RESTAURATION MILITARO-KEMALISTE !
Depuis le début juillet 1997 la Turquie est dirigée
par un nouveau gouvernement bricolé et soutenu par les militaires. Ces
derniers, et leurs alliés au Parlement, sous prétexte de défendre la
laïcité contre le fondamentalisme, ont forcé la démission du premier
ministre islamiste Necmettin Erbakan et ont formé une nouvelle
coalition gouvernementale entre le Parti de la Mère-Patrie (ANAP), le
Parti démocratique de la gauche (DSP) et le Parti démocratique de la
Turquie (DTP).
Après que la Commission européenne ait annoncé en
juillet dernier que la Turquie ne ferait pas partie des pays éligibles
pour devenir membres de l'UE, ce nouveau gouvernement, qui se veut
"réformiste et laïque", a lancé une grande offensive diplomatique en
Europe et aux Etats-Unis dans le but d'obtenir une approche plus
compréhensive lors du sommet de l'UE en décembre 1997.
Cependant, les politiques répressives que les
militaires imposent à ce nouveau gouvernement demeurent le principal
obstacle qui empêche la Turquie de faire partie des candidats de
première ligne. En fait, comme nous l'avions anticipé dans le numéro
précédent d'Info-Türk, au lieu de rétablir la suprématie des valeurs
républicaines et démocratiques, ce gouvernement, soutenu par les
militaires, a déjà conduit le pays vers une polarisation encore plus
dangereuse.
Aussi longtemps que l'exécutif poursuivra cette
politique, les trois conditions pour que la Turquie devienne un
candidat à court terme -mettre fin au terrorisme d'Etat, chercher une
solution politique à la Question kurde et accepter l'adhésion chypriote
à l'Union européenne- ne seront jamais satisfaites.
Le gouvernement de coalition minoritaire, dirigé par
le président de l'ANAP, Mesut Yilmaz, grâce au soutien du Parti du
peuple républicain (CHP) et une poignée de députés indépendants,
remporta une victoire facile au Parlement le 12 juillet dernier,
lorsqu'il reçut un vote de confiance d'une confortable majorité de 281
voix contre 256. Lorsque plusieurs députés du Parti de la juste voie
(DYP) ont quitté leur parti, le nouveau gouvernement avait déjà assuré
une victoire facile. D'autre part, sept députés du DYP n'ont pas
assisté au vote et ont donc soutenu indirectement le nouveau
gouvernement.
Ce gouvernement, qui se définit "réformiste et
laïque", comprend d'anciens complices de Ciller comme Yalim Erez
(ministre de l'Industrie) et Necdet Menzir (ministre des
Communications). Erez est connu comme le principal artisan de la montée
de Ciller dans le monde politique et pendant quatre années il est resté
le premier partisan des politiques répressives et des irrégularités de
celle-ci. Quant à Menzir, Il y a trois ans, en tant que chef de police
du pouvoir de Ciller, il avait provoqué une crise gouvernementale en
accusant le CHP, partenaire minoritaire de la coalition avec le DYP, de
soutenir des "terroristes".
• Ayant une telle composition et soumise à la
pression des militaires, la nouvelle coalition a tout d'abord prolongé
de quatre mois l'état d'urgence dans huit provinces kurdes (Batman,
Bingöl, Diyarbakir, Hakkari, Siirt, Sirnak, Tunceli et Van) à partir du
30 juillet.
• Entre-temps, le nouveau gouvernement annonçait que
les militaires turcs recevraient une allocation supplémentaire de 130
milliards de TL pour des opérations anti-PKK dans le nord de l'Irak.
- Après avoir obtenu le vote de confiance, le
premier ministre Mesut Yilmaz, le vice-premier ministre Bülent Ecevit
(DSP) et Ismet Sezgin (DTP), ainsi que le ministre des Affaires
étrangères Ismail Cem et le ministre de l'Intérieur Murat Basesgioglu,
assistaient le 25 juillet à une réunion du Conseil de sécurité
nationale (MGK), dominé par l'armée, et recevaient l'instruction
d'appliquer les nouvelles mesures adoptées par les militaires le 28
février dernier.
- Pour payer sa dette envers les militaires, le
nouveau gouvernement a fait adopter le 16 août dernier une nouvelle loi
sur l'éducation visant à mitiger ce que l'armée considère comme une
menace croissante des islamiques fondamentalistes. En vertu de cette
loi, la scolarité obligatoire passe de cinq à huit ans, mettant fin à
l'éducation secondaire inférieure et par là même aux sections
inférieures des lycées Imam-Hatip. Les réformes éducatives ont provoqué
les protestations dans les rues des islamistes et ont conduit le pays
vers une polarisation plus dangereuse.
- Fin août, le premier ministre Mesut Yilmaz
produisait une circulaire activant pour la première fois le Centre de
gestion des crises du premier ministre (BKYM). Sous la pression du
Conseil de sécurité nationale (MGK), la création de ce centre figurait
déjà dans un décret publié le 9 janvier par le gouvernement précédent.
Cependant, le premier ministre Erbakan ne l'avait jamais mis en
pratique en raison du conflit qui l'opposait aux militaires. Selon ce
décret, en cas de crise, tout le pays ou une partie, peut être placé
sous l'autorité du Centre de gestion des crises du premier ministre
(BKYM). Etant donné que ce centre est dirigé par le secrétaire général
du MGK -un général de l'armée- le pays serait pratiquement sous la loi
martiale ou en état d'urgence non déclarée.
- Cette soumission aux militaires est devenue plus
évidente lorsque le débat public sur le Groupe de travail occidental
(BCG) au sein de l'armée prenait une nouvelle dimension avec les
critiques du RP et du DYP. Ce groupe illégal fut créé au début de cette
année sous prétexte de suivre les activités des fondamentalistes
islamiques. Lorsque Yilmaz est devenu premier ministre, il a
premièrement déclaré qu'un tel groupe n'était plus nécessaire, car un
gouvernement "laïque" venait de se former et la menace islamique était
donc dissipée. Toutefois, des officiers de l'Etat-major ont
immédiatement répliqué que la menace fondamentaliste n'avait pas
disparu et que le Groupe de travail occidental continuerait d'opérer,
se réunissant même deux fois par jour. Sur ce, Yilmaz a préféré ne plus
faire allusion à l'inutilité du BCG.
- Après deux mois sous le nouveau gouvernement, le
terrorisme d'Etat n'a pas perdu l'intensité, avec des milliers de
détentions policières, des meurtres non résolus, des exécutions sans
procès, des tortures, des disparitions de personnes en détention, des
descentes dans des associations, des procès et des condamnations par
les cours de la sûreté de l'Etat. L'amnistie partielle, de maquillage,
concernant quelques journalistes emprisonnés n'a pas du tout rétabli la
liberté de la presse et des centaines d'intellectuels comme Ismail
Besikci sont restés derrière les barreaux.
- Le 17 juillet, l'ancien maire de Diyarbakir, Mehdi
Zana, était condamné par la CSE d'Istanbul à dix mois de prison et à
payer une amende de 83 millions de TL pour avoir fait de la propagande
séparatiste dans son livre de poèmes Mon coeur saigne. Dans la même
affaire, Ayse Nur Zarakolu, directrice de la maison d'édition Belge,
qui a publié le livre, fut condamnée à payer une amende de 42 millions
de TL.
- Le 18 août, le bureau du procureur de la
République d'Ankara intentait un procès dans une cour pénale d'Ankara
contre l'Association des droits de l'homme (IHD) à propos de la
"Semaine des droits de l'homme" organisée par l'association en décembre
1996. Des peines de prison allant de un à trois ans ont été demandées
pour 11 membres du conseil exécutif du IHD, dont le président Akin
Birdal. Le procureur a également demandé la fermeture du IHD pour avoir
"disséminé de la propagande séparatiste" et "incité la population à
l'hostilité par la discrimination raciale et régionale".
- Bien que les partis qui forment l'actuelle
coalition ont accusé le gouvernement sortant d'être coupable de
corruption, d'irrégularités et de népotisme, le nouvel exécutif n'a pas
encore introduit des poursuites contre les suspects de ces abus. Alors
que les intellectuels et activistes kurdes et de gauche sont
poursuivis, le premier ministre le plus corrompu de l'histoire, Tansu
Ciller, demeure intouchable et se voit offrir l'opportunité de jouer
les "martyres" et de récupérer un certain prestige auprès de l'opinion
publique.
- En ce qui concerne le scandale de Susurluk, au
lieu d'ouvrir une enquête plus efficace, des membres des Equipes
d'intervention spéciales, dont le chef Ibrahim Sahin, accusés
d'appartenir à une organisation criminelle, ont été relâchés le 11
septembre dernier par la Cour de la sûreté de l'Etat pour "manque de
preuves". Or, Sahin s'était laissé photographier avec le Loup gris en
fuite Abdullah Catli bras dessus, bras dessous au cours d'une cérémonie
de circoncision.
- Trois jours plus tard, le 15 septembre, la cour
pénale d'Afyon relâchait quatre des onze policiers accusés d'avoir
battu à mort le journaliste Metin Göktepe.
- L'engagement pris par le nouveau gouvernement de
démocratiser la Turquie a perdu toute crédibilité principalement à
cause des actions en justice engagées auprès de la Cour
constitutionnelle pour fermer le Parti du bien-être (RP). Bien que le
procureur principal avait introduit l'action avant le changement de
gouvernement, les militaires ont maintenu les pressions sur la justice
pour obtenir l'interdiction du RP, et le gouvernement, soutenu par les
militaires, a gardé le silence devant ces pratiques anti-démocratiques.
Dans les pages ultérieures nous reproduisons les réponses du RP au
procureur et les critiques Human Rights Watch à l'encontre de la
tentative de fermer le parti. Le procureur principal, encouragé par les
militaires et le nouveau gouvernement, a déclaré à la télévision qu'il
ne prêterait pas attention aux critiques que pourraient faire les
institutions européennes. Il a dit : "Que leur tante, Claudia Roth,
vienne les soutenir comme elle le fit pour le DEP, nous n'abandonnerons
jamais les poursuites judiciaires!"
- Le 4 août, sur ordre du bureau du procureur
principal de la Cour de la sûreté de l'Etat d'Ankara, la police
assignée à la branche anti-terroriste arrêtait Hasan Celal Güzel,
président du Parti de la renaissance (YDP) pour avoir "révélé au public
des documents secrets de l'Etat". Deux jours plus tard, après avoir
subi l'interrogatoire de la CSE, Güzel était relâché pour être jugé en
liberté. Une semaine auparavant Güzel avait remis au procureur
principal un rapport préparé par le Groupe de travail occidental et
avait demandé que des mesures appropriées soient prises contre le chef
adjoint de l'Etat-major Cevik Bir qu'il accusait d'essayer d'altérer
l'ordre constitutionnel. Alors qu'il procédait à l'arrestation de
Güzel, le bureau du procureur de la Cour de la sûreté de l'Etat
d'Ankara décidait de ne pas poursuivre le général Bir que ce même Güzel
avait dénoncé.
Non seulement le RP ou le YDP mais également les
partis pro-kurdes font encore l'objet d'actions en justice et risquent
la fermeture, mais le nouveau gouvernement n'entreprend aucune action
contre ces mesures répressives. Il convient de rappeler qu'au cours des
14 dernières années, 20 partis politiques différents -de gauche ou
pro-kurdes- ont été fermés par la Cour constitutionnelle.
Récemment :
- Le 23 juin, le procureur principal introduisait
une action auprès Cour constitutionnelle dans le but de fermer le Parti
démocratique des masses (DKP). Fondé sous le leadership d'un ancien
ministre d'origine kurde, Serafettin Elci, le DKP est accusé d'avoir
dans son programme plusieurs articles incompatibles avec la
Constitution turque et le Code sur les partis politiques. Le procureur
considère ces articles contraires à l'intégrité de l'Etat et la nation
Turcs.
- Auparavant, le 4 juin, le président du Parti de la
démocratie du peuple (HADEP), Murat Bozlak, avait été condamné par la
CSE d'Ankara à six ans de prison à cause de "l'incident du drapeau"
survenu lors du congrès du parti le 23 juin 1996 à Ankara. Faysal
Akcan, qui enleva le drapeau turc de la salle du congrès, fut condamné
à 22 ans et six mois de prison. Il fut accusé "d'appartenir à une
organisation illégale". La cour a également condamné 33 membres du
HADEP à des peines de prison allant de 4 à 6 ans.
- Et le 16 juin, les premiers cours en langue kurde,
dispensés depuis le 26 avril par la Fondation pour la culture et la
recherche kurdes (Kürt-Kav), étaient interdits par le gouverneur
d'Istanbul. Une équipe de police envoyée par la Direction nationale de
l'éducation, fit une descente dans le bâtiment de la Fondation et mit
sous scelles la porte du local où se donnaient les cours.
Le RP et le DYP dénoncent maintenant les fermetures
de partis politiques, mais bon nombre d'entre eux, notamment le Parti
de la Démocratie (DEP), l'ont été alors que le DYP se trouvait au
pouvoir et les députés du DEP étaient arrêtés suite aux provocantes
déclarations de la premier ministre Ciller. Le RP ne s'est jamais
opposé à de telles pratiques.
Les actions en justice contre le DKP, HADEP et
Kürt-Kav auxquelles nous avons fait allusion auparavant constituent les
dernières pratiques anti-démocratiques de la coalition gouvernementale
DYP-RP. A ce moment-là, ni le RP, ni le DYP n'ont désapprouvé ces
actes. Ils parlent de violations des droits de l'homme lorsqu'eux-mêmes
deviennent la cible de pressions appuyées par les militaires.
On peut donc dire que non seulement les militaires
et leurs alliés politiques mais également les fondamentalistes
islamiques et leurs alliés, dont Tansu Ciller, font preuve d'une totale
hypocrisie en ce qui concerne les droits de l'homme et les libertés.
Si la Turquie se trouve maintenant dans une
situation honteuse en ce qui concerne les droits de l'homme, ils en
sont responsables autant l'un que l'autre.
Cependant, les véritables forces démocratiques de la
Turquie s'opposeront à la fermeture de tout parti quelle que soit sa
sensibilité, de gauche, pro-kurde ou islamique. Telle est la
caractéristique d'un défenseur sincère des normes démocratiques.
LE RP ELABORE UNE DECLARATION DE DEFENSE PRELIMINAIRE SUR LA DEMANDE DE
FERMETURE
Le Parti du bien-être (RP), formation de tendance
islamiste qui se trouve devant une demande de fermeture introduite par
la cour d'appel, soumettait le 20 août dernier à la Cour
constitutionnelle une déclaration de défense préliminaire et dans la
page de garde répondait aux accusations du procureur de la cour
d'appel, Vural Savas.
