APPEL URGENT
Défiant l'opinion publique, le gouvernement de
Ciller-Karayalcin, en collaboration avec les militaires, a dépassé
toutes les limites imaginables dans la violation des droits de l'homme
en Turquie.
Selon les rapports mensuels de l'Association des
Droits de l'Homme de Turquie (IHD), "l'ignorance en Turquie des
exécutions extra-judiciaires, des tortures, des délits de conscience,
et de l'inexistence de la liberté de presse et de publication donne une
image qui pousse à la réflexion."
Le 31 mai, le Premier Ministre Ciller, réitérant que
la lutte anti-terroriste était menée avec grand succès, contredisait
une déclaration précédente où elle affirmait que le PKK serait battu
avant l'été en prétendant que la bataille sera finie avant la fin de
l'année.
Sous prétexte de combattre le terrorisme, des
centaines de villages kurdes ont été bombardés et détruits, des
milliers d'innocents ont été arrêtés et torturés, des partis politiques
et des associations ont été fermées, des journaux et des livres ont été
confisqués, des journalistes, des universitaires et des écrivains ont
été jetés en prison.
Les victimes de l'Article 8 de la Loi Anti-Terreur,
98 journalistes, écrivains et éditeurs, étaient encore en prison le 31
mai, rapportait l'IHD. Ils risquent un total de 348 ans de prison.
Depuis lors:
Le Parti de la Démocratie (DEP), le seul parti légal
qui défendait les droits du peuple kurde, fut fermé le 16 juin par le
Tribunal Constitutionnel.
La peine de prison totale imposée au sociologue turc
Ismail Besikci, actuellement en prison à cause de son article sur la
Question Kurde, a été portée à 42 ans et ses amendes s'élèvent à 3
milliards 18 millions de TL suite à une série de condamnations par les
Cours de la Sûreté de l'État.
Actuellement, parmi les centaines de prisonniers de
conscience, six membres du Parlement, Leyla Zana, Mahmut Alniak, Hatip
Dicle, Orhan Dogan, Sirri Sakik et Ahmet Türk; un ancien maire, Mehdi
Zana; un leader syndicaliste, Münir Ceylan; deux universitaires, Ismail
Besikci et Fikret Baskaya; un artiste, Kemal Sahir Güler; un avocat,
Ahmet Zeki Okcuoglu; et trois éditeurs, Ayse Nur Zarakolu, Sirri
Öztürk, Selim Okcuoglu et Ünsal Öztürk purgent leur peine dans
différentes prisons.
Un appel urgent de France
"Au moment où nous célébrons le 50ème anniversaire
du débarquement et honorons les victimes des barbaries passées, tout
près de nous, dans un pays allié, armé et financé par nos démocraties,
une population déjà si malmenée par l'histoire subit, dans
l'indifférence générale, la destruction systématique de ses villages,
le dépeuplement forcé de ses villes et la décimation de ses élites
politiques et intellectuels.
Une annonce par des organisations françaises publiée
dans Le Monde et The International Herald Tribune, respectivement les 8
et 9 juin 1994, commence avec cette phrase.
Agir ensemble pour les Droits de l'Homme, Agir ici,
CGT, CIMADE, Comité national de solidarité au peuple kurde, CRIDEV,
Fédération internationale des Ligues des Droits de l'Homme, Fédération
internationale des SOS-Racisme, Fondation France-Libertés, FSU, LICRA,
Maison du Monde, Médecins du Monde, MRAP, Nouveaux Droits de l'Homme,
Peuples Solidaires, SNES, SNESup, SOS-Racisme, Terre des Hommes-France
et Comité de Défense des Libertés et des Droits de l'Homme
résument l'atrocité dans le Kurdistan turc dans les termes suivants:
"Chaque mois une trentaine de villages kurdes sont
rayés de la carte, des forêts brûlées, plusieurs Oradour sont perpétrés
sous le couvert de la 'lutte contre le terrorisme', dans le silence de
la communauté internationale.
"Face à l'intense campagne de désinformation
d'Ankara, tendant à réduire le problème des aspirations légitimes et
démocratiques des 15 millions de Kurdes de Turquie à celui du
'terrorisme du PKK', les organisations non gouvernementales
soussignées, solidaires du peuple kurde et opposées à toute forme de
violence, tiennent à porter à la connaissance de l'opinion publique les
faits suivants."
Après avoir donné une liste provisionnelle des
villages kurdes détruits par l'Armée turque, l'annonce déclare:
"Les villes kurdes de Sirnak, Kulp, Lice, Cukurca,
en grande partie détruites, sont devenues des cités fantômes. D'autres
villes comme Cizre, Silvan, Idil, Midyat, Nusaybin ont perdu plus de la
moitié de leurs habitants à la suite de la politique de terreur et
d'assassinat menée par les forces spéciales turques. Celles-ci ont en
deux ans assassiné 1638 intellectuels, hommes politiques,
syndicalistes, enseignants démocrates kurdes dont le poète kurde Musa
Anter, 74 ans, le député de Mardin Mehmet Sincar, et 72 autres
dirigeants de son parti, 34 journalistes et distributeurs de journaux.
Plusieurs milliers de militants kurdes sont en prison pour délit
d'opinion. Parmi eux: les députés Leyla Zana, Mahmut Alniak, Hatip
Dicle, Orhan Dogan, Sirri Sakik et Ahmet Türk, en détention préventive
depuis le 4 mars et menacés de la peine de mort pour leurs opinions;
Mehmdi Zana, ancien maire de Diyarbakir qui a déjà passé 15 ans en
prison pour délit d'opinion condamné à 4 ans de prison pour son
témoignage devant le Parlement européen; le sociologue turc ismail
Besikci, qui a déjà passé 13 ans en prison pour ses écrits sur les
Kurdes, condamné à 5 ans pour deux de ses livres, 64 journalists, de
nombreux universitaires et avocats. Depuis janvier 1994, déjà au moins
5899 personnes ont été gardées à vue et torturées, 164 d'entre elles
sont décédées ou 'disparues' pendant cette garde à vue de 15 jours,
reconductible. A la suite de ce terrorisme d'Etat mené depuis 1980 dans
les provinces kurdes, celles-ci ont perdu la moitié de leur population.
Il apparaît clairement que l'objectif des autorités turques est de
dépeupler le Kurdistan, de déterritorialiser la question kurde et
d'éparpiller le peuple kurde afin de mieux 'l'assimiler' dans le cadre
du traditionnel projet turc de 'recomposition ethnique du pays' qui a
commencé par le génocide des Arméniens, poursuivi par l'expulsion
d'Anatolie de 1.200.000 Grecs dans les années 1920 et qui doit
s'achever par l'éparpillement des Kurdes, dernière communauté indigène
non turque du pays.
"Ces faits sont pour l'essentiel connus de nos
gouvernements qui savent aussi que la guerre du Kurdistan a déjà fait
plus de 15.000 morts et coûté 25 milliards de dollar au budget turc.
Nous sommes d'autant plus indignés par leur inaction que la Turquie est
un pays que nous continuons d'accueillir dans nos institutions
occidentales comme le Conseil de l'Europe et l'OTAN, en lui donnant
ainsi indûment un certificat de bonne conduite.
"Les organisations soussignées considèrent que dans
la situation actuelle tout État vendant des armes à la Turquie ou lui
fournissant une aide économique, qui sera déviée vers la guerre, se
rend complice de l'actuelle campagne turque de destruction et de
dépeuplement du Kurdistan de Turquie.
"Elles demandent aux démocraties occidentales d'agir
avec diligence, soit pour amener leur allié turc à mettre un terme à la
persécution du peuple kurde en engageant un processus de recherche
d'une solution politique à la question kurde sous l'égide de la CSCE,
de l'Union européenne et de l'ONU, soit, si Ankara persiste dans sa
politique actuelle, lui retirer tout soutien politique, financier et
militaire et l'exclure de nos institutions occidentales où sa présence
ne pourrait que nos discréditer et nos déshonorer."
FERMETURE DU PARTI DE LA DEMOCRATIE (DEP)
Le Parti de la Démocratie (DEP), le seul parti légal
qui défendait les droits du peuple kurde, fut fermé le 16 juin par le
Tribunal Constitutionnel et treize députés kurdes ont été privés de
leurs fonctions législatives. Alors que six d'entre eux sont déjà en
prison, la CSE d'Ankara a déjà annoncé que sept autres le seraient
également pour déclarations séparatistes.
