Le 11.3, le rédacteur responsable de la revue Emek,
Garip Töre, est condamné par la CSE d'Istanbul à 2 ans de prison et à
une amende de 250 millions de TL pour propagande séparatiste. Le
propriétaire de la revue, Ali Demir, est également condamné à payer une
amende de 100 millions de TL. Le tribunal a également décidé de fermer
la revue pendant un mois.
Le 13.3, deux périodiques, le N˚ 23 d'Özgür Gündem
et le N˚ 4 de Newroz sont confisqués par la CSE d'Istanbul pour
propagande séparatiste et apologie d'une organisation illégale.
Le 16.3, le correspondant à Urfa d'Özgür Gündem,
Nazim Babaoglu, avoir disparu depuis le 12 mars. Ses collègues
affirment qu'il pourrait être retenu par des groupes hostiles.
Le 16.3, au cours de la campagne électorale du
Premier Ministre Ciller à Antalya, six journalistes sont battus par une
équipe de police sur ordre du directeur de la sûreté d'Antalya, Mete
Altan.
Le 17.3, deux périodiques, le N˚ 96 d'Azadi et
d'Hedef (édition spéciale) sont confisqués par la CSE d'Istanbul.
Le 17.3, la CSE d'Istanbul condamne l'éditeur du
quotidien Özgür Gündem, Yasar Kaya, à payer une amende de 143.649.000
TL et un ancien rédacteur de ce même quotidien, Seyh Davut Karadag,
écope d'une amende de 71.847.000 TL pour un article concernant un
cessez-le-feu décrété par le PKK.
Le 18.3, trois membres d'un groupe musical, Kutup
Yildizi, Ayhan Sagcan, Murat Tokdemir et Haluk Akbay sont arrêtés à
Adana. La police arrête également Seyda Gergin, directeur du Centre
Culturel d'Adana.
Le 21.3, un ancien rédacteur d'Özgür Gündem, Gülay
Celik est condamné par la Haute Cour Pénale N˚ 2 d'Istanbul à dix mois
de prison. Le tribunal décide également de fermer le journal pendant
quinze jours et d'émettre un autre mandat d'arrêt contre l'éditeur
Yasar Kaya.
Le 22.3, deux périodiques, le N˚ 97 d'Azadi et le N˚
24 de Devrim, sont confisqués par la CSE d'Istanbul pour propagande
séparatiste.
Le 24.3, la Haute Cour Pénale N˚ 2 d'Istanbul
condamne le caricaturiste d'Özgür Gündem, Dogan Güzel, à 10 mois de
prison et le rédacteur responsable, Bülent Balta, à une amende. Le
tribunal décide également de fermer le journal pendant 15 jours.
L'interdiction d'Özgür Gündem s'élève donc à six mois.
Le 24.3, deux périodiques sont confisqués par la CSE
d'Istanbul: Newroz pour propagande séparatiste et Iktidar pour son
boycott des élections.
Le 25.3, la CSE d'Istanbul, dans trois affaires
différentes, condamne trois journalistes d'Özgür Gündem à de lourdes
peines: un ancien rédacteur, Seyh Davut Karadag, à un total de 4 ans et
6 mois de prison et à une amende de 615.524.000 TL, l'éditeur Yasar
Kaya, à une amende de 462.048.000 TL et l'écrivain Ismail Besikci, à
deux mois de prison et à une amende de 50 millions de TL. Le tribunal a
également décidé de fermer le journal pendant 45 jours.
Le 25.3, la CSE d'Istanbul condamne un ancien
rédacteur de l'hebdomadaire Azadi, Zana Sezen, à un an, onze mois et
dix jours de prison et à payer une amende de 43 millions de TL et
l'éditeur de la revue, Ikramettin Oguz, à payer une amende de 83
millions de TL. Le tribunal a également décidé de fermer Azadi pendant
dix jours.
Le 26.3, la décision d'une cour de fermer le
périodique Özgür Gündem pendant 15 jours est ratifiée par la Cour de
Cassation et immédiatement exécutée par la police.
Le 29.3, la CSE d'Istanbul confisque le N˚ 98 de
l'hebdomadaire Azadi pour propagande séparatiste.
Le 31.3, l'ancien rédacteur d'Özgür Gündem, Seyh
Davut Karadag, est condamné par la CSE d'Istanbul à 12 mois de prison
et à payer une amende de 321 millions de TL. Le tribunal condamne
également l'éditeur, Yasar Kaya, à payer une amende de 287 millions de
TL et décide de fermer le journal pendant 15 jours.
Le 31.3, le quotidien Aydinlik est confisqué par la
CSE d'Istanbul pour instigation au crime.
LE PROFESSEUR BASKAYA EN PRISON
Le 18 mars 1994 le professeur Fikret Bakaya était
emprisonné pour purger une peine de 20 mois de prison. Il avait été
condamné par la CSE d'Istanbul à une peine de prison et à payer une
amende de 41 millions de TL pour son livre L'échec du
paradigme-Introduction à la critique de l'idéologie officielle.
Dans la même affaire, le directeur de la maison
d'édition Doz, Selim Okcuoglu, était également condamné à 5 mois de
prison et à payer une amende de 41 millions de TL en vertu de l'article
8 de la Loi Anti-Terreur.
Les deux sentences ont été ratifiées par la Cour de
Cassation le 22 décembre 1993.
Baskaya, né en 1940, est professeur à l'Université
Abant Izzet Baysal de Bolu. Après avoir complété son doctorat en
France, Baskaya a mené des recherches sur des thèmes comme
l'impérialisme, le sous-développement et la transition du socialisme au
capitalisme dans les universités de Paris et de Poitiers. Ses livres
s'intitulent Capitalisme d'environnement ou sous-développement, Du
socialisme d'Etat aux 24 décisions du 24 janvier, La continuité du
sous-développement, Un test de la crise de la dette et L'échec du
paradigme. Il a également écrit des articles dans divers journaux et
revues.
LE TABOU ARMENIEN CONFISQUE
En mars, la CSE d'Istanbul confisquait un livre sur
le génocide arménien et la même cour inculpait les éditeurs turcs en
vertu de la Loi Anti-Terreur.
Le traduction d'un livre français intitulé Les
Arméniens, histoire d'un génocide (Paris: Editions du Seuil, 1977) a
été édité en Turquie par la Maison d'Edition Belge sous le titre Le
Tabou arménien (Ermeni Tabsu).
Les propriétaires de la maison d'édition, M. Ragip
Zarakolu et Mme Ayse Zarakolu, ainsi que le traducteur du livre, M.
Emirhan Oguz, sont accusés d'incitation à la belligérance, de
ségrégation raciale et territoriale et d'atteinte à l'intégrité
territoriale de la Turquie.
Mme Zarakolu, qui a déjà été condamnée à cinq ans de
prison pour avoir publié un livre d'Ismail Besikci, risque la prison
tandis que M. Zarakolu et Mme Oguz risquent de lourdes amendes.
Le Tabou Arménien ne serait que le deuxième livre
publié en Turquie reconnaissant que les déportations et le
génocide prémédité de la population arménienne de l'Empire
ottoman.
Le premier livre turc exposant cette idée était
L'Identité nationale turque et la Question arménienne (Istanbul,
Iletsim Yayinlari, 1992), de Taner Akcam, actuellement exilé politique
en Allemagne et chercheur au Hamburger Institut für
Sozialforshung.