La déclaration, de 215 pages, comprend sept sections
et offre une évaluation générale de l'inculpation du procureur Savas,
qui a fait l'accusation suivante: "Le RP est devenu le point de
concentration des activités anti-laïques". L'accusation s'appuie sur
les concepts de démocratie en Turquie et à l'étranger, les droits de
l'homme, les libertés et la laïcité, ainsi que sur les conventions
internationales sur les droits de l'homme, la Constitution turque et
d'autres lois.
Dans les conclusions de la déclaration du RP le
parti soutient que la Cour d'appel, dans son argumentation, ne tient
pas compte de la loi sur les partis politiques et que par conséquent la
Cour constitutionnelle devrait désestimer l'affaire pour "vice de
procédure". La déclaration de défense dit également: Les bandes audio
et vidéo, et les découpes de journaux qui figurent dans l'acte
d'accusation ne constituent pas une preuve; affirmer que le parti est
"le point de concentration d'activités anti-laïques" se révélerait vain
puisque les activités du parti ne sont nullement délictives; les
accusations contre les anciens députés Sevki Yilmaz, Hasan Hüseyin
Ceylan et Ibrahim Halil Celik ne sont plus fondées puisqu'ils ont été
expulsés du parti; et le parti pense que la Cour constitutionnelle ne
manquerait pas de prendre en considération l'Article 10 sur la liberté
d'expression et l'Article 11 sur la liberté d'organisation de la
Convention européenne des droits de l'homme.
Le Turkish Daily News offre à ses lecteurs certaines
des parties les plus intéressantes de la déclaration de défense du RP,
signée par le leader du parti Necmettin Erbakan et publiées sur
Internet. Nous les reprenons ci-après:
• L'objection du Parti du bien-être à la fermeture
des sections secondaires des écoles religieuses imam-hatip comme le
recommande le Conseil national de sécurité (MGK), ne reflète pas une
opposition à l'ordre laïc comme le dit l'acte d'accusation du
procureur. Aussi les limitations imposées aux partis politiques par la
loi sur les partis politiques ne précise nullement l'obligation de se
soumettre aux décisions du MGK.
• Le système d'éducation continue obligatoire de
huit ans n'a aucun lien avec la laïcité. Il s'agit uniquement d'un
aspect technique. Un rapport sur la question met l'accent sur
l'impossibilité de passer à ce système d'une manière immédiate. Le RP
ne s'oppose pas au système d'éducation obligatoire de huit ans, il est
contre un système qui essaie de manipuler les enfants.
• Il est juridiquement incorrect que le procureur
principal Vural Savas inculpe le leader du RP Necmettin Erbakan et
d'autres représentants du parti pour des discours prononcés auparavant
et qui selon le procureur concernent les tenues vestimentaires des
étudiantes universitaires.
• L'opinion du procureur principal concernant un
discours prononcé par Erbakan au cours d'une réunion de son groupe
parlementaire, qui mettait l'accent sur la demande du leader du RP pour
une "période de transition tranquille", est totalement sans fondement.
Ce discours devait être considéré comme un des devoirs parlementaires
du RP. Il fut délibérément distorsionné par diverses organisations de
presse (notamment dans la définition de la "période de transition"),
sorti de son contexte réel et dévié de son objectif. Plusieurs
organisations ont lancé une campagne contre le RP et convoqué des
rassemblements après les élections partielles du 23 mars 1997. Ce ne
fut pas Erbakan, mais bien ces organisations qui ont ajouté le mot
"sang" dans les fax qu'elles ont envoyés à divers endroits. Il est à
souligner les voeux exprimés par ces organisations dans leurs fax.
Elles y formulaient le souhait qu'Ankara devienne la tombe du maire du
RP, Melih Gökcek, et se disaient prêtes à combattre jusqu'à leur
dernière goutte de sang.
• Le RP considère illégales et injustifiées les
accusations du procureur principal concernant une réunion du MGK. Dans
ses accusations, le procureur fait allusion à une histoire sans
fondement d'un journal selon laquelle Erbakan aurait admis les
accusations du commandant des forces navales parce qu'il a gardé le
silence alors que ce dernier lisait plusieurs rapports de presse
(fustigeant le RP) lors d'une réunion de MGK. Etant donné que ces
réunions sont confidentielles, il est impossible d'en obtenir des
enregistrements. Il est donc interdit de publier tout document s'y
rapportant ou d'en faire la publicité.
• Les suppositions du procureur Savas selon
lesquelles le banquet qu'Erbakan a offert au personnel de la Direction
des affaires religieuses et aux membres des écoles théologiques révèle
une attitude anti-laïque est juridiquement sans fondement. Ces
accusations sont faites sous l'influence de reportages médiatiques
manipulateurs et ne révèlent pas une violation de la loi.
• Le jour où Sevki Yilmaz (ancien député du RP)
prononça son discours, prétendument contre l'ordre laïc, il n'avait
aucun lien organique avec le parti et n'était pas membre du RP. Il fut
élu maire de la province de Rize sur les listes du RP après les
élections municipales du 27 mars 1994 et c'est alors qu'il devint
membre du RP. En outre, personne ne sait où, quand ou pourquoi ce
discours fut prononcé. Quoi qu'il en soit il a été expulsé du parti.
• En examinant deux discours précédents d'Hasan
Hüseyin Ceylan (ancien député du RP), le RP n'a trouvé que des
cassettes vidéo préenregistrées. Où et quand ont-elles été enregistrées
? Qui les a enregistrées ? Aucun fait n'est certain. Il n'y
a aucune sentence judiciaire qui établisse que ces cassettes
contiennent des éléments anti-laïques. Cette personne ne représente pas
le RP et a été expulsé du parti.
• Ibrahim Halil Celik (ancien député du RP) a
déclaré qu'il n'avait pas fait les remarques que divers journaux lui
ont attribuées le 10 mai 1997. Celik ne représente pas le RP et n'est
affilié à aucun organe du parti. Il a également été expulsé du parti.
• Il n'existe pas d'autre preuve qu'une cassette
pré-enregistrée concernant un discours d'Ahmet Tekdal (membre du RP),
dont on dit qu'il l'aurait prononcé lors d'un pèlerinage en Arabie
Saoudite. On ne sait avec certitude quand et où a été prononcé ce
discours. Tekdal (qui fut président du RP) n'a pas été à Hajj en tant
que président du RP mais en tant que citoyen ordinaire. Etant donné que
Hajj n'est pas considéré comme un centre d'activités politiques, il
n'est pas possible d'y prononcer un discours politique.
• Le bureau du procureur de la Cour de la sûreté de
l'Etat de la province de Kayseri, dans l'Anatolie centrale, a ouvert
une enquête sur un discours attribué au maire de Kayseri et membre du
RP, Sükrü Karatepe, et s'est déclaré juridiquement incompétent dans
cette affaire.
• Dans son acte d'inculpation, le procureur voit
également dans la visite de Sevket Kazan, alors qu'il était ministre de
Justice, au maire de Sincan en prison, une preuve pour fermer le RP.
Etant donné que la visite eut lieu pendant le mandat de Kazan,
l'affaire doit être traitée sous la juridiction du Parlement. Les
membres du Parlement ont examiné l'affaire suite à une demande basée
sur l'Article 100 de la Constitution. Ils ont conclu que l'action de
Kazan n'était pas délictive et ont donc rejeté la demande d'inculpation.
• Il n'est pas vrai que le RP ait gardé le silence à
propos des actions indûment attribuées à ses membres. Le parti a
examiné les accusations, considérées inexactes, d'actes incriminés à
des membres de son conseil d'administration, du conseil central de
décision et exécutif, aux présidents provinciaux et aux représentant
ruraux.
• La commission parlementaire créée pour examiner
les finances du Parti du bien-être, après que des rapports aient accusé
le parti de recevoir une "aide financière" d'une organisation de Libye,
a rendu ses conclusions: "Pendant l'enquête, il n'a été trouvé aucun
document qui prouve légalement que le RP ait reçu une aide financière
de la République islamique de Libye".
• Les pourparlers que le leader du RP Necmettin
Erbakan a maintenu avec différentes personnes et organisations dans
divers pays n'avaient pas un caractère confidentiel ou autre, il
s'agissait simplement de rencontres régulières. Lorsque Erbakan a
visité le Pakistan, ce n'était pas en tant que leader du Parti du
bien-être mais en tant que premier ministre du 54e gouvernement, et
cette visite n'avait rien à voir avec le RP. Par ailleurs, le parti
n'est nullement concerné par une invitation faite à Erbakan pour qu'il
participe à plusieurs rencontres en Libye. Il y était invité en tant
que scientifique et les organisateurs de ces rencontres voulaient
bénéficier de son savoir et de son expérience. La Direction des
communautés musulmanes n'était pas une organisation officielle d'Etat,
mais un organisme privé créé par une délégation de la conférence. Son
véritable but était de réaliser des études pour éviter que les pays
islamiques ne soient sous-développés et exploités et trouver des
solutions à leurs problèmes.
• Il n'y pas d'incident spécifique ou de preuve
sérieuse qui justifie l'inculpation faite par le procureur Savas. La
raison principale de la demande de fermeture réside dans les
extraordinaires provocations de certaines organisations médiatiques.
Les médias deviennent le plus grand pouvoir du pays grâce à la loi de
compromis sur le Conseil supérieur de la radio et la télévision qui
contrôle les activités des chaînes privées. Cette loi a également
contribué à multiplier le nombre de chaînes de télévision qui exagèrent
les incidents routiniers.
HUMAN RIGHTS WATCH SE DECLARE CONTRAIRE A LA FERMETURE DE REFAH
Human Rights Watch (HRW)/Helsinki s'est déclaré
contraire à la possible fermeture du parti islamiste RP car ceci
violerait la nature laïque de la République. Dans un communiqué de
presse publié le 3 juillet dernier HRW déclare contempler avec une
"profonde préoccupation" la décision adoptée le 21 mai 1997 par le
procureur principal Vural Savas de demander la fermeture du RP,
partenaire majoritaire de la coalition RP-DYP jusqu'à ce que le leader
du RP, Necmettin Erbakan, ne démissionne le 18 juin 1997. "Bien que
nous comprenons que le débat sur le rôle de la religion dans la vie
publique fasse l'objet d'une intense controverse et de débat en Turquie
en ce moment, nous considérons le droit du Parti du bien-être de
proposer des politiques comme un élément de base du droit à la libre
expression et au débat public", dit le communiqué de HRW.
Selon HRW, derrière la tentative de fermer le RP se
cachent des "motivations politiques".
"Nous pensons que le jugement final de ces idées
devrait revenir à l'électorat et à la population turque, et non aux
tribunaux. Cette inculpation qui se produit juste après le vote de
confiance insuffisant destiné à faire tomber le gouvernement d'Erbakan,
et le fait que depuis le coup-d'Etat de 1980 on n'ait pas essayé de
fermer le Parti du bien-être alors que son idéologie n'a pas souffert
de grands changements depuis une décennie, laisse entrevoir des
motivations politiques dans toute cette affaire", souligne HRW.
HRW défend également le droit de porter des tenues
religieuses en public, tout comme le défendait le RP, assimilable au
"droit de libre expression". L'ultimatum lancé le 28 février dernier
par le Conseil de sécurité nationale (MGK), sommait le RP d'appliquer
des mesures, entre autres, pour élimer la pratique étendue du port de
foulards et autres tenues religieuses dans les locaux publics.
"Des débats pour déterminer si un individu peut
porter des vêtements religieux dans certaines situations peuvent porter
aussi bien sur la liberté d'expression que sur le droit d'avoir des
opinions religieuses ou autres sans l'interférence du gouvernement. Le
droit à la liberté d'expression comprend le droit d'exprimer ses
croyances religieuses au travers d'actes tels que le port de vêtements
religieux, tant que cela n'enfreint pas les droits d'autrui. Human
Rights Watch/Helsinki pense également que l'exercice de ce droit
comprend également celui de ne pas porter de tenues religieuses si tel
est le désir. Le plaidoyer en faveur de ceux qui veulent porter le
foulard est un acte protégé par la liberté d'expression, même s'il est
contraire aux politiques du gouvernement en place", explique HRW.
Mais à propos d'une autre accusation portée contre
le RP par le procureur de l'Etat, HRW précise: "Plaider en faveur de la
haine national, raciale ou religieuse constituant une incitation à la
discrimination ou à la violence n'est pas un droit d'expression
protégé".
Faisant directement allusion à certaines
déclarations faites dans le passé par d'anciens députés militants du
RP, HRW affirme: "Des actes dénoncés dans l'inculpation, notamment ceux
de deux anciens députés du parti, Ibrahim Halil Celik, qui demandait
que `coule le sang', et Sevki Yilmaz, qui déclarait `notre tâche n'est
pas de parler, mais, tel un soldat dans l'armée, d'appliquer le plan
dans la guerre', ne peuvent être inclus dans le droit d'expression si
dans ces circonstances cela revient à inciter à l'agression physique, à
imposer de pénalités discriminatoires ou à l'harcèlement délictif, ou à
l'intimidation".
HRW met encore en doute si la fermeture d'un parti
constitue une réponse adéquate à de tels actes perpétrés
individuellement par certains de ses membres.
"En tout cas, on peut se demander si le Parti du
bien-être dans son ensemble doit être tenu pour responsable de
déclarations incendiaires proférées par certains de ses membres",
conclut HRW.
LE CHANTAGE DU NOUVEAU GOUVERNEMENT A L'EUROPE
Les autorités turques ont mal réagi le 15 juillet
dernier aux recommandations de la Commission européenne pour que
l'Union européenne ouvre l'année prochaine des négociations d'accession
avec la République tchèque, la Pologne, la Hongrie, la Slovénie et
l'Estonie, ainsi qu'avec la communauté grecque chypriote au nom de
toute l'île, mais pas avec la Turquie. "La Commission a non seulement
rompu sa promesse d'appliquer les mêmes critères objectifs à tous les
candidats, mais a également violé les accords internationaux", dit-on
depuis Ankara dans un communiqué à propos des derniers développements.
Des fonctionnaires rapportaient le 22 juillet
dernier que le ministère des Affaires étrangères, en représailles
contre la position de l'UE, avait commencé à revoir l'application de
l'accord d'union douanière avec l'UE pour voir s'il pouvait être
amélioré en faveur de la Turquie.
Ils ont annoncé que si nécessaire, Ankara tenterait
d'arriver à ses fins par une éventuelle renégociation. Il n'est
cependant pas clair s'il existe un consensus au sein de la coalition
gouvernementale à propos de la révision que fait le ministère des
Affaires étrangères.
Les diplomates affirment que le ministre des
Affaires étrangères, Ismail Cem, du Parti de la gauche démocratique
(DSP), que dirige le vice-premier ministre Bülent Ecevit, pourrait être
derrière cette révision de l'union douanière car au cours d'une visite
au nord de Chypre il avait fait allusion à la possibilité d'une
renégociation.