Suite à cette décision, l'ancien président du DEP,
Yasar Kaya, et cinq députés du parti, Remzi Kartal, Mahmut Kilinc,
Zübeyir Aydar, Nizamettin Toguc et Ali Yigit ont donné une conférence
de presse le 17 à Bruxelles pour annoncer qu'ils mèneraient une
campagne internationale contre cette décision anti-démocratique.
Tous ces députés, et deux autres qui sont restés en
Turquie, Sedat Yurttas et Selim Sadak, risquent une arrestation par le
Procureur de la CSE d'Ankara.
Avant que la décision de fermeture soit prise, en
solidarité avec le Parti de la Démocratie (DEP), un bureau
international avait été ouvert à Bruxelles, le 26 mai 1994.
A la cérémonie d'ouverture du Bureau International
de Solidarité avec le DEP ont assisté le président d'honneur de ce
parti, Yasar Kaya, le vice-président, Remzi Kartal, ainsi que des
députés belges et kurdes.
Dans un discours prononcé lors de la cérémonie,
Yasar Kaya a déclaré: "Le DEP n'est pas un parti ordinaire. Il s'appuie
sur l'héritage de 56 martyrs du Parti Travailliste du Peuple (HEP),
prédécesseur du DEP fermé par le Tribunal Constitutionnel. Le DEP est
un parti politique qui lutte pour la démocratie et les droits de
l'homme en Turquie. Il s'agit d'un parti démocratique de masse
revendiquant des droits démocratiques pour le peuple kurde.
"Je voudrais souligner que le DEP n'est pas un parti
séparatiste. Il se bat pour la démocratie et les droits du peuple kurde
dans une Turquie unie. Aujourd'hui aucun des autres partis représentés
au Parlement Turc n'est en mesure de reconnaître l'identité kurde et
d'établir un rapport sur la Question kurde. Cette situation est
essentiellement le fruit de 70 ans d'interdits sur ce problème.
"Le président d'honneur d'une formation politique ne
dirige pas ses activités politiques. Fidèle à l'idéologie et au
programme du parti, il demeure un observateur et apporte une
contribution morale et intellectuelle. Cependant, je ne me trouve pas
dans ce cas. Le président de mon parti, Hatip Dicle, et nos députés,
Ahmet Türk, Leyla Zana, Sirri Sakik et Orhan Dogan sont en prison
depuis plus de 70 jours. Les bureaux du parti ont été détruits le 2
février par une explosion qui a tué une personne et blessé 16 autres.
Précédemment, le 4 septembre 1993, nos députés ont été assassinés: le
député Mehmet Sincar, deux représentants provinciaux, Habib Kilic et
Metin Özdemir sont devenus des martyrs, et le député Nizamettin Toguc a
été gravement blessé.
Pour une déclaration que j'avais faite le 15
septembre 1993, je fus arrêté par la CSE d'Ankara. Si l'on exclue les
périodes des putschs militaires, je suis le seul président de parti à
avoir été arrêté dans un régime parlementaire. Je suis resté en prison
pendant trois mois. Nos 80 martyrs sont le résultat des multiples
attaques que le DEP a souffert, un record mondial."
Le Bureau International de Solidarité avec le DEP à
Bruxelles est présidé par Yasar Kaya. Le sénateur belge Germain Dufour
collabore avec le bureau en tant que secrétaire et le sénateur Paul
Pataer en tant que membre.
(Bureau International de Solidarité avec le DEP -
Avenue Louise 129 A - 1050 Bruxelles, Tél: 32-2-539 30 33, Fax: 539 38
87).
PROLONGATION DE L'ETAT D'URGENCE
Le 8 juin l'Assemblée Nationale prolongeait l'état
d'urgence pour la 21e fois et ce pour quatre mois dans les 10 provinces
du Kurdistan. Malgré la promesse de lever le régime semi-militaire, le
Parti Populiste Social Démocrate (SHP) a voté en faveur de la
prolongation.
Au cours de l'agité débat parlementaire, le député
du DEP Mahmut Kilinc a critiqué l'option militariste du gouvernement
pour résoudre la Question kurde et a déclaré: "Tout pays abordant le
problème kurde et approchant le peuple kurde dans le Moyen-Orient d'une
manière humaine et contemporaine gagnera leur sympathie. Vous avez tort
si vous pensez qu'en tuant cinq ou dix mille militants du PKK vous
allez résoudre le problème. Supposons que vous éliminiez le PKK,
comment préviendrez-vous l'apparition d'un autre PKK?"
Kilinc a également souligné que 28 Kurdes avaient
été tués récemment à Adiyaman, traînés par les pieds, mis dans des
bennes à ordures et enterrés dans une fosse commune. "En ce moment, le
village de Levrek, dans la ville de Beytulsebap, à Hakkari, et deux
hameaux, sont en train de brûler. Si vous ne le croyez pas, téléphonez
maintenant. Le numéro de téléphone est le 311.22.61. Le code de la
région est le 488."
Par ailleurs, faisant allusion aux mystérieux
assassinats de plusieurs hommes d'affaires kurdes, Kilinc a accusé la
Premier Ministre d'avoir incité les assassins.
"Voyez ce qu'a dit la Premier Ministre pendant une
conférence de presse le 4 novembre 1993. `Nous connaissons les noms des
hommes d'affaires et des artistes desquels le PKK reçoit de l'argent et
nous leur demanderons des comptes'. Voyez ce qui est arrivé par la
suite. Behcet Cantürk a été enlevé le 15 janvier 1994 et finalement
assassiné. Fevzi Aslan et son neveu Salih Aslan ont été kidnappés et
assassinés le 28 mars 1994. Halil Alpsoy a été arrêté à Istanbul le 17
mai. Il fut retrouvé mort le 24 mai près de Kirikkale. L'avocat de
Behcet Cantürk, Yusuf Ziya Ekinci, a été tué. Savas Buldan, Haci Karay
et Adnan Yildrim ont été assassinés. Est-ce que les policiers et ceux
qui contrôlent les radios et les armes ont le droit de tuer ces
personnes? Si un Premier Ministre dit, `1.250 noms ont été fichés',
elle peut les révéler et alors les forces de police et le procureur
pourront prendre les mesures nécessaires. Un Premier Ministre ne peut
pas demander des comptes", conclut Kilinc.
Le Ministre de l'intérieur, Nahit Mentese, au lieu
de désavouer ces assassinats a accusé le député du DEP de parler comme
s'il était un représentant du PKK et a demandé à l'Assemblée Nationale
de voter en faveur d'une prolongation de l'état d'urgence.
UN SYNDICALISTE EMPRISONNE
L'ancien président du Syndicat des Travailleurs du
Pétrole (Petrol Is), Münir Ceylan, fut emprisonné le 1er juin à la
prison de Saray, située à Tekirdag, où il purgera une peine de 20 mois
de prison. Ceylan a été jugé en vertu de l'Article 312 du Code Pénal
Turc, suite à la publication d'un article sur l'assassinat de
syndicalistes et de personnes progressistes à Batman.
Rien qu'au cours des trois dernières années, plus de
350 personnes ont été victimes d'assassinats politiques à Batman, le
centre nerveux de l'industrie pétrolière de la Turquie. Les forces de
sécurité ont été impliquées dans beaucoup d'assassinats. Ceux-ci se
produisent également dans le cadre du conflit continuel qui oppose les
forces du gouvernement turc aux guérillas du PKK.
Parmi les victimes de la violence politique figurent
des membres du Syndicat des Travailleurs du Pétrole (Petrol-Is), qui
compte 62.000 membres.
Le président du syndicat, Münir Ceylan, a décidé
qu'il était temps de parler. Dans un article écrit pour le journal Yeni
Ülke, il a lancé un appel aux travailleurs pour qu'ils fassent tout
leur possible pour mettre fin à la violence.
Münir Ceylan a été arrêté et accusé d'inciter à
"l'hostilité et la haine". L'article en lui-même ne préconisait pas la
violence et ne prêchait pas la haine. Münir a été condamné à 20 mois de
prison.