Selon le Turkish Daily News du 7 août, l'agressive
campagne de la Turquie pour rattraper le "train de l'Europe" à
l'occasion du sommet de l'Union européenne en décembre peut être en
train d'échouer. Des signes annoncent que l'Europe considère cette
campagne "contre productive" et on y dit qu'elle a un effet contraire à
celui espéré par Ankara; à savoir, augmenter les chances de la Turquie
dans sa candidature à l'UE.
Dans sa déclaration, d'un ton sévère, Ankara
fustigeait alors la Commission européenne pour sa "grande erreur" et
espérait que les leaders de l'UE la corrigeraient lors du sommet qui
doit avoir lieu à la fin de cette année.
"C'est précisément cette attitude d'essayer de nous
intimider pour que nous adoptions une certaine attitude qui se retourne
contre la Turquie", a déclaré une source de l'UE au Turkish Daily News.
"La réalité de la situation est que le sommet européen soutiendra la
recommandation de la Commission", a-t-il ajouté.
"Ce qui nous préoccupe est que la Turquie -- avec sa
campagne agressive pour se retrouver dans cette photo de famille, cette
réunion ou cette conférence -- aura une réaction encore plus colérique
si elle découvre que le sommet européen ne corrigera pas la "grande
erreur" de la Commission. A son tour, cela va susciter encore de la
mauvaise humeur en Europe et laissera Ankara face à des accès de colère
totalement contre productifs, mais qui seront le résultat direct de sa
propre attitude".
EN COLERE CONTRE L'EUROPE, ANKARA INTEGRE LA PARTIE TURQUE DE CHYPRE
Après que le nouveau gouvernement ait annoncé son
intention de bombarder les missiles S-300 s'ils sont installés dans la
partie sud de Chypre et d'intégrer la partie nord de l'île, les
pourparlers sous les auspices des Nations Unies à Glion, destinés à
mettre fin à une division qui dure depuis des décennies, se sont
terminés dans la confusion le 16 août dernier. Le médiateur des ONU et
envoyé spécial à Chypre, Diego Cordovez, n'a pas pu amener Glafcos
Clerides, président du gouvernement chypriote grec du sud de l'île,
internationalement reconnu, et le leader chypriote turc, Rauf Denktas,
à se mettre d'accord sur un texte cadre de compromis.
Denktas s'est vu encourager dans son attitude bornée
par le récent changement de gouvernement en Turquie. Le vice-premier
ministre Bülent Ecevit - qui en tant que premier ministre avait ordonné
l'occupation militaire turque en 1974 - avait annoncé que cette fois-ci
la Turquie intégrerait la partie turque de l'île si l'Union européenne
engageait des négociations avec Chypre en vue de sa totale intégration
à l'UE.
Le 20 juillet, à l'occasion du 23e anniversaire de
l'occupation turque, Ecevit s'est précipité dans l'île et a annoncé un
programme pour l'intégration partielle de la "République turque du nord
de Chypre" (KKTC).
Pendant les célébrations dans la partie turque de
l'île, les leaders de la Turquie et la KKTC ont annoncé que toute
attaque contre cette dernière serait assimilée à une attaque contre la
République de Turquie et qu'un concept de défense conjoint serait
établi entre les deux.
L'accord sur le Conseil d'association entre la
Turquie et la KKTC fut signé le 6 août 1997.
Selon cet accord, un conseil d'association sera créé
entre les deux Etats avec la participation des deux parlements et des
ministres concernés.
Il sera établi une union économique et financière
entre la République de Turquie et la KKTC, afin de contrecarrer les
effets des embargos et restrictions que subit l'économie de la KKTC. En
même temps, la KKTC sera intégrée dans la stratégie d'ensemble
macro-économique de la Turquie concernant les priorités de
développement régional. La KKTC bénéficiera du soutien et des primes
apportées aux régions turques de développement prioritaire.
Toutes les mesures de coopération et d'harmonisation
structurelles entre l'administration chypriote grecque et l'UE, seront
appliquées d'une manière similaire entre la KKTC et la Turquie.
Bien que la KKTC continuera d'exister comme "Etat
indépendant", dans toutes les réunions internationales concernant
Chypre dans lesquelles la partie chypriote turque n'aura pas droit à la
parole, des représentants de la KKTC seront inclus dans la délégation
turque.
Cet accord a reçu des critiques non seulement dans
la Communauté européenne, mais également dans les cercles d'opposition
turcs à Chypre.
L'administration chypriote grecque a qualifié
l'accord de "provocation envers la communauté internationale". Dans une
déclaration publiée par le ministère grec des Affaires étrangères,
Athènes "condamne énergiquement" l'accord et précise que "la Turquie a
dévoilé sa véritable face en institutionnalisant son contrôle militaire
et politique sur la KKTC".
Mehmet Ali Talat, leader du principal parti de
l'opposition de la KKTC, le Parti turc républicain (CTP) -- qui occupe
13 des 50 sièges du Parlement -- déclarait à la presse turque le 6 août
dernier qu'ils ne sont pas favorables à une politique qui lie
l'admission de Chypre dans l'UE à l'admission de la Turquie. Il a
ajouté que l'intégration de Chypre dans l'UE est dans l'intérêt de la
Turquie ainsi que de celui de la partie turque isolée de l'île.
INTERDICTION D'UNE CONFERENCE INTERNATIONALE SUR SUSURLUK
Le bureau du gouverneur d'Istanbul a finalement
décidé à la dernière minute de supprimer une conférence internationale
sur Susurluk qui devait débuter le 14 juin dernier dans le centre du
syndicat Petrol-Is.
Le journal Aydinlik avait obtenu la permission du
bureau du gouverneur pour sponsoriser la conférence, à laquelle
devaient participer des journalistes spécialisés dans la mafia
européenne. Ce n'est qu'une fois que les invités étrangers avaient
terminé les préparatifs et s'étaient rendus en Turquie que le bureau du
gouverneur annonçait la suppression de la conférence. Aucune
justification ne fut avancée pour expliquer une telle attitude.
Le leader du Parti Ouvrier (IP), Dogu Perincek,
déclarait à propos de cette mesure: "Le ministre de l'Intérieur, Meral
Aksener, membre de la famille Ciller, a piétiné la loi pour annuler la
conférence car elle aurait révélé comment le premier ministre turc,
Necmettin Erbakan, et la famille Ciller blanchissent de l'argent. A
l'heure actuelle, la mafia gouverne la Turquie et elle ne voit pas
pourquoi les lois devraient être respectées".
LE MARI DE CILLER DEVIENT CENTRE D'INTERET POUR COMPLICITE D'ASSASSINAT
Le 9 juillet, Fikri Saglar, député (CHP) membre de
la commission parlementaire qui enquête sur le scandale de Susurluk,
introduisait une plainte en justice contre Özer Ciller, époux du leader
du DYP Tansu Ciller, pour instigation du meurtre d'un sombre magnat de
casino et acquisition de documents d'Etat secrets.
Saglar, a révélé que l'avocat d'Ömer Lütfü Topal,
connu comme le "roi des casinos" et abattu à Istanbul par des inconnus,
avait dit à la commission d'enquête de Susurluk que la femme de Topal
soupçonnait Özer Ciller d'être à l'origine de ce meurtre.
Fikri Saglar a également dit que la femme de Topal,
qui a déclaré devant un procureur public, a aussi révélé que son mari
avait toujours méprisé et craint Özer Ciller. Dans la plainte adressée
à une cour d'Ankara, le député a précisé: "Au cours des investigations
de la Commission de Susurluk, de nombreux témoins ont affirmé qu'Özer
Ciller était impliqué dans des activités illégales. Je pense qu'il
faudrait enquêter sur sa participation au meurtre d'Ömer Lütfü Topal et
ses relations avec les inculpés dans cette affaire".
Saglar a ajouté qu'un autre membre de la commission
Susurluk, Yasar Topcu du Parti de la Mère-Patrie (ANAP), avait dénoncé
l'existence de conversations téléphoniques entre la résidence du
premier ministre - Tansu Ciller était premier ministre au moment de
l'assassinat de Topal - et Sami Hostan, un sombre personnage inculpé
pour le meurtre de Topal et qui est toujours recherché par la police.
"Meurtre prémédité et instigation au meurtre sont
décrits dans les Articles 450 et 65 du code criminel. Je suis d'avis
que les actions d'Özer Ciller sont des actes criminels tels qu'ils sont
repris dans ces clauses. C'est pourquoi je demande l'ouverture d'une
enquête sur lui", déclarait Saglar.
Le député du CHP a également fait remarquer que Nuri
Gündes, conseiller principal de Tansu Ciller pendant son mandat de
premier ministre, avait déclaré avoir remis à Özer Ciller des dossiers
de renseignement préparés par l'Organisation nationale de renseignement
(MIT).
Saglar en arrive à la conclusion qu'Özer Ciller
devrait être jugé en vertu de l'Article 132 du code criminel, pour
acquisition d'informations sur des documents d'Etat secrets, vu qu'il
n'occupait aucun poste officiel et n'était que l'époux du premier
ministre.
L'OCDE S'APPRETE A ACCUSER LA TURQUIE DE BLANCHIMENT D'ARGENT
Tandis que la coalition gouvernementale fait face
aux manifestations anti-laïques qui se produisent à travers le pays, la
Turquie est sur le point de faire l'objet une nouvelle fois de dures
critiques sur la scène internationale, c'est ce que rapportait le
Turkish Daily News le 31 juillet dernier.
Alors que la Turquie a été accusée à plusieurs
reprises de permettre le blanchiment d'argent à l'intérieur de ses
frontières, le Détachement spécial de l'action financière au sein de
l'OCDE (FATF) - créé par le groupe G7 des pays les plus industrialisés
en 1989 - envisagerait de donner un avertissement à la Turquie pour
qu'elle mette fin à cette pratique.
A propos des récentes histoires parues dans la
presse sur le trafic d'argent noir et de drogue via la Turquie, des
sources diplomatiques occidentales qui suivent ce thème de près ont
affirmé que bien qu'on puisse espérer que le nouveau gouvernement
prendra quelques mesures concrètes, la législation turque ne convient
pas pour lutter contre le blanchiment d'argent.
La Turquie devrait être mise en garde lors de la
réunion habituelle de septembre de la FATF contre son rôle "officiel"
dans le blanchiment d'argent.
La Turquie a formé un comité pour étudier les
allégations et prépare une réponse aux critiques attendues lors de la
réunion de septembre.
Des critiques similaires ont été adressées à la
Turquie par un groupe de courtiers agissant en qualité de conseillers
de compagnies pétrolières, de gaz et d'électricité. Le groupe
international, Ledingham Chalmers Solicitors, a affirmé que Jersey,
dépendance de la couronne britannique, est un endroit plus sûr que la
Turquie pour y faire des affaires en raison de sa législation contre le
blanchiment d'argent.
Ce groupe, qui conseille également BOTAS
International, une filiale de la Compagnie des pipelines turcs BOTAS,
soutient que la législation sur les compagnies à Jersey est plus sévère
que celle appliquée actuellement en Turquie.
Dans un message envoyé à Dogan Sirikci, Naime Isik
et Jale Tuksal, directeurs de BOTAS International, le courtier Jonathan
W. Blythe indiquait qu'étant donné que Jersey est un protectorat du
Royaume-Uni, il se trouve à tous les effets sous la juridiction de la
Communauté européenne pour ce qui est de la gestion d'entreprises.
"C'est un élément très important puisque les normes
de gestion qu'impose la Communauté européenne sont très élevées. Dans
bien de domaines les exigences sont beaucoup plus strictes qu'en
Turquie", expliquait-il.
Blythe, qui utilisa une expression équivalente à "Il
voit la paille dans l'oeil de son voisin et ne voit pas la poutre dans
le sien", soutient que la simple ouverture d'un compte bancaire dans
l'une des grandes banques de Jersey exige la présentation d'un grand
nombre de documents.
Blythe faisait allusion a un rapport publié dans la
presse turque à la fin du mois de juin accusant BOTAS de blanchir des
centaines de millions de dollars sans être enregistrée à Jersey et
qualifiait l'endroit de "paradis du blanchiment d'argent".
Ultérieurement, le directeur de BOTAS, Mustafa
Murathan était démis de ses fonctions et Nevzat Arseven était élu
président.
LES INTELLECTUELS EN DESACCORD AVEC L'ETAT
Voici un reportage de Saadet Oruc sur Esber
Yagmurdereli publié par le Turkish Daily News le 17 juillet 1997.
Yagmurdereli, devenu célèbre par ses efforts pour
mettre fin à une grève de la faim des prisonniers en 1996, attend à
présent le moment où on décidera de l'arrêter et de le mettre ne
prison. Il fut condamné à 23 ans de prison à cause d'un discours
prononcé lors d'un meeting de l'Association des droits de l'homme
(IHD), qui célébrait son 11e anniversaire.
Cet homme âgé, barbu et aveugle, assis devant moi,
fumait une cigarette qui semblait sur le point de tomber de sa bouche
et parlait de politique, droits de l'homme et optimisme. J'observais
son sourire, encadré par une barbe blanche, noire, jaune et brune. Il a
commencé à parler, songeant à la chaleur de ces jours de juillet, tout
comme l'année précédente, lors de la grève de la faim...
Pour Yagmurdereli ces jours-là ont été un des
"moments historiques" du pays et ce n'est qu'alors qu'on a compris le
pouvoir des citoyens dans la société. C'était la première fois qu'on
démontrait la capacité des intellectuels à résoudre les conflits
sociaux. Et il poursuit: "La Turquie a décidé lors des élections
anticipées de 1995. L'objectif principal était de mettre fin à la crise
politique que traversait le pays... Les décisions des gouvernements
d'alors n'avaient pas une approche démocratique, elles visaient à
terroriser le public en perpétuant le conflit kurde. Certains cercles
au sein de l'Etat veulent que le conflit dans le Sud-est se poursuive,
spécialement ceux qui profitent de la guerre et tirent des avantages
considérables du trafic de drogues via la Turquie. Des drogues
pour une valeur de 25 milliards de dollars transitent par la Turquie
dont 25% irait dans les poches de personnes ayant des liens avec
l'Etat. Il est donc facile à comprendre que ces cercles ne renonceront
pas de bon gré à tout cet argent.
Le gouvernement formé après les élections de
décembre 1995 était favorable à une approche militaire du conflit kurde.
La nomination de l'ancien chef de police Mehmet
Agar, que l'on connaît mieux après l'accident de Susurluk, au poste de
ministre de la Justice alors qu'il n'avait aucun bagage juridique,
confirmait la posture du gouvernement.
C'étaient les premiers jours après ma sortie de
prison. Le bain de sang qui a éclaboussé les manifestations du premier
mai et les incidents avec les prisonniers a terrorisé la société. La
Turquie, pays qui a le plus de prisonniers politiques, allait vivre des
événements encore plus tragiques. Le jour où nous nous rendîmes à la
prison de Bayrampasa coïncida avec la décision de Conseil national de
sécurité (MGK) de mettre fin aux grèves par la force. Si nous n'avions
pas agi, des centaines de prisonniers seraient morts. Les procureurs et
les hommes politiques nous ont alors demandé d'agir comme
intermédiaires.
Yasar Kemal, symbole de la littérature turque, Zülfü
Livaneli, compositeur, Oral Calislar, journaliste de Cumhuriyet et
moi-même avons intercédé pour une issue à la grève de la faim sans
effusion de sang. Et c'était la première fois que les intellectuels
cherchaient activement une solution aux problèmes de la Turquie..."
Oral Calislar, confiant au Turkish Daily News ses
impressions sur ces moments-là, souligna qu'Esber Yagmurdereli était la
figure dominante qui a réussi à mettre fin à la grève de la faim...
Calislar décrit ainsi la fin de l'histoire: "Esber avait alors un rôle
clé. C'était un vendredi lorsque nous nous sommes réunis avec Yasar
Kemal et Zülfü Livaneli, qui revenaient d'une réunion avec Ferzan
Citici, procureur d'Istanbul. Nous craignions qu'on ne déclenche une
attaque contre les prisonniers. Yasar Kemal fit l'avertissement que la
Turquie ne pourrait se remettre de la honte que causerait une attaque
contre les prisonniers. Au téléphone, le député d'Istanbul du Parti du
bien-être, Bahri Zengin, nanti de l'autorité que lui avait conférée le
premier ministre Necmettin Erbakan, nous garantit qu'il n'y aurait pas
d'interférence de la prison. Nous avons redoublé d'efforts. J'ai alors
formé le numéro du téléphone cellulaire d'Esber qui se trouvait sur le
ferry entre Kadiköy et Karaköy... Il se rendit à la prison de
Bayrampasa pour servir d'intermédiaire, ce qu'il fit avec succès.
Ensemble, avec Ercan Karakas, Halil Ergun et Orhan Pamuk, nous avons
agi après qu'Esber ait parlé avec les prisonniers".
Calislar, gêné par l'imminent emprisonnement de
Yagmurdereli, n'a pas hésité à dire qu'il était honteux pour la Turquie
de jeter en prison un homme qui avait oeuvré pour la paix. Selon
Calislar, Yasar Kemal est en profond désaccord avec l'Etat.
"Aujourd'hui, Yasar Kemal se dit prêt à quitter un pays, la Turquie, où
Esber se trouve en prison. Il a dit qu'il le communiquerait au premier
ministre Mesut Yilmaz", rapportait Calislar.
A propos des deux heures que nous avons passé à
discuter avec Yagmurdereli... Il se disait optimiste à propos du
nouveau gouvernement. "Si le peuple turc n'a pas encore réagi à la
hausse de 33% des prix des produits pétroliers, cela revient simplement
à donner un chèque en blanc au nouveau cabinet. Mais si je dois me
retrouver dans la prison d'où est libéré Isik Ocak Yurtcu, ce n'est pas
bon pour la Turquie. Au lieu d'apporter des solutions à court terme, le
gouvernement doit trouver des solutions radicales pour garantir la
liberté d'expression, droit fondamental de l'humanité", explique-t-il.
Cette dernière remarque concorde totalement avec la
récente proposition de Birdal: "Comme nous l'avions fait pendant la
grève de la faim, nous pouvons agir comme médiateurs pour chercher une
solution au problème kurde. L'Etat ne doit pas négocier avec le PKK.
Mais une libre discussion du problème apportera la solution".
Birdal, s'adressant au TDN à propos du 11e
anniversaire de IHD, s'était également proposé comme médiateur entre
l'Etat et les sphères kurdes pour tenter de trouver une solution au
conflit.
"Il faut trouver une solution au conflit kurde, qui
a provoqué la migration de 70% des habitants de la ville occidentale de
Tunceli et l'évacuation de 2.759 villages", explique-t-il. Le IHD
prêtera sûrement attention à cette affaire, qui est non seulement un
problème pour la Turquie mais aussi pour le monde. Nous sommes disposés
à agir comme médiateurs, tout comme nous l'avons fait pour sauver les
soldats qui étaient aux mains du PKK", poursuit Birdal.
L'année dernière, une mission d'activistes s'est
rendue aux camps du PKK dans le nord de l'Irak pour sauver un groupe de
soldats turcs retenus prisonniers. Ils ont fait l'objet de dures
critiques car ils se sont assis sous un drapeau du PKK dans une cave
qui servait de poste de cette organisation. Le IHD, qui en ce moment
travaille activement pour soutenir Yagmurdereli, célèbre son 11e
anniversaire. Birdal annonce qu'ils continueront à défendre les droits
de l'homme.
Au moment où le gouvernement fait des déclarations
positives concernant les droits de l'homme, l'Association des droits de
l'homme (IHD), souvent critiquée, fête sa 11e année.
L'organisation, qui a vécu une lune de miel jusqu'en
1992, est alors devenue la cible des forces de sécurité et fut accusée
d'être "l'instrument d'organisations terroristes". 1992 fut l'année où
le IHD a opté pour une solution démocratique au problème kurde,
explique Birdal.
Le IHD fut fondé juste après le coup-d'Etat du 12
septembre 1980 pour défendre les droits des personnes opprimées. Selon
Birdal leur but est "d'améliorer les droits, de défendre les droits".
L'abolition de la loi qui empêchait les intellectuels d'exercer leur
profession fut un des plus grands succès, conclut Birdal.
IHD PREND DES MESURES CONTRE LA FERMETURE DE SES BRANCHES
Le président de l'Association des droits de l''Homme
de Turquie (IHD) Akin Birdal a condamné les récents attaques contre les
branches de Diyarbakir, Izmir et Urfa ainsi que leur fermeture. Dans
une interview recueillie le 30 juin par TDN, il révélait que des
attentats étaient planifiés contre le personnel de IHD ainsi que contre
les bureaux et qu'il y avait un procès en cours pour fermer
l'organisation, qui fêtait son 11e anniversaire le 17 juillet.
Selon Birdal ces attentats ne visent pas uniquement
le IHD, mais également les personnes insuffisamment représentées au
Parlement. "La solidarité des forces civiques vaincra ces pressions",
assura-t-il.
Birdal, qui rappela que 1998 marquera le 50e
anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, a
lancé un appel à tous les organes concernés par les droits de l'homme,
spécialement le ministère des Affaires étrangères, pour célébrer tous
ensemble cet anniversaire d'une grande signification. "Nous sommes
ouverts à toute sorte de coopération avec l'Etat dans le domaine des
droits de l'homme", proposa-t-il. A l'occasion du 50e anniversaire, IHD
organisera divers meetings et activités.
Il a insisté sur le fait que IHD ne travaille pas
contre l'Etat turc et n'a pour but que le renforcement des droits de
l'homme. "Nous nous battons pour le droit de créer des associations et
des unions et pour la liberté de pensée", souligna Birdal.
Dans son assemblée d'octobre IHD examinera et
renouvellera son approche afin de renforcer la prise de conscience et
l'éthique dans le domaine des droits de l'homme. "L'agenda comportera
une réorganisation de l'organisation en ce qui concerne le nombre de
bureaux et le personnel", précisa Birdal.
HUMAN RIGHTS WATCH CRITIQUE UNE NOUVELLE FOIS LA TURQUIE
Alors que la Turquie cherche un nouveau
gouvernement, l'organisation internationale de contrôle Human Rights
Watch/Helsinki a une nouvelle fois critiqué durement le pays dans une
lettre adressée le 28 juin dernier au premier ministre sortant
Necmettin Erbakan.
La lettre fait référence à la fermeture par les
gouverneurs provinciaux des bureaux de l'Association des droits de
l'homme de Turquie (IHD) à Diyarbakir, Izmir, Konya et Malatya. Le
directeur général de Human Rights Watch, Holly Cartner, a déclaré à la
presse: "La fermeture des bureaux de IHD viole le droit, protégé
internationalement, d'exprimer librement des critiques à l'égard des
politiques du gouvernement, qu'elles concernent les droits de l'homme
ou la minorité ethnique kurde de Turquie. Nous exigeons au premier
ministre Erbakan qu'il ordonne aux gouverneurs provinciaux concernés
d'autoriser la réouverture des bureaux montrant ainsi que le débat est
permis et peut se produire sans craindre d'être poursuivi".
La dernière de ces fermetures était celle de Konya,
où le gouverneur a agi en réponse à une déclaration publiée le 6 juin
par la Fédération turque d'associations d'étudiants (TÖDEF), dénonçant
les incursions de l'armée turque dans le nord de l'Irak. TÖDEF n'est
qu'une parmi d'autres organisation civiques autorisée par IHD à
utiliser ses locaux.
La lettre dénonce également l'arrestation, le 7 juin
dernier, de 49 personnes, dont le directeur de la branche d'Ankara de
IHD, Yildiz Temurtürkan, alors qu'il s'apprêtait à déposer une couronne
noire devant l'ambassade des Etats-Unis pour protester contre le
supposé soutien américain aux opérations turques en Irak.
Le 18 juin, la Cour de la sûreté de l'Etat d'Ankara
remettait en liberté 18 des détenus, mais les autres sont toujours en
détention, y compris Yildiz Temurturkan. "Selon les informations reçues
des avocats travaillant dans l'affaire", souligne la lettre de Human
Rights Watch, "aucune information n'a été donnée quant aux motifs de
l'arrestation et mise en détention de ces individus, et l'instruction
se poursuit dans le secret. Les demandes d'information ou de documents
concernant l'enquête par les avocats ont été rejetées. En outre, bien
que le procès ait lieu à la Cour de la sûreté de l'Etat d'Ankara, les
accusés sont détenus à près de 300 kilomètres de là, rendant difficile
leur accès à l'assistance judiciaire. Finalement, il est troublant que
les personnes arrêtées soient jugées par une cour anti-terreur étant
donné la nature des faits incriminés, qui s'inscrivent clairement dans
les limites du droit de liberté d'assemblée reconnu internationalement.
Les détenus seraient jugés en vertu de l'Article 169 du code pénal,
aide et soutien à un groupe illégal, qui s'inscrit dans le cadre de la
loi anti-terreur".
LA MOSAIQUE CULTURELLE, FIERTE DE LA TURQUIE, COMMENCE A SE DECOMPOSER
La mosaïque culturelle formée par les divers groupes
ethniques qui vivent à l'intérieur des frontières turques est toujours
mentionnée avec fierté. Mais la culture, les langues, le folklore, la
littérature et les traditions de nombreuses populations commencent à
disparaître", observe le journaliste Zeki Ayik dans le Turkish Daily
News du 10 avril 1997.
Voici ses observations sur la situation des groupes
ethniques de la Turquie:
La richesse culturelle des Kurdes, Circassiens, Laz,
Arabes, Abkhazes, Tchechènes, Tatares, et divers autres groupes,
transmise jusqu'à nous à travers l'histoire, ne peut pas, selon la loi,
être enseignée dans les universités turques. Leurs langues et folklores
sont bannis de l'histoire.
Ces groupes ethniques, qui vivent tout autour de
l'Anatolie, luttent pour conserver leur langue, leur folklore et leurs
traditions. Alors qu'ils essaient de protéger leurs valeurs culturelles
de l'assimilation en s'isolant, ils n'ont pu résister à l'assimilation
de la technologie en développement et la nature.
La Turquie, à n'en pas douter, est un des rares pays
où vivent ensemble tant de groupes ethniques différents. Ces groupes
ont été remplacés de force ou obligés de quitter leur terre natale au
cours de siècles d'interminables guerres et de processus d'oppression à
divers moments, et la plupart vivent en terre anatolienne depuis des
siècles.
Karadegs, Shapsigs, Tchechènes, Ossetiens, Ibikhs et
Abkhazs sont quelques-uns des groupes qui ont été forcés d'émigrer vers
les terres ottomanes pour fuir la Russie tsariste dans les années 1800.
La population caucasienne a été établie dans toute
l'Anatolie par les Ottomans. Ils ont combattu pour la Turquie pendant
la première guerre mondiale et la guerre d'indépendance avec leur
identité caucasienne. Mais ils ont eu leur dose d'assimilation
officielle après les années 30 et se voient privés de leur identité
ethnique. Leurs danses folkloriques sont considérées partie intégrante
du folklore turc, on change les noms et prénoms provenant du Caucase,
et leurs langues sont interdites. Il reste deux noms connus comme
caucasiens; "Ethem caucasien" et Pâté de poulet caucasien.
La population caucasienne s'est rassemblée autour
d'associations et a commencé à lutter pour retourner au Caucase. Mais
là encore ils n'ont pu éviter l'oppression, et leurs opinions sont
restées dans le domaine des utopies.
Le chercheur et écrivain Cemal Tarik Kutlu, qui a
consacré des années à l'étude de la langue et l'histoire tchechènes,
affirme que pour les Caucasiens de Turquie leur assimilation culturelle
et linguistique est inévitable. Kutlu pense que c'est là le résultat
d'une politique officielle de l'Etat.
"Pendant des années les Caucasiens ont voulu la
protection de leurs traditions et leur langue. Mais, au travers de la
télévision, l'assimilation a envahi leurs maisons, traversant les murs
qui protégeaient un style de vie isolée. Dans les écoles, on apprend à
leurs enfants que toute personne vivant en Turquie est un Turc. On leur
a dit qu'il n'y pas besoin d'autre langue. Ces gens ont toléré ces
idéologies et leur ont obéi. Les familles n'ont pas parlé leur langue
natale et ont essayé d'aider leurs enfants à apprendre le turc. Dans
des accords internationaux la Turquie s'est engagée à permettre
aux groupes ethniques de protéger leur langue et leur culture, mais
elle a violé ces accords.
"Par ailleurs", poursuit-il, "notre langue a été
interdite et nos traditions ont été assimilées aux leurs. On a dit que
les Caucasiens étaient des Turcs. Il n'y a pas de similitude entre les
langues turque et caucasienne. Mais ils ont maintenu leur position,
niant ce fait (linguistique)".
Kutlu affirme également que toutes ces populations
devraient posséder leur propre langue et culture et que les Etats
devraient les accepter et les protéger.
Les plaintes de groupes ethniques qui ont émigré
vers la Turquie sont les mêmes que celles de groupes qui y vivaient
avant eux. Le Kurdes sont ceux qui se sont battus avec le plus de force
pour récupérer leur identité. On ne fait aucun pas en avant malgré les
intentions des partis politiques à divers moments, comme
l'établissement d'une chaîne de télévision kurde et des cours de kurde
dans les écoles.
La Fondation pour la culture kurde et la recherche
(Kürt-Kav), basée à Istanbul, première en son genre dans l'histoire de
la République turque, a fait dernièrement un grand pas en ouvrant une
école pour sauver la langue et la culture kurdes. Une mesure qu'aurait
dû prendre l'Etat turc.
La fondation a acheté un bâtiment dans le district
de Beyoglu pour y établir l'école. Elle attend maintenant l'approbation
du Conseil de sécurité nationale (MGK) en vertu de la loi N_ 2923.