"DANS LES SALLES DE TORTURE DE TURQUIE"
A jeune Turc qui avait été employé comme
tortionnaire pendant son service militaire et avait fui la Turquie en
se révoltant contre cette pratique inhumaine, raconte son expérience
horrifiante dans un livre publié en néerlandais, Faraç: Dans les salles
de torture de Turquie.
Au cours d'une conférence de presse tenue à
Bruxelles le 15 juin 1994, à l'occasion de la parution de son livre,
l'auteur Mickaël Suphi a dit: "Ce livre signe mon arrêt de mort.
L'organisation pour laquelle j'ai travaillé ne supporte pas la moindre
trahison. Mais je ne peux plus me taire."
Il a ajouté qu'en effet il a reçu plusieurs menaces
de mort part téléphone et a été attaqué par des inconnus dans les bois
de Geel, dans un pur style commando, pour empêcher la parution de son
ouvrage.
Mickaël Suphi, fils d'une famille immigrée turque,
est retourné en Turquie le 24 août 1987 pour faire son service
militaire. Ayant connaissance de plusieurs langues étrangères, après un
mois de formation à Kütahya, les commandants lui ont proposé de
travailler comme interprète et réceptionniste au service de
l'Organisation nationale de Renseignements (MIT). Sous l'influence des
films d'espionnage américains et dans l'espoir de terminer son service
militaire de 18 mois en costume civil il a accepté cette proposition
avec grand plaisir. Pourtant, quand il est entré au service du MIT, il
s'est rendu compte qu'on lui a réservé la mission d'interroger les
suspects sous la torture.
"Quelques jours plus tard, j'ai été envoyé à
Eskisehir. Ils m'ont donné un pseudonyme: Faraç," dit Mickaël. "Les
deux premiers jours, Murat, Metin et moi-même avons été sérieusement
pris en main par Vedat et Docteur. Ils devaient nous transformer en
machines incapables du moindre sentiment. Du lavage de cerveau. De la
manipulation. Une vraie destruction de notre personnalité. La mission
de Vedat et de Docteur était de nous apprendre tout ce qui fallait
savoir en ce qui concerne les tortures, les exécutions, les
manipulations et autres saloperies. Tout cela en six semaines. D'abord
deux jours de cours théoriques en techniques de torture. Puis réveil
toutes les nuits à 2 heures du matin par Vedat, notre chef, afin de
mettre en pratique les cours théoriques.
"Nous sommes arrivés dans la salle de torture. Il y
avait trois personnes devant nous. Menottées, les yeux bandés et la
bouche fermée par du sparadrap. Trois cobayes pour trois élèves
tortionnaires. Un vieil homme d'environ soixante ans et deux hommes
dans les trentaines, accusés d'être opposants. Ils ont été torturés
tous les trois pendant deux heures. J'ai fait la connaissance de la
falaka et du cintre palestinien. Le lendemain, même chose. Nous avons
torturé quatre personnes. Un journaliste et trois autres: la cage au
chien et le supplice du fromage. Puis, un jour, on ne nous amena plus
de soi-disant terroristes. Non, cette fois, il s'agissait d'un enfant
de maximum douze ans. C'était un test pour s'assurer que nous étions
devenus suffisamment endurcis. Si nous étions capables de torture cet
enfant, nous serions capables de torture n'importe qui. A ce moment-là,
je me suis rendu compte qu'un enfant ne pouvait pas être terroriste et
que probablement tous ces autres prisonniers étaient innocents. Ils
avaient été utilisés comme cobayes pour ces traitements inhumains. J'ai
refusé. J'avais surmonté mon angoisse. Après cela j'ai été roué de
coups, menacé, torturé psychologiquement... L'enfant a été torturé par
mes collègues. J'ai pu leur poser la question, mais Metin a baissé la
tête et Murat avais les larmes aux yeux. Ces images remontent en moi au
cours de mes cauchemars. Quelques heures plus tard, j'ai eu l'énorme
chance de pouvoir m'enfuir. Beaucoup de chance et quelques
fonctionnaires corrompus... J'ai réussi ainsi à quitter la Turquie et à
retourner en Belgique.
"Vous me demanderez pourquoi je révèle tout ceci
seulement aujourd'hui et non pas directement après mon retour en
Belgique. Les raisons en sont nombreuses. D'abord, j'avais été
conditionné de telle façon que je craignais pour ma vie. Je craignais
surtout pour la vie d'autres personnes, telles mes deux collègues, car
Vedat nous avait expliqué que nos vies à tous trois dépendaient des
autres. Si quelqu'un parlait, les autres disparaîtraient et en
paieraient le prix. J'ai décidé de me taire et d'essayer de tout
oublier. Je me suis marié et je n'ai rien dit, ni à ma femme, ni à ma
famille ni à mes amis. Ils savaient que j'étais déserteur et qu'il
m'était donc impossible de retourner en Turquie. Mais ils ne
connaissaient pas la vérité. Ils ne savaient pas qui était Faraç.
"En 1992, j'ai demandé la nationalité belge. Un an
plus tard, en juillet 1993, juste après les élections en Turquie, j'ai
reçu un coup de fil. La voix me disait: Faraç... puis des menaces. Je
n'avais jamais prononcé ce nom devant personne. J'ai dit adieu à ma
famille, à ma femme, à mes amis et j'ai disparu à l'étranger pour
écrire tout ce que j'ai vécu. Jusqu'à ce jour, je me sens comme une
bombe à retardement dont on entend le tic-tac, mais qui n'explose pas.
Aujourd'hui, elle explose, ici, dans cette salle de presse."
Le livre publié pour le moment uniquement en
néerlandais paraîtra également en français au cours du mois de
septembre 1994. (Faraç: Relaas uit de Turkse folterkamers, par Mickaël
Suphi, Éditions EPO - Lange Pastoorstraat 25-27, 2000 Berchem, Belgique)
CONTROLE DE VIRGINITE SUR LES FEMMES
Dans un rapport publié le 5 juin 1994, le Projet
Droits des Femmes de Human Rights Watch a accusé le gouvernement turc
d'imposer un contrôle de virginité aux femmes en détention policière.
Le rapport, Une question de pouvoir: Contrôle de la
virginité des femmes par l'État en Turquie, précise que la police force
les détenues politiques et les délinquantes ordinaires à se soumettre à
des examens gynécologiques pour déterminer l'état de leurs hymens. Il
souligne également que les fonctionnaires de l'Etat, qui n'insistent
pas de la même manière sur la virginité masculine, ont imposé ces tests
aux patientes des hôpitaux, aux résidentes des dortoirs publics et aux
femmes qui sollicitent un poste public. Ils prennent part également aux
examens de contrôle de virginité demandés par des personnalités privées.
Le rapport conclut que, malgré les promesses du
gouvernement turc de s'occuper de ce problème, des agents de l'Etat
continuent de prendre part à ces pratiques discriminatoires et
envahissantes dans les postes de police et ailleurs. Human Rights Watch
demande au Premier Ministre Tansu Ciller et au gouvernement turc de
dénoncer publiquement cette pratique et de prendre des mesures contre
les responsables.
Basé sur une mission menée en Turquie en juillet
1993, le rapport documente des cas de contrôle de virginité
obligatoire. Dans le cas des détenues politiques, la police soutient
que les examens constituent une protection nécessaire contre les abus
par les gardiens. En fait, les examens eux-mêmes sont abusifs. Les
femmes victimes de ces contrôles prétendent que ceux ci sont dégradants
et souvent douloureux. Dans la plupart des cas ils impliquent la menace
ou l'usage de la force et l'introduction d'un spéculum ou d'une main
dans le vagin.
Dans un cas examiné par Human Rights Watch deux
femmes journalistes ont été arrêtées soupçonnées d'activités politiques
et à deux reprises elles ont été obligées de se soumettre aux examens
de virginité après qu'un médecin de l'État les ait menacées: "Vous
feriez mieux d'accepter l'examen ou eux-mêmes [la police] viendront
vous écarter les jambes."
Les détenues politiques font souvent l'objet de
railleries avec les résultats des examens, et les gardiens les menacent
de leur ôter leur virginité (le rapport fait état de cas de viol par
les gardiens). Parfois elles sont soumises aux examens comme forme de
châtiment.
En ce qui concerne les délinquants supposés, la
police considère légitimes les contrôles de virginité obligatoires en
vertu des lois qui régissent la morale publique et la prostitution. Le
rapport indique comment, plutôt que de suivre la procédure légale, la
police abuse de son pouvoir pour contrôler le comportement public,
arrête des femmes de manière arbitraire et les oblige à se soumettre à
des examens pour déterminer si elles sont vierges ou ont eu des
relations sexuelles récentes. En août 1992, la police d'Istanbul à
arrêté une grand-mère de 39 ans et deux de ses amies alors qu'elles
mangeaient dans un restaurant. Elles n'ont pas été inculpées, mais ont
dû se soumettre aux examens contre leur volonté et ont été retenues
dans un hôpital public pour maladies vénériennes pendant une semaine.
La police non seulement soumet les détenues
politiques et les délinquantes ordinaires aux examens de contrôle de
virginité, elle se braque également sur la virginité féminine dans les
cas de délits sexuels. Les examens de virginité constituent un élément
habituel dans les enquêtes de police sur les délits sexuels, bien que
l'Etat n'insiste pas de la même manière sur la virginité masculine, que
cette virginité ne constitue pas une preuve d'attaque sexuelle et que,
selon de nombreux gynécologues, la virginité n'est pas vérifiable
médicalement. Sous la loi turque, les examens gynécologiques ne
devraient avoir lieu qu'à la demande d'un procureur ou d'un juge, pour
avoir la preuve qu'il y a eu violence sexuelle (et non de virginité) et
seulement avec le consentement de la femme. Mais les autorités turques
soumettent, de manière discriminatoire et abusive, les femmes qui
portent plainte à des examens de virginité, souvent sans leur
consentement.
Le rapport cite que dans des sociétés aussi
différentes que la chinoise et l'italienne, la virginité féminine est
considérée comme une importante norme sociale servant d'élément de
contrôle du comportement de la femme. Celles qui compromettent leur
réputation de femme vierge peuvent être considérées comme immariables
ou être injuriées par leur propre famille. La menace de ces
conséquences conditionne les femmes à se comporter selon les normes
considérées honorables dans leur communauté.
Le recours par l'Etat à ces examens légitime la
régulation de la virginité féminine d'autant plus là où les normes
légales se combinent pour assimiler la virginité féminine à l'honneur
de la famille ou de l'homme. Le droit de la femme à l'intégrité
physique et à la vie privée est subordonné à l'intérêt de la famille,
au maintien de son honneur, et ce au travers des examens de contrôle de
virginité. Bien que la conduite des personnes privées n'est
pratiquement pas abordée dans le rapport, Human Rights Watch se montre
préoccupé par l'implication de l'État dans les envahissants et
dégradants examens de contrôle de virginité, instigués par des
personnes privées.
Human Rights Watch met en exergue l'effort de
certains médecins pour mettre fin à la participation de professionnels
de la médecine dans ces abusifs examens de virginité. De nombreux
médecins, cependant, continuent de soumettre les femmes et les filles à
cette grossière violation de leur intégrité physique. Le rapport lance
un appel à toute la communauté médicale pour qu'elle refuse de prendre
part à ces examens. Human Rights Watch demande aux écoles de médecine
et aux organisations de s'opposer publiquement aux examens de virginité
et d'informer les professionnels de la médecine sur leurs droits et
leurs responsabilités. Tout le personnel soignant devrait demander le
consentement de leurs patientes avant d'effectuer un examen
gynécologique.
CILLER MENACE LA GRECE
Après que la Grèce ait annoncé son intention de
porter la limite de ses eaux territoriales à 12 miles, le Premier
Ministre Ciller, dans une interview concédée au quotidien Milliyet le 8
juin 1994, a déclaré: "Pour la Turquie, une limite d'eaux territoriales
de 12 miles pourrait constituer une cause de guerre dans la Mer Égée.
Je débarquerai dans les îles [grecques] en 24 heures si un jour la
Grèce commet la folie d'essayer de porter à 12 miles ses limites
territoriales, transformant la Mer Égée en une mer grecque.
C'était en juin 1974 lorsque la Grèce a évoqué pour
la première fois la possibilité d'étendre ses eaux territoriales de 6 à
12 miles. La Turquie a réagi durement à cette idée, annonçant que ce
serait une "cause de guerre" et se maintient dans cette position depuis
20 ans.
Bien qu'une convention internationale adoptée par la
majorité des pays possédant des côtes reconnaît le droit d'augmenter
les eaux territoriales à 12 miles, la Turquie a refusé de signer cette
convention.
L'intention de la Grèce est en train d'être examinée
par les plus hauts dirigeants militaires turcs et les autorités
civiles. Comme mesure dissuasive initiale, Ankara a décidé d'augmenter
la capacité des bases aériennes de l'île de Gökceada et de Selcuk, près
d'Izmir.
Bien que la déclaration guerrière de Ciller fut
applaudie par une grande partie des médias, même le Président Demirel
n'a pas apprécié ces manifestations et a suggéré à Ciller de se calmer.
CONDAMNE POUR S'ETRE DEFENDU EN KURDE
Le rédacteur responsable de l'hebdomadaire Welat,
Mazhar Günbat, était condamné le 14 juin par la CSE d'Istanbul pour
avoir refusé de se défendre en langue turque.
Au début de son procès, le défendeur avait demandé
la présence d'un interprète kurde-turc dans la salle d'audience.
"Puisque vous m'inculpez pour des articles écrits en kurde après les
avoir traduits en turc, vous devriez également traduire ma défense en
kurde." Malgré le rejet de cette requête, Günbat s'est limité à
répondre aux questions en kurde. Le juge, prétextant que l'inculpé
avait répondu aux questions dans une langue étrange, l'a condamné à
deux ans de prison et à payer une amende de 320.000 TL.
CILLER DETRUIT L'ECONOMIE TURQUE
A peine deux mois après que le Premier Ministre
Ciller ait lancé, le 5 avril dernier, son controversé programme de
correction des déséquilibres macro-économiques, la galopante inflation
de la Turquie a battu de nouveaux records menant l'industrie à la
faillite et des milliers de travailleurs au chômage.
En mai, l'inflation inter-annuelle a atteint le
chiffre record de 138,6%, augmentant encore plus rapidement qu'en
avril, lorsqu'elle était de 125,3%. Contrairement à ce que disent ceux
qui la soutiennent, aucun signe ne permet de dire que l'inflation va
diminuer considérablement dans les mois à venir.
Le livre des records de Ciller ne se limite pas
àl'inflation. Les déficits des budgets (interne et externe) et les
préjudiciables contrôles monétaires peuvent également être inclus dans
la liste:
Le Trésor a contracté un nouveau prêt pour une
valeur de 40 billions de TL en l'espace de 10 jours à un taux d'intérêt
record - 50% net sur les bons du trésor à trois mois. La charge des
intérêts supportée par le Trésor après deux émissions de bons est de 20
billions de TL pour une période de trois mois. En d'autres termes, le
Trésor aura dépensé presque le tiers des recettes fiscales
additionnelles pour payer les intérêts.
Alors qu'un citoyen turc ne payait que 10.000 TL
pour acheter un dollar américain au début de l'année, maintenant il
doit en payer environ 35.000.
La dette extérieure du pays a déjà atteint les 70
milliards de dollars.
Le déficit extérieur annuel tourne autour des 13
milliards de dollars.
A cette liste noire il faudrait ajouter le coût des
opérations militaires contre les Kurdes, estimé par le porte-parole du
gouvernement à 10 milliards de dollars par an.
La catastrophe économique a atteint un tel niveau
que pour la première fois dans l'histoire de la République Turque les
syndicats et les industriels, confrontés au même danger, ont décidé de
se battre côte à côte contre le gouvernement et les banques.
En fait, ne résistant que trois mois à l'effet de la
crise économique, le premier constructeur automobile turc TOFAS, une
filiale du plus grand groupe industriel du pays Koc Holding, a licencié
2.404 travailleurs.
Inan Kirac, directeur général de Koc Holding a mis
en garde contre une explosion sociale: "Avant, les travailleurs
licenciés pouvaient retourner dans leurs villages et travailler la
terre. Maintenant ce n'est plus possible. Ce sont des citadins.
Lorsqu'ils auront faim, on courra le danger d'une explosion sociale, la
pire des catastrophes."