Kürt-Kav était fondée en 1991 par un groupe
d'intellectuels kurdes à Istanbul. L'approbation officielle de la
fondation en 1995 était une "première" dans l'histoire de la République
turque; c'est la première institution établie avec une identité kurde
et portant le nom "kurde".
Le président de Kürt-Kav, Yilmaz Camlibel, a déclaré
que d'autre groupes dont la langue et la culture avaient été rejetées
pouvaient également ouvrir des écoles pour s'instruire dans leur propre
langue.
"Je suis un citoyen turc", dit-il, "mais je suis
kurde. Avec les taxes que je paie l'Etat ouvre des écoles qui
dispensent une éducation en turc. Mais je veux avoir des enfant kurdes
qui n'oublient pas leur identité, leur langue et leur culture propres.
Et pour cela il faut des écoles en langue kurde.
"On a nié l'existence d'une population kurde, qui a
vécu sur ces terres pendant 7.000 ans. On a dit que le nom `kurde'
provenait du son "gart-gurt" qu'on entend quand on marche dans la
neige, et les gens ont cru ces histoires. Si on n'étudie pas la langue,
l'histoire et le folklore des Kurdes, il y aura beaucoup d'autres
explications illogiques comme celle-là", explique Camlibel.
"Nous entreprendrons des études au sein du Kürt-Kav
pour éviter de telles situations", poursuit-il.
Selon Camlibel l'institut avait présenté auprès du
bureau du gouverneur d'Istanbul une demande pour ouvrir une école de
langue et celui-ci avait réagi positivement à l'idée. Il a ajouté que
le MGK considérerait l'affaire en vertu de la loi N° 2923 concernant
les écoles ayant des programmes en langues étrangères.
Le président de Kürt-Kav a annoncé que l'école en
langue kurde organiserait des cours dans un bâtiment de six étages à
Tarlabasi. Il a également expliqué que ce bâtiment avait été acheté
avec de l'argent recueilli grâce aux activités de Kürt-Kav et à des
dons d'hommes d'affaires.
Camlibel a révélé que, outre l'école de langue,
Kürt-Kav ferait une vaste étude de la culture et l'histoire kurdes. Il
a ajouté que son groupe enverrait les recherches vers d'autres
instituts kurdes dans le monde et procéderait à un échange
d'information avec eux.
PREOCCUPATION SUITE A LA DETENTION DE L'EDITEUR KURDE MARASLI
Le procès contre Recep Marasli, un éditeur détenu
depuis mars 1997, suit son cours et la prochaine audience doit avoir
lieu le 2 septembre prochain. Marasli serait jugé pour les délits, en
vertu de la loi anti-terreur, d'appartenance à PRK-Rizgari, un petit
groupe radical pro-kurde. Les principales activités de l'organisation
consistent en la production de supports de promotion des droits
politiques et culturels de Kurdes. Les accusations pèsent sur Marasli
depuis des années. Le 7 août, la Cour de la sûreté de l'Etat d'Ankara
tenait une nouvelle audience et ajournait le procès jusqu'au 2
septembre.
Malgré les appels continuels des médecins de Marasli
et des organisations internationales des droits de l'homme, y compris
PEN, pour que le détenu soit libéré en attendant le procès en raison
des graves problèmes de santé dont il souffre, il demeure en détention.
Le 7 août, ses avocats présentaient à la cour des rapports médicaux
certifiant qu'il souffrait d'une paralysie partielle du visage et d'une
atrophie cérébrale. Mais les demandes de mise en liberté des avocats
sont restées sans lendemain.
Marasli, âgé de 41 ans, fut emprisonné une première
fois quand il avait 16 ans pour des articles publiés dans des journaux
à Erzurum. Par la suite, il est devenu éditeur pour Komal, qui
s'intéresse essentiellement à la communauté kurde de Turquie. En 1982
il était arrêté pour ses publications et condamné à 36 ans de prison.
En 1984 il s'est déclaré en grève de la faim ce qui lui a causé des
dommages neurologiques permanents. Il fut libéré en avril 1991 en vertu
d'une amnistie générale à la condition qu'il ne récidive pas dans ses
délits. Il a continué d'écrire et de parler sur la question kurde. En
septembre 1993, Marasli fit l'objet d'un mandat d'arrêt pour avoir
participé à un débat dans lequel il demanda une solution pacifique au
conflit dans le Sud-est. Il s'est caché mais fut arrêté en juillet 1994
et aurait subi de sévères tortures. Il fut mis en liberté en attendant
le procès, mais en novembre 1995, il fut condamné à un an et quatre
mois de prison pour ses écrits. Il s'est alors caché en attendant
d'aller en appel contre la sentence. D'autres charges pèsent contre
lui, certaines suivent le cours légal.
HRW RECOMPENSE 12 JOURNALISTES TURCS D'OPINIONS DIVERSES
Human Rights Watch (HRW), le groupe international de
défense des droits de l'homme, décernait le 2 juillet dernier les prix
Hellman/Hammet à 12 journalistes turcs "pour persécution de l'Etat".
Les journalistes, qui représentent des courants "islamistes, kurdes, de
gauche et général", ont été "poursuivis" pour avoir écrit sur un
certain nombre des thèmes, dont la question kurde, le rôle de l'islam
dans la société, et la nature de l'Etat turc", a expliqué HRW.
HRW a récompensé les journalistes suivants: Ahmet
Altan, Ragip Duran, Ali Erol, Atilla Halis, Mustafa Islamoglu, Sefa
Kaplan, Ertugrul Kürkcü, Mehmet Oguz, Ahmet Sik, Isik Yurtcu, Aysenur
Zarakolu.
Par ailleurs, des écrivains de 15 autres pays, un
total de 45, ont reçu cette année les prix Hellman/Hammett.
HRW a également précisé qu' "un haut degré de
liberté d'expression" existe dans "presque tous les autres sujets,
créant une dichotomie nationale qui imprègne le débat public".
"Avec ces prix nous espérons stimuler le débat
public sur la portée de la liberté d'expression en Turquie et les
mesures à prendre pour l'améliorer", expliquait Peter Osnos, président
du comité de sélection. "Alors qu'on permet de s'exprimer librement
dans de nombreux domaines, on ne peut aborder avec la même liberté
certains des problèmes les plus pressants de la Turquie".
LES PROCES DE BESICKI, DICLE ET MEZARCI SE POURSUIVENT
Les procès de plusieurs défendeurs accusés de
disséminer de la propagande séparatiste se poursuivaient le 20 août à
la CSE N°2 d'Ankara.
L'ancien député Hasan Mezarci, qui est également
accusé de diffamation envers Atatürk, n'était pas présent à l'audience
mais fut représenté par ses avocats. Dans la thèse écrite qu'ils ont
soumise à la cour, les avocats maintiennent que leur client est très
affecté par l'accusation de collaboration avec l'organisation illégale
PKK.
Ils ont présenté des extraits de discours que
Mezarci avait adressés au Parlement lorsqu'il était député et dans
lesquels il critiquait le PKK. La défense de Mezarci soutient qu'il n'a
pas fait de déclarations contre l'Etat mais avait seulement critiqué le
système. Elle a demandé l'acquittement argumentant que Mezarci n'a pas
commis le délit dont il est accusé. La délégation de juges en fonctions
(substituts temporaires) a ajourné l'audience à une date ultérieure
pour permettre aux juges originaux de prononcer la sentence finale.
Le procureur a demandé une peine de prison allant
jusqu'à trois ans et un amende de 300 millions de TL. Mezarci est resté
en liberté pendant le déroulement du procès.
Les procès de l'écrivain Ismail Besikci et l'ancien
député de l'ancien Parti de la démocratie (DEP), Hatip Dicle, et sept
anciens administrateurs de la branche d'Ankara de l'Association des
droits de l'homme (IHD) suivent leur cours.
Besikci est accusé de disséminer de la propagande
séparatiste contre l'Etat dans ses articles du livre Panorama des
droits de l'homme en Turquie, publié par la branche d'Ankara de IHD.
Dicle est accusé d'inciter à la violence avec ses remarques raciales et
discriminatoires envers certaines classes. Le procureur demande une
peine de prison allant jusqu'à trois ans aussi bien pour Besikci que
pour Dicle.
La cour poursuit également le procès du président du
Parti ouvrier (IP), Dogu Perincek, accusé de disséminer de la
propagande séparatiste dans un discours prononcé le 27 décembre 1992,
pendant le deuxième congrès du Parti des ouvriers et paysans turcs
(TIKP). L'avocat de Perincek assure que son client n'a pas prononcé les
mots repris dans l'acte d'accusation. Le procureur a demandé pour
Perincek une peine de prison de trois ans.
ISMAIL BESICKCI: LA LIBERTE DE PENSEE REQUIERT DES SOLUTIONS RADICALES
Ismail Besikci, le "prisonnier d'opinion" le plus
célèbre de Turquie, a déclaré que le gouvernement devait prendre des
mesures résolues pour affirmer totalement la liberté d'expression en
Turquie.
Dans une interview concédée le 23 juillet au Turkish
Daily News entre le verre et les barreaux de la prison de Bursa,
Besikci a déclaré: "Il est ridicule que l'Etat attende cinq ans pour
voir si on commet à nouveau un délit". Il a critiqué les "conditions"
que l'Etat impose aux prisonniers d'opinion qui vont être relâchés.
Besikci, qui symboliquement représente les prisonniers d'opinion en
Turquie et risque des peines de prison de plus de 100 ans, a ajouté
qu'il suivait de près les déclarations du nouveau gouvernement
concernant les possibles changements des lois sur la "liberté d'opinion
et d'expression".
"Alors que le vice-premier ministre Bülent Ecevit
faisait des remarques positives sur ma mise en liberté, quelqu'un
d'autre disait que tous les prisonniers d'opinion seront relâchés
excepté moi", poursuivait Besikci.
A propos de la condition de ne pas récidiver dans le
"délit" dans les cinq ans, Besikci a déclaré, "Si vous êtes condamné
pour un vol ou quelque chose de semblable, il est possible de ne pas
récidiver, mais lorsqu'il s'agit de prisonniers d'opinion, devons-nous
inventer de nouveaux concepts pour que nos écrits soient rendus
ridicules par des déguisements inappropriés ? Le gouvernement
doit supprimer dans la Constitution les articles qui empêchent la
liberté d'expression. Autrement, les mesures partielles ne serviront à
rien pour arriver à une véritable solution du problème".
Besikci dit n'écrire plus de livres et se préparer
pour ses procès. "Un jour, je songerais peut-être à rassembler tous les
documents de la défense, qui deviendront à leur tout motif de
poursuite", conclut-il avec un sourire amer sur son visage. Besikci est
condamné à plus de cent ans de prison parce que ses livres traitent de
la structure sociologique, politique et économique de l'Anatolie du
sud-est, fondamentalement du problème kurde.
SEPT POLICIERS ACCUSES DU MEURTRE DE GÖKTEPE CHOISISSENT DE GARDER LE
SILENCE
Neuf policiers, sept d'entre eux en détention,
accusés du meurtre du journaliste Metin Göktepe, ont refusé de déclarer
lors de leur première comparution devant la cour le 21 août dernier.
Ils se sont bornés à dire "Nous voulons user de notre droit de garder
le silence".
Lors du procès, devant la cour criminelle d'Afyon et
sous la présidence du juge Nilgün Ucar, l'audience fut ajournée
jusqu'au 15 septembre pour que les témoins puissent être convoqués.
Malgré l'interdiction de manifester par le bureau du gouverneur
provincial d'Afyon, quelque 1.600 personnes (40 bus) s'y sont
rassemblées et ont marché jusqu'au tribunal. Parmi eux se trouvaient la
mère de Metin Göktepe, Fadime, et des membres et représentants
d'organisations telles que le Parti de la liberté et la solidarité
(ÖDP), le Parti travailliste (EMEP), le Parti républicain du peuple
(CHP), la Confédération des syndicats des travailleurs progressisted
(DISK), l'Association des droits de l'homme (IHD), l'Association des
journalistes contemporains (CGD) et l'Association des journalistes
turcs (TGD).
La police a interrompu la progression des
manifestants à 50 mètres du tribunal. Sur le toit avaient été placés
des tireurs de manière à intimider la foule. Les manifestants
protestaient contre l'exclusion des alentours du tribunal de toute
personne en dehors de la famille de Göktepe et de ses avocats en
chantant des slogans tels que "Là où aura lieu le procès nous y serons"
et "C'est notre droit d'assister au procès". Les citoyens d'Afyon qui
vivaient dans le voisinage du tribunal ont fermé leurs portes et
fenêtres et ont observé les événements cachés derrière leurs rideaux.
Robert Manner, s'exprimant au nom de l'organisation
internationale Journalistes sans frontières, a déclaré qu'ils
assistaient à ce procès parce qu'il jouerait un rôle clé dans
l'éclaircissement de l'avalanche d'assassinats mystérieux qui frappe la
Turquie, et a ajouté, "Comme nous avons pu le constater, si la presse
fait son devoir dans ce procès elle pourrait changer le cours des
jugements à venir". Il a également fait ce commentaire, "En choisissant
une salle d'audience tellement petite qu'elle ne peut contenir qu'une
cinquantaine de personnes ils se moquent de nous". Il a expliqué que
lorsqu'en Europe des intérêts publics substantiels sont en jeu, les
procès sont célébrés dans de vastes salles d'audience pouvant contenir
le plus grand nombre possible de personnes et a ajouté, "Il s'agit
d'une preuve de respect envers les journalistes et le droit du public à
être informé". A propos de la grande présence de policiers, gendarmes
et autres agents de sécurité autour du tribunal, Manner a expliqué
qu'il trouvait étrange que les policiers accusés soient amenés dans la
salle d'audience d'Afyon sous la protection d'un cordon militaire.
"Il ne reste plus que 9 policiers sur 40", disait
Fadime Göktepe, qui se plaignait d'un nouvel ajournement du procès.
Elle soutient que son fils a été tué par les gangs de l'ancien premier
ministre et ministre des Affaires étrangères Tansu Ciller et que les
meurtriers n'avaient été arrêtés et traduits en justice qu'avec le
concours de l'actuel premier ministre Mesut Yilmaz.
Le recours par les avocats des accusés au "droit de
refus" (à savoir une demande pour que soit modifiée la composition du
tribunal) fut considéré par la cour comme un moyen de retarder le
procès et celle-ci a ordonné que les policiers inculpés soient renvoyés
en détention provisoire, considérant que le type de délit en cause
n'avait pas encore été établi et toutes les preuves n'avaient pas été
recueillies. Elle a également décidé de vérifier si les indispositions
de quatre des policiers, qui ne s'étaient pas présentés à l'audience
car ils avaient présenté des certificats médicaux les déclarant
incapables d'y assister, étaient ou non de nature à les dispenser
de comparaître. La cour a demandé tous les détails sur le traitement
dispensé aux agents en question.