Accusant les banques d'imposer des taux excessifs et
de pousser les producteurs au bord de la faillite, Kirac a déclaré:
"Personne n'achète quoi que ce soit. C'est quelque chose de logique
dans une économie où le gouvernement offre 50% nets sur des bons à
trois mois. Si les industriels devaient s'effondrer, les banques
suivraient. Mme Ciller ne pourra pas les sauver. Nous, les industriels,
les détruirons. Voyez ce qui se passera lorsque les débiteurs du
secteur industriel ne pourront plus payer leurs dettes."
Bayram Meral, président de la plus grande fédération
syndicale de Turquie, Türk-Is, a précisé que les travailleurs ne
reprochaient pas aux employeurs de licencier des travailleurs dans de
telles circonstances. "C'est simplement la faute du gouvernement.
Comment pourrions-nous accuser les producteurs? Les banques sont en
train de les pousser vers la crise."
La principale responsable de la crise économique,
Tansu Ciller, au lieu de s'incliner et de démissionner a remis au FMI,
en échange d'un crédit de 725 millions de dollars, une lettre où elle
promet de prendre des mesures économiques plus draconiennes au
détriment des travailleurs, de geler les salaires et de réduire les
prix de soutien agricoles. Le deuxième partenaire de la coalition, le
SHP, continue de soutenir toutes les mesures draconiennes proposées par
Ciller et partage toute la responsabilité de la débâcle économique.
TERRORISME D'ETAT EN MAI
Le 1.5, des tireurs inconnus abattent Mehmet Yücel à
Batman et Hüseyin Özdemir à Nusaybin.
Le 1.5, le bureau de l'IHD d'Iskenderun est attaqué
et fouillé par la police, le président local de l'IHD, Sadullah Caglar,
est arrêté.
Le 2.5, à Izmir, la police annonce l'arrestation de
huit personnes pour activités en faveur du PKK et cinq autres pour
activités en faveur du TDKP. A Derik, le candidat du DEP à la mairie,
Hadi Kabak, et quatre autres personnes sont arrêtées.
Le 4.5, des tireurs inconnus abattent Ibrahim Ertas
à Diyarbakir.
Le 5.5, à Mersin, la police fait une descente dans
une maison et abat le jeune Nezir Kücük.
Le 7.5, le commerçant kurde Mehmet Serif Avsar, qui
avait été kidnappé à Diyarbakir le 22 avril par des protecteurs de
village, est retrouvé mort à Silvan.
Le 8.5, les bureaux d'Iskenderun et d'Adana de
l'Association des Droits de l'Homme (IHD) sont fermés par ordre des
gouverneurs de ces provinces.
Le 8.5, le Ministre de l'Intérieur, Nahit Mentese,
affirme qu'un total de 871 villages et hameaux ont été dépeuplés depuis
juillet 1987 dans le cadre des opérations menées contre le PKK. Par
cette déclaration, les déportations sont confirmées par un membre du
gouvernement.
Le 9.5, la section d'Adana de l'Association pour les
Libertés et les Droits (Özgür-Der) est fermée par ordre du gouverneur.
Le 9.5, des tireurs inconnus abattent Cuma Sezgin à
Siverek, le représentant du DEP Medeni Göktepe et Ibrahim Gür à Batman.
Le 10.5, des tireurs inconnus assassinent Necmettin
Kaya à Diyarbakir et Ibrahim Ergül à Batman.
Le 10.5, la police annonce l'arrestation de 2
membres présumés du Hezbollah à Diyarbakir et Batman après un mois
d'opérations.
Le 11.5, la Cour de Cassation approuve deux peines
de mort et les soumet à l'Assemblée Nationale pour être ratifiées. Un
des deux condamnés est le membre du PKK Nizamettin Özoglu.
Le 11.5, Bedel Özkan, chef du village Kurudere, à
Hakkari, et le villageois Hasan Ates, arrêtés le 8 mai par les forces
de sécurité, sont retrouvés morts hors du village. Les habitants de ce
village avaient refusé peu de temps auparavant de servir comme
protecteurs de village pro-gouvernementaux.
Le 11.5, une centaine d'étudiants organisent une
manifestation dans la place Kadiköy d'Istanbul pour protester contre le
viol d'une étudiante d'une école supérieure, mais la police les
disperse de force et arrête 30 manifestants.
Le 11.5, à Ankara, l'Inspecteur en chef du Ministère
de la Santé, Namik Erdogan, kidnappé le 9 mai par des inconnus, est
retrouvé mort à Kirikkale.
Le 12.5, Kamil Gündogan (28), arrêté le 29 avril à
Lice par la gendarmerie, est retrouvé enterré au cimetière de la ville.
Le médecin légiste a décelé des traces de torture sur son corps.
Le 12.5, le vice-président de l'IHD, Sedat Aslantas,
est arrêté à Ankara en compagnie de son frère Vedat Aslantas. Il est
accusé d'avoir signé un communiqué commun avec les organisations
démocratiques et les syndicats publié le 27 mai 1993 à Diyarbakir.
Le 12.5, à Diyarbakir, le chef du village d'Agilli,
Nimet Barut, arrêté six jours auparavant par les forces de sécurité est
retrouvé mort dans les montagnes
Le 13.5, l'ancien maire de Diyarbakir, Mehdi Zana
est arrêté à Ankara par la police porteuse d'un mandat d'une cour.
Le 13.5, à Suruc (Urfa), Mustafa Ates est victime
d'un assassinat politique.
Le 14.5, des tireurs inconnus abattent Naci Asutay,
Ismail Asutay et Suphi Kaya à Diyarbakir.
Le 14.5, les forces de sécurité font une descente
dans le village de Yolcati, à Bingöl, emmènent les paysans Resit
Demirhan et Sabri Akdogan hors du village et les abattent.
Le 15.5, selon un récent rapport publié par une
commission spéciale de l'Assemblée Nationale, 1.477 personnes ont été
victimes de meurtres suspects au cours de la période 1984-1993. Les
chiffres annuels sont les suivants: 1984 (3), 1985 (5), 1986 (8), 1987
(5), 1988 (24), 1989 (48), 1990 (44), 1991 (68), 1992 (732), 1993 (540).
Le 16.5, à Diyarbakir, des tireurs inconnus abattent
Mehmet Emin Alkan et blessent Aydin Eksi.
Le 17.5, à Batman, un directeur d'école, Sitki
Abdioglu, est abattu par des inconnus.
Le 17.5, à Istanbul, un groupe d'étudiants
manifestant contre la hausse des prix est dispersé par la police. Six
d'entre eux sont arrêtés.
Le 17.5, l'Association Contre la Guerre (SKD) à
Istanbul est fouillée et fermée par la police. Au cours de l'opération,
dix personnes sont arrêtées. Parmi elles figurent trois Allemands:
Walker Thomas, Christon Arnich et Gerhart Lennert. Ceux-ci seraient
jugés par la cour militaire de l'Etat-Major turc.
Le 18.5, à Diyarbakir, l'étudiant d'une école
supérieure, Kenan Aydin, est abattu par des inconnus.
Le 19.5, à Istanbul, les églises Santa Maria et
Saint Antoine sont détruites par des bombes placées par des inconnus.
Divers appels téléphoniques anonymes adressés aux journaux affirment
que les attentats ont été perpétrés par l'organisation islamiste IBDA-C.
Le 24.5, à Gökcedag (Siirt), quatre bergers arrêtés
par la police sont retrouvés morts.
Le 24.5, Halil Alpsoy, kidnappé le 12 mai à
Istanbul, est retrouvé mort sur la route Ankara-Kirikkale.
Le 25.5, 22 présidents de syndicats et 54
représentants syndicalistes en grève de la faim au parc Guven d'Ankara
réclamant des droits syndicaux pour les fonctionnaires publics sont
arrêtés par la police.
Le 25.5, le chef du village Dibek à Diyarbakir,
Mehmet Sönmez, et le paysan de 80 ans Ali Yakar affirment avoir été
torturés par la police suite à leur détention le 17 mai. Selon eux, ils
ont été témoins des tortures infligées à quelque 50 paysans apportés
d'autres villages.
Le 25.5, à Batman, un inconnu est retrouvé mort
après avoir été torturé.
Le 27.5, à Tercan (Erzurum), une foule incitée par
un journal de gauche s'est attaquée au Palais de Justice pour lyncher
huit personnes soupçonnées d'avoir aidé le PKK.