Le député parlementaire du CHP, Sabri Ergül, a
déclaré que le procès de Metin Göktepe ainsi que celui de jeunes gens
condamnés et emprisonnés dans leur district, Manisa, après avoir subi
les mauvais traitements de la police, nuit au prestige de la Turquie.
"Malheureusement", conclut-il, "le comportement de l'administration,
qui refuse de fournir les informations nécessaires pour faciliter le
travail de la cour n'a pas de place dans la conscience publique".
4,5 MILLIONS DE TRAVAILLEURS NON DECLARES EN TURQUIE
Le directeur général de l'Institution de l'assurance
sociale (SSK), Kemal Kilicdaroglu, a déclaré qu'actuellement
travaillent en Turquie 4,5 millions de travailleurs non déclarés.
Des études réalisées par SSK, révèlent que l'Etat a
perdu 500 billions de TL en revenus fiscaux et que SSK a perdu 680
billions de TL annuels de revenus des primes à cause du travail non
déclaré. 4,5 millions de travailleurs actifs inscrits au SSK ont payé
leurs primes, tandis qu'environ 4,5 millions de travailleurs sont
restés en marge du SSK.
Ces chiffres montrent que la Turquie devient un
"paradis du travail en noir". Les études ont également révélé que cette
activité occulte occupe une place significative dans l'économie turque.
Les méthodes pour éviter le SSK consistent à ne pas
déclarer les travailleurs, ou déclarer moins de jours de travail que le
nombre réel. Généralement, les études révèlent que les salaires
déclarés ne correspondent pas à la réalité, ce qui occasionne des
pertes fiscales et de primes d'assurance.
Les fréquentes amnisties fiscales encouragent les
employeurs à rester en dehors du système. Au cours des 25 dernières
années ont eu lieu 11 amnisties fiscales, conclut le rapport du SSK.
Selon la Confédération des syndicats turcs
(Türk-Is), l'Etat a perdu annuellement, par travailleur, 111 millions
de TL en revenus fiscaux et 151 millions de TL en revenus de primes.
A cause du travail non déclaré, 9,3% des revenus
fiscaux et 34% des primes d'assurance déductibles des salaires des
travailleurs n'ont pu être collectés.
LES TRAVAILLEURS IMMIGRES TURCS VEULENT LA CITOYENNETE ALLEMANDE
La plupart des Turcs qui résident en Allemagne
veulent devenir des citoyens allemands, mais sans perdre la citoyenneté
turque, c'est ce qu'a révélé le 3 juillet dernier à Istanbul le
directeur du Centre d'études turques de l'Université d'Essen. Fin 1996,
vivaient en Allemagne 2.049.100 Turcs, dont 70% depuis plus de 10 ans,
expliquait le directeur Faruk Senlors d'une conférence.
"Le nombre de Turcs qui retournent chez eux
définitivement diminue chaque année. Ceux qui résident en Allemagne
veulent devenir des citoyens allemands sans renoncer à la nationalité
turque", explique Sen.
Selon lui, le gouvernement allemand concède aux
Turcs la citoyenneté allemande à condition qu'ils renoncent à la turque
et remettent leur passeport turc.
L'Allemagne a fait savoir qu'elle autoriserait les
enfant vivant sur son sol à conserver la double nationalité jusqu'à
l'âge de 18 ans, période à laquelle ils devront se décanter pour l'une
ou l'autre nationalité.
"Les problèmes découlant de l'adoption de la
citoyenneté allemande n'ont pas été résolus. L'obtention de la double
nationalité devient plus difficile", explique Sen.
Quelque 126.000 Turcs sont déjà devenus citoyens
allemands. On prévoit que 250.000 autres le seront d'ici l'an 2000.
Une grande majorité des Turcs se sont rendus en
Allemagne comme "travailleurs saisonniers" ou étudiants universitaires.
On estime à deux millions le nombre de ceux qui sont rentrés
définitivement en Turquie.
La population turque en Allemagne augmente de 60.000
personnes chaque année. Selon Sen ceci est dû au nombre croissant de
mariages entre Turcs et Allemands.
D'après Sen, 181.694 Turcs, représentant 24 pour
cent de la communauté turque en Allemagne en âge de travailler, étaint
sans emploi en raison de la récession persistante en Europe. Il pense
que davantage de Turcs sont victimes de la discrimination à cause de la
crise économique.
"Bien que les Turcs ne soient pas inférieurs aux
Allemands en ce qui concerne la formation professionnelle et
linguistique, nos citoyens commencent à éprouver des difficultés pour
trouver un emploi parce qu'ils sont étrangers", souligne Sen. Il ajoute
que l'augmentation du chômage en Allemagne est également une des causes
principales de l'augmentation de la xénophobie parmi les Allemands.
LE SECTEUR PRIVE TURC PARTICIPERA DAVANTAGE DANS L'INDUSTRIE DE LA
DEFENSE
L'Union turque des Chambres et du commerce de
marchandises (TOBB) affirmait le 3 juillet dernier que les entreprises
locales devraient s'investir davantage dans les projets nationaux
de défense pour espérer obtenir une partie des 150 milliards de dollars
qui seront dépensés dans ce secteur au cours des 25 années à venir.
TOBB vient de publier un rapport sur l'industrie de défense en Turquie.
Au cours d'une conférence de presse, le
vice-président du conseil d'administration de l'Union, Erol Gemalmaz,
soulignait que TOBB a l'intention d'encourager les entreprises locales
à faire partie des impressionnants projets de défense que la Turquie
prévoit de mettre en oeuvre dans les deux décennies à venir. Il a
ajouté que le rapport offrait des voies à suivre par les industriels
qui envisageaient des investissements dans le secteur.
Gemalmaz a souligné qu'actuellement seulement 21%
des besoins en armes primaires, équipement et pièces détachées des
Forces armées turques pouvaient être couverts par la production
nationale, et que les 79% restants étaient couverts par des
importations. Il a ajouté que cette situation devrait être inversée et
qu'au cours de la prochaine décennie la Turquie prévoyait des dépenses
d'au moins 10 milliards de dollars.
Le rapport de TOBB fut préparé par le brigadier
général à la retraite Fikret Ülger. Ce dernier a fait savoir que parmi
les pays de la région, la Turquie se classe en troisième position,
derrière Israël et la Russie, en ce qui concerne l'assignation de fonds
au secteur de la défense.
Selon Fikret, la Turquie pourrait subvenir à 75% de
tous ses besoins de défense en augmentant la production des entreprises
locales ayant des liens avec le secteur et en effectuant des
investissements judicieux dans le secteur des besoins stratégiques.
Il a ajouté que si la Turquie veut devenir
autosuffisante au 21e siècle, il faut donner la priorité aux systèmes
de commande et de contrôle, aux systèmes informatiques et de
renseignement, aux systèmes de guidage des missiles et aux systèmes de
combat électroniques.
Des 150 milliards de dollars qu'il est prévu de
dépenser, le rapport de l'union dresse un bilan des besoins des forces
armées turques en équipement et en armes:
Commandement des forces terrestres (on prévoit 60
milliards de dollars en 25 ans):
750 hélicoptères, 180 systèmes de roquettes et de
missiles, 150 roquettes anti-tanks, 12 véhicules aériens télédirigés,
3.627 tanks de communication principale, 1.951 fusils et obusiers,
48.564 véhicules à roues.
Besoins du commandement des forces navales (25
milliards de dollars assignés):
14 frégates, 16 bateaux de patrouille, 15 vaisseaux
d'assaut guidés, neuf sous-marins, quatre bateaux anti-mines, quatre
dragueurs de mines, 35 véhicules de débarquement, un vaisseau de
liaison de communication, 25 bateaux et véhicules auxiliaires, neuf
avions de patrouille maritime, 38 hélicoptères.
Besoins du commandement des forces aériennes (65
milliards de dollars assignés):
640 avions de combat, 9 avions d'intervention, 160
avions d'entraînement, 68 avions cargo, 25 hélicoptères, 442 systèmes
de défense aérienne.
MESSAGE D'AKKUYU: NOUS NE VOULONS PAS D'UNE CENTRALE NUCLEAIRE!
Lors d'une réunion-débat organisée par la
Plate-forme démocratique Silifke le 15 juillet dernier, les délégués se
sont prononcés pour l'envoi d'un rapport au premier ministre turc Mesut
Yilmaz afin de lui faire savoir que les centrales nucléaires sont
indésirables en Turquie.
Ali Yigit, membre du conseil d'administration de la
Chambre des ingénieurs électroniques (EMO), a dénoncé la propagande
faite pendant des années pour amener les citoyens à croire que sans une
centrale nucléaire la Turquie sombrerait dans la pénombre. Il a ajouté:
"Etant donné qu'aucun pays ne veut de centrale près de ses frontières,
ils veulent les construire à Sinop (dans la Mer Noire) et Akkuyu (près
de la côte méditerranéenne, dans la région d'Icel). Avec les centrales
nucléaires, ils ont choisi de tuer les régions touristiques et
agricoles. Nous devrions construire notre futur non sur les
technologies des années 40 mais sur celles de demain. La Turquie sera
sacrifiée par une politique aveugle. Tout comme EMO, nous sommes du
côté des gens de Sinop et Akkuyu".
Ethem Torunoglu, vice-président de la Chambre des
ingénieurs de l'environnement (CMO), a également déclaré qu'en tant que
chambre, CMO s'opposait à la construction de centrales nucléaires en
Turquie. "Une centrale nucléaire n'est qu'un gros mensonge", dit-il.
Ils vendent aux pays moins développés les centrales nucléaires qu'ils
n'ont pu construire eux-mêmes. Du point de vue des coûts, une centrale
nucléaire est très onéreuses, elle est terrifiante en ce qui concerne
les risques d'accident et on ne peut se débarrasser des déchets. Nous
éprouvons des difficultés pour combattre les feux de forêt. Comment
ceux qui ont dû faire venir des hélicoptères d'Allemagne pour lutter
contre l'incendie de Kirikkale, pourraient empêcher un accident
nucléaire?"
L'ingénieur en électricité Ünal Erdogan, membre du
Comité national de l'énergie, affirme qu'un certain nombre d'opérations
secrètes ont été menées à Akkuyu et que, étant donné l'interdiction de
pénétrer dans le site, il est possible que des substances dangereuses y
aient été entreposées. "Alors que le monde a des problèmes d'énergie",
dit-il, "nous, nous avons des problèmes aussi bien avec l'énergie
qu'avec les responsables de la politique énergétiques". Il a ensuite
ajouté: "Le pire danger et la plus grande erreur pour la Turquie serait
la construction d'une centrale nucléaire. Pour cinq millions de dollars
de pots-de-vin ils nous créent des ennuis avec l'énergie nucléaire, qui
appartient au passé et non au futur. Et ce faisant ils hypothèquent
l'avenir de la Turquie. Si on évitait les pertes d'énergie on gagnerait
l'équivalent de la production d'une centrale nucléaire".
Le président de la Fondation pour la protection de
la vie animale et l'éducation de Tasucu, Arslan Eyce, a déclaré: "Ils
essaient de construire une centrale nucléaire à Akkuyu sur base de
rapports selon lesquels la densité de population est faible et il n'y a
pas d'agriculture ni d'industrie touristique. Ils affirment également
qu'en cas de nécessité la région peut être rapidement évacuée. Ils nous
prennent pour les cobayes de TEDAS (organisation turque de distribution
d'électricité) et des compagnies multinationales. Nous ne sommes pas
des cobayes. Ils ne nous laissent pas le droit à la parole. Affirmons
nos droits démocratiques. Organisons un référendum". La plate-forme
démocratique de Silifke communiquera au premier ministre Mesut Yilmaz
les résultats des débats et les décisions adoptées.
LA FRANCE ET LA TURQUIE RENFORCENT LA COOPERATION MILITAIRE
Le 30 juin dernier, le chef adjoint de l'Etat-major
Cevik Bir recevait le directeur général des armements de la France,
Jean-Yves Helmer, à Ankara. Leurs conversations avaient comme thème
principal la modernisation de l'équipement militaire, rapporte l'agence
de presse Anatolie.
Le général, prenant la parole lors de la réception
en l'honneur d'Helmer, a expliqué que des études pour la modernisation
des forces armées turques, au cours des 15-20 prochaines années,
prévoient des projets concernant des hélicoptères et des tanks d'assaut
de première ligne. Bir a ajouté qu'Helmer et lui-même sont d'accord
pour dire qu'il conviendrait d'élaborer d'autres projets et études en
collaboration avec la France.
Helmer a précisé que la France et la Turquie avaient
déjà coopéré au niveau militaire et industriel et espérait la poursuite
de cette coopération et de projets conjoints.
Coopération entre la France et la Turquie dans la
technologie des tanks
Le conseiller en chef du premier ministre, Sedat
Celikdogan, a annoncé que des tanks français Leclerc seront produits en
Turquie dans le cadre d'une politique de coopération conjointe, tel
qu'il a été décidé dans des conversations officielles entre des
représentants turcs et français réunis à Paris la semaine précédente.
Celikdogan a informé qu'une délégation turque
s'était rendue en France la semaine précédente pour étudier les
possibilités de coopération et avaient visité plusieurs institutions
industrielles de défense, dont l'énorme compagnie française de défense
"GIAT".
Il a également précisé que pendant leur conversation
sur la production conjointe de chars d'assaut ils avaient eu l'occasion
d'observer de près la troisième génération de tanks Leclerc. Mais il a
ajouté: "Nous Turcs devons produire nous-mêmes des tanks".
Celikdogan a expliqué qu'outre les projets de
production conjointe de tanks, ils avaient également parlé des
possibilités d'une production conjointe de satellites. "La plupart des
grandes compagnies médiatiques dans le monde sont en train d'adopter la
communication par satellite. Si nous achetons aux autres pays les coûts
se multiplient. Or la fabrication de ces satellites comporte des
aspects technologiques et de production. Nous pensons que si nous
trouvons le partenaire technologique adéquat nous pouvons fabriquer ces
satellites. Dans cette optique nous avons déjà songé à la compagnie
française Alsthom", a-t-il ajouté.
Celikdogan a finalement conclu: "Nous pensons que la
Turquie peut devenir plus puissante si elle oriente ses efforts vers le
développement technologique".
MACHINATION A PROPOS DE L'EDUCATION PRIMAIRE DE HUIT ANS
L'éducation primaire ininterrompue de huit ans, un
des principaux points de conflit entre les militaires et la coalition
sortante DYP-RP, était finalement adoptée par le Parlement le 16 août
dernier. Alors que le gouvernement et leurs alliés parlementaires
"exultaient" après l'adoption de ce controversé projet de loi sur la
réforme de l'éducation, le principal parti de l'opposition, le Parti du
bien-être (RP), faisait savoir qu'il n'était pas disposé à abandonner
l'affaire et que le but de ce projet était simplement de mettre un
frein à l'éducation religieuse.
Le leader du RP, Necmettin Erbakan, utilisant des
termes sévères qui reflétaient la colère que ressent son camp
pro-islamique, qualifiait de "mentalement malades" ceux qui ont soutenu
ce projet de loi et annonçait qu'il irait devant la Cour
constitutionnelle pour que soit annulé chaque article de cette nouvelle
loi.
Le projet de loi, qui fut approuvé par le Parlement
avec une marge de 35 votes, prévoit la fermeture des niveaux inférieurs
des écoles secondaires et leur incorporation aux écoles primaires pour
obtenir un enseignement primaire continu de huit ans.
En vertu de la nouvelle loi, ces mêmes niveaux dans
les écoles imam-hatip seront également fermés. Les étudiants qui
veulent suivre cette éducation religieuse ne pourront le faire qu'en
suivant les niveaux supérieurs des écoles imam-hatip une fois terminés
les huit ans d'éducation primaire laïque.
Le camp islamique pense que ce projet de loi a été
introduit sous la pression des militaires, fidèles au principe laïque
et soucieux de l'avance du fondamentalisme en Turquie.
Bien que le gouvernement soutient que la nouvelle
loi sauvera la Turquie des "ténèbres" en supprimant les sections
inférieures des écoles religieuses, cette affirmation ne correspond pas
à la réalité.
Premièrement, l'éducation islamique n'est pas
uniquement dispensée dans les écoles imam-hatip; en vertu de la
constitution adoptée en 1982 sous la pression de la junte militaire
elle est obligatoire dans toutes les écoles d'enseignement secondaire
même pour les enfants de familles chrétiennes, juives et athées. Ni les
militaires ni leurs alliés au Parlement, en particulier les partenaires
de l'actuelle coalition, ne se prononcent jamais contre cet ordre
"constitutionnel".
Deuxièmement, au lieu de limiter les cours
coraniques sous le contrôle des différentes fraternités religieuses, la
nouvelle loi élargit leur champ d'activité et leurs horaires.
Le président du Syndicat des enseignants (Egit-Der),
Mustafa Gazalci, a déclaré à Cumhuriyet le 21 août dernier que la
réforme de l'éducation a été édulcorée pour faire une concession aux
cercles fondamentalistes. Si les enfants peuvent suivre des cours de
Coran après avoir terminé les cinq premières années d'éducation de base
-comme le précisent les nouvelles règles- cela gâchera le principe des
"huit années d'éducation de base continue", et on retrouvera dans la
pratique le schéma de "cinq plus trois ans" que recherchent les cercles
islamistes.
Le vice-président du CHP, Ali Topuz, reprochait
amèrement au gouvernement le 27 août dernier les apportés récemment aux
règles sur les cours de Coran. Il souligna que l'introduction de ces
changements immédiatement après que le Parlement ait approuvé le projet
de loi sur l'éducation continue de huit ans revient à utiliser un
stratagème pour contourner la loi. Il a juré que son parti ferait
certainement annuler cette réglementation. Il a ajouté que par essence
la loi était destinée à tenir les enfants à l'écart d'un
"conditionnement religieux" jusqu'à l'âge de 14 ans. Les récents
changements à la réglementation sur l'éducation religieuse permettent
aux élèves des écoles primaires de suivre les cours de coran à un âge
antérieur à celui que prévoyait la loi.
Finalement, l'éducation primaire étendue a pour
objectif de créer auprès des jeunes des sentiments ultra-nationalistes
au service des politiques expansionnistes des militaires et de leurs
alliés.
En fait, le premier ministre Mesut Yilmaz, dans sa
défense de la réforme de l'éducation, répète souvent que "le 21e siècle
sera le siècle turc grâce à cette réforme éducative".
Un "siècle turc" pendant lequel la Turquie étendra
sa domination sur les peuples des pays allant de l'Adriatique à la
muraille de Chine et participera également à l'Union européenne, non
pas avec les normes démocratiques européennes mais avec ses propres
normes anti-démocratiques et ultra-nationalistes!
DES JOURNALISTES TOUJOURS EN PRISON MALGRE LA NOUVELLE "AMNISTIE"
COSMETIQUE
Le 14 août 1997, dans une nouvelle opération de
maquillage destinée à tromper le monde, le Parlement turc approuvait
une amnistie qui n'aura pour effet que la mise en liberté de six
rédacteurs alors que des dizaines de prisonniers d'opinion demeurent
derrière les barreaux.
La nouvelle loi d'amnistie interrompt les peines de
prison des rédacteurs - ceux considérés juridiquement responsables, et
donc condamnés, de la publication de documents et articles dans leurs
journaux - pendant une période de trois ans.
La loi précise que si la personne amnistiée commet
un "délit" similaire pendant cette période de trois ans, elle devra
purger la peine antérieure ainsi que toute autre condamnation prononcée
par les tribunaux.
Avant l'approbation de cette loi, le Parlement turc
avait rejeté une autre proposition d'une portée beaucoup plus grande et
qui étendait l'amnistie aux auteurs, écrivains, caricaturistes et
autres journalistes condamnés en vertu des articles répressifs de
la loi anti-terreur et du code pénal turc.
La loi a été la cible de nombreuses critiques qui la
qualifient de contradictoire et "discriminatoire". Selon les critiques,
cette loi qui remet les journalistes derrière les barreaux s'ils
commettent le "même délit", n'offre pas de véritable changement dans la
conception officielle et laisse toujours peser sur les journalistes la
menace de la prison pour avoir simplement "écrit une histoire".
"L'écriture", poursuivent-elles, ne peut être un délit.
Les critiques pensent que la loi a été faite sur
mesure pour Isik Yurtcu, rédacteur de journal interdit pro-kurde Özgür
Gündem, condamné à 15 ans de prison et qui en est à son troisième.
Du 13 au 16 juillet 1997, une délégation de groupes
pour la liberté de la presse internationale, comprenant des
représentant du Comité pour la protection des journalistes (CPJ),
Reporters sans frontières (RSF), le Conseil de la presse turque
(Turquie), l'Institut international de la presse (IPI), et l'Union des
propriétaires de journaux (Turquie), a rencontré des représentants du
gouvernement pour demander la libération des journalistes emprisonnés.
Le représentant du CPJ Terry Anderson, prenant la
parole au cours de ces rencontres, a expliqué que la Turquie est le
pays du monde qui a le plus de journalistes en prison et que les
restrictions qu'elle impose à la presse sont inacceptables, même en
tenant compte de la virulente activité terroriste qui secoue la
Turquie. Selon les chiffres du CPJ, il y a 78 journalistes dans les
prisons turques, le nombre le plus élevé du monde.
Le représentant de RSF, Robert Menar, a dit que son
groupe ne voulait pas se mêler des affaires internes turques mais a
souligné que la Turquie, en tant que signataire de nombreuses
conventions internationales pour la protection des droits de l'homme,
devait renforcer la liberté d'expression de ses citoyens.
Le 14 juillet 1997, le premier ministre Mesut Yilmaz
promettait à la délégation que son gouvernement préparerait la
législation nécessaire pour amnistier un nombre limité de rédacteurs
avant le congé estival du Parlement et que par la suite il étudierait
une législation plus vaste qui permette la mise en liberté d'autres
journalistes emprisonnés.
Avant que le Parlement n'approuve la proposition, le
nouveau ministre de la Justice, Oltan Sungurlu, s'était déclaré
radicalement opposé à son approbation. "Nous punissons ceux qui
insultent Atatürk et soutiennent les activités séparatistes. Mais
dites-moi ne devons-nous pas en faire de même avec ceux qui commettent
les mêmes actes au travers du journalisme ? Nous y gagnerions en
efficacité", propos rapportés par l'agence de presse Anatolie.
Mise en liberté d'Isik Yurtcu et cinq autres
rédacteurs
Après avoir passé près de 32 mois en prison pour le
caractère critique de ses reportages sur le conflit qui oppose la
Turquie aux insurgés kurdes, le rédacteur Isik Yurtcu était relâché de
la prison Saray le 15 août 1997, un jour après que le Parlement turc
ait approuvé la loi autorisant la mise en liberté conditionnelle de
plusieurs rédacteurs.
Outre Yurtcu, cinq autres rédacteurs ont été
relâchés: Bülent Balta et Mehmet Fatih Yesilbag, du quotidien Özgür
Gelecek; Naile Tuncer, du journal de gauche Devrimci Proletarya; et
Hatice Onaran, du mensuel de gauche Devrimci Cözüm.
Yurtcu, ancien rédacteur du quotidien Özgür Gündem,
fut condamné en décembre 1994 à plus de dix ans de prison pour des
articles parus pendant la période où il en était rédacteur, entre 1991
et 1992. Une cour de la sûreté de l'Etat l'a inculpé en vertu des
clauses répressives de la loi anti-terreur et du code pénal turc, qui
comprennent la dissémination de "propagande séparatiste".
En novembre 1996, Yurtcu se voyait décerner le Prix
international de la liberté de la presse par le Comité pour la
protection des journalistes (CPJ) en signe de reconnaissance de son
courage et intégrité dans son combat de résistance contre le dur
traitement que la Turquie inflige aux journalistes indépendants qui
couvrent le conflit kurde.
Yurtcu, devenu le centre d'attention des médias
internationaux le 16 juillet lorsque la délégation internationale lui
rendait visite à la prison de Saray, déclarait depuis sa cellule:
"C'est la première fois que le gouvernement reconnaît officiellement
l'absence de liberté de la presse en Turquie. J'espère que cette
reconnaissance ouvrira la voie à la liberté de pensée en Turquie et à
une société démocratique -où penser ne soit pas un délit".
VIOLATIONS DES DROITS DE L'HOMME EN UN MOIS SOUS LE GOUVERNEMENT
"ISLAMISTE"
Les statistiques ci-après ont été recueillies par
l'Association des droits de l'homme de Turquie (IHD) et correspondent
aux violations des droits de l'homme en Turquie pendant le mois de juin
1997:
• 7 assassinats non résolus.
• 7 personnes exécutées sans procès après avoir été
torturées ou se trouvant en détention.
• 271 personnes mortes au cours d'affrontements.
• Les agressions contre des civils ont provoqué 15
morts et 16 blessés.
• Une personne détenue a "disparu".
• 12 personnes ont été torturées ou s'en plaignent.
• 1030 personnes ont été arrêtées par la police.
• 95 personnes ont été placées en détention par les
cours.
• Aucun village ou hameau n'a été évacué.
• 11 emplacements ont été bombardés.
• 26 associations, syndicats et agences de presse
ont été fermés.
• 10 associations, syndicats et agences de presse
ont subi des descentes.
• 18 membres de la presse ont été arrêtés par la
police.
• 32 publications ont été confisquées.
• Les procureurs ont demandé un total de 12 ans de
prison et des amendes pour un total de 100 millions de TL pour
l'expression d'opinions.
• Les cours ont prononcé un total de 15 ans et 9
mois de prison et des amendes pour un total de 7.023.383.000 TL.
• Fin juin, il y avait 155 prisonniers de conscience
en prison.
VIOLATIONS DES DROITS DE L'HOMME EN DEUX MOIS SOUS LE GOUVERNEMENT
"LAIQUE"
Les statistiques ci-après ont été recueillies par
l'Association des droits de l'homme de Turquie (IHD) et correspondent
aux violations des droits de l'homme en Turquie pendant les mois de
juillet-août 1997:
• 13 assassinats non résolus.
• 21 personnes exécutées sans procès après avoir été
torturées ou se trouvant en détention.
• 461 personnes mortes au cours d'affrontements.
• Les agressions contre des civils ont provoqué 38
morts et 97 blessés.
• Neuf personnes détenues ont "disparu".
• 76 personnes ont été torturées ou s'en plaignent.
• 3762 personnes ont été arrêtées par la police.
• 151 personnes ont été placées en détention par les
cours.
• 4 villages et hameaux ont été évacués.
• 20 emplacements ont été bombardés.
• 35 associations, syndicats et agences de presse
ont été fermés.
• 24 associations, syndicats et agences de presse
ont subi des descentes.
• 35 membres de la presse ont été arrêtés par la
police.
• 57 publications ont été confisquées.
• Les procureurs ont demandé un total de 139 ans et
2 mois de prison et des amendes pour un total de 1 milliard 200
millions de TL pour l'expression d'opinions.
• Les cours ont prononcé un total de 4 ans et 11
mois de prison et des amendes pour un total de 1.15.123.000 TL.
• Fin août, il y avait 155 prisonniers de conscience
en prison.
TUNCELI A LE PLUS HAUT TAUX DE D'EMIGRATION
Un rapport publié le 8 juillet par l'Union des
chambres et du commerce de marchandises de Turquie (TOBB) révélait
qu'une personne sur quatre avait émigré de son lieu de naissance vers
une autre ville. Selon le recensement officiel, basé sur les résultats
des recherches de TOBB, le taux de migration le plus élevé appartient à
la ville de Tunceli, dans le Sud-est.
Bien que 253.271 personnes inscrivent Tunceli comme
leur lieu de naissance sur leurs cartes d'identité, seulement 118.356 y
vivent. Le taux de migration de Tunceli, le plus élevé de toutes les
villes de Turquie, est de 53,57% et 134,915 personnes ont émigré depuis
le dernier recensement.
Le taux de migration de Bayburt est également à
souligner. Alors que 97.605 personnes nées dans la région
continuent de vivre dans leurs villes natales, 101.776 autres sont
parties ailleurs. Bayburt a donc un taux de migration de 51,05%.
Les recherches montrent que Sivas et Kars ont
également des taux de migration élevés. Tandis que 350.711 des
3.074.506 personnes nées à Istanbul ont émigré vers d'autres villes,
317.000 de celles émigrant de Sivas ont choisi Istanbul comme
destination.
LE NOUVEAU GOUVERNEMENT EMPECHE LE PASSAGE DU TRAIN DE LA PAIX
L'attitude du nouveau gouvernement envers les
activistes mondiaux de la paix qui cherchent une solution pacifique à
la Sale Guerre qui déchire le Kurdistan constitue une des preuves
irréfutables que ladite coalition "démocratique et séculaire" n'a pas
l'intention de rétablir la paix et la démocratie dans le pays. En fait,
un convoi de la paix intégré ou soutenu par de nombreuses personnalités
internationales s'est vu refuser le passage par le gouvernement turc.
Les autorités allemandes ont également interdit la circulation de leur
train sur le territoire allemand.
Le Train de la paix Musa Anter, baptisé d'après un
éminent intellectuel kurde assassiné par des inconnus en 1992, fut mis
en place à l'initiative de Appel von Hannover. Parmi les personnalités
qui participaient à cette initiative ou la soutenaient se trouvaient
l'archevêque Desmond Tutu (Afrique du sud), Jose Ramos Horta (prix
nobel de la paix 1996, Timor oriental), Lord Averbury, Lord Rea, Harold
Pinter (RU), la Fondation Danielle Mitterrand (France), le Prof. Jean
Ziegler (Suisse).