Le 27.5, à Diyarbakir, Mehmet Havas, disparu le 25
mai, est retrouvé mort dans un sac.
Le 27.5, des tireurs inconnus abattent Arafat Ölmez
et Türkan Nardan à Adana.
Le 28.5, à Idil, Hasan Kaya est abattu par des
assaillants inconnus.
Le 28.5, on désactive une bombe à retardement placée
dans la maison du Patriarche Orthodoxe grec juste avant le début d'une
cérémonie religieuse.
Le 28.5, à Agri, la police attaque la maison de
Mehmet Güler, tue son fils de 11 ans, Tuncer Güler, et blesse un autre
fils.
Le 28.5, à Silvan, un garçon de 12 ans arrêté le 25
mai affirme avoir été torturé par des soldats pour le forcer à révéler
l'endroit où se trouvait son frère Mehdi Kahraman.
Le 31.5, à Ankara, les forces de sécurité annoncent
l'arrestation de 12 membres du Dev-Sol et de 4 du IBDA-C après dix
jours d'opérations.
PRESSIONS SUR LES MEDIAS EN MAI
Le 1.5, à Ankara et Istanbul, au cours des
festivités du 1e Mai, plusieurs journalistes sont harcelés et battus
par la police. Trois correspondants de télévision, Ergün Erdil,
Alptekin Aydogan et Bengi Morgül sont maintenus en détention pendant
quelques heures et leurs cassettes sont confisquées.
Le 1.5, la première édition d'une nouvelle
publication, Sterka Rizgari, et l'édition N° 102 de l'hebdomadaire
Azadi sont confisquées par la CSE d'Istanbul pour propagande
séparatiste.
Le 2.5, le correspondant à Sivas du quotidien Özgür
Gündem, Ferec Cobanoglu, affirme avoir été torturé après sa détention
en compagnie de plusieurs étudiants universitaires.
Le 2.5, la Cour de Cassation ratifie la sentence
contre le directeur de la Maison d'Édition Pelê-Sor, Zeynel Abidin
Kizilyaprak. Il avait été condamné par la CSE d'Istanbul à six mois de
prison et à payer une amende de 50 millions de TL pour avoir publié le
livre Réminiscences d'un Soldat-Comment nous avons combattu le peuple
kurde?
Le 2.5 le rédacteur responsable du périodique Emegin
Bayragi, Haydar Demir, est placé en détention par la CSE d'Istanbul
pour propagande séparatiste dans plusieurs articles publiés le 17 avril
1994.
Le 3.5, le Secrétaire Général de l'IHD Hüsnü Öndül
est condamné par la CSE d'Ankara à six mois de prison et à payer une
amende de 53.850.000 de TL pour avoir publié un article du sociologue
Ismail Besikci dans le Bulletin de l'IHD. La cour a également condamné
Besikci à trois ans de prison et à payer une amende de 250 millions de
TL pour avoir fait de la propagande séparatiste dans l'article
mentionné.
Le 3.5, une publication récente de l'IHD sur les
villages kurdes par les forces de sécurité intitulée Rapport de 1993
sur le Sud-est est confisqué par la CSE d'Ankara pour propagande
séparatiste. Pour la même raison, le Procureur de la CSE a introduit
une action en justice contre les représentants de l'IHD.
Le 4.5, la Cour de Cassation ratifie la condamnation
de la rédactrice responsable de Devrimci Proletarya, Naile Tuncer, qui
avait été condamnée par la CSE d'Istanbul à deux ans de prison et à
payer une amende de 100 millions de TL. Elle a déjà purgé une peine
ratifiée précédemment à la prison de type A de Canakkale.
Le 5.5, la Cour de Cassation ratifie la condamnation
du rédacteur responsable du périodique Mücadele, Namik Kemal Cibaroglu,
qui avait déjà été condamné par la CSE d'Istanbul à six mois de prison
et à payer une amende de 50 millions de TL. Cette cour a également
ratifié une amende de 100 millions de TL contre le propriétaire du
magazine, Gülten Sesen.
Le 5.5, le rédacteur de la Maison d'Édition Basak,
Hikmet Kocak est condamné par la CSE d'Ankara à six mois de prison et à
payer une amende de 100 millions de TL pour avoir publié le livre Nous
avons transformé l'aube en Newroz. Basak avait déjà été jugé deux fois
pour ce livre; le premier procès avait donné lieu à une condamnation et
le second à un acquittement. L'auteur du livre, Edip Polat purge
actuellement deux ans de prison.
Le 6.5, la peine de 20 mois de prison et l'amende de
208 millions de TL d'amende imposées à l'auteur Namik Bektas pour son
livre La loi de la résistance et du renouveau sont ratifiées par la
Cour de Cassation.
6.5, l'éditrice Ayse Nur Zarakolu, directrice de la
maison d'édition Belge, est mise en prison in Istanbul pour cinq mois
pour avoir publié un livre du sociologue Ismail Besikci, Le Programme
du parti républicain du peuple (CHF) et la Question kurde.
Le 6.5, le périodique Devrimci Proletarya est fermé
pour un mois et Mücadele pour 15 jour après que les sentences de la CSE
aient été ratifiées.
Le 6.5, le sociologue Ismail Besikci est une
nouvelle fois condamné par la CSE d'Istanbul à deux ans de prison et à
payer une amende de 100 millions de TL pour divers articles publiés
dans le journal Özgür Gündem le 18 décembre 1992. Dans le même procès,
le propriétaire du journal Yaser Kaya est condamné à payer une amende
de 100 millions de TL et le rédacteur responsable, Isik Yurtcu, écope
d'une peine de prison de six mois et d'une amende de 50 millions de TL.
6.5, la CSE d'Ankara condamne Ismail Besikci à une
peine de prison de trois mois et une amende de 250 million TL pour un
article, Les valeurs morales de l'humanité, paru dans le bulletin
d'information IHD. Le Secrétaire général de IHD, Hüsnü Öndül est
également condamné à six mois en prison et une amende de 53 million
TL.
Le 6.5, la CSE d'Istanbul, dans quatre procès
différents contre Özgür Gündem, condamne le rédacteur responsable Seyh
Davut Karadag a un an de prison et à payer une amende de 276 millions
de TL, et inflige une amende de 552 millions de TL à l'éditeur Yasar
Kaya.
Le 6.5, un journaliste de l'hebdomadaire Azadi,
Ibrahim Aksoy est condamné par la CSE à deux ans prison et à payer une
amende de 250 millions de TL pour un article publié le 10 janvier 1993.
La cour a également condamné le rédacteur responsable Sedat Karakas à
six mois de prison et à verser une amende de 50 millions de TL. Elle a
également imposé une amende de 100 millions de TL à l'éditeur
Ikramettin Oguz.
Le 7.5, le N° 39 du périodique Taraf, le N° 3 de
Halkin Gücü, le N° 103 d'Azadi, le N° 11 de Newroz et le N° 95 de
Mücadele sont confisqués par la CSE d'Istanbul pour propagande
séparatiste.
Le 8.5, neuf personnes qui rendaient visite à un
membre du groupe musical Yorum, Kemal Sahir Gürel, détenu à la prison
de Corlu, sont arrêtées. Les détenus, libérés pendant la nuit, ont
déclaré avoir été battus, insultés et menacés au poste de police.
Le 9.5, les bureaux d'Adana des périodiques Medya
Günesi, Barikat et Alinteri sont visités et fouillés par la police. De
nombreux documents et publications sont confisqués.
Le 10.5, le livre Le nouvel ordre mondial et la
Turquie, édité par les journalistes Hidir Göktas et Metin Gülbay, est
confisqué par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste. Le livre
contient des interviews du Vice-Premier Ministre Karayalcin, du
Ministre de la Culture Fikri Sönmez, du président de l'ANAP Mesut
Yilmaz et du président du DEP Hatip Dicle.
Le 11.5, le journaliste auteur Ragip Zarakolu est
condamné par la Haute Cour Criminelle N° 2 d'Istanbul à une peine de
prison de dix mois pour avoir insulté les forces de sécurité de l'État
dans un article publié le 11 novembre 1993 par Özgür Gündem. La cour a
également imposé la même peine au rédacteur responsable du journal,
Erkan Aydin.
Le 11.5, le N° 5 de la revue d'art Marksist est
confisqué par la CSE d'Istanbul.
Le 12.5, le sociologue Ismail Besikci est une
nouvelle fois condamné par la CSE d'Istanbul à deux ans de prison et à
payer une amende de 250 millions de TL pour un article publié par Özgür
Gündem le 12 août 1993. Dans le même procès, le propriétaire du journal
Yasar Kaya est condamné à payer une amende de 273.650.000 de TL. Suite
à cette nouvelle condamnation, le peines infligées à Besikci
comprennent 34 ans et 11 mois de prison et des amendes pour un total de
2 milliards 18 millions de TL. 8 ans et 6 mois de prison et 250
millions de TL d'amende ont déjà été ratifiés par la Cour de Cassation.
Besikci purge sa peine dans la prison d'Ankara.
Le 12.5, l'ancien rédacteur responsable d'Özgür
Gündem, Seyh Davut Karadag, est condamné par la CSE d'Istanbul à deux
ans de prison et à payer une amende de 321 millions de TL pour divers
articles publiés le 24 mai 1993. Dans le même procès, l'ancien
propriétaire d'Özgür Gündem Yasar Kaya a également écopé d'une amende
de 284.400.000 de TL.
Le 13.5, l'hebdomadaire Azadi est fermé pour quinze
jours suite à la ratification d'une décision d'une cour. La Cour de
Cassation a également ratifié une peine de 18 mois de prison et une
amende de 230 millions de TL contre le rédacteur responsable du
journal, Sedat Karatas, ainsi qu'une amende de 250 millions de TL
contre l'éditeur Ikramettin Oguz.
Le 15.5, le rédacteur responsable du quotidien Özgür
Ülke, Kemal Ikea, est arrêté par la CSE d'Istanbul pour divers articles
publiés au cours de la semaine précédente.
Le 17.5, l'ancien rédacteur responsable d'Özgür
Gündem, Seyh Davut Karadag, est condamné par la CSE d'Istanbul à six
mois de prison et à payer une amende de 121 millions de TL pour
plusieurs articles qu'il avait publiés le 25 juin 1993. Le propriétaire
du journal, Yasar Kaya, a également écopé d'une amende de 242.514.000
de TL. La cour a également décidé de fermer Özgür Gündem pour quinze
jours.
Le 17.5, le N° 2 de Devrimci Alternatif et le N° 23
d'Iscinin Yolu sont confisqués par la CSE d'Istanbul pour propagande
séparatiste.
Le 18.5, le correspondant à Izmir d'Özgür Ülke,
Mehmet Ünay, est arrêté par la police.
Le 19.5, la Cour de Cassation ratifie la sentence
contre le rédacteur responsable d'Özgür Halk, Hasan Tepe, qui avait été
condamné à deux ans et six mois de prison et à payer une amende de 150
millions de TL. La cour a également ratifié les 200 millions d'amende
imposés au propriétaire du périodique, Haydar Demir.
Le 22.5, le N° 16 du périodique Alinteri, l'édition
spéciale d'Halkin Gücü et le N° 116 d'Emegin Bayragi sont confisqués
par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste.
Le 23.5, le correspondant à Adana d'Özgür Ülke,
Ihsan Kurt, est arrêté par la police.
Le 25.5, le N° 1 du périodique Denge Azadi, le N° 14
de Devrimci Cözüm ainsi que le mensuel Hedef sont confisqués par la CSE
d'Istanbul pour propagande séparatiste.
Le 25.5, le directeur de la Maison d'Édition Sorun,
Sirri Öztürk, est incarcéré pour purger une peine de cinq mois de
prison dont il avait écopé pour avoir publié le livre Anthologie des
Poèmes de Prison 1980-1990.
Le 25.5, le rédacteur responsable de la revue
Yurtsever Emekciler, Cezmi Özdemir, est condamné par la CSE d'Istanbul
à six mois de prison et à payer une amende de 50 millions de TL en
vertu de la Loi Anti-terreur.
Le 26.5, à Izmir, le Procureur Public interdit
l'impression et distribution d'un tract de l'IHD contre les actes de
racisme.
Le 26.5, la Cour de Cassation Militaire ratifie la
condamnation de l'ancien président de l'Association Anti-guerre, Aytek
Özel, qui avait été condamné par la cour militaire de l'État-major à
deux mois de prison et à payer une amende de 160.000 TL pour un article
qu'il avait rédigé pour le magazine Bakaya.
Le 27.5, cinq représentants de l'IHD d'Izmir sont
condamnés par une cour pénale à 18 mois de prison et à payer 150.000 TL
chacun pour avoir convoqué une manifestation le 12 septembre 1992
dénonçant les traitements inhumains infligés aux détenus politiques
dans la prison de Buca. La cour condamne également 29 personnes,
membres des familles des prisonniers, à 18 mois de prison pour avoir
participé à cette manifestation.
Le 7.5, un ancien rédacteur d'Özgür Gündem, Besim
Döner, est condamné par la CSE d'Istanbul à six mois de prison et à
payer une amende de 63 millions de TL pour un article qu'il avait
publié le 3 octobre 1993. Le même jour, deux autres anciens rédacteurs
d'Özgür Gündem, Kamil Celikten et Kenan Sahin, écopent de deux amendes
respectives de 135 et 50 millions de TL. Dans les mêmes procès, la cour
condamne également le propriétaire du journal, Yasar Kaya, à payer un
total de 399 millions de TL d'amende.
Le 27.5, la journaliste Naile Tuncer est condamnée
par la CSE d'Ankara à un an de prison et à payer une amende de 250
millions de TL pour son livre L'occupation du Bosphore. La cour a
également condamné le directeur de la Maison d'Édition Yurt, Ünsal
Öztürk, à un an de prison et à payer une amende de 250 millions de TL
pour avoir publié ce livre. Naile Tuncer, éditrice du magazine Devrimci
Proletarya a purgé une peine de huit mois qui lui avait été imposée
auparavant.
Le 27.5, le rédacteur du magazine Özgür Gelecek,
Mustafa Demirdag, est arrêté pour divers articles qu'il a publiés le 16
mai.
Le 28.5, la chaîne de télévision privée Kanal 6 est
condamnée à payer une amende de 48 millions de TL pour avoir diffusé le
film Voyageurs de Rêve, qui contient quelques scènes de relations
lesbiennes.
Le 8.5, le correspondant à Eskisehir du périodique
Mücadele, Hamit Akyüz, est attaqué et blessé par un militant
néo-fasciste du MHP.
Le 29.5, des éditions récentes de cinq publications,
Emegin Bayragi, Newroz, Denge Azadi, Dogru Secenek et Sterka Rizgari,
sont confisqués par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste.
Le 30.5, un ancien rédacteur d'Özgür Gündem, Kamil
Celikten, est condamné par la CSE d'Istanbul à six mois de prison et à
payer une amende de 68 millions de TL pour propagande séparatiste. Dans
six autres procès contre le même journal, deux anciens rédacteurs, Isik
Yurtcu et Seyh Davut Karadag, sont respectivement condamnés à payer
deux amendes de 847 et 45 millions de TL. L'éditeur Yasar Kaya a
également écopé d'une amende de 908 millions de TL.
UN DOSSIER SUR L'OPPRESSION DES ASSYRIENS
A coté des Kurdes, d'autres peuples minoritaires du
Moyen-Orient, notamment les Assyriens, subissent la persécution des
puissances régionales. Pour attirer l'attention à cette situation
dramatique, l'Organisation démocratique assyrienne (ADO) et
l'organisation Droits de l'Homme Sans Frontières ont publié un dossier
et l'ont rendu public au cours d'une conférence de presse tenue à la
Maison des parlementaires à Bruxelles le 1er juin 1994.
Dans le dossier figure, parmi d'autres, la liste de
200 villages assyriens détruits depuis trente ans and la liste de 24
Assyriens assassinés en Turquie depuis 1990.
Au cours de la conférence de presse présidée par le
sénateur belge Willy Kuijpers, des réfugiés assyriens originaires de
Turquie, d'Irak, de Syrie et d'Iran sont venus témoigner de la
persécution croissante dans ces pays.
Les Assyriens de Turquie ont déclaré qu'avec
la montée du fondamentalisme musulman lors des dernières élections
municipales turques, leur sécurité ne peut même plus être garantie par
l'anonymat des grandes villes.