Il était prévu que le train parte de Bruxelles le 26
août après un rassemblement et devait être reçu par une cérémonie de
bienvenue à chaque arrêt: Cologne, Vienne, Budapest, Belgrade, Sofia et
Istanbul. Les organisateurs avaient prévu de s'arrêter pendant une
journée à Istanbul, de prendre les participants turcs à bord et de se
diriger vers le Sud-est pour arriver à Diyarbakir le 1er septembre,
Journée mondiale de la paix.
Après l'interdiction, les voyageurs du train de la
paix organisaient une conférence de presse à Bruxelles le 26 août
dernier pour dénoncer l'attitude anti-pacifiste des autorités turques
et allemandes. Ce même jour, des immigrés kurdes de différents pays se
sont rassemblés près de la Gare du Midi à Bruxelles avec la
participation des voyageurs du train interdit.
De nombreux militants se sont ensuite envolés vers
Istanbul et de là ont voyagé en bus vers le Sud-est. Cependant, les
forces de sécurité ont bloqué quelque 70 bus transportant des
pacifistes turcs et kurdes et ont autorisé le passage de 7 bus
transportant des étrangers, principalement des parlementaires
européens, américains et africains, des écrivains, des intellectuels,
des hommes d'église et des journalistes.
La délégation, déterminée à rejoindre Diyarbakir,
fut stoppée près de Siverek et entourée par des forces de gendarmerie
armées et des gardiens de village. Des hélicoptères et des véhicules
blindés ont également été utilisés pour intercepter le convoi.
Finalement, les pacifistes ont dû rebrousser chemin vers Istanbul.
Pendant ce temps, la ville de Diyarbakir demeurait
sous siège militaire. Tous les bureaux des organisations civiles
démocratiques étaient encerclés par la police et pas moins de deux
mille personnes étaient arrêtées dans la ville. Tous les points d'accès
à la ville ont été bloqués et tous les étrangers arrivés précédemment à
Diyarbakir par avion ont été renvoyés à Istanbul.
Sur la route d'Istanbul, la police stoppait à Gebze
le bus transportant les manifestants et arrêtait 20 activistes turcs
des droits de l'homme qui accompagnaient le groupe. De nombreux
participants ont également été forcés de trouver des chambres dans
d'autres hôtels alors que leurs réservations avaient été
mystérieusement annulées.
Le 3 septembre, les activistes étrangers n'ont pas
pu donner une conférence de presse à l'hôtel Pera Palas d'Istanbul. Ce
même jour, lorsqu'ils tentaient de donner une conférence de presse à
l'hôtel Mim, la police les fit évacuer de force blessant bon nombre
d'entre eux.
Les activistes des droits de l'homme de Turquie ont
critiqué l'attitude du gouvernement de Yilmaz qui a empêché 171
activistes des droits de l'homme étrangers de participer à la
célébration de la Journée mondiale de la Paix en Turquie.
"Ce gouvernement a livré une guerre d'une brutalité
incomparable contre l'initiative de paix", confiait Ercan Kanar,
président de la branche d'Istanbul de l'Association des droits de
l'homme (IHD), lors d'une conférence de presse donnée le 4 septembre
dernier. "D'importantes forces au sein du gouvernement veulent que le
conflit se poursuive", dénonça-t-il. Il ajouta que la gouvernement est
un pion du Conseil de sécurité nationale (MGK), un cabinet fantôme qui
conseille l'administration.
100 MEMBRES DE LA CHAMBRE DES REPRESENTANTS DES USA SOLIDAIRES AVEC
LEYLA ZANA
Cent membres de la Chambre des représentants des
Etats-Unis ont accepté de signer une lettre adressée au président Bill
Clinton lui demandant de "soulever l'affaire de [Leyla] Zana auprès des
autorités turques au plus haut niveau et de demander sa libération
immédiate et inconditionnelle", rapportait le Réseau d'information
kurde d'Amérique (AKIN) le 26 juillet dernier.
Zana, ancien membre du Parlement turc, était jugée
dans une cour turque et déclarée coupable de trahison en 1994. Elle
purge actuellement une peine de prison de 15 ans.
Certains des membres de la Chambre qui ont fait
circuler la lettre et qui ont demandé la signature de leurs collègues
ont fréquemment critiqué la Turquie sur divers aspects. C'est le cas de
John Porter (R) de Illinois, Frank Wolf (R) de Virginie, Elizabeth
Furse (D) d'Oregon et Esteban Torres (D) de Californie.
LA VILLE DE NEW-YORK POURRAIT BOYCOTTER LA TURQUIE POUR DENONCER LA
PERSECUTION DE CHRETIENS
Selon le New York Times du 16 juin le Conseil de la
ville de New-York a introduit une mesure qui, si elle devient loi
municipale, boycottera les compagnies qui font des affaires en Turquie
et dans 14 autres pays. La mesure a été soumise à la signature du maire
de la ville, Rudolph Giulani. Dans tous ces pays il est fréquent qu'on
"emprisonne, torture, asservisse ou tue des chrétiens pour pratiquer la
foi", c'est ce qu'affirme l'auteur de la mesure, Peter Vallone,
président du Conseil de la ville de New-York.
Selon la proposition de loi municipale de Vallone,
les consommateurs de la ville ne pourraient acheter des voitures, des
ordinateurs ou du pétrole à des corporations multinationales actives
dans quinze pays comme par exemple, Time Warner, Pepsico, General
Motors, Mobil et Chase Manhattan.
Auparavant, une résolution similaire avait été
soumise au Congrès américain pour lutter contre la persécution de
chrétiens dans un nombre de pays bien précis - la Turquie n'en faisait
pas partie.
"La mesure, introduite le mois dernier, demande
également à la ville de retirer des investissements faits auprès des
qui font des affaires avec ces pays. Si elle est adoptée, cette loi
interdira l'accès de la ville, qui a le quatrième budget gouvernemental
du pays, à plus d'un tiers des entreprises mondiales. Seul le
gouvernement fédéral, la Californie et l'Etat de New-York ont des
budgets plus importants", informe le New York Times.
Outre la Turquie, parmi les autres pays concernés
par le boycott figurent l'Arabie Saoudite, le Indonésie, Myenmar
(Birmanie), l'Egypte, la Chine, Cuba, l'Iran, l'Irak, le Laos, le
Pakistan, le Maroc, le Nigeria, la Corée du Nord, le Soudan et le
Vietnam.
Le membre du conseil municipal Thomas Duane,
démocrate de Manhattan, a loué les efforts de Vallone et a dit qu'il
s'agissait d'une question de moralité pour la ville.
"Tout comme l'Afrique du Sud et l'Irlande du Nord,
la ville de New-York peut s'ériger en leader dans la bataille pour les
droits de l'homme", déclarait Duane. "En tant que ville internationale,
New-York a une responsabilité qui dépasse largement les limites de nos
cinq arrondissements". Le maire Giuliani serait également favorable à
la proposition de Vallone.
L'ECRIVAIN YAGMURDERELI RISQUE DE RETOURNER EN PRISON JUSQU'EN 2014
Esber Yagmurdereli, écrivain et honorable membre de
plusieurs centres de PEN depuis son premier emprisonnement en 1978,
pourrait être forcé de retourner en prison pour y purger 16 années
d'une condamnation antérieure.
Yagmurdereli, un écrivain aveugle depuis l'âge de
dix ans, fut emprisonné en 1978 et condamné à mort après avoir été
accusé de "tenter de modifier l'ordre constitutionnel par la force". La
sentence avait été commuée en prison à vie. International PEN, Amnesty
International et d'autres groupes de défense des droits de l'homme sont
arrivés à la conclusion que le procès de Yagmurdereli n'avait pas
respecté les normes internationales d'équité et qu'on l'avait privé de
ses droits en vertu de la Déclaration universelles des droits de
l'homme. Par ailleurs, Yagmurdereli aurait été condamné sur base
d'aveux obtenus sous la contrainte de la torture.
Yagmurdereli fut libéré en 1991 suite à une amnistie
générale sous la condition qu'il ne "récidive" pas. Cependant, plus
tard dans l'année, le 10 décembre, il prononça un discours à l'occasion
de la journée des droits de l'homme dans lequel il accusait le
gouvernement turc de violer les droits de l'homme du peuple kurde. Il
fut alors inculpé en vertu de l'article 8 de la loi anti-terreur. Après
de longues procédures judiciaires, le procès arriva à son terme fin
juin 1997 lorsque la Cour de la sûreté de l'Etat d'Istanbul déclarait
Yagmurdereli coupable et le condamnait à dix mois de prison.
Actuellement Yagmurdereli demeure en liberté car ses
avocats sont allés en appel. Aux termes de sa mise en liberté en 1991,
il pourrait être forcé de purger les 16 années de prison restantes de
la condamnation antérieure, ainsi que les dix mois de celle prononcée
en juin 1997. On pense que la cour d'appel prendra une décision dans
quelques jours et que Yagmurdereli pourrait retourner en prison et n'en
ressortir qu'en 2014.
NOUVEAU PROCES D'AYSE ZARAKOLU ET DE DEUX TRADUCTRICES
Le 31 juillet 1997, RSF exprimait sa préoccupation à
propos du procès d'Ayse Nur Zarakolu, propriétaire de la maison
d'édition Belge, qui avait publié un ensemble d'articles et de
reportages dans un livre intitulé Özgürlügün Bedeli. Les traductrices
du livre, Zeynep Herkmen et Süheyla Kaya, sont également jugées pour la
même affaire.
Le livre a été écrit par le journaliste allemand
Lissy Schmidt. Selon les informations de RSF, le procès contre
Zarakolu, Herkman et Kaya a commencé le 30 juillet dernier à la Cour de
la sûreté de l'Etat d'Istanbul. Les trois femmes sont jugées pour la
publication de deux livres, dont celui de Schmidt.
Au cours de la première audience, Zarakolu et Kaya
ont fait leurs déclarations mais Herkman était absente. Le procès doit
reprendre le 13 octobre 1997. En janvier 1997, la
cour de la sûreté de l'Etat avait confisqué le livre considérant qu'il
contenait de la "propagande séparatiste".
L'ISLAMISTE TURC ERBAKAN RENCONTRE L'EXTREMISTE LE PEN
L'ancien premier ministre turc et leader de
l'islamiste Parti du bien-être (RP), Necmettin Erbakan, et le leader
d'extrême-droite français Jean-Marie Le Pen, se sont réunis pendant six
heures le 21 août dernier, dans la retraite balnéaire turque
d'Altinoluk, où Erbakan a l'habitude de passer ses congés.
"A eu lieu une réunion des opposés. Notre leader a
fait des recommandations à Le Pen et lui a parlé de la Turquie",
déclarait membre du parlement et du RP Mehmet Ali Sahin.
Les journaux turcs rapportaient que Le Pen se
trouvait en vacances en Turquie. Selon Sabah, Le Pen a exprimé de la
sympathie pour les islamistes turcs dans leur lutte contre la fermeture
de leur parti par la cour constitutionnelle.
Quand on lui a demandé ses réactions à propos de la
réunion Le Pen-Erbakan, l'ancien ministre de la Justice et membre du
Parti du bien-être, Sevket Kazan, confirmait que les deux doyens
politiques s'étaient rencontrés, mais n'a pas fait d'autres
commentaires et n'a révélé le continu de leurs discussions assurant
qu'il ne le connaissait pas.
"Je ne sais pas de quoi ils ont parlé… J'étais
absent pendant les discussions. Abdullah Gül (ancien ministre d'Etat)
et Hodja (Erbakan) étaient présents pendant la réunion, mais je ne
connais pas les sujets abordés", déclarait Kazan.
Le lendemain l'actuel premier ministre Mesut Yilmaz
faisait une évaluation de la réunion Le Pen-Erbakan et disait que tous
deux étaient du même genre. "Je n'en fus pas surpris. Les radicaux
rencontrent les radicaux. C'est normal. Ils conviennent l'un à
l'autre", fut son commentaire.
LES LOUPS GRIS ONT ELU UN NOUVEAU FÜHRER: DEVLET BAHCELI
Après l'échec du premier congrès post-Türkes à cause
des sanglants incidents entre différentes factions, le Parti d'action
nationaliste (MHP) a élu Devlet Bahceli comme nouveau basbug (führer)
au cours d'un congrès extraordinaire célébré le 6 juillet dernier à
Ankara. Bahceli et Tugrul Türkes, fils du défunt leader et fondateur
Alparslan Türkes, étaient les seuls participants dans la course finale.
Bahceli remporta le vote avec 697 voix alors que Türkes en recueillait
487.
A l'exception des délégués, personne ne fut admis
dans la salle de réunion. Même les membres de la presse en furent
exclus pendant un moment.
Bahceli est né en 1948 et est licencié en économie.
Il est un des membres importants du parti depuis 1987.
Il est entré en fonctions le 7 juillet. Ses
partisans l'ont acclamé et ont sacrifié quatre moutons pour lui
lorsqu'il s'est rendu au siège du parti à Ankara. On sait de lui qu'il
maintient de bonnes relations avec le leader du DYP, Tansu Ciller.
Après son élection, deux députés d'extrême-droite
sont partis du DYP et ont rejoint le MHP pour donner à ce parti
l'occasion d'élever sa voix au Parlement.
DES MANIFESTANTS ANTI-CYANURE MENENT UNE ACTION SUR LE PONT DU BOSPHORE
Le 26 août, près de 250 personnes ont participé à un
sit-in sur la voie piétonnière du pont sur le Bosphore pour attirer
l'attention sur l'utilisation de cyanure dans les mines d'or de Bergama.
Les manifestants sont arrivés vers 9 heures du matin
dans trois bus et d'autres véhicules appartenant à la municipalité de
Bergama. Ils chantaient des slogans tels que "Compagnie de cyanure,
quitte Bergama" et "Eurogold s'en ira, cette affaire finira", alors
qu'ils se dirigeaient vers le côté européen du pont. Sur une pancarte
on pouvait lire, "Nous combattrons à mort l'activité minière au
cyanure!"
Ils ont alors commencé à s'asseoir sur le trottoir,
bien que les gardiens de sécurité du pont leur demandaient de se
disperser. Après une heure et demie, ils mirent fin à leur protestation.
SALAIRE MINIMAL POUR SURVIVRE DANS LA MISERE
La commission spéciale constituée par le ministère
de l'Emploi le 29 juillet dernier, a établi le salaire mensuel net
minimal à 22.943.000 TL (134 $). Bien que le salaire brut soit fixé à
35.43.500 TL, 36% de cette somme est retenu par l'Etat comme impôt sur
les revenus.
La Confédération des syndicats de Turquie (Türk-Is)
annonçait le 24 juillet dernier que pour nourrir une famille de quatre
membres il fallait 35.500.000 TL. Le salaire minimal est donc loin de
couvrir les dépenses alimentaires d'une famille de quatre personnes.
Par ailleurs, étant donné que le taux annuel
d'inflation tourne autour de 100%, le pouvoir d'achat de quelqu'un qui
reçoit le salaire minimal diminuera de moitié au cours des 12 prochains
mois.