Le dossier contient les recommandations suivantes
pour assurer la sécurité des Assyriens:
Aux autorités turques:
- Assurer la sécurité de la vie et des biens des
Assyriens de Tur Abdin et afin qu'ils puissent continuer à vivre sur la
terre de leurs ancêtres dans la dignité, la paix et la liberté, sans
crainte de violences et de représailles.
- Bannir toute forme de violence gratuite de la part
des forces de police et des militaires contre les villages assyriens et
leurs habitants et de poursuivre en justice quiconque se serait livré à
de tels actes ou en aurait donné l'ordre.
- Mener des enquêtes diligentes et approfondies afin
que soient découverts et traduits en justice les responsables des
assassinats.
- Permettre aux Assyriens de créer des associations
culturelles, de parler publiquement et d'enseigner leur langue,
d'entretenir leur patrimoine artistique et architectural, de restaurer
et d'agrandir leurs églises, leurs monastères.
- Respecter la liberté religieuse des Assyriens,
quelle que soit leur confession.
A l'ONU:
- Appliquer pleinement la résolution 688 du Conseil
de Sécurité qui prévoit de mettre immédiatement fin à la répression en
Irak.
- Maintenir une présence permanente auprès des
populations assyrienne et kurde du norde de l'Irak afin de leur fournir
une aide humanitaire selon leur besoin.
- Garantir un accès aux organisations humanitaires à
ces même populations en Irak.
- Lever de manière sélective les sanctions prises
par les Nations Unies envers la région du Nord de l'Irak soumise à un
double embargo.
Aux parlements européen et belge:
- Faire pression sur les autorités turques et
irakiennes afin qu'elles mettent en œuvre les recommandations énumérées
ci-dessus.
- Suspendre leurs livraisons d'armes à la Turquie.
- Débloquer les capitaux gelés afin de reconstruire
la région du Nord de l'Irak.
- Reconnaître l'ethnie assyrienne et à cette fin,
remplacer sur les cartes d'identités délivrées:
"Réfugié ONU, originaire de
Turquie" par
"Réfugié ONU, d'origine
assyrienne" comme cela se pratique déjà pour les Arméniens ou les
Kurdes de Turquie.
- Permettre aux familles assyriennes réfugiées dans
les pays de l'Union européenne de choisir librement les prénoms de
leurs enfants et de ne pas limiter leur choix à une liste préétablie et
religieusement censurée par les ambassades turques.
- Autoriser la communauté assyrienne à enseigner sa
langue dans les établissements scolaires d'enseignement général s'il y
a une demande suffisante.
Aux ONG humanitaires:
- Prendre des initiatives afin de contribuer au
développement économique de la communauté assyrienne.
- Soutenir financièrement des projets en Irak comme
en Turquie:
• de reconstruction de villages
assyriens et de leurs édifices religieux;
• d'irrigation et d'extension de
terres cultivables;
• de modernisation d'équipement
agricole.
DEUXIEME CONQUETE D'ISTANBUL, PAR LE RP
Après les violentes manifestations "Bosna" à Ankara
et à Istanbul suite à leurs succès électoraux, l'islamiste RP a
convoqué sa deuxième action massive à l'occasion du 541e anniversaire
de la Conquête de Constantinople (Istanbul) par le Sultan Mehmet.
Une cérémonie organisée au stade Ali Sami Yen
d'Istanbul le 29 mai 1994 par le maire d'Istanbul, militant du RP, fut
transformée en une démonstration de force pour ce parti.
L'événement commença par des défilés musicaux
interprétés par la Bande de Musique Martiale Ottomane. Mais lorsque
vint le moment des prières du soir, la cérémonie fut interrompue
pendant 15 minutes pour que les milliers de personnes rassemblées
puissent prier sur la pelouse.
Lorsqu'il a pénétré dans le stade à bord d'une
décapotable, Erbakan fut acclamé par la foule qui chantait, "Le brave
leader du monde islamique", et "Voici l'armée, voici le commandant."
Dans ses discours, les leaders du RP, ont promis de
transformer le Musée Sainte-Sophie en une mosquée si leur parti arrive
au pouvoir dans les prochaines élections.
D'autre part, le pouvoir municipal, contrôlé par le
RP, a déjà commencé à imposer les concepts conservateurs de la vie
culturelle. Le maire métropolitain d'Ankara, Melih Gökcek, a fait
enlever deux sculptures d'un parc public sous prétexte qu'elles étaient
"obscènes." Il a déclaré: "Nous les avons enlevées du parc, parce
qu'elles étaient totalement contraires aux valeurs morales. Je crache
sur ce genre d'art. Il n'y aura pas d'art immoral."
Les sculptures interdites, "Passion" d'Azade Köker
et "Au pays des Nymphes" de Mehmet Aksoy sont maintenant entreposées.
Le 2 mai le quotidien Cumhuriyet rapportait que des
cellules du RP s'étaient infiltrées dans le Ministère de l'Intérieur.
Quelque 700 des 1.500 principaux postes ministériels dans tout le pays
(comme les gouverneurs provinciaux et municipaux ou les inspecteurs)
seraient proches du RP. Des 76 gouverneurs provinciaux que compte le
pays, 24 ont déjà fait un pèlerinage à la Mecque au cours des dernières
années, invités par les autorités de l'Arabie Saoudite.
REUNION GENERALE DU RP EN BELGIQUE
Une autre démonstration de force a eu lieu le 11
juin 1994 à Anvers. La partie européenne du RP, les Organisations de
Vision Nationale en Europe (AMGT), a célébré son congrès annuel dans le
plus grand hall de sport de la ville et a accueilli quelque 30.000
islamistes venus de tous les pays européens.
Dans son discours, le président du RP, Necmeddin
Erbakan, a déclaré: "Notre but est d'obtenir la majorité absolue à
l'Assemblée Nationale, nécessaire pour modifier la Constitution. Il
n'est plus possible d'interrompre la tempête Ordre Juste qui s'est
levée aux élections du 27 mars 1994."
Plusieurs maires élus sur la liste du RP étaient
également présents au congrès comme "invités d'honneur."
Les leaders de l'AMGT ont une fois de plus souligné
dans leurs discours l'objectif de faire de l'islam la religion la plus
forte en Europe grâce à la présence de millions de travailleurs
immigrés musulmans et d'y établir également "l'ordre juste" du RP.
NOUVELLES ATTAQUES RACISTES CONTRE LES TURCS
Le 12 mai 1994, "dans une chasse à l'étranger" des
néo-nazis s'en sont pris à des établissements de restauration tenus par
des Turcs à Magdeburg, ceux-ci ont riposté avec des couteaux provoquant
une sanglante mêlée qui a provoqué de graves blessures à au moins six
personnes.
Les Turcs portaient secours à d'autres étrangers
venus se réfugier dans leurs locaux. Plus tard, les néo-nazis se sont
accrochés avec des groupes de gauche défendant également les étrangers
et, à la tombée de la nuit, quelque 50 néo-nazis provoquant des
bagarres dans le centre-ville ont été arrêtés.
Ce saccage, provoqué par les marchands de haine, fut
l'un des plus graves de l'Allemagne unifiée et le pire qu'ait souffert
Magdeburg, capitale d'un État allemand située à 120 km à l'est de
Berlin.
Deux semaines plus tard, le 28 mai 1994, quelque
4.000 personnes ont manifesté contre le racisme à Solingen, au milieu
d'un important dispositif policier, pour marquer le premier
anniversaire de l'incendie criminel d'origine néo-nazie qui a coûté la
vie à cinq immigrants turcs.
La violence néo-nazie a tué au moins 30 personnes
depuis l'unification allemande en 1990.
Les manifestants et les porte-parole ont demandé que
les autorités allemandes interdisent les plus de sept groupes néo-nazis
déclarés hors-la-loi en 1992 et ont exigé davantage de droits pour les
résidents étrangers, qui représentent 6,5 millions de personnes sur une
population totale de 80 millions.
Quatre activistes de droite allemands ont été jugés
le 13 avril pour meurtre et incendie criminel. Ils sont accusés d'avoir
mis le feu à une maison juste six mois après qu'une bombe incendiaire
ait tué une femme turque et deux filles dans le nord de Moelln, en
novembre 1992.